Croire encore au bonheur - Eléanore Vendereven - E-Book

Croire encore au bonheur E-Book

Eléanore Vendereven

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Beschreibung

Alors qu'elle débute un nouvel emploi à Marseille, Lou tombe peu à peu sous le charme de son employeur.

À la suite d’un drame personnel qui la contraint à reprendre sa vie à zéro, Lou accepte un poste de secrétaire dans une société à Marseille. Une surprise de taille l’attend en découvrant la somptueuse demeure où elle sera hébergée le temps de son contrat, mais ce n’est rien à côté de sa stupéfaction lorsqu’elle apprendra l’étrange activité de son employeur. Très vite, un lien passionnel se tisse entre la tendre et secrète Lou Saint-Pierre et le ténébreux Valère Castrosa…

Lou et Valère pourront-ils vivre pleinement leur passion ? Plongez-vous dès à présent dans une romance forte où l'amour et la sensualité se confrontent aux entraves du destin.

EXTRAIT

Le bureau de Lou se situait dans l’aile gauche de la villa. Elle disposait d’un ordinateur, une imprimante et une ligne téléphonique.
— J’ai mis du temps avant que le patron ne consente à m’installer cette machine, plaisanta Sarah. Il a une sainte horreur de tout ce qui est moderne. C’est vrai qu’à force de vivre dans ce sinistre couvent, on finit par en oublier le progrès ! Avec cet ordinateur, vous planifierez tous les rendez-vous. Les consultants sont souvent des personnalités importantes, vous devrez les accueillir comme il se doit et parfois les raccompagner jusqu’à la sortie. En général, c’est Valère qui s’en charge.
— Comment ça ? Reçoit-il vraiment des gens ici ?
— Oui, une personne dans la journée, parfois deux... ou zéro. C’est selon son humeur. Une partie de votre travail consistera à rappeler le consultant pour lui dire que Valère ne pourra finalement pas le recevoir, sachant tout de même que le rendez-vous a été pris quatre mois à l’avance. Je vous assure, c’est affreusement gênant. Surtout lorsque vous annoncez à la personne qu’elle devra encore patienter tout autant pour un autre rendez-vous !

À PROPOS DE L'AUTEUR

C’est en lisant les œuvres de Colleen McCullough et Kathleen Woodiwiss durant l’adolescence que Eléanore Vendereven a eu envie d’être écrivaine. Aujourd’hui mère au foyer, elle s’occupe de ses deux enfants tout en s’adonnant à ses deux grandes passions que sont l’écriture et les arts.

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« J’ai trois préférences : le parfum parce qu’il renferme le secret des femmes, les femmes parce qu’elles renferment le secret de l’amour, l’amour parce qu’il est la seule prière de l’univers. »

Mahomet

Chapitre 1

Lou n’avait jamais mis les pieds à Marseille jusqu’à aujourd’hui. La chaleur torride de cette mi-juillet la saisit dès la descente de l’avion. Par bonheur, elle avait prévu en revêtant un tee-shirt et un pantalon de coton léger. À Paris, elle était trop occupée à gagner sa vie et n’avait guère l’occasion de se dorer au soleil, d’où sa délicate peau de porcelaine.

Décidée et volontaire, la jeune femme engagea le pas des autres voyageurs à la sortie de l’aéroport, saluant au passage le garçonnet à la tignasse blonde se tenant un peu plus tôt à ses côtés dans l’avion. Il agita la main en signe d’adieu avant de disparaître avec sa mère parmi la nuée de voyageurs. Non content de lui présenter avec fierté une partie de sa collection de cartes japonaises, il crut bon aussi de lui étaler son savoir.

— Je m’appelle Mickaël. Et vous ?

— Lou.

— Saviez-vous qu’il y a des requins dans la mer Méditerranée, Lou ?

Sa mère intervint afin de le faire taire. Visiblement peu enclin à obéir, il revint à la charge.

— Oui, j’en ai entendu parler. Je ne pense pas que les différentes espèces qui vivent ici représentent un danger.

Si l’enfant pensa l’effrayer, il en fut pour ses frais. Il tenta une autre approche.

— Que venez-vous vous faire à Marseille ? Moi, je vais chez mes grands-parents pour les vacances parce que mes parents travaillent...

Il se pencha, parlant tout bas afin que seule Lou l’entende.

— ... En fait, ils divorcent et...

Gênée, la mère le tira par le bras.

— Mickaël ! Excusez-le, madame ! Il est trop bavard.

Son regard furieux eut raison du garçon qui retourna sans un mot à ses cartes. Le reste du vol, Mickaël se contenta de brèves œillades dans sa direction.

Trépignant sur son siège, il finit par s’assoupir.

Lou récupéra son unique bagage avant de se mettre à la recherche du futur employeur devant l’accueillir, comme le précisa l’agence intérimaire. Aussi étonnant que cela paraisse, Lou n’eut pas à chercher une chambre où se loger durant les six mois de la mission. Le responsable de l’entreprise s’occupait de tout. Lou n’en était pas à ses débuts avec cette agence et jusqu’ici tout se passa très bien. Dans le cas contraire, elle aurait réfléchi à deux fois avant de s’engager dans cette aventure un peu hasardeuse.

Le poste de secrétaire proposé un mois plus tôt exigeait uniquement le baccalauréat. L’usage d’une langue étrangère n’était pas demandé. Le profil se trouvait bien inférieur à ses véritables compétences, mais Lou n’en avait cure.

La mission se situait à Marseille, avec la mer et le soleil pour cadre. Il allait sans dire que les postulants se bousculaient au portillon. Elle passa brillamment les tests puis l’entretien. Quelques jours plus tard, un coup de téléphone confirma son recrutement. Lou accueillit cette nouvelle avec soulagement. Ses maigres économies ne tarderaient bientôt plus à disparaître, alors coûte que coûte, il fallait se montrer à la hauteur.

Elle aperçut de loin une femme brandissant une ardoise avec son nom et son prénom écrits dessus. Elle en déduit un peu hâtivement que finalement son employeur se révélait de sexe féminin. Lors de ses entretiens, ce point de détail ne fut pas mentionné, ni même le nom de l’entreprise. Quant à savoir leur secteur d’activité, elle l’ignorait aussi. Elle savait seulement que l’entreprise louait une chambre à son intention et que le salaire se trouvait assez conséquent. Elle s’étonna aussi lorsqu’on lui précisa que l’employeur prenait à sa charge les frais de déplacement, tenant à l’accueillir en personne à l’aéroport. En général, elle avait droit à ce traitement de faveur lorsqu’elle exerçait comme interprète auprès de personnalités importantes.

Lou inspira profondément. Allait-elle réussir sa mission et s’entendre avec ses nouveaux collègues ? L’employeur se montrerait-il exigeant ? Bref, le genre de stress habituel ressenti à chaque nouvelle mission.

— Bonjour, je suis Lou Saint-Pierre.

Ignorant la main tendue, la femme à la longue chevelure noire, au teint mat, la toisa d’un regard bleu souligné d’un trait de khôl. Perchée sur les hauts talons de ses fins escarpins, elle dépassait Lou d’une tête. Face à cette créature de rêve, l’arrivante se sentit minuscule.

— Puis-je voir vos papiers, s’il vous plaît ?

Lou ne s’attendait pas à un accueil aussi glacial ni de devoir justifié de son identité. Néanmoins, elle obtempéra. Gênée, elle se délesta du bagage lourd comme un cheval mort sur son épaule en le posant à terre. Ainsi, elle ressemblait à une étudiante échevelée en vacances scolaires pour l’été et non une ancienne interprète internationale. Cette panoplie faisait partie de sa nouvelle vie. Une grosse valise à roulettes paraîtrait plus élégante et moins encombrante, elle y avait bien réfléchi, mais elle préféra économiser pour un achat plus utile.

Un peu surprise, l’autre ne perdait pas une miette du spectacle de cette jeune femme cherchant désespérément son portefeuille dans une poche avant de son sac faisant office de fourre-tout. Elle recula légèrement lorsque Lou brandit sa pièce d’identité, tel un trophée.

— Ceci étant réglé, suivez-moi ! dit-elle en y jetant à peine un coup d’œil, tournant déjà les talons.

Lou s’empressa de ranger son portefeuille. Reprenant son sac de voyage trop lourd sur l’épaule, elle courut presque pour rattraper son employeuse. Comment faisait-elle pour marcher vite et élégamment avec des escarpins aussi haut perchés ? Quelques années auparavant, Lou aussi portait des escarpins et de jolis tailleurs. Ce temps était révolu. Elle faillit lui rentrer dedans lorsque tout à coup, l’inconnue s’immobilisa.

— Oh, j’allais oublier ! Je me présente, Dolorès Castrosa. Bienvenue dans notre chère et bonne vieille ville de Marseille.

Le ton paraissait on ne peut plus solennel, sans le sourire ni la chaleur proverbiale des Méditerranéens. Lou s’en contenta.

— Euh... Merci.

Sa surprise fut grande en découvrant le petit cabriolet de Dolorès Castrosa. En le comparant au standing de la conductrice, elle s’attendait à une voiture plus luxueuse. Une fois à l’intérieur, les effluves délicieux de son parfum de roses ou de jasmin, Lou ne s’y connaissait pas très bien, envahirent l’habitacle.

Durant près de dix minutes, le silence s’éternisant, Lou eut soudain l’envie obsédante de fumer une cigarette. Après deux ans d’abstinence absolue, de temps en temps, son addiction repointait le bout de son nez. Seuls un fumeur invétéré, un alcoolique ou les deux à la fois comprendraient ce qu’elle ressentait. Dans ces moments-là, elle se focalisait sur de belles choses, abreuvant son cerveau de pensées positives. Elle avait découvert cette méthode sur un magazine. Ma foi, ça marchait plutôt pas mal !

Elle finit par se plonger dans le paysage défilant à toute vitesse sous ses yeux. Une fois passés les embouteillages du centre-ville et la cohue des gens allant en tout sens, le véhicule s’engagea sur une route en zigzag bordé de pinèdes sauvages et de roches chauffées par le soleil. Lou nota que la voiture prenait de plus en plus de hauteur en apercevant le vide par la vitre de sa portière. Ils s’éloignaient de plus en plus de la civilisation.

Entre deux gigantesques montagnes s’étendait au loin la Méditerranée d’un bleu profond offrant un spectacle époustouflant.

Lou jeta un regard en coin à la conductrice. Où l’emmenait-elle ? À quel hôtel était-elle supposée là déposer ? La jeune femme s’apprêtait à le lui demander lorsque l’autre la devança.

— Êtes-vous déjà venue à Marseille, Lou ?

Étrangement, l’intonation changeait, devenant un tantinet plus amicale, allant même jusqu’à l’appeler par son prénom.

— Non.

À présent, c’est au tour de Lou de mettre de la distance. L’inquiétude la gagnait quant à sa destination finale. Et si elle était tombée dans un traquenard ? Une affaire louche dont l’agence intérimaire ignorait les dessous. Oui, c’est vrai, elle débordait d’imagination ! À force de lire des romans policiers, elle voyait des intrigues partout.

— De mémoire, d’après votre curriculum vitae, il me semblerait que vous ayez beaucoup voyagé.

— En effet. Dites-moi, puis-je savoir où nous allons ?

Dolorès quitta un instant la route des yeux pour dévisager son interlocutrice. Pourquoi demandait-elle cela ? Avait-elle oublié ou omis de lire les clauses du contrat ? Elle soupira. Depuis le début à l’aéroport, elle émit des doutes sur cette jeune femme. En temps normal, elle se gardait des jugements trop hâtifs, même si son intuition la trompait rarement. Ce n’est pas tant son apparence qui lui déplut. Sans maquillage ni fioritures, elle restait très jolie, naturelle à souhait avec une peau saine et des dents éclatantes, mais sans une once de féminité. Un simple tee-shirt écru, un pantalon en coton et des baskets pour se présenter à son futur employeur ! Qu’allait penser Valère en voyant ainsi fagotée sa nouvelle secrétaire ? Sans parler de sa coupe courte à la garçonne en guise de coiffure !

Si Valère lui assénait le moindre reproche, ne doutant pas une seconde qu’il s’en priverait, elle reporterait la faute sur Sarah. Avant de quitter son poste après douze ans de bon et loyaux services, c’est cette dernière qui retint la candidature de Lou Saint-Pierre, insistant sur le fait que la jeune femme était trilingue et diplômée. Dolorès ne voyait pas ce que ces deux critères inutiles serviraient dans ce poste. Elle vécut aussi quelques années en Égypte. Un autre argument de Sarah qui, elle en était certaine, intéresserait sûrement le patron. Lui qui adorait tellement l’histoire des civilisations. Ben voyons ! Elle connaissait Valère mieux que quiconque et jamais elle ne le vit témoigner d’intérêt sur ce sujet !

— Il est stipulé que vous habiterez chez nous, à l’hacienda, durant tous le temps que durera votre contrat.

Dolorès omit délibérément de préciser le mois d’essai avant la signature définitive, tout employé se devant de savoir au moins ça. Elle ne doutait pas une seconde que cette clause servirait bien avant la date prévue.

Lou eut beau se torturer l’esprit, elle ne se souvenait pas de cette clause. Elle se promit dès son arrivée de relire les feuillets du contrat, histoire de découvrir d’autres surprises du même genre.

— Êtes-vous vraiment propriétaire d’une hacienda ?

— Oui. Une authentique bâtisse andalouse construite par mon grand-père et ses frères. Ils ont tout bâti de leurs propres mains avec les moyens à leur disposition. Donc autant dire peu de choses. Des pelles, de la chaux et de la caillasse. Deux générations durant, ma famille a élevé du bétail et exploité des champs agricoles, dont une oliveraie et des arbres fruitiers.

Lou devinait la fierté dans la voix de Dolorès. Son regard bleu souligné de noir s’illuminait en évoquant ces aïeux.

— Est-ce encore le cas ?

— Non. Nous n’avons pas souhaité reprendre l’exploitation.

La voiture s’engagea dans un dernier virage avant de grimper une petite butte. Là, devant les yeux de Lou, se dressait un immense portail en bois sculpté, serti de clous. Un pan ouvert laissait largement la place à un véhicule pour s’y glisser. Tout semblait tellement surdimensionné ! Au centre de la cour dallée trônait une fontaine. Dans la végétation luxuriante, elle reconnut de gigantesques ifs, des orangers, des bougainvilliers et autres arbres se mêlant à des massifs de fleurs.

— Votre domaine est magnifique !

— Merci. Ravie qu’il vous plaise.

Dolorès arrêta la voiture près d’un escalier en pierre donnant sous un perron soutenu par des colonnes. Entrant par une lourde porte, elles pénétrèrent dans un patio au sol recouvert de dalles en ciments et de murs aux couleurs vives. Détail surprenant, un immense olivier dans un pot en terre trônait au milieu de la pièce. Le plafond en verre projetait un puits de lumière naturel à l’intérieur du bâtiment.

— Je vais vous indiquer votre chambre. Vous pourrez ainsi vous rafraîchir et vous reposer. Je vous présenterais le personnel plus tard. De toute manière, ce sera rapide, il y a Sacha qui fait office de cuisinière tout en s’occupant du ménage et son fils qui est jardinier. Vous rencontrerez mon frère durant le dîner... S’il veut bien nous honorer de sa présence, soupira-t-elle. Lou suivit la propriétaire dans les escaliers en fer forgé, conduisant à l’étage supérieur, dans un couloir aux murs épais, crépis d’un ton orange. Les hauts plafonds soutenaient des poutres patinées dont elle remarqua par endroit des toiles d’araignée.

Sans ses couleurs vives, Lou se serait cru dans un couvent. Dolorès l’arrêta devant une épaisse porte verte, semblable à toutes les autres. Découvrant sa chambre, elle resta bouche bée. Un énorme lit lui aussi de fer forgé recouvert d’une fine moustiquaire trônait au centre de la pièce. Les meubles comme toute la décoration donnaient dans le style oriental, bleu, pourpre ou pêche avec quelques dorures par-ci par-là. Jamais Lou n’aurait imaginé il y a quelques semaines que la candidature pour un poste de secrétaire l’emmènerait dans un lieu aussi beau. Les quinze mètres carrés de son studio parisien ne lui semblaient plus qu’un lointain souvenir.

Comme Dolorès s’apprêtait à la laisser, Lou l’interpella.

— Je tenais à vous remercier, madame Castrosa.

— Mais de quoi ?

— Pour ce poste. Je serais enchanté de travailler pour vous. J’utiliserais toutes mes compétences pour vous donner entière satisfaction.

La quinquagénaire la toisa de son étrange regard bleu. Puis tout à coup, sans que Lou s’y attende, elle éclata de rire. Un rire impétueux. Qu’y avait-il de si drôle ?

— Qu’est-ce que vous a dit l’agence intérimaire, exactement ? Elle ne vous a rien expliqué.

— Comment ça ? Je ne comprends pas...

— Je vois que vous êtes complètement perdue.

Lou se raidit, sentant que cette femme se moquait d’elle.

— Que devait-elle me dire ?

— Vous ne travaillerez pas pour moi, mais pour mon frère, Valère. Pour ma part, je n’ai aucunement besoin d’une secrétaire. Je me débrouille parfaitement seule.

Elle semblait si sûre d’elle, si hautaine, mettant un peu plus la jeune femme mal à l’aise. En son for intérieur, ce quiproquo soulageait Lou. Si vraiment, Dolorès n’était pas sa patronne alors peut-être n’aurait-elle pas à la croiser plus que nécessaire.

— Je suis désolé pour ce malentendu.

— Le repas est servi à dix-neuf heures trente. Je demanderai à ce que quelqu’un vienne vous chercher.

Tournant les talons, elle referma la porte.

Lou prit une longue douche dans la salle de bain carrelée de mosaïques bleu turquoise. S’enroulant autour d’une serviette d’un moelleux incomparable, elle s’attarda sur les produits de beauté mise à sa disposition, ouvrant un à un les flacons afin d’en respirer les odeurs subtiles. Des crèmes, des huiles, des sels pour le bain. Lou avait oublié la satisfaction que procurait le luxe. Que cachait tout ça ? Qui était ce Valère dont on ne mentionna à aucun moment l’existence durant les entretiens ? Qu’exerçait-il comme activité lui permettant d’entretenir une si belle demeure ?

Quittant à regret la salle de bain, elle s’allongea quelques minutes sur la courte pointe fleurant bon la lavande. Comble du confort, la climatisation diffusait un air frais et bienfaisant qui eut raison de sa fatigue. Elle s’endormit.

Rouvrant les yeux une demi-heure après, elle oublia un instant où elle se trouvait. La chambre baignait dans la pénombre. Elle s’empara de son téléphone posé sur la table de nuit, déchiffrant dix-neuf heures quinze.

Lou se dépêcha d’enfiler un chemisier léger et une jupe. Passant la main dans ses courts cheveux châtain clair, quelqu’un frappa à la porte à ce moment. Une femme d’une soixantaine d’années se tenait sur le seuil.

— Bonsoir, je suis Sacha, la cuisinière. Dolorès m’a prié de venir vous chercher pour le dîner.

— Très bien, je vous suis.

— Je suis aussi la femme de ménage. Je passerais tous les matins pour nettoyer votre chambre et prendre votre linge sale. S’il venait à vous manquer quoi que ce soit, dites-le-moi !

Lou n’avait pas l’habitude d’être servie de la sorte et cela la gênait. Elle fut conduite dans une grande salle à manger aux meubles anciens en chêne massif. Sur un vaisselier se dressait en rang d’oignon une collection d’assiettes de style espagnol. Des tableaux représentaient des scènes de tauromachie et de chasse à courre. Elle sursauta en croisant le regard vitreux d’une tête de taureau empaillé accroché comme un trophée contre le mur. Lou ne se sentait pas à l’aise.

— Nous vous attendions.

La voix de Dolorès provenait de la véranda attenante à la salle à manger. Assise sur un des fauteuils en rotin, elle s’était changée, troquant son tailleur chic contre une longue tunique d’intérieur. Elle buvait un verre de vin en compagnie de quelqu’un dont la silhouette se découpait en ombre chinoise près de la baie vitrée. C’est ce moment-là que choisit l’homme pour sortir de sa cachette. Il se révéla être la réplique de sa sœur, partageant entre autres le même regard bleu. À l’exception de son crâne entièrement chauve et luisant. Les deux petites rides autour de sa bouche lui donnaient un air désabusé. Son nez cassé et l’épaisseur de ses traits rappelaient celui d’un boxeur. Grand et imposant, il était vêtu d’un polo et d’un pantalon de toile de bonnes coupes. Elle remarqua alors la canne dans sa main gauche.

— Alors voici donc cette fameuse Lou dont tu me rabâches les oreilles depuis tout à l’heure. Approchez, s’il vous plaît !

Ainsi, ils parlèrent d’elle durant son absence. Pourquoi Lou n’en fut-elle pas flattée pour autant ?

— Voulez-vous un apéritif, madame ? Où dois-je vous appeler mademoiselle ?

Comme sa sœur, l’homme impressionnait par le charisme qu’il dégageait et ce je ne sais quoi de mystérieux dans le regard. En revanche, il n’avait rien d’un bel homme, au vrai sens du terme.

— Lou suffira.

— Allons donc ! N’allons pas trop vite en besogne, voulez-vous ! J’opterais pour madame en attendant de mieux vous connaître.

Lou rougit légèrement, comme prise en faute de copinage avec son professeur.

— Comme vous voudrez.

— Et si nous allions dîner, s’il te plaît ? Je meurs de faim, intervint Dolorès.

— Oui, tu as raison.

Le repas se révéla un véritable supplice pour la jeune femme. Sentant le regard appuyé de son employeur, il épiait ses gestes dans les moindres détails, ce qui la rendait des plus nerveuses.

— C’est sur les recommandations de Sarah que votre candidature a été retenue. Vous lui avez beaucoup plu lors de votre entretien.

— Si vous voulez parler de la personne que j’ai rencontrée à Paris, alors oui, nous avons eu un échange très agréable.

— Elle m’a dit que vous aviez vécu quelque temps en Égypte. Est-ce vrai ?

— Oui, je suis née en Allemagne, mais peu après ma naissance, mes parents sont partis s’installer au Caire. Mon père y exerça comme ingénieur. Nous y sommes restés six ans avant de revenir vivre en Angleterre, d’où ma mère est originaire.

Elle passa sur les détails de ce départ précipité qu’occasionna le divorce de ses parents. Le retour de son père en Allemagne. La vie dispersée de sa mère à Londres.

L’aptitude en langues étrangères de Lou venait de cette double nationalité cultivée par les incessants allers-retours dans les deux pays de résidence de ses parents.

— Parlez-moi de vos centres d’intérêt, madame Saint-Pierre !

Bien que demandé sur un ton banal, Lou se demandait si le véritable entretien d’embauche n’avait pas lieu à cet instant. À trente-cinq printemps, elle se sentait comme une étudiante lors d’un oral d’examen. Et lui, quel âge pouvait-il avoir ? Quarante-cinq... cinquante ans ? Difficile de déterminer un âge, tant la peau de son visage et de ses bras était tannée par le soleil.

— J’aime beaucoup le théâtre, les arts, la littérature. La musique classique aussi, dont Vivaldi que j’affectionne particulièrement.

— Très bon choix, en effet ! Nous avons donc là affaire à une personne des plus cultivées, s’exclama-t-il en adressant un rapide coup d’œil à sa sœur mangeant en silence, tout en suivant leur conversation. Elle guettait dans le regard de son jumeau le signe d’un quelconque mécontentement. Espérer un faux pas de la jeune femme paraissait bien tordue. Dolorès pensait simplement que Lou n’aurait pas les épaules pour supporter Valère dans le quotidien. Il fallait plus que l’amour de Vivaldi pour travailler avec un homme comme lui. Plus d’une fois, Sarah faillit claquer la porte.

Dolorès adorait son frère plus âgé qu’elle d’environ dix minutes. Il représentait tout à ses yeux et elle n’envisageait pas sa vie sans lui. D’ailleurs, ses deux mariages n’en firent-ils pas les frais ? Difficile de concilier vie de couple et vie familiale sous le même toit, malgré la taille du domaine qui faisait que chacun disposait de suffisamment d’espace sans gêner l’autre. Heureusement, aucun enfant n’eut à souffrir de ses échecs sentimentaux.

— Et vous ?

— Comment ça ? Moi ?

— Quels sont vos centres d’intérêt ? Vous m’avez demandé les miens, alors je vous retourne la question.

Dolorès faillit s’étouffer avec son potage. Pour qui se prenait-elle à inverser les rôles ? Si la situation amusait Valère, la jeune femme ne savait pas à qui elle s’adressait.

— Je suis très attiré par l’astronomie, l’ésotérisme, et comme vous, j’aime beaucoup la littérature. En ce qui concerne la musique et les arts, je n’ai pas trop le loisir de m’y intéresser.

— L’ésotérisme... Comme les sciences parallèles, le tarot, les boules de cristal, ce genre de chose ? Désolé, je ne maîtrise pas vraiment le sujet !

Valère s’apprêtait à répondre lorsqu’un clairon militaire résonna d’on ne sait où, faisant sursauter le frère et la sœur en même temps. Lou s’empressa de récupérer le portable au fond de sa poche tout en s’excusant. Elle se leva, quittant la pièce avant de répondre.

— Que penses-tu de ta nouvelle recrue ?

Dolorès attendait le verdict avec la délectation d’un chat devant un bol de lait. La jeune femme venait de commettre son premier faux pas et non des moindres. Valère se méfiait de ce genre d’appareil rendant fou à plus ou moins long terme, selon lui.

— Ma foi, elle m’a l’air charmante.

— Charmante ? Voilà ton nouveau critère de sélection, à présent ! Si tu veux mon avis, elle est naïve et gauche.

Tout en donnant son point de vue, elle s’aperçut qu’il ne l’écoutait pas, le regard bleu rivé sur la porte.

« Je la trouve... sympathique. Je l’aime bien, cette petite... »

— Valère ? Valère, est-ce que ça va ?

« À ta place... très content... »

— Tu te trompes. Contrairement à ce que tu penses...

Le retour de Lou l’empêcha d’aller au bout de sa phrase.

— Je suis désolé pour ce coup de fil...

Reprenant sa place auprès d’eux, elle sentait peser leurs regards sur elle.

— ...C’était ma mère, précisa-t-elle, comme pour se justifier.

— Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame, lorsque nous sommes à table, je souhaiterais que vous laissiez ce téléphone dans votre chambre. Les ondes me perturbent.

Si cet homme ne s’était pas révélé son employeur, elle éclaterait de rire. Toutefois, elle se contenta de hocher la tête en signe d’accord.

— Puis-je savoir quand commencent mes fonctions, monsieur ?

— Demain matin. Sarah a gentiment proposé de venir quelques jours afin de vous expliquer vos diverses tâches.

— Très bien. Permettez-moi de vous poser une dernière question, s’il vous plaît.

Dolorès avait raison sur un point. Lou renvoyait l’image d’une jeune femme peu sûre d’elle. Cette façon de baisser les yeux chaque fois qu’elle s’adressait à lui, sa maladresse, tout cela la rendait touchante. Certains hommes affectionnaient ce type de femmes. Pas lui. Il aimait les tigresses, les femmes à poigne, celles qui tiennent tête et vous laissent des marques sur le dos. Même si à présent, avec l’âge, il s’en lassait de plus en plus. Bah, il recherchait une secrétaire efficace dans son travail, pas une dominatrice.

— Allez-y !

— Pouvez-vous me dire exactement quelle activité vous exercez ?

— Je suis médium.

Lou eut du mal à trouver le sommeil cette première nuit. Ne cessant de se tourner et se retourner, les questions se bousculaient dans sa tête. Tout d’abord, elle se demandait dans quelle maison étrange elle venait d’atterrir. L’hacienda était-elle hantée ? Très vite, elle chassa cette pensée absurde. Elle ne croyait pas à ce genre de phénomène. Quant à travailler pour un médium, mon Dieu ! Peut-être faisait-il partie de ses escrocs manipulateurs soutirant de l’argent à de pauvres gens en état de mal-être. Dans ce cas, elle ne pouvait pas rester et accepter impunément de se rendre complice de cette supercherie. Pourquoi l’agence ne l’avait-elle pas mise au courant ? Elle se promit alors dès le lendemain matin de parler avec ce Valère pour lui dire qu’elle ne donnerait pas suite à cette mission.

Allongée sur son lit, Lou fixa le plafond et plus particulièrement les arabesques peintes entre chaque poutre. Tout lui semblait particulier ici. La richesse des décors, les meubles imposants et anciens. L’aïeul de la famille devait assurément être un grand bâtisseur. Peut-être qu’est-ce là que le bât blesse ? Tout était figé dans le temps. Passé les premiers effets de surprises face à tant de beauté, Lou se sentait oppressée dans ses murs, comme prisonnière. Il y manquait de la vie, des rires.

Tout à coup, un cri résonna dans la nuit. Sans doute une buse venant de prendre un animal dans la plaine environnante. Elle se leva pour regarder par la fenêtre, mais tout était plongé dans l’obscurité à l’extérieur. Résignée, elle finit par retourner se coucher et s’endormit peu après.

Pénétrant dans la salle à manger le lendemain matin, Lou trouva Dolorès attablée devant une tasse de café, mais pas de Valère.

— Mon frère avait un rendez-vous important, précisa-t-elle, comme lisant dans ses pensées.

L’idée de se retrouver seule avec elle ne l’enchantait guère. Tourner les talons et retourner dans sa chambre paraîtrait pourtant vraiment grossier. De plus, elle attendait que quelqu’un la guide jusqu’à son poste.

Prenant place, elle se servit une tasse de café et un jus de fruits. À en juger par la quantité de viennoiseries et de petits pains débordant d’une corbeille, elle ne devait pas être la seule employée à petit-déjeuner ici.

— Je ne suis pas votre ennemie, vous savez.

Surprise par cette déclaration, Lou faillit renverser son jus d’orange sur la nappe immaculée.

— Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?

Sept heures trente pointaient à peine et pourtant la quinquagénaire était apprêtée et maquillée comme pour se rendre à une soirée. La gémellité avec son frère paraissait évidente, alors qu’aucune ride sur son visage ne trahissait son âge. Elle ne semblait pas non plus avoir eu recours à la chirurgie esthétique. Soit dans sa grande clémence, la nature l’épargnait des effets du temps, soit son chirurgien tenait du génie. Il lui passa une idée saugrenue dans la tête, qu’elle s’empressa aussitôt de chasser, afin de ne pas éclater de rire. Mais l’imaginer en sorcière en train de préparer des potions magiques dans des fioles lui ressemblait assez.

— J’espère que vous pardonnerez ma franchise, Lou. Encore une fois, je n’ai rien contre vous, je vous connais à peine. Je serai direct, je pense que vous n’êtes pas faites pour ce poste.

De ce point de vue-là, Lou approuvait. Seulement, n’étant pas femme à se laisser marcher sur les pieds, malgré les apparences, elle décida de l’asticoter un peu.

— Comment pouvez-vous penser cela alors que je n’ai pas encore commencé ?

— Elle a raison. Laissez-lui au moins quelques jours avant de donner votre verdict.

— Tient donc ! Une revenante ! Quel plaisir de vous revoir, Sarah !

— Le plaisir est partagé, Dolorès.

Aux tons chargés d’ironie de leurs échanges, les deux femmes ne s’appréciaient visiblement pas. Lou se leva pour serrer la main de l’arrivante.

— Bonjour Lou. Je vois que vous êtes déjà entre les bonnes mains de notre chère Dolorès.

Cette dernière se leva un peu trop vivement de sa chaise, faisant claquer ses hauts talons sur le carrelage en quittant la pièce.

— J’ai du travail, mesdames !

Une fois les femmes seules, Sarah prit la place laissée vacante, repoussant la tasse à moitié pleine de son ennemie. Elle se servit un café ainsi qu’une brioche qu’elle maltraita du bout de ses ongles parfaitement manucurés.

— Brr... Après mon départ, je suis certaine qu’elle ne me manquera pas, celle-là !

— Quelle profession exerce-t-elle ?

— Elle est romancière. Certains de ses livres ont été des succès de librairie, vous savez ! D’après ce que je sais, elle pousse aussi dans le roman érotique sous un deuxième nom d’auteur. Pour avoir lu quelques-uns de ces ouvrages, je trouve ses personnages beaucoup plus sympathiques qu’elle ! ricana méchamment Sarah. Enfin bref, j’ai surpris des bribes de votre conversation. Il ne faut surtout pas l’écouter.

— Sarah...

— De toute manière, c’est Valère seul qui prendra la décision !

— Je crois qu’elle a raison. Je ne suis pas à l’aise ici.

— Vous n’avez pas fait ce voyage pour rien, tout de même ! Vous m’avez dit à Paris que vous aviez absolument besoin de ce poste !

Avec ses cheveux couleur de miel parsemé de mèches blondes, ses yeux bleus et son corps de rêve, Sarah ressemblait à une surfeuse californienne. Sauf que lorsqu’elle ouvrait la bouche, son accent chantant trahissait tout de suite ses origines.

— Oui, mais de là à travailler pour un médium... Ça me fait un peu peur.

La Marseillaise la fixa, les yeux ronds. C’est donc ce qui la chagrinait.

— Vous n’avez aucune crainte à avoir là-dessus. Valère n’est pas un charlatan ! Il a pignon sur rue dans son domaine ! Il lui arrive même de collaborer avec les autorités, alors vous voyez ! Je ne vous cacherais pas son mauvais caractère, j’en ai souvent fait les frais. Mais si vous lui tenez tête et que vous exécutez parfaitement votre travail, vous en serez amplement récompensé.

— Comment ça ?

— Il se pourrait bien qu’il vous garde au-delà du contrat.

Sarah ne croyait pas si bien dire ! Si elle disait vrai, les ennuis de Lou seraient terminés, du moins verrait-elle la lumière au bout du tunnel.

— Mais pour Dolorès... Pourquoi agit-elle ainsi ? Elle est si hargneuse !

— Elle est comme ça avec tous ceux s’approchant de trop près de son jumeau. Venez ! Je vous raconterais la suite en chemin ! J’ai des tas de choses à vous expliquer.

Chapitre 2

Le bureau de Lou se situait dans l’aile gauche de la villa. Elle disposait d’un ordinateur, une imprimante et une ligne téléphonique.

— J’ai mis du temps avant que le patron ne consente à m’installer cette machine, plaisanta Sarah. Il a une sainte horreur de tout ce qui est moderne. C’est vrai qu’à force de vivre dans ce sinistre couvent, on finit par en oublier le progrès ! Avec cet ordinateur, vous planifierez tous les rendez-vous. Les consultants sont souvent des personnalités importantes, vous devrez les accueillir comme il se doit et parfois les raccompagner jusqu’à la sortie. En général, c’est Valère qui s’en charge.

— Comment ça ? Reçoit-il vraiment des gens ici ?

— Oui, une personne dans la journée, parfois deux... ou zéro. C’est selon son humeur. Une partie de votre travail consistera à rappeler le consultant pour lui dire que Valère ne pourra finalement pas le recevoir, sachant tout de même que le rendez-vous a été pris quatre mois à l’avance. Je vous assure, c’est affreusement gênant. Surtout lorsque vous annoncez à la personne qu’elle devra encore patienter tout autant pour un autre rendez-vous !

Sarah s’amusait de la mine perplexe de sa remplaçante. Elle se souvenait avoir réagi de la même façon la première fois ou on lui expliqua en quoi consistait l’activité de son patron. Finalement, elle s’y était faite. Ce ne fut pas facile tous les jours, avec Dolorès se comportant de façon odieuse, ou les brusques accès de colère de Valère. Pourtant, elle sentait déjà qu’elle regretterait son poste. Bah... Ne dit-on pas que l’amour est plus fort que tout ? Lorsque son ex-conjoint lui proposa de donner une nouvelle chance à leur couple, elle n’hésita pas longtemps avant d’accepter. Le seul obstacle à ce bonheur se situait dans la distance. Alex déménagea en Bretagne après leur séparation. Pour le rejoindre, Sarah dut se résoudre à donner sa démission. Le plus difficile étant pour elle de quitter sa chère ville natale, sa famille et ses amis.

Le reste de la matinée, Sarah expliqua à Lou comment se servir du logiciel permettant d’organiser l’emploi du temps. Avec étonnement, la jeune femme ne put que constater à quel point Valère était sollicité. Il participait même chaque jeudi à une émission de radio ou durant une demi-heure, des auditeurs étaient invités à lui poser une question.

Lou s’interrogeait beaucoup elle aussi, donc sur un point bien précis.

— Sarah, puis-je vous demander quelque chose ?

L’intéressée détourna son regard de l’écran.

— Oui, bien sûr. Je suis là pour ça !

Lou mit quelques instants à trouver les mots adéquats, espérant ne pas se montrer maladroite.

— Euh... Croyez-vous réellement à ses dons de voyance ?

À son tour, Sarah laissa passer quelques secondes avant de répondre. Elle fixa la porte juste en face, donnant accès de l’autre côté à l’antre de Valère.

— C’est un homme fascinant, murmura-t-elle, comme parlant à elle-même. Il a ce don rare de capter vos pensées, lisant en vous comme dans un livre ouvert. Je pense que cet homme est bon, car il se sert de ce don pour faire le bien et apaiser ceux qui en font la demande. Quant à répondre précisément à votre question, je dirais oui. Ne me demandez pas d’explications, je n’en ai pas. Vous savez, il existe tant de choses mystérieuses autour de nous ! Ce n’est pas parce que nous ne les voyons pas qu’elle n’existe pas !

Plus tard, dans sa chambre, Lou enfilait un chemisier propre lorsque le clairon militaire de son portable résonna. Elle sauta littéralement dessus par crainte que d’autres ne l’entendent. C’était une nouvelle fois sa mère. Deux coups de fil en deux jours, quel exploit !

— Bonjour, ma chérie. Je suis heureuse de t’entendre.

Lou écarquilla les yeux. Qu’est-ce qu’il lui prenait, de l’appeler comme ça ?

— Merci, c’est gentil. Tu m’as déjà appelé hier soir, maman. Je t’ai dit que j’étais à Marseille ou j’ai trouvé un emploi.

— Ah oui ? C’est fâcheux parce que je voulais justement te demander un petit service.

Elle nota, non sans une pointe d’amertume, qu’elle ne la félicitait pas plus aujourd’hui qu’hier pour ce nouveau poste. De toute manière, si la conversation ne concernait pas sa propre personne, ce n’était pas intéressant. En général, le petit service comme elle appelait ça, servait de prétexte afin de réclamer de l’argent. Bien qu’au courant des problèmes financiers de sa fille, elle ne ressentait pas moins de scrupules à lui demander de l’aide, sachant que Lou cédait chaque fois.