D'amour et de musique - Chantal Ferreira - E-Book

D'amour et de musique E-Book

Chantal Ferreira

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Beschreibung

Musique, rock et amour

Laetitia est auteur compositeur. Quand Storm arrive chez elle pour lui demander de faire un album pour eux, elle accepte avec joie.

La joyeuse troupe s’installe chez elle, et bouscule tout sur son passage.

Mais tout n’est pas si facile quand les sentiments des uns et des autres se heurtent à une course contre la montre pour créer un album en anglais dans les temps et à l’hostilité d’un enfant de douze ans.

Laetitia devra se battre pour réussir ce pari insensé, qui l’amènera jusqu’aux Pays-Bas pour l’enregistrement.

Le parcours parsemé d’embuches d’une artiste auteur-compositeur

EXTRAIT

Il était environ 2 heures du matin, et elle venait de s’accorder une demi-heure de pause pour boire un café. Elle descendit au rez-de-chaussée, mit la cafetière en marche et s’alluma une cigarette. L’une des rares qu’elle fumerait entièrement au lieu de la laisser se consumer dans le cendrier.
Laetitia vivait dans une immense maison avec son fils et sa fille, deux jumeaux de douze ans, depuis que son mari avait trouvé la mort dans un accident, cinq ans plus tôt.
Auteur-compositeur, elle écrivait beaucoup, et pouvait dire avec fierté que la plupart de ses chansons étaient des succès. Elle aimait son métier qui lui laissait une grande liberté dans le travail et les horaires, chose importante quand on est veuve avec deux enfants. Pour l’instant, ceux-ci étaient en vacances à l’étranger avec leurs grands-parents, et, depuis une semaine, elle était seule.

A PROPOS DE L’AUTEUR

L’auteure, aînée de trois sœurs, est née le 28 mai 1959. Après avoir eu son CAP vendeuse ; elle s’est mariée à Diamantino Ferreira en 1978. Elle a eu deux enfants et deux petits enfants. D’amour et de musique est son premier roman.

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Chantal Ferreira

D’amour et de musique

1ère partie

Il était environ 2 heures du matin, et elle venait de s’accorder une demi-heure de pause pour boire un café. Elle descendit au rez-de-chaussée, mit la cafetière en marche et s’alluma une cigarette. L’une des rares qu’elle fumerait entièrement au lieu de la laisser se consumer dans le cendrier.

Laetitia vivait dans une immense maison avec son fils et sa fille, deux jumeaux de douze ans, depuis que son mari avait trouvé la mort dans un accident, cinq ans plus tôt.

Auteur-compositeur, elle écrivait beaucoup, et pouvait dire avec fierté que la plupart de ses chansons étaient des succès. Elle aimait son métier qui lui laissait une grande liberté dans le travail et les horaires, chose importante quand on est veuve avec deux enfants. Pour l’instant, ceux-ci étaient en vacances à l’étranger avec leurs grands-parents, et, depuis une semaine, elle était seule.

Cet été, elle avait écrit une chanson pour un groupe néerlandais pratiquement inconnu, et ils avaient fait un malheur avec ce rock. Maintenant, elle travaillait amoureusement sur une chanson que lui avait demandée le chanteur numéro un français, ce qui expliquait qu’elle fut encore debout à cette heure-ci.

Elle s’approchait de la fenêtre pour regarder la neige qui recouvrait tout, quand soudain, on sonna à la grille.

Légèrement inquiète de cette visite à cette heure de la nuit, elle hésitait à ouvrir. Il y avait quatre personnes dehors, en pantalons et bottes, emmitouflées dans des blousons, et la moitié du visage caché par une écharpe. Rien d’anormal vu le temps qu’il faisait dehors. Pourtant, elle hésitait encore. Après avoir battu la semelle pour se réchauffer, les quatre silhouettes, qui paraissaient être des hommes à en juger par leurs carrures, durent en avoir assez, car elles poussèrent la grille et s’avancèrent dans l’allée. Laetitia se demandait quoi faire. Elle était seule, et il était quand même 2 heures. Après tout, c’était peut-être des cambrioleurs ! Soudain, l’une des personnes glissa dans la neige et s’étala de tout son long. Aussitôt, les autres partirent d’un rire bruyant et communicatif. Le personnage à terre ramassa de la neige, en fit une boule qu’il lança dans leur direction. Et Laetitia, amusée, vit une bataille de boule de neige se dérouler sous ses yeux, en pleine nuit, à grand renfort de rires et de cris. « Après tout, pensa-t-elle en ouvrant sa porte, des voleurs n’auraient pas fait autant de bruit ! » Juste quand elle ouvrait, elle reçut deux boules de neige qui lui firent pousser un cri. Ces boules étaient sûrement destinées à celui qui se trouvait maintenant devant la porte, et qui, malheureusement pour elle, s’était baissé pour les éviter. Laetitia, elle, attendait que les fous rires se calment et qu’on veuille bien lui expliquer ce qui se passait. Au bout de quelques minutes, les quatre s’approchèrent, et, redevenant sérieux, l’un d’eux prit la parole dans un français où l’on percevait un fort accent étranger :

– Excusez-nous pour l’heure, mais nous avons perdu un ami, et nous pensions qu’il était chez vous.

Laetitia se dit qu’elle avait ouvert à quatre ivrognes, pourtant elle leur demanda la raison d’une telle supposition. Celui qui avait parlé eut l’air étonné, mais finit par lui répondre :

– Vous êtes bien Mme Laetitia Trebor ? Oui… Alors on ne s’est pas trompés, c’est bien vous qu’on vient voir… Vous allez trouver ça prétentieux, mais je pensais que vous alliez nous reconnaitre !

– Vous reconnaitre ? Mais il faudrait d’abord que je puisse vous voir ! J’ai plutôt l’impression d’avoir à faire à des bandits masqués qu’à quelqu’un que je devrais connaitre !

Celui qui avait parlé se mit à rire, dit une phrase qu’elle ne comprit pas, et tous d’un même mouvement, retirèrent leurs écharpes. Laetitia ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit, ce qui eut pour effet de relancer le fou rire des garçons qui se trouvaient devant elle. Laetitia se fit la réflexion qu’ils ne devaient jamais s’arrêter de rire et leur en fit la remarque :

– C’est votre vraie nature, le rire, ou c’est exceptionnel ?

Au lieu de répondre, elle l’entendit demander :

– On ne pourrait pas entrer un moment ? Il ne fait pas très chaud !

Elle se rendit compte qu’elle ne portait qu’un pull trempé, et, qu’en effet, il faisait très froid. Elle les fit donc rentrer et leur alluma le salon après les avoir débarrassés de leurs blousons. L’un d’eux s’affala littéralement sur le sofa en poussant un grand « ouf » de soulagement. Un de ses camarades lui lança un regard sévère en lui disant :

– Richie !

Laetitia éclata de rire en voyant le dénommé Richie se relever comme s’il était monté sur des ressorts.

– Asseyez-vous ! Je me change et je suis à vous dans deux minutes !

En enfilant un autre pull, elle pensa à ce qui lui arrivait. Voilà qu’elle avait chez elle, dans son salon, le groupe Storm, le groupe néerlandais pour lequel elle avait travaillé cet été. Celui qui, depuis, faisait parler de lui dans le monde entier comme étant la révélation de l’année. Quand elle les rejoignit, Richie avait encore du mal à garder son sérieux. En la voyant, il recommença à rire en lui disant une phrase incompréhensible.

– Désolée, dit-elle, je ne comprends pas le hollandais. Parlez-moi en français ou en anglais.

– Je me demandais ce que vous aviez pensé en nous voyant nous battre dans le jardin.

– Exactement ce que je pense en ce moment en vous voyant vous tordre de rire dans mon salon. Vous ressemblez à des gamins heureux de vivre !

– Gamin ? C’est quoi ?

– Un gamin est un petit enfant.

– Ho ! Vous devez nous prendre pour des… heu… How do you say… crazy ?

– Fous ? Non, pas vraiment… Pas encore… Il y avait bien longtemps que je n’avais pas entendu rire quelqu’un avec autant de plaisir… Bon ! En attendant, désirez-vous boire ou manger quelque chose ?

Comme elle les voyait hésiter, elle continua :

– Écoutez ! Il est près de 3 heures du matin ! Vous débarquez de Dieu sait où, vous vous êtes gelés dehors je ne sais combien de temps ! Pour ma part, j’allais me faire un café. Du moment que vous n’avez pas envie d’un plat qui demande trois heures de préparation ! Par contre, si une omelette vous tente, c’est vite fait, ça réchauffe et ça remplit les estomacs vides !

Ils demandèrent tous un café. Dans la cuisine, elle décida de leur préparer une omelette ou deux, pour le cas où… Ils étaient peut-être timides… Cette idée la fit sourire, vu l’heure à laquelle ils avaient sonné chez elle. Elle battait les œufs quand on sonna à la porte.

– Je suis occupée, leur cria-t-elle de la cuisine, vous voulez bien ouvrir, s’il vous plait ? Ca ne peut être que votre ami !

Le nouveau venu s’arrêta à la porte. Le dos tourné, Laetitia surveillait la cuisson de ses omelettes.

– Hum ! I’m hungry ! (j’ai faim !) dit Richie en arrivant dans la pièce.

– Je ne sais pas si je vous permettrai de toucher à ces omelettes… Quand j’ai posé la question, personne n’en a voulu…

– C’est qu’on n’avait pas encore senti l’odeur ! Ça donne faim !

Elle se retourna en souriant, mais son regard, au lieu de se diriger vers Richie, comme prévu, s’arrêta à la porte.

Elle ne vit d’abord que les yeux. Des yeux immenses, d’un bleu très clair, incroyablement brillants et doux. Le regard de l’inconnu plongea dans les siens, et tout son corps fut parcouru de frissons alors que son cœur battait trop fort dans sa poitrine. Et ces cheveux ! « Mon Dieu, pensa-t-elle, comment un homme peut-il avoir de tels cheveux ? » Elle le regardait sans faire le moindre mouvement. Elle se disait : « Mais réagit, bon sang ! » mais elle était incapable du moindre geste, son corps refusait d’obéir. Heureusement, après quelques secondes qui lui avaient paru une éternité, l’inconnu, inconscient de son trouble, avança d’un pas, et le charme fut rompu.

– I’m Joy ! se présenta-t-il en lui prenant les plats des mains pour les poser sur la table… Laetitia, n’est-ce pas ?

Ils s’assirent autour de la table, et commencèrent à manger tout en se présentant à tour de rôle. Outre Richie et Joy, il y avait Thomas, Mike et Dave. Elle apprit que Joy s’était arrêté à une cabine téléphonique, et que les autres ne l’avaient pas attendu, (perdu, mon œil !), d’où son retard. C’est seulement après qu’elle eut servi le café qu’ils lui apprirent le pourquoi de leur visite. Joy lui dit qu’ils étaient en vacances pour au moins deux mois, et qu’ils en avaient profité pour venir lui proposer d’écrire leur prochain album. Pour un choc, ce fut un choc ! Un album ! Pour eux ! Elle ouvrit la bouche et la referma aussitôt sous le coup de la surprise, et enfin, leur dit :

– Tout un album ?

– Oui, nous avons beaucoup aimé ce que vous nous avez écrit cet été, et le public aussi, il me semble.

– Oui, mais… Un album entier ! En anglais ! Je ne sais pas si je pourrai !

– De toute façon, on en reparlera. On s’est juste arrêtés parce qu’on voulait voir où vous habitiez et qu’on a vu de la lumière chez vous. Vous ne dormez jamais, la nuit ?

– Si, quand je ne travaille pas.

– Allez ! Il faut partir, il est 4 heures ! On doit encore trouver un hôtel et dormir un peu. On est peut-être en vacances, mais quand même ! On peut appeler un taxi ?

– Restez ici, si vous le voulez… Il y a de la place.

Mentalement, elle se mordit la langue. Pourquoi demander à cinq jeunes hommes de dormir chez elle, alors qu’elle était seule et qu’elle ne les connaissait pas ? Maintenant, elle ne pouvait plus reculer. Ils avaient accepté, heureux de ne pas avoir à ressortir. Elle leur fit voir les pièces du rez-de-chaussée, leur désigna sa propre chambre, puis ouvrit celle de son fils :

– Mes enfants ne sont pas là pour les vacances.

Elle tira le tiroir-lit.

– Deux d’entre vous peuvent dormir ici. Les autres dans la chambre en face.

Cette pièce était inoccupée et comportait deux lits. Elle sortit un troisième, pliant, d’un placard, distribua draps et couettes, les aida à préparer leurs lits, et, vers 6 heures, tout le monde put se coucher. Joy prit la chambre de son fils avec Thomas, les trois autres, celle d’en face.

– Surtout, leur dit-elle en leur souhaitant de bien dormir, ne vous levez pas si vous n’en avez pas envie. Faites comme chez vous. Si vous vous levez avant moi, préparez-vous à déjeuner, fouillez. Quant à moi, il est 6 heures, ne me réveillez pas avant 2 heures de l’après-midi.

Sa porte refermée, Laetitia s’y adossa en pensant à ce qui lui arrivait. Elle ne pourrait surement pas fermer l’œil ! Mais malgré tout ce qu’elle pensait, elle s’endormit dès qu’elle posa la tête sur l’oreiller.

Quand elle refit surface, son réveil marquait midi vingt et elle se demandait ce qui l’avait réveillée. Et soudain, elle trouva : le bruit ! Elle percevait des bruits de vaisselle, de chaise qu’on déplace et de voix qui s’efforçaient de parler doucement. Tout lui revînt en mémoire quand elle entendit rire. Ce n’était pas un énorme éclat de rire, mais elle l’avait reconnu. Richie riait. Elle n’avait jamais entendu quelqu’un rire autant. Il lui semblait qu’elle l’avait toujours entendu rire, alors qu’elle ne le connaissait pas la veille. Cette idée la fit sourire et la mit de bonne humeur. Elle sauta de son lit, qu’elle fit aussitôt, prit une douche rapide, enfila un jean et un pull et se dirigea vers la cuisine.

Ils étaient tous installés devant des bols de café au lait. Sur un plat, au centre de la table, était disposée une montagne de croissants. Elle vit tout cela d’un simple coup d’œil ainsi que le beurre et le jus de fruit. Ils avaient même réussi à dénicher la confiture alors qu’elle-même ne savait pas où elle l’avait rangée. Elle aurait aimé les observer un moment, mais ils se levèrent dès son arrivée.

– Restez assis, et bonjour !

Elle prit un bol, se servit un café et s’installa entre Richie et Thomas qui venaient de lui faire une place.

– J’espère que nous ne t’avons pas réveillée ? demanda Joy.

Puis, sans attendre la réponse, il ajouta :

– On avait pensé t’apporter le petit déjeuner au lit, mais on n’a pas osé. Un camion est passé devant chez toi, et quand on a vu que c’était le boulanger, on est sortis prendre des croissants. Hum ! J’adore les croissants, pas toi ? Tes voisins nous ont regardés d’un drôle d’air. Notre arrivée ne va pas te poser des problèmes, j’espère ? Ensuite, on s’est préparés à déjeuner. On a dû fouiller un peu, ça ne te dérange pas ? Tu es toujours aussi peu bavarde ?

Laetitia écoutait en souriant tout en continuant de manger. Elle profita d’une pause destinée à mordre dans un croissant pour répondre :

– Non. Moi aussi. Je m’en fiche. Non et ça dépend.

Joy la regardait étonné. Visiblement, il ne savait pas de quoi elle parlait. Par contre, le fou-rire qui gagnait ses amis montrait qu’eux, comprenaient très bien. Elle lui expliqua donc en souriant.

– Tu as parlé environ cinq minutes et tu as posé cinq questions sans attendre la réponse. Aussi, je profite du fait que tu reprennes ta respiration pour y répondre.

– Tu ferais mieux de tout reprendre, se moqua Thomas. Il ne doit même plus se souvenir des questions qu’il a posées. Nous, on a l’habitude, on laisse faire, le matin c’est lui qui fait la conversation…

– Bon, ça va, coupa Joy en souriant. C’est vrai que je ne m’en souviens pas. Alors, puisque tu as réussi à suivre même là où moi, je me perds, je t’écoute.

Laetitia, le coude sur la table, le menton appuyé sur sa main, regardait Joy. Elle avait remarqué qu’il avait laissé tomber le vouvoiement de la veille, et trouva cela plus sympa.

– Okay ! D’abord, non, vous ne m’avez pas réveillée. Ensuite, moi aussi, j’aime les croissants. Après, si je ne me trompe pas : votre arrivée me posera-t-elle des problèmes avec les voisins ? Réponse : Je m’en fiche ! Je suis chez moi. Je vis comme je veux et avec qui je veux. De toute façon, ça fait cinq ans que je vis seule, et automatiquement, les voisins surveillent chaque personne qui entre chez moi. Alors, vous pensez ! Cinq hommes d’un coup ! Ce soir, tout le quartier sera au courant. Bah ! Avec un peu de chance, ils penseront que j’ai ouvert une pension de famille… Puis, si ça ne me dérange pas que vous ayez fouillé : non, je vous avais dit de le faire. Et enfin : suis-je toujours aussi peu bavarde ? Je maintiens le « ça dépend ».

– De quoi ?

– Du moment. Je ne parle pratiquement pas avant d’avoir déjeuné. Ce matin, vous m’avez fait parler pour un mois. Puis de la personne à qui je parle et du sujet de conversation. Ah, j’oubliais ! Ca dépend aussi de mon humeur !

Après ça, d’un commun accord, ils se levèrent pour ranger la cuisine. Laetitia et Joy débarrassaient les bols et les mettaient au lave-vaisselle, Richie et Thomas rangeaient beurre, confiture, etc. tandis que Dave donnait un coup de balais. Quant à Mike, appuyé contre un mur, il se contentait de superviser le tout en donnant des ordres. À 14 heures, elle leur proposa de passer au salon. Ils s’installèrent sur le sofa et les fauteuils et sourirent quand elle refusa la place que lui faisait Richie près de lui.

– Peur ?

– De toi ? Non. Mais je suis mieux sur le tapis. Le sofa me sert de dossier.

Après un moment de silence où chacun attendait que l’autre prenne la parole, Joy se décida enfin :

– On a beaucoup aimé la chanson que tu nous as écrite, et on s’est mis d’accord pour que tu écrives notre prochain album. Bien sûr, on aurait pu te le demander par écrit, mais, comme on devait prendre des vacances, on en a profité. Et puis, comme ça, on est sur place pour te faire changer d’avis, si tu refuses. On a donc pris l’avion, et nous voilà.

Laetitia, la tête appuyée contre le sofa, réfléchissait. Devait-elle accepter ? Et si elle le faisait, serait-elle à la hauteur ? Elle devait bien s’avouer que l’aventure la tentait. Écrire pour Storm ! C’était une chance à ne pas manquer. Bien sûr, ce serait un travail énorme, mais, si elle réussissait, quelle satisfaction ! Elle se disait aussi que les cinq garçons lui plaisaient, et que les revoir de temps en temps, ne serait-ce que pour le travail, lui donnait une raison de plus d’accepter. La tête sur le sofa, les yeux fermés, elle se moquait d’elle-même. La voix de Richie la tira de ses pensées :

– Tu devrais toujours sourire, ça te va bien.

– Merci… Dis-moi, Joy ! Si j’accepte, je devrai seulement écrire les textes, ou la musique aussi ?

– J’ai quatre ou cinq morceaux que je veux sur l’album. Pour les autres, si tu peux les faire, on aimerait autant.

– Et il devrait sortir quand, cet album ?

– Août ou septembre, rien n’est décidé encore. Alors, tu acceptes ?

– Attends, Joy ! Avant de vous dire quoi que ce soit, je veux écouter ce que vous avez fait, voir le genre de musique que vous faites, et voir si je me sens capable d’écrire dessus. Il faut que moi aussi, je puisse faire ce genre-là, parce que sur l’album, il ne faudrait pas que les morceaux soient trop à l’opposé les uns des autres. Ensuite seulement je vous dirai si j’accepte ou pas.

– Okay. Tu vas écouter ce qu’on a fait. On récupère nos affaires à la consigne de l’aéroport, on cherche un hôtel pas trop loin et on repasse ici ce soir pour en discuter.

Laetitia eut l’impression que son cœur s’affolait sans savoir pourquoi. Tout ce dont elle se rendait compte, c’est qu’elle n’avait pas envie de les voir partir. Elle savait que c’était peut-être de la folie, mais décida que, pour une fois, elle suivrait ses impulsions.

– Si vous voulez rester ici, ça ne me dérange pas. Si c’est des vacances que vous voulez, ici, vous serez tranquilles !

– Vrai ? On peut rester ? Tant mieux ! À l’hôtel, on risque toujours de tomber sur des fans trop délirants ou un journaliste qui nous aurait reconnus. Okay, si ça ne te dérange pas, on reste quelques jours. On prend nos affaires et on revient t’envahir.

Laetitia leur tendit les clés de la maison et garda les doubles. Elle allait faire quelques courses et n’était pas sûre d’être là à leur retour, et Richie décida de rester pour l’aider. Avant de partir, ils transvasèrent les affaires de l’armoire de son fils dans la chambre de sa fille pour leur permettre de ranger les leurs. Tout en travaillant, Richie et elle discutaient, ou plutôt, elle répondait aux questions du jeune homme.

– Ton mari ne dira rien si tu reçois en son absence ?

– Je vous ai dit que je vivais seule avec mes enfants depuis cinq ans. Mon mari est mort dans un accident de voiture.

– Oh, I’m sorry ! (je suis désolé)

– Tu n’y es pour rien Richie

– Et depuis, tu vis seule, ça ne te pèse jamais ?

– Parfois, mais ça ne dure pas. J’ai mes enfants, des amis, et si malgré tout, mon moral descend un peu trop, je prends ma guitare, et il remonte en flèche. Dans l’ensemble, je n’ai pas à me plaindre. Bon. C’est terminé ! On va faire les courses ?

Ils prirent à eux deux le ravitaillement pour tenir un siège. Quand ils arrivèrent, le salon éclairé prouvait que les autres étaient rentrés. Ils ouvrirent le coffre de la voiture pour décharger, et alors que Richie s’éloignait, un grand sac dans les bras, il se retourna pour écouter Laetitia qui lui disait :

– Attention de ne pas gliss…

Trop tard ! Il était tombé en se retournant. Il tenait toujours le sac dans les bras, mais il était pratiquement vide. En le voyant assis par terre, dans la neige, le sac dans les mains et tout ce qu’il contenait éparpillé autour de lui, Laetitia éclata de rire. Les autres sortirent, alertés par le bruit et virent tout de suite ce qui s’était passé. Ils aidèrent Richie à se relever et commencèrent à ramasser ce qui était tombé en riant. Laetitia, appuyée contre la voiture, riait toujours. Enfin, tous se calmèrent. Joy s’approcha d’elle et la regarda. Le manteau ouvert, les yeux pleins de larmes et le sourire aux lèvres, elle lui fit penser à l’image même du bonheur. La tête un peu penchée, il la regardait toujours, l’air grave. Soudain, il avança la main et cueillit une larme qui glissait encore sur sa joue. Au contact de ses doigts, elle frissonna. Quand elle lui sourit, il ouvrit la bouche pour parler, mais la referma sans avoir dit un mot, secoua la tête, fit demi-tour et s’éloigna. « Que voulait-il me dire ? » se demanda-t-elle. Elle se fit la réflexion qu’il l’avait regardée d’une drôle de façon, que ses mains étaient très douces,… trop… que… Elle sourit, se traita d’idiote et aida les garçons à décharger. Quand elle entra dans la maison, une bonne odeur s’échappait de la cuisine

– Hum ! Ca sent bon ! Qui a fait à manger ?

– Dave. On a fouillé un peu et on t’a préparé un plat hollandais.

Après avoir tout rangé, ils s’installèrent pour souper. Laetitia s’assit entre Dave et Joy. Elle se souvenait que le matin, elle s’était parfois sentie mal à l’aise sous le regard de Joy, en face d’elle. Ainsi, près d’elle, il ne pourrait pas la regarder sans arrêt. Mais elle s’aperçut très vite que c’était une erreur. L’avoir auprès d’elle était encore pire. Elle avait l’impression que son bras, près du sien, lui brûlait la peau. Elle devinait le moindre de ses mouvements. Quand Joy lui parlait, il se tournait vers elle, et son genou frôlait le sien. Elle se sentait envahie par un trouble étrange qu’elle n’arrivait pas à s’expliquer. Et ses mains ! Irrésistiblement, le regard de Laetitia était attirée par ces mains aux longs doigts fins, par leurs mouvements gracieux quand il parlait.

Plus tard, dans sa chambre, elle se demanderait comment elle avait réussi à manger, discuter, rire autant. Elle se rappelait que ce qu’avait cuisiné Dave était délicieux, pourtant, elle était incapable de dire ce qu’elle avait eu dans son assiette. Et surtout, comment avait-elle réussi à ne rien laisser voir de son trouble ?

Pour l’instant, ils avaient retrouvé leurs places au salon, et discutaient en buvant leurs cafés. Laetitia apprit qu’ils avaient déjà écrit trois albums qui n’avaient pas franchis leurs frontières. Puis, elle leur avait écrit cette chanson, et, en l’espace de trois mois, ils étaient entendus sur toutes les radios et télévisions du monde. Le succès avait été foudroyant et ils n’en revenaient pas. Pourtant, elle les trouva très lucides quand ils lui dirent :

– C’est vrai que, depuis, on nous demande partout, qu’on ne jure que par nous. Les fans et les journalistes nous poursuivent partout, sans arrêt, mais il n’est pas certain que cela dure. Il faut voir la suite. Pour l’instant, on nous aime ! Et je ne parle pas de la file de gens qui attend devant nos domiciles !

– Joy a même failli se faire tuer ! se moqua Thomas.

À la question muette de Laetitia, Joy répondit :

– Un jour, je sortais d’un restaurant avec Thomas et Richie. On est tombés sur une bande d’excités qui voulait à tout prix des autographes et nous toucher. Le temps d’arriver à la voiture, j’avais perdu une partie de mon blouson et de ma chemise, une bonne poignée de cheveux et ma médaille ! Et eux ? Figure toi qu’ils n’ont presque rien eu !

– Normal ! répondit-elle en souriant. Même si les musiciens comptent beaucoup dans un groupe, c’est presque toujours sur le chanteur que retombe l’hystérie des fans. Et ça peut se comprendre. Le chanteur, même en « live » sur une scène, est toujours au premier plan. A la télé, c’est toujours lui qu’on voit et qu’on écoute. Une chanson repose sur le chanteur. Les musiciens ne sont là, hélas, que pour le soutenir, et, à l’aide de la musique, donner plus de poids au texte.

– Oui. Enfin, pour le moment, ça va. Comme il fait froid partout, tout le monde est emmitouflé de la tête aux pieds, et on arrive à passer à peu près inaperçus. En été, on fait tout en courant ! Mon Dieu ! C’est quand même un métier crevant !

La tête sur le sofa, les yeux mi-clos, Laetitia répondit doucement en souriant :

– Oui, c’est vrai… Toujours à droite et à gauche. D’un plateau de télé à une salle de concert, d’une radio à une interview pour les journalistes, d’un studio d’enregistrement à une séance de photos. Le plus souvent sur les routes ou dans un avion, rarement chez soi… Oui, c’est un métier difficile… Mais il y a tout le reste ! La joie de jouer et de chanter la musique qu’on aime, le plaisir de se retrouver sur une scène, sous les projecteurs, devant des gens qui ont payé pour te voir, parce qu’ils t’aiment, la magie de chanter devant une salle pleine qui réagit merveilleusement bien !

Laetitia parlait doucement, les yeux fermés maintenant, comme si elle avait oublié tout ce qui l’entourait. Les garçons s’étaient tus et elle continua :

– Quand on chante une chanson, sur scène, et qu’en plein milieu on s’arrête parce qu’on s’aperçoit que tout le public, du plus jeune au plus vieux, connait les paroles aussi bien que toi. Quand on entend un enfant chanter nos textes ou qu’on voit des gens pleurer sur une de nos chansons… C’est magique ! Rien que pour vivre ça, on supporte le reste. Parce que la musique… c’est la vie ! Un bébé de un an chante ! Il ne sait ni marcher, ni parler, mais il chante à, sa façon. On chante pour tout. On est gai, on chante. Heureux ou malheureux, y’a la musique. Il y a même des chansons pour prier Dieu dans les églises !

Elle s’était tue, et personne n’osait rompre le silence. Les mots étaient encore en suspension dans l’air. Seule une lampe allumée dans un coin éclairait faiblement la pièce. Le premier, Joy soupira et finit par dire :

– C’est très juste ce que tu viens de dire. En t’écoutant, j’avais l’impression d’y être, et il me semblait que tu le vivais aussi, que tu connaissais très bien tout ça.

Les coins des lèvres de Laetitia se relevèrent dans un sourire triste. Sans regarder personne, les yeux fixant un point au plafond, elle semblait ailleurs. Elle surprit tout le monde quand les larmes se mirent à glisser sur ses joues tandis qu’elle disait :

– J’ai connu ça, Joy… Je l’ai connu et j’aimais ça. C’est pour ça que je peux en parler. Parce que je sais, moi, qu’il n’y a rien de mieux que de chanter sur scène… Mais pour moi, c’est fini… Il y a longtemps.

Soudain, elle se mit à pleurer franchement, la tête cachée dans des bras posés sur ses genoux relevés. Thomas se leva et dit doucement à Joy :

– Occupe-toi d’elle, je vais lui servir un café

Joy se leva et vînt s’assoir près d’elle sur le tapis. Il passa un bras autour de ses épaules et lui caressa les cheveux en lui parlant doucement. Peu à peu, elle se calma. Elle finit par appuyer sa tête contre lui, et se laissa bercer par les mots. Les larmes coulaient encore, mais elle ne sanglotait plus. Elle leva un peu la tête pour le voir et lui dit en souriant tristement :

– Je ne comprends rien, Joy… Tu me parles en hollandais.

Il ne répondit pas mais la serra un peu plus fort contre lui. Leurs visages étaient si près l’un de l’autre qu’elle crut qu’il allait l’embrasser. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait envie qu’il le fasse, qu’il la garde là, contre lui. Mais il se redressa, Thomas arrivait avec le café.

– Je vous demande pardon, dit-elle. Je ne sais pas ce qui m’a pris.

– On ne savait pas que tu avais chanté. Pourquoi avoir arrêté si tu aimais tellement ça ? demanda Richie.

– Tu n’es pas obligé d’en parler, coupa Joy en foudroyant son ami du regard.

– Bah ! C’est du passé maintenant. J’ai chanté quatre ans. Ça a été les quatre plus belles années de ma vie. Je n’ai pas l’intention de rentrer dans les détails, mais au cours d’une tournée particulièrement fatigante, j’ai eu un accident. Je suis restée trois jours dans le coma et je m’en suis sortie. Malheureusement, mes cordes vocales ont été touchées et je ne peux plus forcer comme avant. Au bout de deux ou trois chansons on ne m’entendrait plus au premier rang. Je me console en écoutant les autres chanter mes textes puisque je ne peux plus le faire moi-même.

Il n’y avait rien à ajouter à cela, et ils eurent la délicatesse de se taire. Ce fut elle qui reprit :

– Assez parlé de moi ! Fais-moi écouter ce que vous avez fait, Joy !

Elle prit le disque qu’il lui tendait en disant :

– Venez ! On sera mieux en haut !

Elle les guida à l’étage et ouvrit les portes en expliquant :

– Ici, c’est mon bureau. Là où je travaille quand il y a du monde à la maison, parce que c’est plus calme… Cette pièce-là, en face, est celle que je préfère de toute la maison.

C’était une pièce immense. A l’intérieur, on trouvait un vrai paradis pour musicien. Tout y était, du synthétiseur à la batterie en passant par toute une série de guitares et de basses, accrochées aux murs ou posées sur des supports. On y voyait des violons, des harmonicas, des saxophones etc. Il y avait, en plus, tous les appareils d’enregistrement nécessaires à un petit studio. Mais ce qu’on remarquait d’abord, c’était les murs. Quelques posters étaient accrochés, représentant des chanteurs ou des groupes à succès, dont un de Storm qui fit sourire les intéressés. Mais tout le mur du fond était peint. On y voyait une jeune femme devant un micro, une guitare à la main, vêtue d’un jean et d’un T-shirt. Ses cheveux longs volaient comme si on avait pris la photo alors qu’elle tournait ou dansait, et lui cachaient la moitié du visage. Derrière elle, plus dans l’ombre, on distinguait quatre musiciens. La peinture était impressionnante de réalisme. Les cinq garçons regardaient, saisis. Elle sourit et dit :

– C’est dingue ! Ça fait cet effet à tous ceux qui la voient pour la première fois ! Bon. On va écouter ça. L’autre pièce est la même que celle-ci, posters, peintures et quelques instruments en moins. Si vous voulez travailler ou simplement vous amuser, servez-vous en. Mais si vous travaillez, prévenez moi ou bien accrochez le panneau « sens interdit » à l’extérieur.

– Pourquoi ?

– Je ne sais pas comment vous travaillez, Joy, mais moi, quand je m’y mets, j’ai horreur d’être dérangée. Pour ma part, dès que vous travaillerez dans l’une de ces pièces, je vous fiche la paix. Je ne viendrai même pas vous chercher si vos parents, le pape ou le président de la république vous réclamaient personnellement !

En expliquant cela, elle avait introduit le disque dans le lecteur et ils s’installèrent sur les chaises ou par terre.

Ils écoutèrent les cinq morceaux en silence. Quand les dernières notes se turent, ils regardèrent Laetitia. Celle-ci, debout devant la fenêtre, n’avait pas bougé et leur tournait le dos. Soudain, elle se retourna, revînt vers le lecteur, lui fit faire marche arrière et, retournant à la fenêtre, réécouta le dernier morceau. Elle n’avait pas dit un mot, n’avait même pas jeté un coup d’œil aux garçons qui la regardaient, se demandant pourquoi elle ne réécoutait que ce morceau. Quand la musique s’arrêta à nouveau, Laetitia ne fit pas un mouvement. Le tiroir du lecteur qui s’ouvrait sembla la réveiller. Elle sursauta, poussa un profond soupir, et enfin, se tourna vers les garçons. Elle sourit en voyant leurs visages anxieux et les compara à des condamnés attendant le verdict du juge. Ce fut Joy qui craqua le premier en demandant nerveusement :

– Alors ?

– Je ne sais pas, Joy… Ce que vous avez fait est très bon et me plait. Ce que je ne sais pas, c’est si moi, je serai capable de faire quelque chose de bon là-dessus. Ce que je peux dire, par contre, c’est que j’adore le dernier morceau. Tu vas me laisser le disque, Joy. Je ne peux pas vous donner un oui ou un non définitif. Il faut que je l’écoute encore dans le calme. Mais j’avoue que l’aventure me tente.

En bas, ils discutèrent de choses et d’autres. Ils avaient convenu qu’ils ne parleraient pas de l’album, qu’elle leur donnerait sa réponse qu’après avoir mûrement réfléchi. Après le souper, ils burent leurs cafés au salon sans presque parler. Laetitia, assise à sa place favorite, sur le tapis, paraissait à mille lieues de là. Elle avait mis un disque dans la chaine hi-fi, et une lumière douce incitait à la rêverie.

– Tu ne parles pas beaucoup, remarqua Thomas.

– Bof ! Je parle quand j’ai quelque chose à dire. Hum ! C’est le moment que je préfère. J’adore être là, le soir avec un café, une cigarette, un bon feu de cheminée, juste une lampe allumée et un peu de musique. Ça ne me donne pas vraiment envie de discuter… Ce soir, quand je ferme les yeux, j’entends vos voix et la musique. C’est bizarre comme le son de vos voix parait venir de loin, parfois. Hum… Je crois surtout que je suis en train de m’endormir.

Après un moment, elle reprit en se redressant :

– En ce moment, vous vivez chez moi, mais vous n’êtes pas obligés de rester près de moi, vous savez ! Sortez si vous le désirez. Si vous voulez lire, il y a une bibliothèque dans mon bureau, en français, c’est tout ce que j’ai. Au fond du salon, dans ce meuble-là, j’ai toute une collection de films vidéo et de variétés de toutes sortes. En français et en anglais. Servez-vous.

Richie s’était levé et parcourrait les titres de films. Un quart d’heure plus tard, ils riaient tous devant un film comique. Laetitia resta avec eux dix minutes, mais comme elle l’avait déjà vu plusieurs fois, elle finit par s’en désintéresser. Sans qu’ils fassent attention à elle, elle partit chercher le CD de Joy, le mit dans son baladeur, et s’allongea à plat ventre devant la cheminée. Bientôt, elle fut complètement étrangère à ce qui l’entourait. Toute entière à la musique qu’elle écoutait, elle étudiait chaque morceau et notait sur une feuille tout ce qui retenait son attention, ainsi que les remarques qu’elle se faisait. Ainsi, après quelques tâtonnements, elle pouvait parfaitement distinguer chaque instrument ainsi que le moment où il entrait en jeu. Elle était tellement prise par son travail, qu’elle ne s’aperçut pas que le film était terminé depuis longtemps.

Après s’être installé sur le sofa, Joy l’avait appelée, mais elle n’avait rien entendu. Il était près de minuit, et personne ne pensait à aller se coucher. Ils jouèrent aux cartes en lui jetant de fréquents coups d’œil, mais celle-ci les avait complètement oubliés ainsi que l’heure et tout le reste. Elle écoutait maintenant le morceau qu’elle avait tant aimé. À plat ventre, la tête dans ses mains, elle regardait sans les voir les flammes dans la cheminée. Elle ne sembla se réveiller que quand Dave posa une tasse de café devant elle. Elle lui fit un clin d’œil en guise de remerciement, retira son casque en s’asseyant et demanda :

– Quelle heure est-il ?

– Pas loin d’une heure.

Elle s’alluma une cigarette et dit, les yeux dans le vague, ne s’adressant à personne en particulier :

– J’écoutais ce que vous avez fait. C’est vraiment très bon, vous savez ! Ces musiques donnent envie d’écrire dessus… Je vais surement le faire, d’ailleurs… Par contre, je ne sais pas si je ferai les musiques.

– Pourquoi ?

– Pourquoi ? Mais Joy ! Vous n’avez pas besoin de moi pour faire de la bonne musique ! Continuez ! Faites en d’autres ! Franchement, je ne suis pas sûre de faire aussi bien que vous… pas mieux, de toute façon. Et puis, pensez à une chose : c’est vous qui interprèterez ces chansons. Si les musiques sont de vous, vous serez plus motivés et vous les chanterez mieux parce que vous les aurez créées, et les jouerez comme vous les sentez. Vous comprenez ? Ces notes sortiront de vous. Ces musiques, ça sera vous ! Si je le fais moi, vous comprendrez peut-être ce que je veux faire passer, mais vous ne le vivrez jamais de la même manière que moi.

Elle s’arrêta un instant, puis :

– Vous avez des dons. Et un don, c’est comme une fleur. Si tu ne t’en occupes pas, si tu ne l’entretiens pas, elle meurt. Ça serait dommage !

Ils parlèrent encore un moment, puis Dave se leva après avoir regardé sa montre.

– C’n’est pas que je m’ennuie, mais il est plus de 3 heures. Avec votre permission, je vais me coucher. Bonne nuit à tous !

Il sortit de la pièce, bientôt suivi de ses amis. Laetitia débarrassa le salon et s’enferma dans la cuisine pour rincer les tasses sans déranger personne. Quand elle eut terminé, elle retourna au salon, et s’arrêta à la porte. Trois des garçons ne s’étaient pas couchés. D’un coup d’œil, elle remarqua Richie, les jambes étendues devant lui, les yeux fermés, ses longs cheveux blonds tombant sur ses épaules. Elle ne voyait Thomas que de profil. Elle remarqua surtout la longueur de ses cheveux qui lui arrivaient presque à la taille ainsi que le contraste entre la blondeur de Richie et ses cheveux si noirs, à lui. Ensuite, son regard se posa sur Joy. Ses cheveux, tombants plus bas que les épaules, étaient d’un blond très clair, brillant, et ses boucles naturelles captaient les reflets de la lumière. Assis dans un fauteuil, en face de ses amis, il avait une jambe étendue devant lui, tandis que l’autre se balançait, négligemment posée sur l’accoudoir d’où elle pendait. Elle ne distinguait pas son visage, presque entièrement caché par le rideau que faisaient ses cheveux, car Joy avait la tête penchée pour suivre sa main gauche qui courrait sur le bras de sa guitare.

Quand elle passa devant lui pour s’assoir par terre entre ses amis, il leva les yeux vers elle et la suivit en souriant sans arrêter de jouer. Puis le regard du jeune homme alla se perdre au-delà, quelque part derrière Laetitia qui put le contempler à loisir. Elle s’attarda sur sa bouche qui souriait toujours, puis sur ses yeux. Comme s’il avait senti son regard, celui de Joy descendit sur elle et elle sentit son cœur battre la chamade sous la caresse de ses yeux bleus dans lesquels elle eut l’impression de se noyer. Le plaisir de jouer les rendait si brillants qu’ils semblaient lancer des milliers de petites étincelles. Elle revînt à ses mains. Ses longs doigts agiles remuaient, se déplaçaient sur les cordes qu’il faisait vibrer dans la pièce silencieuse. Les notes s’envolaient, semblaient flotter, douces et mélodieuses avant de s’éteindre pour laisser la place aux suivantes. Puis, sa voix qui l’avait tant séduite, s’éleva doucement, douce et claire. Joy chantait une chanson de chez lui. Au refrain, les voix de Richie et Thomas se mêlèrent à la sienne. Laetitia, les yeux fermés, se laissa bercer par la chanson. Elle avait l’impression de ne plus pouvoir respirer. Les voix des garçons mêlées aux accords de guitare lui nouaient l’estomac. Elle trouva cela si beau qu’elle souhaita que cet instant, cette magie due à la musique, dure toujours. Malheureusement, toutes les chansons ont, une fin. Les voix de Richie et Thomas se turent les premières, laissant Joy terminer doucement sur un dernier accord.

Après quelques instants de silence, Laetitia poussa un profond soupir et ouvrit enfin les yeux. Joy la regardait, la tête légèrement penchée dans un mouvement qu’elle commençait à connaitre et lui sourit tendrement avant de recommencer à jouer.

Ce n’est qu’après 4 heures que chacun regagna sa chambre. Avant de s’endormir, Laetitia, allongée sur son lit, voulut réécouter le dernier morceau de Storm. Le casque sur les oreilles, les yeux fermés, elle imaginait l’histoire au fur et à mesure que les notes se faisaient entendre, comme si un film muet se déroulait dans sa tête. Parfois, quand on écoute de la musique, on voit telle ou telle chose sans qu’on sache pourquoi. C’est la musique qui veut ça, et c’est pourquoi personne ne ressent la musique de la même façon. Sur un morceau entrainant, une personne verra des enfants s’amuser, d’autres, des chevaux courir, et pourquoi pas un match de football. C’est ce qu’aimait Laetitia : que chacun puisse rêver, imaginer ce qu’il veut. Qu’il se voit dans les bras de quelqu’un ou partir sur Saturne n’avait que peu d’importance. Cela montrait seulement que celui-ci avait besoin de tendresse alors que celui-là avait plutôt soif d’évasion. S’il pouvait en avoir un peu en quatre minutes de chanson, c’était déjà ça de gagné. On n’y arrive pas aussi bien avec les textes, parce que les paroles donnent déjà un sens à votre imagination. Comment se voir sur une plage, dans les bras de quelqu’un, quand l’interprète de la chanson vous explique que des enfants meurent de faim en Ethiopie.

Ainsi, Laetitia rêvait sur la musique qu’elle écoutait. Plus tard, elle écrirait en fonction de ce qu’elle avait vu. Quand elle éteignit la lumière, son film défila dans sa tête, l’empêchant de dormir. Elle connaissait ça. Elle avait trouvé un thème à la chanson, et elle ne s’endormirait pas avant d’avoir noté l’idée noir sur blanc. Elle prit quelques feuilles, un stylo, son baladeur et s’installa devant la cheminée dont elle ranima les flammes. Elle nota son « rêve », puis, sans y penser, prit une autre feuille et commença les paroles du slow. Elle passa et repassa la musique sur son baladeur, cherchant les mots s’y adaptant le mieux. Elle travailla ainsi, sans s’en apercevoir jusqu’à près de 6 heures. Bien que ce soit plus difficile en anglais, elle savait que celle-ci serait la plus facile à écrire parce qu’elle n’avait eu aucune peine à imaginer quelque chose dessus. Elle repassa la musique une dernière fois, et, pour mieux se concentrer, posa sa tête dans ses bras. C’est ainsi que le sommeil vînt la surprendre.

Ils la découvrirent endormie là, à plat ventre par terre, les cheveux lui cachant le visage, le casque du baladeur tombé près de sa tête. Sa main droite tenait encore le stylo qui prouvait qu’elle s’était endormie en travaillant.

– On devrait la porter dans sa chambre, chuchota Thomas.

– Essaye de ne pas la réveiller, je ramasse ses affaires… Les feuilles froissées, j’en fais quoi ?

– Prends tout, elle verra ça elle-même.

Pendant que Joy ramassait feuilles et baladeur, Thomas se penchait pour la soulever doucement. Il arrêta son mouvement pour écouter son ami qui disait :

– Elle a dû travailler une partie de la nuit… Écoutez ça ! :

« I’m so weak

When you aren’t here

Can’t you see it in my eyes ?

How can I make you realize

I want you by my side ?

In my heart, I feel sadness

When you decided to go away »

– Tu crois que c’est pour nous ?

– Je ne sais pas. Elle travaille pour tellement de monde ! De toute façon, elle nous en parlera en temps voulu.

Thomas souleva Laetitia qui ne se réveilla même pas. Elle posa seulement sa tête contre l’épaule du jeune homme en soupirant et passa instinctivement un bras autour de son cou. Elle ouvrit les yeux au moment où il retirait son bras après l’avoir déposée sur son lit.

– Qu’est-ce que vous faites là ? demanda-t-elle.

Joy se retourna brusquement en l’entendant.

– Sorry Laetitia… Ne t’énerve pas !

La jeune femme sourit. Il avait l’air d’un enfant prit en faute.

– Je ne m’énerve pas, je demande ce que vous faites dans ma chambre. J’ai l’air énervée ? Alors ? Que voulez-vous ?

– Nous ? Rien.

– Ho la la ! Je ne suis pas réveillée, moi ! Je ne comprends rien ! Vous n’êtes tout de même pas ici pour le plaisir de me regarder dormir, non ?

– Non. Quoi que ! On t’a trouvée endormie au salon, alors on t’a portée ici.

– Ca y est, je me souviens… mes feuilles ! Vous les avez ramassées.

Laetitia regarda Thomas qui s’était mis à rire.

– Qu’est-ce qui te fait rire ?

– Toi ! Tu trouves cinq hommes dans ta chambre en te réveillant, et la seule chose qui t’inquiète, c’est le sort de quelques bouts de papier !

Vexée, la jeune femme répliqua :

– Figure-toi que j’ai travaillé toute la nuit pour ces bouts de papier, comme tu dis ! Et que si Dieu veut, c’est justement ces bouts de papier qui nous feront vivre à vous comme à moi ! Quant à votre présence dans ma chambre, Joy vient de m’en donner l’explication, je n’ai donc pas à avoir peur.

– Tu as peut-être tors, lui dit Joy en souriant

Elle le regarda. Ses yeux brillaient de malice. Il plaisantait et elle le savait. Aussi répondit-elle simplement :

– Ah oui ?

– Ça pourrait être dangereux…

– Pour toi ou pour moi ?

Ils se regardaient toujours, mais Joy s’était approché et il s’assit près d’elle, sur le bord de son lit. Ses yeux brillaient d’une étrange façon. Il la regardait maintenant comme un homme peut regarder une femme. Laetitia frissonna. Pour s’éloigner de lui, elle s’allongea sans le quitter des yeux, mais Joy posa ses mains de chaque côté de ses épaules. Elle se dit qu’elle avait tort de jouer à ce petit jeu avec lui, mais il était trop tard, Joy répondait :

– Pour toi, bien sûr.

– Qu’est-ce que je risque ?

Une petite voix intérieure lui cria : « Mais arrête ! Tu joues avec le feu ! Ne te plains pas si tu te brûles ! ». Irrésistiblement, le regard de la jeune femme allait de ses yeux à sa bouche. Il pencha la tête jusqu’à ce que leurs lèvres ne soient plus qu’à quelques centimètres. La respiration de Laetitia s’accéléra légèrement tandis qu’il déposait sur sa bouche le baiser qu’elle redoutait mais espérait en même temps. Elle se dit que le jeu risquait d’aller un peu trop loin et qu’elle n’aurait peut-être pas la volonté de le repousser. Mieux valait en rester à ce baiser sans importance. Après avoir effleuré ses lèvres, Joy releva la tête et murmura :

– Ce que tu risques ? On est des hommes, tu sais ? Et tu es une très jolie femme…

– Merci… Maintenant, si l’homme voulait bien me laisser et sortir de ma chambre pour que je me change, je lui offre le petit déjeuner !

Joy se mit à rire et se redressa :

– Okay ! Mais j’y perds !

– Pas sûr, Joy ! Pas sûr.

Après un dernier sourire, il suivit ses amis et referma la porte. Les yeux fixés au plafond, Laetitia pensa à ce qui venait de se passer. Ou plutôt à ce qui aurait pu se passer, s’ils avaient été seuls, par exemple. Qu’est-ce qui lui avait pris ? Elle n’avait jamais réagis comme ça, et elle ne connaissait Joy que depuis deux jours ! Qu’est-ce qui faisait qu’elle sentait son cœur s’affoler au moindre contact, au moindre regard, au moindre sourire ? Elle se leva et s’habilla. La petite voix de tout à l’heure lui disait : « Avoue que tu as aimé le contact de ses lèvres ! Tu es déçue, hein ? Tu aurais aimé qu’il t’embrasse vraiment ! ». C’était vrai, mais pourquoi se sentait-elle tellement attirée par Joy ? Et pourquoi lui ? Sa beauté ? Les autres aussi étaient beaux, surtout Thomas. Son caractère ? Elle ne le connaissait pas. On ne comprend pas le caractère de quelqu’un en deux jours. Alors ? Tout en réfléchissant, elle sortit de sa chambre en marmonnant :

– Alors ? Alors zut ! Je n’en sais rien, moi

Au même moment Mike sortait de la sienne. Il la regarda, étonné.

– Il t’arrive souvent de parler toute seule ?

– Oh, de temps en temps. Quand j’ai un problème.

– Je peux t’aider ?

Laetitia éclata de rire.

– Non, merci, Mike. Je ne pense pas que tu puisses faire quelque chose pour ce qui me préoccupe en ce moment !

Quand ils arrivèrent à la cuisine, Dave posait le lait chaud sur la table. Comme elle s’asseyait, Joy lui dit, moqueur :

– Tu me dois toujours un petit déjeuner, c’est toi qui devais me servir.

– Okay… Mon Dieu ! Onze heures et demie ! Mais à cette allure, je ne saurai jamais à quelle heure préparer les repas, moi !

– Ne t’en occupe pas. Si tu es d’accord, à midi, chacun se débrouille s’il a faim, et on fait un vrai repas le soir. Ça te va ?

– Très bien. Bon, moi, il faut que je termine ce que j’avais en cours à votre arrivée. Après, je pourrai me consacrer à votre album.

– Tu commences quand ?

– Je ne sais pas. Ça dépend de ce que j’ai commencé, de l’envie que j’aurai, de l’inspiration. Peut-être ce soir ou demain, comme dans dix ou quinze jours. Va savoir !

Laetitia termina son travail en quelques heures. Elle nota quelques mots pour le chanteur, vérifia le tout et ferma l’enveloppe. Après quoi, elle rangea tranquillement ses affaires et regarda sa montre. Près de 19 heures. Devait-elle se mettre immédiatement au travail pour Storm ? Non. D’abord, préparer le repas. À la cuisine, ses cinq nouveaux amis avaient non seulement préparé le souper, mais avaient aussi mis le couvert. Par contre, eux, n’y étaient pas. Elle se dirigea vers le salon d’où provenaient les rires qu’elle entendait. À plat ventre par terre, Richie et Thomas se mesuraient au bras de fer. Le jeu aurait pu durer longtemps, mais Dave lança une phrase en hollandais et tous éclatèrent de rire, faisant perdre leurs forces aux deux adversaires qui abandonnèrent. Faussement en colère de n’avoir pas gagné, Richie s’était jeté sur Dave qu’il accusait. Ils se retrouvèrent tous les deux sur le sofa, mais ils riaient tellement qu’ils finirent par en dégringoler, ce qui ne calma pas les rires, au contraire ! Laetitia les regardait, le sourire aux lèvres, tout en pensant qu’il était dommage qu’elle ne comprenne pas leur langue puisqu’elle leur revenait automatiquement dès qu’ils pensaient être seuls. Quel âge pouvaient-ils bien avoir ? Ils paraissaient très jeunes, surtout quand ils s’amusaient, comme ça. Elle se rendit soudain compte qu’ils ne faisaient plus aucun bruit. Perdue dans ses pensées, elle ne s’en était pas aperçue tout de suite. Elle reposa les yeux sur eux et entendit Mike lui dire :

– Et bien ! Tu as l’air de revenir de loin !

– Ça fait un moment que je suis là… des enfants ! Je me demandais quel âge vous aviez.

Ce fut Joy qui la renseigna :

– Thomas est le plus âgé : trente et un ans. Ensuite Richie et moi en avons vingt-huit et, enfin, Dave et Mike ont vingt-six ans.

– C’est bien ce que je disais : des gosses !

– À l’entendre, on croirait qu’elle a dix ans de plus que nous, se moqua Dave, alors qu’elle doit avoir mon âge !

– Hou là ! Où sont mes vingt-six ans ? Je n’ai peut-être pas dix ans de plus, mais j’ai quand même sept ans de plus que toi. Et oui ! Je viens de fêter mes trente-trois ans. Tu vois ? Je suis plus âgée que le plus vieux d’entre vous !

– On ne le devine pas. Habillée d’un jean et d’un pull qui a l’air trop grand pour toi, on dirait une petite fille.

– C’est vrai, ajouta Joy en s’approchant. Toute petite !

Elle était appuyée contre le mur, et il s’était placé devant elle, les mains de chaque côté de sa tête, en souriant. Elle fut obligée de lever les yeux pour le regarder et croisa son regard. Plus troublée qu’elle ne voulait l’admettre, elle répondit :

– Bien sûr ! À côté de toi, je suis vraiment petite !

– C’est pratique ça ! plaisanta Dave. Le jour où on veut t’emmener avec nous, hop ! Tu sautes dans une des poches de nos blousons.

Laetitia se mit à rire puis, passant sous le bras de Joy qui n’avait pas bougé, déclara :

– Moi, j’ai faim ! J’ai vu que tout était prêt, c’est sympa.

Tout en discutant, ils étaient passés à table.

– Tu as terminé ?

– Oui, ça y est. Plus qu’à envoyer le tout… Pourvu que ça marche !

– Il ne faut pas y penser.

– Plus facile à dire qu’à faire !

– Tu n’as pas l’air vraiment sûre de toi !

– Je n’en sais rien Richie. Je réagis toujours comme ça pour chaque chanson. Quand je viens de la terminer, je la trouve géniale. Après une ou deux autres écoutes, pas trop mauvaise, et quand je l’écoute une dernière fois avant de l’envoyer, je me dis que c’est nul, que ça ne peut pas marcher etc. Bref, je suis morte de peur jusqu’à la réponse de l’interprète.

Un moment après, elle leur annonça son intention de remonter. En haut, elle écouta les morceaux de Storm plusieurs fois. Presque sans le vouloir, les paroles du slow lui vinrent aux lèvres. Elle était sûre de cette chanson. Elle marcherait et serait bien placée dans tous les hits. Elle décida de voir un peu les autres morceaux, mais elle aurait voulu discuter avec eux, voir ce qu’ils aimaient, ce qu’ils avaient envie de chanter. Elle allait descendre quand elle vit que la porte de l’autre salle de musique était fermée. Zut ! Elle leur avait promis la tranquillité quand ils seraient dans l’une de ces pièces ! Mais ils ne l’avaient pas prévenue et le panneau « sens interdit » n’était pas sur la porte. Ils ne travaillaient peut-être pas. Elle prit une feuille et écrivit : « J’ai besoin de renseignements, mais ce n’est pas urgent ». Elle plia la feuille et la glissa sous leur porte. Moins de cinq minutes après, Richie arrivait :

– On ne travaillait pas, on s’amusait. Ça nous arrive souvent. Tu viens ou tu préfères qu’on vienne nous ?

– J’arrive !

Dans l’autre pièce, Mike était aux claviers, Dave à la batterie, Thomas à la guitare et Richie jouait de la basse. Appuyé contre un mur, Joy chantait doucement en anglais. Elle leur fit signe de ne pas s’interrompre, et s’assit par terre, contre un mur, en face du chanteur, pour écouter. Après quelques minutes, Joy lui demanda si elle avait aimé :

– Oui, beaucoup ! C’est de vous, n’est-ce pas ? Dis-moi, Joy, les paroles de cette chanson te touchent-elles personnellement ?

– Non, j’ai écrit ça parce qu’à ce moment-là, j’avais envie d’en parler, c’est tout. Pourquoi ?