Chroniques de Pangréa - Bazhell Reed - E-Book

Chroniques de Pangréa E-Book

Bazhell Reed

0,0

Beschreibung

Qu'Aldrich Urion sera-t-il prêt à sacrifier ?

Sur le sol sacré d’Anthera, terre des Hommes, le célèbre érudit Aldrich Urion se retrouve face à la plus mystérieuse découverte de sa vie : une fresque obscure, sans âge, ni nom, recouverte d’écritures mystiques. Sa quête de connaissance le mènera au cœur d’une conspiration divine dépassant la conception des mortels. D’anciens mythes sont sur le point de renaître, et le monde de paix qu’il croyait établi s’apprête à basculer. Dans un univers où les dieux se servent des hommes dans leurs luttes fratricides, Aldrich ne pourra compter que sur son savoir pour faire triompher la vérité. Une question demeure cependant, que sera-t-il prêt à sacrifier pour cela ?

Plongez dans un univers fantastique où les dieux se servent des hommes dans leurs luttes fratricides, le célèbre érudit parviendra-t-il à faire triompher la vérité ?

EXTRAIT

Le visage de l’érudit se détendit, il lui répondit la voix lourde :
– Oui, le réalisme est cruellement prenant, j’ai fini par me prendre d’affection pour elle, d’une certaine manière.
Rodrick frissonna, faisant tinter les pièces de son armure.
– Moi, elle me fait froid dans le dos. Je ne cautionne pas la décision de l’Inquisition, pourtant je peux la comprendre. Es-tu bien certain que ce n’est pas un lieu de culte maléfique, ou d’incantations démoniques ? Les ressemblances sont nombreuses tu dois bien l’admettre.
– Il y a pourtant une divergence majeure. Le but principal des adeptes des forces occultes, quelle que soit la créature qu’ils vénèrent, est de faire venir leur maître dans ce plan d’existence par tous les moyens. Ils ne s’encombreraient pas d’autant de subterfuges pour masquer un rituel d’invocation ou d’adoration, au contraire ils l’exprimeraient le plus simplement possible pour faciliter l’apprentissage et la transmission de leur doctrine. Ici, tout relève du secret jusque dans les moindres détails. Je pense plutôt que cet endroit renferme une terrible vérité, si terrible qu’il fallut la tenir cachée loin de tout, d’une menace qui pèse sur nous depuis le Voile, d’horribles souffrances à venir. Ce sont peut-être des prophéties oubliées nous avertissant des catastrophes qui nous attendent.
L’érudit, une main dans le dos, prit un ton solennel, comme s’il tenait un discours devant une assemblée de ses confrères.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 109

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Bazhell Reed

Le murmure des Abysses

Chapitre 1 Le site d’excavation soixante-trois

Il est des secrets oubliés qui devraient le rester à tout jamais, Aldrich Urion, le plus grand érudit qu’ait connu le royaume d’Elysea ces derniers siècles, s’en rendrait compte bien assez tôt. Pour l’instant il vociférait, fou de rage, au fin fond des carrières poisseuses et fumantes de la Faille des Anges, sur le site d’excavation numéro soixante-trois. La nouvelle que venait de lui porter le capitaine Rodrick l’avait fait sortir de ses gonds. La bure poussiéreuse, les cheveux bruns hirsutes rejoignant une courte barbe tout aussi anarchique, ses petits yeux marron se plissaient à chaque invective.

–Alors que vont-ils faire de cet endroit ? Effondrer le tunnel et oublier ce qu’il renferme ? C’est stupide ! C’est la porte ouverte à l’ignorance je te le dis Rodrick !

Ce dernier lui faisait face, impassible, dans une superbe armure d’acier, le plastron drapé dans une épaisse étoffe marron brodée d’argent tombant jusqu’aux genouillères. Le heaume sous le bras, ses traits vigoureux et ses bouclettes blondes juraient au cœur de la grotte enténébrée. L’érudit continuait à s’agiter, éclairé par trois torches disposées en triangle. Près de lui, une simple table recouverte de nombreux volumes usés et un petit tabouret lui tenaient lieu de bureau. La lueur dansante des flammes mêlée à la colère le défigurait.

–Plus d’une année complète de travail balayée d’un revers ! Comment pourrais-je l’accepter ?

De colère, il lança l’un de ses précieux livres qui plongea dans l’obscurité, heurtant rapidement une paroi que l’on ne pouvait que supposer.

–Qu’est-ce qu’il me reproche cette fois-ci ? La nature de mes recherches n’est pas assez pieuse pour eux ? C’est encore Uther qui est derrière tout cela ? Je suis venu parce qu’Ils me l’ont demandé ! J’avais bien assez de travail aux Grandes Archives.

Calmement, Rodrick lui répondit avec une autorité naturelle malgré son jeune âge pour un capitaine.

–Oui la directive émane directement du Seigneur Inquisiteur Uther. Et non ce n’est pas après toi qu’il en a. C’est ce lieu qu’il juge dangereux et il n’est pas le seul, les Ecclésiastes tout comme les Thaumaturges sont du même avis. Le maître des Grandes Archives s’est lui aussi rangé de leur côté en lisant tes rapports.

Aldrich s’effondra sur le tabouret, stupéfait qu’un érudit, tout comme lui, pour qui la connaissance, l’Histoire et la Vérité servent d’unique motivation puisse renoncer si facilement à un endroit aussi prodigieux que celui-ci. Rodrick s’approcha et posa son lourd gantelet articulé sur l’épaule de l’homme consterné.

–Je suis désolé mon ami, j’ai fait ce que j’ai pu. L’avis des Chevaliers Archivistes n’a que peu de valeur à leurs yeux.

–Il y a tellement peu de choses qui comptent pour eux… Cette cavité, avec ce qu’elle contient est parfaitement unique, jamais par le passé je n’ai vu cela et tu peux me croire j’ai vu tout ce que l’on peut voir d’étrange, de singulier ou d’impossible en matière d’archéologie. Mais cet endroit…

Il se leva, prit une torche éteinte au sol qu’il embrasa, et se dirigea vers la paroi gauche. En quelques pas seulement il l’atteignit. La lumière des flammes avait grande peine à percer l’obscurité, d’une rare épaisseur, si bien que Rodrick dut le suivre de près pour ne pas le perdre de vue. Devant eux se tenait un pan de roche obsidienne, profondément intense, gravée de glyphes et de runes formant une écriture incompréhensible aux motifs hypnotiques. Aldrich poursuivit. La rage qui l’animait avait fait place à l’admiration.

–Regarde ce minéral. Il nous est totalement inconnu, tout comme les écritures qui le recouvrent.

Il balaya la torche devant le mur, la flamme ne s’atténua pas, mais la lueur qui en jaillit fut instantanément happée, dissipée par le mur qui ne reflétait aucun éclat.

–Voilà pourquoi il fait si sombre ici, attention ne fixe les motifs dans leur intégralité ils ont tendance à provoquer des vertiges, c’est une illusion d’optique. Incroyable n’est-ce pas ? Vois-tu ce groupement en haut à gauche ? Bien, mémorise-le. Détourne les yeux un instant et regarde à nouveau.

Le capitaine suivit les consignes. Lorsqu’il regarda le mur, au même endroit, les écritures avaient changé. Les sourcils froncés, il fit un pas en avant pour en être certain. La frustration sur le visage du jeune homme amusa Aldrich.

–Ce que tu cherches est au centre. Si tu te retournes encore une fois, les runes se déplaceront en bas à droite. J’ai identifié six motifs bien distincts qui se répètent toujours dans le même ordre. Il en va de même pour le mur à l’opposé.

Rodrick fit un dernier demi-tour pour vérifier les propos de l’érudit, il en resta stupéfait. Les motifs changeaient de place dans son dos, sans un bruit. Il observa la sombre paroi se persuadant qu’il avait mal vu, lorsque sa vision se troubla légèrement. Il perdit brièvement l’équilibre et posa un genou au sol. L’écho métallique résonna un instant dans les entrailles souterraines. Aldrich lui porta assistance en souriant.

–Je t’avais prévenu. C’est un véritable casse-tête.

Rodrick se releva, prenant soin de ne plus regarder les écritures, et demanda inquiet :

–Arcanes interdites ou sorcellerie ?

–Ni l’une ni l’autre. Aucune force surnaturelle ni aucune magie n’est à l’œuvre ici. L’inquisition s’en est assurée plus d’une fois avant de laisser quiconque s’approcher de cet endroit. C’est peut-être une propriété de la roche inconnue.

–Et comment décoder un texte mouvant qui ne se laisse pas lire ?

Aldrich rit nerveusement en frottant sa courte barbe.

–Le véritable problème c’est que personne n’est en mesure de traduire ces runes, absolument personne. C’est une écriture totalement inconnue, comme tout ce qu’il y a ici… J’ai vu passer, durant cette année, tous les plus brillants scientifiques dans tous les domaines qu’il soit possible d’imaginer, certains m’étaient d’ailleurs inconnus. J’ai vu défiler la pléthore d’arcanistes, des mages en tout genre, l’Inquisition et sa suite de larbins ecclésiastiques, la moitié des Grandes Archives est venue me prêter main-forte. Même le plus réputé des bordels d’Elysea ne voit pas passer autant de monde. Et malgré cela, aucun d’entre nous n’est en mesure de fournir ne serait-ce qu’un ersatz de réponse… Au fils des mois, ils ont tous laissé tomber petit à petit, une honte pour de soi-disant chercheurs. L’idée d’un site hérétique leur suffit comme explication. Les conditions de travails y sont dures, il y fait tout le temps sombre, l’air est lourd et pesant, la chaleur oppressante, les échos dans les tunnels inquiétants, mais rien ici n’est dangereux ou maudit ! Ce ne sont que des illusions sensorielles, rien de plus.

–Je dois t’avouer que je préfère encore affronter une horde d’abominations plutôt que de m’éterniser ici. J’ai l’horrible impression d’être épié, encerclé comme une proie, lui répondit Rodrick, la main sur la garde de son épée.

Aldrich soupira profondément, exaspéré, il s’enfonça dans les ombres vers le mur principal, en face du bureau.

–Oublie ta paranoïa brave capitaine et viens avec moi admirer la pièce centrale avant que la bêtise des Hommes ne l’enterre à tout jamais.

Après quelques pas, l’érudit alluma deux grandes torches plantées dans le sol, à cinq mètres l’une de l’autre. Les flammes crépitèrent un instant, la lumière se débattit pour s’imposer lentement et finit par révéler la sublime sculpture qui le faisait tant fantasmer. Devant eux se tenait un majestueux disque de trois mètres de diamètre fait de la mystérieuse roche, encastré dans la pierre et magnifiquement ouvragé. Le pourtour était gravé des mêmes symboles envoûtants que les parois, en plus soigné. Le centre du cercle représentait une femme à la silhouette divine attachée aux poignets par des chaînes démesurées, elle était à genoux, et tentait désespérément de tendre les bras vers le ciel. Au-dessus d’elle, hors de portée et pourtant si près, une sphère étincelante de quartz translucide semblait la narguer. Elle hurlait, la haine et l’envie étaient lisibles sur ses traits figés, ses cheveux ondulant sous une énergie mystique. En arrière-plan, deux monstrueux serpents, la gueule ouverte et les crochets déployés, veillaient sur elle comme sur le plus précieux des trésors. Les détails, la finesse et le réalisme dépassaient de loin les meilleures œuvres que l’humanité ait pu produire au travers de sa courte histoire. Les deux hommes se turent un instant devant la magnificence incontestée de la sculpture, presque vivante. Ils se sentaient si petits face à Elle. Aldrich rompit le silence, la gorge un peu serrée.

–Impressionnant n’est-il pas ? Malheureusement, encore une fois nous ne savons rien à son propos. Même dans les textes les plus anciens il n’y a aucune référence à ce lieu, sur cette sculpture, aucune corrélation avec d’autres sites… Absolument rien. C’est comme s’il sortait de la trame du Temps et de l’Histoire. Fascinant autant que frustrant.

–Saisissant, mais terrifiant à la fois.

Aldrich jeta un regard noir au capitaine qui se sentit obligé de rectifier son propos

–Son expression est terrifiante, ne trouves-tu pas qu’elle a l’air de souffrir atrocement ? À chaque fois que je la regarde, je me sens affreusement désolé pour elle.

Le visage de l’érudit se détendit, il lui répondit la voix lourde :

–Oui, le réalisme est cruellement prenant, j’ai fini par me prendre d’affection pour elle, d’une certaine manière.

Rodrick frissonna, faisant tinter les pièces de son armure.

–Moi, elle me fait froid dans le dos. Je ne cautionne pas la décision de l’Inquisition, pourtant je peux la comprendre. Es-tu bien certain que ce n’est pas un lieu de culte maléfique, ou d’incantations démoniques ? Les ressemblances sont nombreuses tu dois bien l’admettre.

–Il y a pourtant une divergence majeure. Le but principal des adeptes des forces occultes, quelle que soit la créature qu’ils vénèrent, est de faire venir leur maître dans ce plan d’existence par tous les moyens. Ils ne s’encombreraient pas d’autant de subterfuges pour masquer un rituel d’invocation ou d’adoration, au contraire ils l’exprimeraient le plus simplement possible pour faciliter l’apprentissage et la transmission de leur doctrine. Ici, tout relève du secret jusque dans les moindres détails. Je pense plutôt que cet endroit renferme une terrible vérité, si terrible qu’il fallut la tenir cachée loin de tout, d’une menace qui pèse sur nous depuis le Voile, d’horribles souffrances à venir. Ce sont peut-être des prophéties oubliées nous avertissant des catastrophes qui nous attendent.

L’érudit, une main dans le dos, prit un ton solennel, comme s’il tenait un discours devant une assemblée de ses confrères.

–L’Humanité est jeune Rodrick, tout comme toi elle est emplie de vigueur, d’honneur et de bonne volonté, mais tellement jeune. Nous ignorons tout de notre monde et de ce qu’il était avant l’avènement de la Lumière et du Monarque, l’unification d’Anthera lui a pris des siècles, notre paix est aussi fragile qu’un nouveau-né et les ennemis de l’Homme sont nombreux, ici comme au-delà du Voile. Cet endroit est peut-être le seul témoin passé que l’on croyait perdu pour toujours, imagine qu’il renferme le secret pour se protéger d’un mal à venir, d’un danger qui menacerait cet équilibre si précaire. 

–Et si c’est la catastrophe elle-même qui était prisonnière de ce lieu ?

Aldrich lâcha un râle grossier en guise de mécontentement

–Je croirais entendre Uther ! Mais c’est vrai, il faudrait d’abord le déterminer avant de détruire ce site, si c’est le cas et qu’il contient le mal absolu, alors je serais le premier à souhaiter sa destruction. Pour l’instant, nul n’est en mesure de le dire, c’est pourquoi je me tus à la tache depuis plus d’un an pour essayer de le découvrir. Tout cela n’aura bientôt plus d’importance de toute façon, si l’Inquisition a pris sa décision rien ne les fera changer d’avis.

Il regarda le capitaine droit dans les yeux, le cœur serré à l’idée de ne plus travailler ici, il lui demanda fébrilement.

–Sais-tu quand ils viendront l’ensevelir ?

–Je n’en sais rien. J’ai simplement reçu l’ordre d’évacuer le personnel des Grandes Archives, de fermer le site et de m’assurer de notre retour jusqu’à Elysea. Mes hommes sont prêts, les chevaux attelés, nous n’attendons plus que toi, j’ai préféré te laisser jusqu’au dernier moment pour étudier, mais il nous faut partir aujourd’hui.

–Soit, je vais regrouper mes notes, je vous rejoins sous peu.

Le capitaine hocha la tête, et fit demi-tour lorsque Aldrich ajouta :

–Encore une chose Rodrick. Merci d’avoir plaidé en ma faveur jusqu’au bout, je sais que ta position est délicate en tant que capitaine.

Ce dernier lui répondit par-dessus l’épaule :

–Inutile de me remercier, les Chevaliers Archivistes sont liés par serment aux Grandes Archives, que je sois capitaine ou simple gardien.

Il s’enfonça dans l’obscurité et dit en riant :

–C’est moi qui te remercie ! Sans toi, je n’aurais jamais été capitaine si jeune !

Les bruits lourds de ses solerets d’acier martelant la roche s’éloignèrent avec lui. Aldrich continuait à sourire, les deux hommes ne s’étaient plus séparés depuis plus de dix ans, il l’avait connu simple recrue, jeune adulte sans la moindre expérience. Il avait appris bien plus en suivant l’érudit par tout le continent que dans n’importe quelle grande école ou académie. Il s’amusait à l’appeler son disciple.