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Après qu’Aydenn Élie soit devenu paraplégique suite à un accident, sa famille décide de tout recommencer en s’installant en Bretagne pour guérir de leurs blessures du passé. Cependant, des événements inexplicables et violents frappent la région, affectant également les Élie. Ils se retrouvent alors plongés dans le doute, les conflits, les trahisons et la peur. Pour couronner le tout, une tempête d’une rare intensité piège les enfants chez eux, face à la mort imminente. Survivront-ils à toutes ces épreuves ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Johann DiceRoll nourrit sa passion pour l’écriture en s’inspirant de jeux de rôles ainsi que des maîtres du thriller et du fantastique. Ses romans offrent un mélange subtil d’investigation, de suspense et d’humour, garantissant une expérience littéraire palpitante et pleine de frissons.
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Johann DiceRoll
Contretemps
Roman
© Lys Bleu Éditions – Johann DiceRoll
ISBN : 979-10-422-3026-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mes parents, Maurille et Marie-José.
Je ne me suis jamais senti délaissé,
toujours soutenu, et je vous en remercie.
Vendredi 12 novembre 2021
L’inconnu
Ce jour, à dix-sept heures environ…
La pluie battante m’empêchait de bien voir la voiture que je filai. Elle tapait le pare-brise avec férocité. À tel point que les essuie-glaces ne pouvaient suivre la cadence. J’allumai le chauffage pour éviter la buée qui commençait à se former sur chaque vitre. Je tentai même une petite ouverture de la fenêtre côté conducteur, mais je fus très vite refroidi par les grosses gouttes qui s’explosèrent sur mon avant-bras gauche. Je la refermai. Le peu de temps avait suffi pour inonder l’intérieur de ma portière. Sans quitter des yeux les feux reluisant de la Citroën C4 Picasso devant moi, j’ouvrai la boîte à gants pour y prendre un chiffon. Je fus surpris d’y voir un énorme couteau de cuisine. Était-ce moi qui l’avais mis là ? Je ne m’en souvins plus.
Absorbé par la lame, je faillis manquer le virage que prit le véhicule.
— T’es con, putain ! m’énervai-je en claquant la boîte à gants.
Depuis le départ de l’école, cinq minutes environ, je me sentais dans le besoin de les suivre, mais sans avoir de raison bien précise. Il le fallait, c’est tout ! Le véhicule se stoppa quelques mètres plus loin. Pour ne pas attirer l’attention de la famille qui en sortit, je fis demi-tour au carrefour suivant tout en essuyant la portière. J’avais repéré leur adresse.
Il y avait une mère et ses deux enfants. Le premier devait avoir la quinzaine et le second, pas plus de dix ans. C’est celui-ci qui m’intéressait. Pourquoi avais-je dit cela ? Je me le demandai et pourtant, c’était la vérité. Ce sentiment me déstabilisa.
Seize heures quarante-sept étaient indiquées sur le tableau de bord. Je me garai sur le trottoir en face de leur maison et coupai le moteur. À vrai dire, cela était inutile, les trombes d’eau m’empêchaient de les espionner. La radio annonça qu’une tempête allait nous tomber dessus. Je ne fus pas étonné.
Je savais ce que j’avais à faire, mais ne le voulais pas comme si mon corps exécutait des mouvements que mon esprit voulait retenir. Étais-je fou ? Un malade mental. Je ne sus pas répondre à cette question sur le moment alors je me laissai guider.
J’ouvrai à nouveau la boîte à gants et pris le couteau. J’enfilai mon imperméable jaune qui était déposé sur la banquette arrière avant de descendre de la voiture. Pendant une trentaine de secondes, je restai figé là, le regard en direction de la silhouette de leur habitation. La capuche rabattue sur mon visage, je sentis l’eau s’écraser et glisser sur mon manteau sans jamais pouvoir me toucher la peau. Malgré cela, une sueur froide me parcourut le corps. Une ligne de transpiration ruissela dans mon dos, le long de ma colonne vertébrale pour aller se nicher dans la raie de mon cul. Tu dois y aller, avais-je pensé.
— Je sais ce que j’ai à faire, m’agaçai-je en ayant l’impression d’être la victime de mon esprit.
« Alors, fais-le ! » me répondit-il avec insolence. Pour ne plus l’entendre, je pris les choses en main et traversai la route. Un énorme klaxon retentit et me stoppa dans mon élan. Une voiture déboula juste devant moi. Un pas de plus et je finissais mort sur le sol. Peut-être aurait-ce été la bonne solution !
— Attention, connard ! m’insulta le conducteur en repartant.
Il avait fait l’erreur de baisser sa vitre. Je ne lui fis don d’aucune attention. Je me souvins soudain que j’avais gardé le chiffon pour essuyer ma portière. Je le glissai dans ma poche et repris mon chemin.
Je passai par l’allée de garage. Aucune barrière, aucun portail ne m’empêchait de progresser. Puis je me rendis à la porte d’entrée en suivant un chemin en béton. D’un tour de poignée, la porte s’ouvrit. « Que les gens peuvent se sentir en sécurité », avais-je songé en enlevant mes chaussures sur le tapis prévu à cette fonction ! Quatre portes et un escalier s’offraient à moi. J’entendis la télévision qui diffusait ce dessin animé que les gosses aimaient tant. Celui où la hyène voulait manger la sirène et la garder que pour lui tandis que le requin la sauvait toujours.
— Maman, cria le garçon d’une quinzaine d’années reconnaissable par sa voix plus mûre. Où sont les cookies ? Je ne les trouve pas.
La voix vint d’une autre pièce. S’ensuivit le bruit d’une chasse d’eau de l’une des autres portes. Ce qui signifiait que j’allais tomber nez à nez avec quelqu’un. Je pris la décision de visiter l’étage.
— Je peux pisser tranquillement Noah, répondit sa mère en ouvrant la porte des toilettes. Ils sont à leur place. Je te les amène.
Quand la femme sortit, j’observai déjà mon environnement sur le palier du premier étage. J’avais bien fait d’enlever mes chaussures, car mes chaussettes étouffaient le bruit de mes pas comme un silencieux vissé sur le canon d’un flingue.
— Malo, cria-t-elle, je t’ai dit d’enlever tes chaussures avant de monter. Tu as foutu de l’eau partout dans l’entrée. On peut te suivre à la trace.
Aucune réaction à mon étage.
Cette fois-ci, trois portes me tendaient les bras. L’une d’elles était ouverte et je vis un lavabo. Je conclus que c’était une salle de bain. J’avançai avec prudence vers la deuxième porte quand je le vis. Par l’entrouverture de la troisième porte, le petit garçon était là, allongé sur le ventre, sur son lit, casque audio sur les oreilles et en train de jouer à un jeu vidéo. Fortnite, il me semble.
Je me glissai entre la porte et son encadrement puis me rapprochai du petit. Dans son dos, à moins d’un mètre, il semblait si innocent. Je voulus abattre la lame entre ses omoplates et ouvrir l’arrière de ce petit corps jusqu’à en extraire sa moelle épinière. Ce fut si facile de l’imaginer, mais si dur de passer à l’acte. Je serrai le manche avec fermeté. Ma main était moite et je transpirai à grosses gouttes. Je luttai entre deux forces qui se battaient en moi en permanence. La grande gagnante déciderait du sort de Malo.
Il fallut faire vite, car il se retourna.
Mai 2018
Alana et Aydenn Élie
Aydenn sortit de l’école en courant. Il savait qu’aujourd’hui était le jour du parc. Le vendredi, en sortant de l’école, sa maman, Alana, l’y emmenait avant le repas. Pendant trois quarts d’heure, le garçon de cinq ans jouait avec d’autres enfants de son âge à glisser sur le toboggan, à sauter dans les cailloux disposés autour des jeux, à courir et à grimper sur les toits que sa mère lui interdisait.
Il lui sauta dans les bras comme si elle avait été absente depuis longtemps.
— M’man, m’man, on va au parc ? s’enthousiasma-t-il de sa voix criarde et enjouée.
— Oui, oui, rit-elle en réceptionnant le colis. Calme-toi ! Tu as été sage ?
— Oui. Je suis en vert, lui répondit-il avec fierté.
Vert, bleu, orange et rouge étaient les couleurs qui représentaient d’une forme globale l’attitude et le travail des élèves de grande section de maternelle jusqu’en CM2. Moins les enfants suivaient les consignes, plus ils se dirigeaient vers le rouge. Une dernière couleur annonçait l’excellence, le Graal.Le violet signifiait que tout avait été bien fait dans les règles de l’art.
— Alors dans ce cas, lui répondit-elle d’une voix cajoleuse, oui, nous allons au parc.
Heureux, Aydenn Élie sautilla tout en tenant la main de sa mère. Tous les deux se dirigèrent à pied vers le terrain de jeux qui se trouvait à moins de cinq minutes de son école. Le temps était excellent pour marcher.
Les rayons du soleil se reflétaient sur la peau blanche d’Alana Élie et faisaient ressortir sa chevelure rousse. Les rues étaient bondées d’écoliers et de voitures de parents qui venaient chercher leurs enfants. La Gacilly sentait la vie à l’heure des sorties de classes.
Comme souvent, le parc accueillait plusieurs parents et enfants en cette période où le beau temps montrait le bout de son nez. Aydenn lâcha la main de sa mère et courut jusqu’aux balançoires.
— Tu restes poli et tu fais attention, tenta Alana.
Elle trouva une place sur un banc aux côtés d’autres parents. Un banc avec assez de visibilité sur toute la plateforme de jeu. Puis elle sortit un livre de son sac à main. Elle garda le bouquin en main quelques minutes tout en observant le comportement de son fils. Quand elle fut rassurée, elle se mit à lire.
Aydenn, quant à lui, ne se préoccupa pas un instant de sa mère. Il était déjà perdu loin dans son imagination. Il jouait aux pirates avec ses connaissances du jour. Oui, du jour, parce qu’il ne connaissait aucun autre enfant sur place. Les gosses ont cette capacité à lier des liens sans cette prudence que nous avons, nous, les adultes.
— À l’abordage ! hurla-t-il tout en grimpant sur le jeu qui représentait un navire.
— Attrapez ce maudit pirate, cria un autre garçon du même âge en lui courant après.
Le navire en bois était une bonne réplique d’un navire de l’époque. Les enfants pouvaient atteindre le pont supérieur ainsi que la cale, sortir par les sabords où des canons étaient positionnés, monter quelques marches pour se retrouver devant la barre. L’encre elle-même avait été reproduite et enfoncée dans le sol.
Entre deux paragraphes, Alana levait les yeux pour surveiller son fils. Parfois, elle le voyait, parfois non, mais elle ne s’inquiétait pas, il se trouvait dans la structure. Jusqu’au moment où des cris retentirent comme si un attentat avait eu lieu. Une foule de parents se mut en un seul et même point.
La mère d’Aydenn se leva et elle suivit le mouvement en cherchant son enfant. Elle ne savait pas ce qu’il se passait, mais l’on pouvait lire sur les traits de son visage que l’inquiétude et la peur s’emparèrent d’elle.
— Aydenn ? Mon chéri ? s’écria-t-elle en accélérant le pas.
Alana traversa la foule. Elle bouscula du monde et se fit bousculer. Elle écarta les dernières personnes de ses bras frêles et eut la vision la plus horrifique qu’une mère puisse avoir. Son enfant était en train de mourir.
Le corps d’Aydenn était dans une position particulière. Ses jambes étaient presque repliées dans leur totalité dans son dos. Il convulsait. Ses yeux étaient révulsés et de la bave coulait le long de sa joue.
— Il est tombé de là-haut, dit une femme bouleversée en déposant sa main sur sa bouche.
Les larmes d’Alana coulèrent dans l’instant où elle aperçut le drame. Elle courut en hurlant. Tout le monde la fixa. Certains sortirent leur téléphone pour appeler les urgences et les autres observaient.
— Mon bébé, c’est mon bébé, hurla-t-elle. Aydenn, mon amour. Aidez-moi s’il vous plaît, aidez-moi.
Elle supplia, mais personne ne réagissait.
Personne ne pouvait rien faire.
Personne.
Vendredi 12 novembre 2021
La famille Élie
Six heures trente. Aylan éteignit le réveil de la chambre parentale dans les cinq premières secondes où il retentit et se leva aussitôt. Il déposa sa main sur la fesse d’Alana et la remua quelques instants. Quand elle fit un gémissement, il l’assomma avec un « c’est l’heure ».
Aylan était un homme brun, grand, musclé et athlétique. Ses fesses rebondies formaient une courbe parfaite dans l’unique vêtement qu’il portait quand il se dirigea vers la salle de bain privée, un short boxer noir. Il ferma la porte, l’eau se mit à couler et Alana se leva ensuite.
Elle portait une chemise de nuit violine, transparente qui laissait entrevoir ses formes maigres et plus encore. Ses cheveux roux étaient ébouriffés et elle avait la tête dans le cul. Elle n’était pas du matin.
Elle tituba jusqu’aux portes-fenêtres coulissantes, ouvrit le rideau électrique et jeta un œil à la chambre d’Anna, sa fille, qu’elle pouvait apercevoir, malgré la pluie qui tapait les vitres avec puissance, depuis l’endroit où elle se trouvait. Le balcon réunissait les trois chambres du premier étage. Les volets d’Anna étaient encore fermés.
Alana, un peu plus réveillée, alla jusqu’au porte-manteau près de la porte d’entrée de sa chambre et enfila sa robe de nuit en soie qui brouillait l’image coquine du dessous. Elle emprunta la troisième porte et traversa la salle de bain d’Aydenn qui permettait de rejoindre la partie droite de la maison.
La chambre d’Aydenn se trouvait tout de suite sur la droite derrière l’escalier qui conduisait au rez-de-chaussée. Elle ouvrit la porte et entra dans l’antre obscur de son enfant de huit ans. La traversée jusqu’au lit ne fut pas sans encombre. Alana dut enjamber certains jouets, d’autres s’enfoncèrent sous ses pieds.
— Aydenn, le secoua-t-elle avec tendresse, Aydenn, c’est l’heure.
— C’est obligé, répondit-il d’une voix plaintive et fatiguée.
— Oui mon chéri. C’est obligé, surenchérit Alana en ouvrant le rideau électrique. L’école n’est pas une option.
— Je pourrais rester avec toi comme avant. Juste toi et moi.
— Non, Aydenn. Nous avons parlé, tu t’en souviens. Tu dois être plus autonome pour que maman puisse faire autre chose.
— Juste cette fois, maman, geignit-il pour tenter de la convaincre.
— Ce n’est pas la peine. Ce petit jeu ne fonctionne plus. Je t’aide à te lever et je vais réveiller ta sœur.
— Je vois que ça ne fonctionne plus, murmura-t-il, grincheux.
Alana s’exécuta. Elle pivota Aydenn, les jambes hors du lit, le maintint par-dessous les bras et l’assit dans son fauteuil roulant en dernier effort. L’accident de mai 2018 ne l’avait pas épargné. Il était devenu paraplégique.
— Allez, c’est à toi de jouer. Tes vêtements sont sur la commode et direction la salle de bain.
— Tu veux bien me les donner, maman, s’il te plaît.
— Non. Tu te débrouilles, loulou. Tu es grand maintenant, finit-elle en sortant de la chambre par le balcon sans lui laisser le temps de répondre.
Elle ne comprit son erreur qu’une fois bien en dehors. La pluie lui refroidissait chaque partie de son corps. Foutue pour foutue, elle courut vers la porte d’Anna et se mit à la tambouriner.
— Anna, dépêche-toi, c’est l’heure.
— Je suis déjà réveillée, maman, cria-t-elle à travers la cloison. Je vais prendre ma douche.
Alana fit demi-tour et s’engouffra à nouveau dans la chambre d’Aydenn. Celui-ci en sortit avec ses fringues sur les genoux. Un sourire se forma sur le visage de sa mère.
Aydenn se déplaçait de façon assez brutale. Il donnait de grands coups de roue, frottait les murs. Il était a priori bel et bien fâché. Sa mère n’avait pas cédé. Il entra tant bien que mal dans la salle de bain. Elle avait été aménagée en fonction de son handicap comme toute la maison d’ailleurs.
— Maman, tu m’aides à me laver ? tenta-t-il quand Alana traversa la pièce pour se rendre dans sa chambre.
La réponse négative qui suivit le rendu plus furieux qu’il l’était déjà.
Aylan sortit de sa salle de bain en dispersant une vague de fraîcheur. Son parfum fruité embauma le corridor. Il portait à présent son uniforme de pilote de ligne. Il ferma la porte derrière lui, et descendit par l’escalier de l’aile gauche.
En entrant dans la cuisine ouverte sur le séjour, il alluma la télévision sur les informations, fit couler le café et rassembla ses affaires, ses clefs de voiture, sa sacoche d’ordinateur et sa valise comme à l’accoutumée.
— Dans trois jours, la tempête Corentin touchera le sol breton en premier. Ce lundi 15 novembre 2021, elle sera à sa puissance maximale et devrait avoisiner les deux cents kilomètres par heure, annonça la journaliste. La vigilance est particulière dans le Morbihan et le Finistère. La pluie, les vents et la baisse de la température devraient commencer à se ressentir à partir d’aujourd’hui, en ce vendredi 12…
Plus un bruit de fond qu’un vrai besoin, Aylan n’écoutait pas le bulletin météo. Il se servit une grande tasse de café.
— Bonjour chéri, dit sa femme en pénétrant dans la pièce. Je peux aussi en avoir une.
— Bonjour, répondit-il d’un ton froid comme s’ils s’étaient disputés la veille.
L’échange faisait penser à une femme qui voulait se faire pardonner et un mari pas encore prêt à céder. Il la servit tout de même, mais ne prit pas soin de lui donner le mug chaud en main propre. Elle vint donc le prendre d’elle-même sur l’îlot central et rajouta une bise sur la joue d’Aylan au passage. Elle le gratifia d’un « merci » sans réponse en retour.
Alana n’était plus la même qu’au lever. Elle prenait soin d’elle. Un maquillage léger, coiffée d’une queue de cheval, les cheveux tirés et plaqués en arrière, le tout sublimé par une tenue moderne, jean slim cuir noir, haut noir, talons clairs et blazer rose pâle pour sublimer le tout.
— Salut, m’man ! Salut, Pa ! lâcha Anna d’une voix enjouée en entrant à son tour dans la cuisine.
« Salut », répondirent-ils en chœur sans la moindre once d’agacement dans la voix. Ce jeu d’acteur prouvait que quelque chose ne tournait pas rond. Ils respectaient le fait que les enfants ne devaient pas s’immiscer dans les conversations des grandes personnes.
— Ton frère, Anna, il est prêt ? l’interrogea Alana.
— Oui, il ne va pas tarder. Je l’ai aidé à bien se placer sur la plateforme, répondit-elle en se préparant son petit déjeuner. N’oublie pas pour ce soir, je finis à seize heures trente comme Aydenn.
La plateforme était un élévateur. Aydenn devait se placer dessus et appuyer sur un bouton pour que celui-ci monte ou descende. Des barres s’assuraient de sa protection. L’escalier de l’aile gauche ne possédait pas ce genre d’équipement.
— Anna, chuchota sa mère, tu dois le laisser faire seul. Il doit apprendre à être autonome.
— S’il avait ses jambes, il le serait, balança Aylan avec sévérité.
Un froid s’installa dans la pièce. Anna plongea ses yeux dans son bol de céréales tandis qu’Alana le regarda, choquée et blessée.
— J’ai… j’ai oublié… mes… mes… lunettes, balbutia-t-elle en fuyant la cuisine.
— Je vole trois fois aujourd’hui, je ne serai donc de retour que demain en fin d’après-midi, reprit Aylan d’une voix forte sans se soucier du tort qu’il avait pu causer à sa femme.
— Maman, j’ai tout fait tout seul, s’enthousiasma Aydenn en entrant. Tu peux me faire mon chocolat et mes pains au lait s’il te plaît ?
— Ta mère est remontée, mon fils. Je dois y aller. Anna, aide-le s’il te plaît, lui demanda-t-il en lui embrassant le haut du crâne.
Il s’arrêta près d’Aydenn et s’agenouilla. Il le fixa dans les yeux, lui sourit et s’en alla en lui caressant les cheveux.
Aylan Élie avait eu et avait toujours du mal à gérer cet accident. La paralysie de son fils. Il en voulait à sa femme et depuis trois ans, il n’arrivait pas à passer outre.
Aydenn ressemblait à son père, brun aux yeux marron foncé. Une bouille d’ange et un style vestimentaire penché Streetwear. Il portait un sweat gris à capuche ainsi qu’un jogging de la même couleur et des baskets de marque, alors qu’Anna collait plus à sa mère, aussi en matière de physique plutôt que vestimentaire. Elle était rousse avec des taches de rousseur éparpillées sur le visage et des yeux marron foncé comme le reste de la famille.
— Aydenn, tu peux le faire seul ? Maman voudrait que…
— Je vais lui faire pour cette fois, la coupa sa mère d’une voix inaudible. Préparez-vous pour l’école.
Vendredi 12 novembre 2021
Alana, Anna et Aydenn Élie
Pour éviter d’être trempée, Anna s’installa vite à l’avant du van spécialisé pour transporter Aydenn tandis qu’Alana le plaçait sur la rampe d’accès. Le trajet était silencieux.
En premier, la mère de famille déposa sa fille au collège.
— Maman, tu m’aides toujours ce soir pour mon français ?
— Euh… oui. Bien sûr que oui, lui répondit-elle, pensive.
— Et moi, tu ne m’aides pour plus rien du tout, grommela Aydenn à l’arrière.
— Oh, arrête un peu Aydenn ! lui répondit sa sœur. Maman s’occupe toujours de toi. Grandis un peu !
Il lui tira la langue et croisa les bras. Il boudait à présent. Anna fit signe à sa mère et elle le lui rendit. Elle referma la porte. La voiture reprit sa route en direction de l’école primaire.
Il était difficile pour Aydenn de couper le cordon avec sa mère. Depuis trois ans, depuis l’accident qui l’avait rendu paraplégique, elle avait porté toute son attention et tous ses efforts sur lui. Elle avait même délaissé Anna, qui grâce à sa maturité malgré son jeune âge, quinze ans, avait compris la démarche de sa mère.
Alana gara le véhicule sur la place handicapée, la plus proche de l’entrée. Les parents d’Aydenn n’avaient pas jugé nécessaire de lui changer d’école quand il était revenu de convalescence. Ils ne voulaient pas le perturber. C’est ce qu’ils avaient dit.
Une fois la rampe d’accès dépliée, Alana Élie fit descendre le fauteuil et faillit basculer quand celui-ci prit de la vitesse. Un homme la sauva in extremis de sa chute.
— Oh, là, attention à vous ! Vous allez vous blesser.
— Ah, merci ! J’ai la tête ailleurs ce matin, répondit-elle avec instinct.
— Je vois. Je suis Évan Morvan, le père d’Owen, sourit-il en désignant son garçon du doigt. Voici ce que je vous propose. Je vous emprunte votre garçon (il empoigna les poignées du fauteuil) et l’accompagne jusqu’à l’entrée et vous, vous rentrez vous reposer. Qu’en dîtes-vous ?
— Ça ira, merci ! répondit Alana, gênée en tentant de récupérer le contrôle du fauteuil.
Le visage d’Owen ne donna pas l’impression de partager l’envie de son père d’aider Aydenn. De l’animosité se dégageait de son regard. Les garçons se fixaient depuis le début de la conversation.
— Vous en êtes sûre ! Cela ne me dérange pas du tout.
— Oui oui, merci, mais…
— Non, maman, la coupa Aydenn. Laisse-moi aller avec le papa d’Owen s’il te plaît.
— Tu en es sûr, chéri ?
Aydenn fit un signe positif de la tête suivi d’un grand sourire.
— Bon, ben, je vous le laisse alors. Merci encore Év… Év.
— Évan, sourit-il à nouveau. Au cas où vous auriez besoin d’un coup de main, prenez mon numéro. Bon repos, ajouta-t-il en laissant deviner qu’il attendait qu’Alana se présente.
C’est ce qu’elle fit. Nom, prénom et numéro de téléphone avant de les laisser partir. Elle remonta dans son véhicule et rentra chez elle.
Vendredi 12 novembre 2021
Adjudant-chef Olivier Le Gall
Ce jour, à vingt et une heures environ…
L’adjudant-chef Olivier Le Gall était assis à sa table devant sa baie vitrée. Dans l’obscurité, le regard vide, il fixait la rue à travers la vitre déformée par la pluie sans être présent. Cela faisait des heures qu’il était absent. En réalité, cela faisait des années. Depuis la disparition tragique de sa femme et sa fille dans un accident d’avion, il y a trois ans, il n’était plus là.
Sur la table se trouvait une bouteille de whisky à moitié vide, un verre avec un fond de la substance, son téléphone portable, son arme de service, un SIG-Sauer près d’un chargeur, un paquet de Malboro et un cadre photo de ses proches décédées.
L’officier avait cinquante-cinq ans, mais ces trois années de malnutrition, de laisser-aller et de chagrin lui en octroyaient dix ou quinze de plus. C’était un homme noir, grand, fin malgré le ventre bedonnant qui faisait son apparition. Le manque d’exercice en était la cause. Il portait une barbe poivre et sel mal rasée et ses cheveux dont le gris était la couleur prédominante avaient repoussé en laissant apparaître sa calvitie diffuse. Son débardeur blanc était tacheté et son pantalon était froissé.
Olivier Le Gall sortit de son état hypnotique quand un frisson le parcourut. Il finit alors son verre d’une simple levée de coude, inséra le chargeur dans son arme puis chargea une balle dans la chambre. En un instant, il approcha le canon de sa tempe, fit sauter le cran de sûreté et serra les dents.
Il hurla la bouche fermée pour se donner du courage et sa jambe remuait sans cesse. Son doigt pressait de plus en plus la queue de détente. Soudain, son téléphone sonna et toute la pression redescendit. L’officier Le Gall jeta un coup d’œil à l’écran allumé de son smartphone et vit affiché le nom de son supérieur. Il hésita quelques secondes, enclencha la sécurité et tapa, avec rage, trois fois la crosse de son SIG-Sauer sur la table.
— Merde ! cria-t-il d’une voix gutturale en prenant son téléphone.
Il souffla deux fois.
— Allô, lieutenant.
— Adjudant-chef Le Gall. On a un problème.
Vendredi 12 novembre 2021
Alana Élie
Alana coupa le moteur du véhicule quand elle eut fini de bien le garer dans le garage. Elle appuya sur le bouton fermeture de la télécommande et la porte se referma dans un grincement mécanique.
Elle entra dans la maison, la pièce adjacente à celle où elle se trouvait était la salle de jeux. Aussi grande que la pièce de vie et encombrée de jouets pour enfants et adultes. Il y avait un billard, un baby-foot ainsi que des consoles de jeu vidéo relié à un projecteur et plein d’autres merveilles capables de vous occuper pendant des heures.
Alana ne se préoccupa pas de cet endroit. Elle traversa la pièce puis le couloir central de la maison et rejoignit la salle de bain de sa chambre. Elle ouvrit l’armoire à pharmacie et prit deux ou trois flacons de gélules de ses mains tremblantes, des anxiolytiques. En ouvrant l’un des flacons, plusieurs gélules se firent la malle dans l’évier. Elle laissa tout en vrac et descendit à la cuisine avec trois capsules dans la main. Le premier verre fut l’heureux élu qu’elle remplit d’eau et qu’elle but d’un trait avec les médicaments.
Elle posa le récipient sur la table de travail avec calme comme si l’effet voulu avait déjà pris le pas sur son cerveau. Soudain, la mère de famille leva les yeux et vit son ordinateur portable. Elle attrapa le mug de ce matin resté sur l’îlot central de la cuisine et alla au mini bar pour se servir un rhum. Médocs et alcool étaient devenus ses meilleurs amis quand son mari et ses enfants n’étaient pas à la maison. Alana finit par s’emparer du pc, ôta son manteau trempé qu’elle laissa tomber au sol comme une seconde peau et elle s’installa sur le banc qui longeait les fenêtres donnant une vue sur l’avant de la maison. Une vue grisâtre et pluvieuse.
La page du traitement de texte était vierge, son roman ne débutait pas et son inspiration ne réapparaissait pas. Celle-ci s’enfouissait encore et encore en même temps que sa vie qu’elle avait offerte à Aydenn. Plus de trois longues années sans s’accorder le moindre plaisir littéraire. Elle adorait cela, mais ne lisait plus, n’écrivait plus. Elle prenait soin d’un enfant en situation de handicap. Voilà, le résumé de sa vie.
Elle but une grande lampée de rhum et se laissa aller à des souvenirs lointains.
Juillet 2016
La famille Élie
Les quatre cent huit kilomètres et quatre heures trente qui séparaient Paris en Île-de-France de La Gacilly en Bretagne finiraient bientôt. La famille Élie n’était plus qu’à un quart d’heure de leur nouveau foyer. Les enfants avaient dormi tout le long de la route, ce qui fut un soulagement pour Aylan et Alana. Ils étaient maintenant bel et bien éveillés, même excités.
Le GPS indiquait qu’ils effleuraient la ville de La Gacilly pour s’enfoncer dans ses alentours. Aylan arrêta le véhicule à l’entrée d’un pont.
— Nous y voici. L’entrée de notre île, l’île de l’Aff. Seules, deux maisons s’y trouvent. Et seulement deux accès. Ce pont et un autre au nord à une dizaine de minutes des voisins. Il y a un grand lac en plein milieu où nous pourrons pêcher où se balader, parfois même se baigner. Ça vous tente où je fais demi-tour et l’on rentre à Paris.
En chœur, la réponse fut négative. Alors, il redémarra sous le soleil de cette matinée et traversa le pont. Dix minutes de traversée forestière sur une route sinueuse plus tard et la famille Élie arriva à leur destination.
Les deux portières arrière claquèrent l’une après l’autre. Les enfants, Anna et Aydenn coururent vers l’entrée de leur future maison.
— Le premier à la porte, cria la jeune fille de dix ans, enjouée. Allez, Aydenn !
— Doucement, Anna, rit Aylan en sortant de la voiture. Fais attention à ton frère !
Alana sortit de la voiture familiale, sourire aux lèvres, et s’approcha de son mari. Elle s’agrippa à son bras et il lui donna un baiser sur le front.
— Je sens qu’on va se plaire ici.
— Oui, mon amour, répondit-elle d’une voix apaisée. Un tout nouveau départ.
— Et si, nous allions voir dans quelle pièce tu écriras ton prochain roman à succès. Attendez-moi les petites canailles, s’écria Aylan en courant vers ses enfants. Si je vous attrape…
En voyant leur père arrivé, les enfants disparurent sur les côtés de la maison en direction du jardin. Alana fit un tour sur elle-même et ne pouvait s’empêcher de sourire. Elle respira une grande goulée d’air expulsée de la sylve des arbres qui l’entourait. Elle se sentait bien. Son visage la trahissait.
L’héritage de la grand-mère d’Alana était tombé à point nommé. Cette année, les Élie auraient dû accueillir un troisième enfant, mais le destin en avait décidé autrement. Sa fausse couche avait bouleversé toute leur famille. En peu de temps, Alana avait perdu pied. Elle n’avait plus été apte à coucher une seule ligne sur le papier et elle avait pris du retard sur ses projets littéraires. Son couple en avait fait les frais. Aylan ne l’avait pas touchée depuis longtemps, il s’éloignait peu à peu malgré tous ses efforts de compréhension. Des disputes éclataient au sein du ménage et les enfants étaient les témoins du déchirement familial. Quand cette chance s’était offerte à eux, ils avaient sauté sur l’occasion de la saisir. Une nouvelle maison, un nouvel environnement, une seconde chance pour un nouveau départ.
L’énorme camion de déménagement qui empruntait le chemin fit fuir les oiseaux alentour en brisant quelques branches qui osaient dépasser de la lisière de la forêt. L’engin interrompit aussi la tranquillité qui s’était installée chez Alana. Elle s’élança vers la porte d’entrée et la déverrouilla.
En mode marche rapide, elle traversa le large couloir qui desservait le spacieux séjour ouvert sur la cuisine ainsi que l’arrière-cuisine, l’escalier de l’aile droite qui menait au premier étage, l’énorme salle de jeux, la porte qui menait au sous-sol et pour finir, à l’autre bout, la porte qui s’ouvrait sur le jardin. Alana entra dans la salle de jeux puis elle pénétra dans le garage pour en activer la porte automatique en appuyant sur un gros bouton rouge près de celle-ci. Le camion entamait déjà sa marche arrière. Son téléphone se mit à sonner et elle décrocha. L’écran tactile affichait Maman.
Aylan et les enfants jouaient autour de la piscine quand ils entendirent les vrombissements du moteur et qu’ils comprirent que toute leur vie qui était réunie dans une remorque était arrivée. Tous oublièrent le chat perché et fondirent sur leur proie.
« C’est, ma mère » étaient les mots qu’Aylan lut sur les lèvres de sa femme qui lui montra son téléphone en arrivant devant le garage. Alana donnait de leur nouvelle à sa famille.
— Salut les gars ! fit Aylan aux trois déménageurs en se dirigeant vers eux. La route n’a pas été trop longue ?
— Si, très longue, mais on a l’habitude. Ne vous en faites pas.
— Je vois ça, le timing est parfait. On vient d’arriver.
— Nickel. On est parti plus tôt que vous pour tenter d’arriver dans les mêmes eaux, répliqua-t-il en serrant la main d’Aylan. Steven.
— Venez, Steven ! Moi, c’est Aylan, je vais vous montrer où déposer chaque carton.
— Ouvrez le camion, les gars ! ordonna-t-il. Jolie maison. C’est pas les voisins qui vont vous ennuyer ici.
— Non, c’est sûr, sourit le propriétaire des lieux. Il y en a, malgré les apparences, mais ils se trouvent à une bonne vingtaine ou trentaine de minutes à pied.
— De quoi pouvoir faire la fiesta sans déranger personne, blagua Steven.
Vendredi 12 novembre 2021
Alana Élie
La bouteille de rhum avait fait son chemin du mini bar jusqu’au pied du banc devant la fenêtre. À moitié vide lors de sa première tasse, désormais, il en restait moins que le quart.
L’ordinateur était posé sur ce même banc, la page de traitement de texte vierge était tachée d’une seule phrase.
« Ne te détourne pas de moi ! »
Alana, quant à elle, dormait. Elle avait la tempe droite appuyée contre la vitre et son mug rempli d’un fond menaçait de quitter d’un instant à l’autre sa main qui pendait.
Soudain, le claquement d’une porte la fit sursauter et le récipient fit un bond sur le tapis. Dans la maison, des gens parlaient. Elle fut surprise que quelqu’un soit entré. Ses enfants étaient à l’école et son mari devait être au Portugal ou en vol.
Très vite, elle se leva pour dissimuler son addiction. Alana ferma l’ordinateur, ramassa le verre et prit la bouteille pour la ranger à sa place en se dirigeant vers les voix. Un étourdissement la stoppa dans son élan et un voile vint flouter sa vision. Elle s’appuya contre un mur pour éviter la chute. Une fois ses yeux fermés, elle inspira et expira avec lenteur puis les rouvrit. Sa vue était toujours floue, mais elle pouvait marcher. La discussion provenait de la salle de jeux. Elle s’approcha de manière discrète et pencha la tête dans l’encadrement de porte de la pièce.
Personne.
Il n’y avait personne. Le rétroprojecteur était allumé et diffusait un divertissement automobile. Deux personnes débattaient du moteur le plus adapté pour le véhicule présenté ces jours-ci.
D’un geste vif, Alana amena les paumes de ses mains au niveau de ses tempes. Une migraine la menaçait. Elle serra les dents puis éteignit le projo.
— C’est moi qui ai allumé la télé ? s’interrogea-t-elle, perplexe.
Alors qu’elle essaya de se souvenir, quelqu’un se déplaçait à l’étage. Elle en était persuadée. Elle entendit des bruits de pas lourds. Elle tourna trop vite la tête vers le couloir et tout, autour d’elle, se mit à se déformer. Alana cligna plusieurs fois des yeux pour tenter de se resituer, mais en vain. Elle décida alors de quitter la maison. Un cambrioleur était là, elle n’en avait aucun doute.
Au moment de rejoindre le couloir principal, elle reconnut le son qui lui parvint aux oreilles. L’élévateur d’Aydenn venait de se mettre en marche. Ce qui signifiait que si elle passait par la porte d’entrée, la personne la verrait depuis le haut des escaliers. La seconde solution était de passer par la porte du garage qui se trouvait dans la même pièce qu’elle.
Son premier pas fut fatal. Le tourbillon qui attaquait son cerveau la déséquilibra et elle chuta en arrière. Son crâne frappa le sol avec violence, ce qui n’arrangea pas les choses. La maison, elle ou les meubles tournaient à grande vitesse.
Seule sa tête dépassait dans le couloir et elle vit la plateforme ascensionner l’escalier qu’elle suivit du regard. À mi-chemin, elle crut apercevoir deux ombres, d’un mètre chacune tout au plus, qui descendaient les marches.
Qu’allaient-elles me faire ? pensa-t-elle.
Puis elle sombra dans l’antre ténébreux de ses paupières.