Contes de ma mère l'Oye - Charles Perrault - E-Book

Contes de ma mère l'Oye E-Book

Charles Perrault

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Beschreibung

Une édition de référence des Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault, spécialement conçue pour la lecture sur les supports numériques.

« Cependant les fées commencèrent à faire leurs dons à la princesse. La plus jeune lui donna pour don qu’elle serait la plus belle personne du monde ; celle d’après, qu’elle aurait de l’esprit comme un ange ; la troisième, qu’elle aurait une grâce admirable à tout ce qu’elle ferait ; la quatrième, qu’elle danserait parfaitement bien ; la cinquième, qu’elle chanterait comme un rossignol ; la sixième, qu’elle jouerait de toutes sortes d’instruments dans la dernière perfection. Le rang de la vieille fée étant venu, elle dit, en branlant la tête encore plus de dépit que de vieillesse, que la princesse se percerait la main d’un fuseau, et qu’elle en mourrait. » (Extrait de La Belle au Bois dormant.)

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Seitenzahl: 113

Veröffentlichungsjahr: 2012

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Le plus grand soin a été apporté à la mise au point de ce livre numérique de la collection Candide & Cyrano, afin d’assurer une qualité éditoriale et un confort de lecture optimaux.

Malgré ce souci constant, il se peut que subsistent d’éventuelles coquilles ou erreurs. Les éditeurs seraient infiniment reconnaissants envers leurs lectrices et lecteurs attentifs s’ils avaient l’amabilité de signaler ces imperfections à l’adresse [email protected].

Contes de ma mère l'Oye

Charles Perrault

Peau d’âne

Il était une fois un roi si grand, si aimé de ses peuples, si respecté de tous ses voisins et de ses alliés, qu’on pouvait dire qu’il était le plus heureux de tous les monarques. Son bonheur était encore confirmé par le choix qu’il avait fait d’une princesse aussi belle que vertueuse ; et les heureux époux vivaient dans une union parfaite. De leur mariage était née une fille, douée de tant de grâce et de charmes, qu’ils ne regrettaient pas de n’avoir pas une plus grande lignée.

La magnificence, le goût et l’abondance régnaient dans son palais ; les ministres étaient sages et habiles ; les courtisans, vertueux et attachés ; les domestiques, fidèles et laborieux ; les écuries, vastes et remplies des plus beaux chevaux du monde, couverts de riches caparaçons : mais ce qui étonnait les étrangers qui venaient admirer ces belles écuries, c’est qu’au lieu le plus apparent un maître âne étalait de longues et grandes oreilles. Ce n’était pas par fantaisie, mais avec raison, que le roi lui avait donné une place particulière et distinguée. Les vertus de ce rare animal méritaient cette distinction, puisque la nature l’avait formé si extraordinaire que sa litière, au lieu d’être malpropre, était couverte, tous les matins, avec profusion, de beaux écus au soleil et de louis d’or de toute espèce, qu’on allait recueillir à son réveil.

Or, comme les vicissitudes de la vie s’étendent aussi bien sur les rois que sur les sujets, et que toujours les biens sont mêlés de quelques maux, le Ciel permit que la reine fût tout à coup attaquée d’une âpre maladie, pour laquelle, malgré la science et l’habileté des médecins, on ne put trouver aucun secours. La désolation fut générale. Le roi, sensible et amoureux, malgré le proverbe fameux qui dit que l’hymen est le tombeau de l’amour, s’affligeait sans modération, faisait des vœux ardents à tous les temples de son royaume, offrait sa vie pour celle d’une épouse si chère ; mais les dieux et les fées étaient invoqués en vain. La reine, sentant sa dernière heure approcher, dit à son époux qui fondait en larmes :

– Trouvez bon, avant que je meure, que j’exige une chose de vous : c’est que s’il vous prenait envie de vous remarier...

À ces mots, le roi fit des cris pitoyables, prit les mains de sa femme, les baigna de pleurs, et, l’assurant qu’il était superflu de lui parler d’un second mariage :

– Non, non, dit-il enfin, ma chère reine, parlez-moi plutôt de vous suivre.

– L’État, reprit la reine avec une fermeté qui augmentait les regrets de ce prince, l’État doit exiger des successeurs et, comme je ne vous ai donné qu’une fille, vous presser d’avoir des fils qui vous ressemblent ; mais je vous demande instamment, par tout l’amour que vous avez eu pour moi, de ne céder à l’empressement de vos peuples que lorsque vous aurez trouvé une princesse plus belle et mieux faite que moi ; j’en veux votre serment et alors je mourrai contente.

On présume que la reine, qui ne manquait pas d’amour-propre, avait exigé ce serment, ne croyant pas qu’il fût au monde personne qui pût l’égaler, pensant bien que c’était s’assurer que le roi ne se remarierait jamais. Enfin elle mourut. Jamais mari ne fit tant de vacarme : pleurer, sangloter jour et nuit, menus droits du veuvage, furent son unique occupation.

Les grandes douleurs ne durent pas. D’ailleurs, les grands de l’État s’assemblèrent, et vinrent en corps prier le roi de se remarier. Cette première proposition lui parut dure et lui fit répandre de nouvelles larmes. Il allégua le serment qu’il avait fait à la reine, défiant tous ses conseillers de pouvoir trouver une princesse plus belle et mieux faite que feu sa femme, pensant que cela était impossible. Mais le conseil traita de babiole une telle promesse et dit qu’il importait peu de la beauté, pourvu qu’une reine fût vertueuse et point stérile ; que l’État demandait des princes pour son repos et sa tranquillité ; qu’à la vérité, l’infante avait toutes les qualités requises pour faire une grande reine, mais qu’il fallait lui choisir un époux ; et qu’alors ou cet étranger l’emmènerait chez lui, ou que, s’il régnait avec elle, ses enfants ne seraient plus réputés du même sang ; et que, n’y ayant point de prince de son nom, les peuples voisins pourraient lui susciter des guerres qui entraîneraient la ruine du royaume. Le roi, frappé de ces considérations, promit qu’il songerait à les contenter.

Effectivement, il chercha, parmi les princesses à marier, qui serait celle qui pourrait lui convenir. Chaque jour on lui apportait des portraits charmants, mais aucun n’avait les grâces de la feue reine ; ainsi il ne se déterminait point. Malheureusement il s’avisa de trouver que l’infante, sa fille, était non seulement belle et bien faite à ravir, mais qu’elle surpassait encore de beaucoup la reine sa mère en esprit et en agréments. Sa jeunesse, l’agréable fraîcheur de ce beau teint enflammèrent le roi d’un feu si violent qu’il ne put le cacher à l’infante, et il lui dit qu’il avait résolu de l’épouser, puisqu’elle seule pouvait le dégager de son serment.

La jeune princesse, remplie de vertu et de pudeur, pensa s’évanouir à cette horrible proposition. Elle se jeta aux pieds du roi son père et le conjura, avec toute la force qu’elle put trouver dans son esprit, de ne la pas contraindre à commettre un tel crime.

Le roi, qui s’était mis en tête ce bizarre projet, avait consulté un vieux druide pour mettre la conscience de la princesse en repos. Ce druide, moins religieux qu’ambitieux, sacrifia, à l’honneur d’être confident d’un grand roi, l’intérêt de l’innocence et de la vertu, et s’insinua avec tant d’astuce dans l’esprit du roi, lui adoucit tellement le crime qu’il allait commettre qu’il lui persuada même que c’était une œuvre pie que d’épouser sa fille. Ce prince, flatté par les discours de ce scélérat, l’embrassa et revint d’avec lui plus entêté que jamais dans son projet : il fit donc ordonner à l’infante de se préparer à lui obéir.

La jeune princesse, outrée d’une vive douleur, n’imagina rien autre chose que d’aller trouver la fée des lilas, sa marraine. Pour cet effet, elle partit la même nuit dans un joli cabriolet attelé d’un gros mouton qui savait tous les chemins. Elle y arriva heureusement. La fée, qui aimait l’infante, lui dit qu’elle savait tout ce qu’elle venait lui dire, mais qu’elle n’eût aucun souci, rien ne pouvant lui nuire si elle exécutait fidèlement ce qu’elle allait lui prescrire.

– Car, ma chère enfant, lui dit-elle, ce serait une grande faute que d’épouser votre père ; mais, sans le contredire, vous pouvez l’éviter ; dites-lui que, pour remplir une fantaisie que vous avez, il faut qu’il vous donne une robe de la couleur du temps ; jamais, avec tout son amour et son pouvoir, il ne pourra y parvenir.

La princesse remercia bien sa marraine ; et dès le lendemain matin, elle dit au roi ce que la fée lui avait conseillé et protesta qu’on ne tirerait d’elle aucun aveu qu’elle n’eût une robe couleur du temps. Le roi, ravi de l’espérance qu’elle lui donnait, assembla les plus fameux ouvriers et leur commanda cette robe, sous la condition que, s’ils ne pouvaient réussir, il les ferait tous pendre. L’Empyrée n’est pas d’un plus beau bleu lorsqu’il est ceint de nuages d’or, que cette belle robe lorsqu’elle fut étalée. L’infante en fut toute contrastée et ne savait comment se tirer d’embarras. Le roi pressait la conclusion. Il fallut recourir encore à la marraine, qui, étonnée de ce que son secret n’avait pas réussi, lui dit d’essayer d’en demander une de la couleur de la lune. Le roi, qui ne pouvait lui rien refuser, envoya chercher les plus habiles ouvriers, et leur commanda si expressément une robe couleur de la lune qu’entre ordonner et apporter il n’y eut pas vingt-quatre heures...

L’Infante, plus charmée de cette superbe robe que des soins du roi son père, s’affligea immodérément lorsqu’elle fut avec ses femmes et sa nourrice. La fée des lilas, qui savait tout, vint au secours de l’affligée princesse, et lui dit :

– Ou je me trompe fort, ou je crois que si vous demandez une robe couleur du soleil, ou nous viendrons à bout de dégoûter le roi votre père, car jamais on ne pourra parvenir à faire une pareille robe, ou nous gagnerons au moins du temps.

L’infante en convint, demanda la robe, et l’amoureux roi donna, sans regret, tous les diamants et les rubis de sa couronne pour aider à ce superbe ouvrage, avec l’ordre de ne rien épargner pour rendre cette robe égale au soleil. Aussi, dès qu’elle parut, tous ceux qui la virent furent obligés de fermer les yeux, tant ils furent éblouis. C’est de ce temps que datent les lunettes vertes et les verres noirs. Que devint l’infante à cette vue ? Jamais on n’avait rien vu de si beau et de si artistement ouvré. Elle était confondue ; et sous prétexte d’avoir mal aux yeux, elle se retira dans sa chambre où la fée l’attendait, plus honteuse qu’on ne peut dire. Ce fut bien pis : car, en voyant la robe du soleil, elle devint rouge de colère.

– Oh ! pour le coup, ma fille, dit-elle à l’infante, nous allons mettre l’indigne amour de votre père à une terrible épreuve. Je le crois bien entêté de ce mariage qu’il croit si prochain, mais je pense qu’il sera un peu étourdi de la demande que je vous conseille de lui faire : c’est la peau de cet âne qu’il aime si passionnément et qui fournit à toutes ses dépenses avec tant de profusion ; allez, et ne manquez pas de lui dire que vous désirez cette peau.

L’infante, ravie de trouver encore un moyen d’éluder un mariage qu’elle détestait, et qui pensait en même temps que son père ne pourrait jamais se résoudre à sacrifier son âne, vint le trouver et lui exposa son désir pour la peau de ce bel animal. Quoique le roi fût étonné de cette fantaisie, il ne balança pas à la satisfaire. Le pauvre âne fut sacrifié et la peau galamment apportée à l’infante, qui, ne voyant plus aucun moyen d’éluder son malheur, s’allait désespérer lorsque sa marraine accourut.

– Que faites-vous, ma fille ? dit-elle, voyant la princesse déchirant ses cheveux et meurtrissant ses belles joues ; voici le moment le plus heureux de votre vie. Enveloppez-vous de cette peau, sortez de ce palais, et allez tant que la terre pourra vous porter. Lorsqu’on sacrifie tout à la vertu, les dieux savent en récompenser. Allez, j’aurai soin que votre toilette vous suive partout ; en quelque lieu que vous vous arrêtiez, votre cassette, où seront vos habits et vos bijoux, suivra vos pas sous terre ; et voici ma baguette que je vous donne : en frappant la terre, quand vous aurez besoin de cette cassette, elle paraîtra à vos yeux ; mais hâtez-vous de partir, et ne tardez pas.

L’infante embrassa mille fois sa marraine, la pria de ne pas l’abandonner, s’affubla de cette vilaine peau, après s’être barbouillée de suie de cheminée, et sortit de ce riche palais sans être reconnue de personne.

L’absence de l’infante causa une grande rumeur. Le roi, au désespoir, qui avait fait préparer une fête magnifique, était inconsolable. Il fit partir plus de cent gendarmes et plus de mille mousquetaires pour aller à la quête de sa fille ; mais la fée, qui la protégeait, la rendait invisible aux plus habiles recherches : ainsi il fallut s’en consoler.

Pendant ce temps, l’infante cheminait. Elle alla bien loin, bien loin, encore plus loin, et cherchait partout une place ; mais quoique par charité on lui donnât à manger, on la trouvait si crasseuse que personne n’en voulait. Cependant, elle entra dans une belle ville, à la porte de laquelle était une métairie, dont la fermière avait besoin d’un souillon pour laver les torchons, nettoyer les dindons et l’auge des cochons. Cette femme, voyant cette voyageuse si malpropre, lui proposa d’entrer chez elle ; ce que l’infante accepta de grand cœur, tant elle était lasse d’avoir tant marché. On la mit dans un coin reculé de la cuisine, où elle fut, les premiers jours, en butte aux plaisanteries grossières de la valetaille, tant sa peau d’âne la rendait sale et dégoûtante. Enfin, on s’y accoutuma ; d’ailleurs elle était si soigneuse de remplir ses devoirs que la fermière la prit sous sa protection. Elle conduisait les moutons, les faisait parquer au temps où il le fallait ; elle menait les dindons paître avec une telle intelligence qu’il semblait qu’elle n’eût jamais fait autre chose : aussi tout fructifiait sous ses belles mains.