Et puis toi - Stéphanie Abscheidt - E-Book

Et puis toi E-Book

Stéphanie Abscheidt

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Beschreibung

Pour Sacha et Angélique, leur amour est comme une évidence, et ce, pour l’éternité...

Angélique, pure citadine de seize ans, déménage à la campagne avec ses parents. Dès le premier jour de lycée, elle tombe amoureuse de Sacha, un garçon de sa classe. Très vite, ils découvrent que leurs sentiments sont réciproques et filent le parfait amour. Alors que la famille du jeune homme accepte complètement Angie, le père de l’adolescente éprouve plus de réserves. Il voulait que sa fille fasse des études, devienne musicienne, et la voir s’enticher d’un fermier sans ambition n’était pas dans ses plans…

À travers cette histoire émouvante, Stéphanie Abscheidt plonge le lecteur au cœur des mystères des sentiments humains !


EXTRAIT

J’ai seize ans. Seize ans, et je commence à devenir adulte. Je m’en suis rendu compte à ces regards masculins qui se posent sur moi dans la rue, bien malgré moi. Souvent même, ça me met mal à l’aise. Solange me répétait tout le temps que je devrais prendre exemple sur elle, profiter de tous ces garçons prêts à « rendre service pour la bonne cause ». Elle prétendait que quand le bon se présenterait, elle serait prête et expérimentée. C’est tout Solange, ça. Mais elle ne comprenait pas que je ne suis pas comme elle. Je préfère attendre le grand Amour, celui qui fera chavirer mon cœur et à qui j’offrirai tout.

Seize ans, et je commençais tout juste à avoir suffisamment gagné la confiance de mes parents pour faire de petites escapades en ville entre copines, des sorties shopping ou ciné, sans avoir trop de comptes à rendre en rentrant à la maison.

Et bing, voilà que tous mes projets tombent à l’eau.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

L’auteur utilise les mots justes. L’émotion est bien réelle. Chapeau à Stéphanie. […] les protagonistes m’ont touchée, ils sont sensibles et percutants. Les scènes sont fortes et tout cela en fait un bon roman. - Blog de Julie  

Ce roman est tout simplement beau et émouvant. Il parle d'une histoire d'amour magnifique et la fin, je ne m'y attendais mais alors là, pas du tout, du tout. Bravo. - Joe, blog Lectures magiques et féérie livresque

À PROPOS DE L’AUTEUR

Devenue fleuriste après des études de psychologie, Stéphanie Abscheidt a vendu ses boutiques pour revenir élever ses enfants où elle a passé sa jeunesse, en Haute-Saône. Elle s’est aujourd’hui reconvertie dans l’art.

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Stéphanie Abscheidt

Et puis toi

Première partie

Chapitre 1

« Rien n’a plus de valeur qu’aujourd’hui. »

–Goethe

ANGÉLIQUE

Comme tous les ans, à cette période, je suis impatiente de reprendre le chemin des cours, et de retrouver mes amies, Solange et Pascaline, qui me manquent déjà terriblement.

Aujourd’hui est une rentrée particulière. La mélancolie me gagne, ma gorge se noue, et mes mains sont moites. Je me sens un peu perdue, démunie de mes repères.

Et pourtant, au fond de moi, des petits papillons s’agitent dans mon estomac, comme si les jours à venir me réservaient quelque chose d’important.

Dans le bus qui m’emmène au lycée, je contemple par la fenêtre ces nouveaux paysages qui s’offrent à moi.

C’est tellement calme. À cette heure-ci, la nature à l’air encore endormie.

Tout est vert, paisible, comme sur ces photos de cartes postales, où le temps semble s’être arrêté sur une image parfaite.

Je suis étonnée, je ne pensais pas qu’il y avait autant de jeunes dans le coin.

Tous ont l’air de bien se connaître, ils rient, discutent, j’en aperçois même quelques-uns qui s’embrassent comme s’ils étaient seuls au monde.

Au fur et à mesure que nous nous arrêtons, de villages en villages, le bus se remplit et nous sommes presque au complet. À côté de moi s’est assise une drôle de fille. Elle a un look assez commun, jean, pull en maille gris, lunettes en écailles brunes, et les cheveux d’un rouge tellement vif que c’en est presque éblouissant… Étonnant ce style, d’autant plus qu’elle n’a pas l’air plus dévergondée que ça. Elle ne doit pas avoir d’affinité avec d’autres jeunes puisqu’elle s’est mise près de moi alors qu’il y a d’autres sièges vides plus loin… Ça me rassure un peu. Au fond, je ne suis peut-être pas la seule fraîchement parachutée. Comme elle a son MP3 bien enfoncé dans les oreilles et l’air perdue dans ses pensées, j’attendrai demain pour lui parler.

Hier soir, quand on était en train de décharger les courses de la voiture, notre voisin Roger a dit à maman que l’arrière-saison sera belle, avec un septembre doux et sec. Idéal pour la récolte des maïs, selon lui. C’est un petit homme frêle et sec, d’à peu près soixante-quinze ans, avec un drôle d’accent, et toujours prêt à rendre service. Il porte une casquette, et cache à l’intérieur une petite boulette de tabac qu’il mâche de temps à autres. Ici, on appelle ça « chiquer ». Quand nous sommes arrivés à Fougerolles, il est venu nous accueillir avec quelques échalotes et des pommes de terre de son jardin, en signe de bienvenue. Ce petit monsieur est très attachant, et on devrait bien s’entendre.

Lorsque papa a obtenu sa mutation ici, et qu’il nous a annoncé qu’on partait vivre à la campagne, j’étais à mille lieues de m’imaginer tout ce qui allait changer pour moi.

J’ai seize ans. Seize ans, et je commence à devenir adulte. Je m’en suis rendu compte à ces regards masculins qui se posent sur moi dans la rue, bien malgré moi. Souvent même, ça me met mal à l’aise. Solange me répétait tout le temps que je devrais prendre exemple sur elle, profiter de tous ces garçons prêts à « rendre service pour la bonne cause ». Elle prétendait que quand le bon se présenterait, elle serait prête et expérimentée. C’est tout Solange, ça. Mais elle ne comprenait pas que je ne suis pas comme elle. Je préfère attendre le grand Amour, celui qui fera chavirer mon cœur et à qui j’offrirai tout.

Seize ans, et je commençais tout juste à avoir suffisamment gagné la confiance de mes parents pour faire de petites escapades en ville entre copines, des sorties shopping ou ciné, sans avoir trop de comptes à rendre en rentrant à la maison.

Et bing, voilà que tous mes projets tombent à l’eau.

Je vais devoir tout reconstruire, me faire de nouveaux amis, me familiariser avec la vie rurale et ce qui va avec, moi qui ne me sens vivante que les pieds sur l’asphalte des grands boulevards.

Le car s’immobilise devant ce qui doit être mon nouveau lycée. Le bâtiment est plus récent que ce que j’imaginais. L’architecture est originale. Ça me fait presque plaisir ce pavé de modernité dans cette ruralité profonde. Les élèves descendent. Je vois le bonheur des retrouvailles se dessiner sur ces visages inconnus. Certains évoquent leurs vacances, avec ce que cela comporte de joie et de tristesse, les amours d’été trop vite achevés, avec la promesse de s’attendre jusqu’à juillet prochain. D’autres donnent l’impression de s’être quittés la veille. Tout le monde est excité en se rapprochant des listes pour découvrir avec qui il va se retrouver en classe. Moi, ça m’est égal, puisque je ne connais encore personne.

Ça y est, j’ai trouvé mon nom.

Angélique MYRE. 1re S2. Salle 223.

J’entre dans cette salle de cours, loin, bien loin de m’imaginer qu’à partir de ce moment, ma vie ne sera plus jamais la même.

SACHA

On sait qu’il y a une nouvelle dans la classe cette année, et on l’attend au tournant… Une fille de la ville apparemment. Le père d’Arthur a rencontré le sien à l’épicerie la semaine dernière, il paraît qu’il est flic. Nous sommes tous déjà installés quand elle entre, telle une apparition.

Elle cherche une place, s’approche de ma table et me demande si elle peut s’asseoir à côté de moi.

Je balbutie quelque chose d’incohérent, et elle tire la chaise en me souriant.

Elle s’appelle Angélique, elle est belle comme un ange, d’une beauté pure, troublante. De très longs cheveux noirs et luisants entourent son visage aux traits incroyablement fins. Ses immenses yeux verts, avec de longs cils, caressent les choses sur lesquelles ils s’attardent. Elle a une silhouette élancée à faire pâlir de jalousie la plupart des filles du lycée, c’est incontestable. Sa peau est claire et laiteuse, comme une poupée de porcelaine.

Elle déballe ses affaires sans faire de bruit. Chacun de ses gestes est calme et posé. Elle a une grâce particulière, celle qu’on ne croise que peu de fois dans sa vie. Quelque chose me dit que cette année ne sera pas comme l’année passée… elle s’annonce… intéressante. Je crois même que je vais commencer à apprécier le lycée, finalement.

ANGÉLIQUE

Pas de chance… Je ne trouve pas tout de suite la salle 223, et j’arrive en retard. Lorsque j’entre, tout le monde est déjà installé. Je me glisse au fond, à la dernière rangée, après avoir remarqué une chaise libre. Cela m’arrange bien d’être assise au fond. Je n’aime pas attirer l’attention, et je sais que mon statut de nouvelle de la classe m’expose aux regards et aux commentaires inévitables des curieux.

Lorsque je m’assieds, je ne remarque pas tout de suite la beauté particulière de mon voisin, trop embarrassée par la situation. Je déballe mes affaires, le plus discrètement possible, puis je vois ses mains. De belles mains très larges, avec de puissants doigts, et une peau légèrement hâlée. D’impressionnantes veines bleues courent le long de ses avant-bras, et je devine sous son tee-shirt écru, un sombre tatouage qui semble prendre naissance dans sa nuque pour venir mourir dans le creux de son coude. Je n’ose pas trop détailler, mais on dirait des racines, ou quelque chose qui y ressemble.

Cette première vision me trouble, je n’ai jamais vu de garçon de mon âge avec des bras si puissants. Derrière une large mèche de cheveux, je me surprends à l’observer pour mettre un visage sur cet inconnu ; et je tombe littéralement sous son charme, une chaleur inattendue envahit mes joues.

Tout son corps est à l’image de ses mains. Fort, musclé, viril, avec un charisme que je n’ai encore jamais rencontré ailleurs. Il dégage une aura très particulière. Ses cheveux sont bruns, très courts, et on ne distingue pas où ils s’arrêtent et où naît sa barbe. Il pourrait sembler mal rasé, mais au contraire, je crois qu’il s’est appliqué à avoir la même longueur sur les joues, le menton, et le crâne.

Ce qui lui donne un petit air bad boy, qui n’est pas pour me déplaire.

La cloche sonne, le brouhaha cède la place au silence, notre professeur principal entre et nous nous levons.

C’est une femme d’une quarantaine d’années, aux cheveux roux. Elle arbore un look assez rétro, porte un tailleur vert bouteille qui doit bien dater des seventies, et une coiffure avec une vague sur le front qui n’a rien à envier à celles des Drôles de dames…

C’est la prof d’anglais, Mme Bibleau. Alors que j’essaie péniblement de saisir ce qu’elle est en train de nous dire, un léger raclement de gorge interrompt ma concentration. Je tourne la tête vers mon voisin qui pose ses yeux noirs et intenses dans les miens.

–Bonjour, moi c’est Sacha. Sacha Icharzick. Et toi, c’est Angélique, c’est ça ?

Quel charisme perturbant. Déstabilisant. Je sens une vague de frissons me parcourir le dos.

–Oui, c’est ça. Mais je préfère Angie, tout le monde m’appelle comme ça. Ça fait moins « marquise des anges », si tu vois ce que je veux dire.

Il ne paraît pas bien comprendre le sens de ma réponse, mais les quelques mots qu’il prononce tout bas me dévoilent une voix rauque, pleine de masculinité, et terriblement sensuelle, à l’image de lui tout entier. Troublant personnage.

Ce premier cours passe très vite. Mme Bibleau nous présente le programme et le déroulement de l’année, sa méthode de travail et ce qu’elle attend de nous. Le tout intégralement en anglais, bien sûr. Puis elle enchaîne avec la révision de quelques bases.

Je crois que si je veux des bonnes notes, j’ai intérêt à être plus attentive à ce que raconte la prof qu’à mon nouveau voisin. Je suis déjà bien plus absorbée par lui que par Shakespeare ou les abominables prétérits.

Voici donc ce que j’ai finalement retenu de ce captivant cours d’anglais : His name is Sacha Icharzick, il a seize ans. Fils d’agriculteur, il habite la grosse exploitation à la sortie du village. Sa sœur Emmy n’aime pas le monde agricole et rêve de s’expatrier en ville, raison pour laquelle elle a commencé cette année un apprentissage dans la coiffure. Lui, il n’aime pas vraiment les études, et voudrait reprendre la ferme familiale. Mais ses parents exigent qu’il termine son cycle secondaire, au cas où il changerait d’avis. Parce que « l’agriculture, c’est difficile », a dit son père. Sacha déteste l’anglais, et tout ce qui va avec : l’humour anglais, la nourriture anglaise, l’Angleterre et les Anglais, sauf Julia Roberts.

Je n’ai pas voulu le contrarier en lui disant qu’il me semble plutôt qu’elle est Américaine, je préférais le laisser me parler de lui, et répondre à ses questions quand il essayait d’en savoir un peu plus sur moi.

This first day was a very nice day.

SACHA

J’ai déjà rencontré des filles séduisantes, mais belles comme Angie, jamais. Tout en elle respire la légèreté, la simplicité, la fraîcheur. D’ailleurs, elle n’est pas seulement très belle. Elle dégage aussi quelque chose que je ne saurais décrire… de particulièrement déstabilisant, ce qui est un concept nouveau pour moi, avouons-le.

Lorsque je suis à côté d’elle, je me sens bizarre. Comme si mes sens captaient quelque chose d’invisible, intense et imperceptible, que je ne saurais ni maîtriser, ni décrire…

Je suis conquis, totalement séduit, et je me surprends à échafauder des scénarios où elle serait mienne et où… Mais non, je sais bien qu’une fille comme elle ne peut pas s’intéresser à moi. Elle est bien trop singulière, et je ne pense pas qu’un futur paysan puisse lui apporter du rêve.

La vie à la ferme ce n’est charmant que dans les films. Je suis même certain qu’elle trouve que les agriculteurs sont des ploucs. Qu’est-ce qu’une nana comme Angélique ferait avec un mec comme moi ? Je chasse ces idées complètement débiles de ma tête, revenons à la réalité. Elle est vraiment canon, ok. Mais inaccessible, autant oublier tout de suite.

Nous avons eu anglais, puis physique-chimie ce matin. Je lui ai quand même dit que si elle ne voulait pas arriver en retard au cours suivant, elle ferait bien de me suivre, car la salle est à l’autre bout du lycée. Nous avons pu bavarder un peu plus tranquillement à l’intercours, et elle m’a expliqué pourquoi elle s’était retrouvée parachutée ici, dans notre campagne profonde. Elle m’a parlé de ses amies qui commencent à lui manquer, et de ses parents qui semblent sévères et assez stricts. En arrivant dans la salle de chimie, c’est tout naturellement qu’elle a pris la paillasse à côté de la mienne. Nous avons essayé d’être un peu plus attentifs au professeur cette fois-ci. Puis, midi a sonné. Nous avons déposé nos affaires aux casiers, et pris la direction du self. Le temps qu’elle se serve, je suis allé retrouver Arthur à la table près de la fenêtre.

–Eh bien, elle t’a tapé dans l’œil la nouvelle ! Il a fallu que Grisetête te demande deux fois d’allumer ton bec Bunsen pour que tu l’entendes. Tu avais l’air absorbé, mais pas par la chimie ! Est-ce que je me trompe ?

–Tu dis vraiment n’importe quoi, Arthur. J’étais en train de lui expliquer où se situe la cantine, figure-toi !

Qu’est-ce qu’il peut m’énerver à toujours tout guetter…

–Et comme elle n’a rien compris à tes explications, tu l’as accompagnée jusqu’ici, bien sûr !

–C’est ça, pense ce que tu veux. De toute façon, je ne vois pas ce qui pourrait l’intéresser chez moi. Je suis tout ce qu’il y a de plus commun, et fils de paysan, qui plus est. Alors tu parles ! Et puis, une fille comme ça, ça a forcément déjà un mec.

–Si j’étais toi, je n’en serais pas si sûr ! Ta petite bombe se dirige droit vers nous avec son plateau.

–Je peux manger avec vous ? demande Angélique.

–Bien sûr ! Tiens, il y a une place à côté de Sacha, répond Arthur avec un sourire niais.

–Arthur, Angie. Angie, je te présente Arthur. Le plus sympa, mais aussi le plus curieux et commère de tous mes amis. Peut-être même du lycée tout entier ! Alors méfie-toi de lui !

–Il ne sait plus ce qu’il dit quand il y a une jolie fille à ses côtés, renchérit Artur en se levant.

–De toute façon, j’ai fini mon dessert. Alors je vous laisse déjeuner tranquillement, en tête à tête. À plus dans le bus !

–C’est ça, à demain dans le train, crétin !

La première journée passe comme un éclair. Nous échangeons beaucoup de choses, et, à ma grande surprise, nous avons plein de points communs, Angélique et moi. Bien plus que je ne l’aurais imaginé. Elle se confie à moi en toute simplicité. La communication avec elle est naturelle, évidente.

Quand elle me dit qu’elle n’a jamais vu une vache de tout près, je saute sur l’occasion et lui promets de l’inviter à la maison pour lui faire visiter la stabulation et la nurserie avec les petits veaux. Je crois que l’idée lui plaît.

Je la raccompagne à l’arrêt de bus, et j’attends avec elle le numéro quatre. Elle monte dedans, en m’adressant un sourire à faire tourner la tête à un derviche tourneur, accompagné d’un petit signe de la main qui me semble vouloir dire « à demain ». Et je rentre à la ferme en scooter, joyeux et impatient d’être à demain.

Quand maman me demande comment s’est passée ma première journée de lycée, elle doit sans doute s’attendre à une réponse sans intérêt de ma part, et je crois qu’elle est vraiment surprise par mon enthousiasme.

Je me tourne et me retourne dans mon lit, j’ai beaucoup de mal à trouver le sommeil. Je repense à elle, à sa façon de parler, de marcher, de sourire, et de me regarder. Il y a une profondeur indescriptible dans ses yeux quand elle soutient mon regard avec insistance, une intensité qui me met mal à l’aise. Alors, pour m’aider à m’endormir, je pense à ce dont je voudrais rêver cette nuit. Et je m’endors sur un petit nuage, le cœur comme du coton, des idées folles plein la tête.

ANGIE

C’est vraiment rare que je sois debout avant l’horrible sonnerie du réveil, mais ce matin je suis tombée du lit, et en plus je suis en pleine forme, et même impatiente de retourner au lycée ! C’est bien la première fois que ça m’arrive, et j’en suis la première surprise !

Je saute dans mon jean, passe mon pull, démêle mes cheveux. J’ingurgite mon jus d’orange et mes trois tartines, et me voilà fin prête, une demi-heure plus tôt que nécessaire. Pour patienter jusqu’à 7 h 20, je gratte quelques accords pour tuer le temps, puis je finis par attraper mon sac, direction l’arrêt de bus.

En attendant le ramassage scolaire, je discute avec Lili. C’est elle qui vient vers moi, et on sympathise tout de suite. Lili est dans ma classe. Elle est gentille et douce, mais elle a un fort tempérament. C’est la batteuse des « Cheyennes», le groupe de rock du lycée, uniquement composé de filles. Elle a dix-sept ans, et a redoublé sa sixième. Ses parents sont musiciens. Ils sont arrivés en France quand elle avait huit ans. Ils viennent du Pérou. Je n’ose pas lui demander pourquoi ils sont partis de là-bas, la question est un peu trop indiscrète. Peut-être me le dira-t-elle plus tard. En tout cas, mon petit faible pour Sacha ne lui a pas échappé…

–Tu as pensé à prendre des baskets propres ? Parce que le prof est intransigeant. Si elles ne sont pas nickel tu ne fais pas sport. D’ailleurs, c’est bon à savoir quand t’es pas en forme ou que t’as pas eu le temps de réviser le contrôle pour le cours d’après ! me dit-elle.

–Oui, oui, c’est bon, j’ai tout. Par contre je n’ai jamais fait de hand, alors j’espère que ça va aller !

–T’inquiète ! En plus, la première séance, c’est la mise en route, le décrassage après les vacances. Vous avez l’air de bien vous entendre avec Sacha. Tu le connais depuis longtemps ?

–Non. En fait, j’ai fait sa connaissance hier, mais il est très gentil, et sa compagnie me va bien.

–Tu as de la chance, parce que sous ses airs « brut de décoffrage », il est très solitaire, et il reste souvent dans son coin au fond de la classe. Il a assez peu d’amis, je crois, à part Arthur. Mais j’ai comme l’impression que tu ne le laisses pas indifférent !

Je lui réponds d’un petit signe de la main, genre « pfff, n’importe quoi », espérant secrètement qu’elle n’ait pas tout à fait tort.

C’est étrange. Sacha ne me paraît pas « brut de décoffrage », comme elle dit, mais clairement viril, et déjà très mature pour notre âge. Ce n’est pas ce que pense Lili, et tant mieux après tout, parce qu’avec ses airs de Pocahontas rebelle, je ne pèse pas bien lourd comparée à elle !

En arrivant au lycée, quand je descends du bus, il est en train d’accrocher son scooter sur le portique à vélos. J’abandonne Lili et pars à sa rencontre. Il est joyeux comme un oisillon aux premiers jours du printemps.

Nous passons la journée ensemble, le temps défile tellement vite à ses côtés. Les cours s’enchaînent : SVT, philo, anglais renforcé, physique. À la pause déjeuner, on mange avec Lili et Arthur. Ensuite, on ingurgite deux heures d’histoire, que je déteste, 17h sonnent, et je suis presque déçue de déjà devoir rentrer à la maison.

En arrivant dans ma chambre, je m’empresse d’allumer mon ordi, et d’envoyer des nouvelles à Solange et Pascaline.

Salut les filles,

Comment s’est passée votre rentrée au lycée ?

Vous me manquez beaucoup chaque jour, et j’aimerais que vous soyez là pour vous faire découvrir mon nouvel environnement. Je suis sûre que vous n’en reviendriez pas !

Mon lycée n’est pas si ringard que ce qu’on s’était imaginé en rigolant, et la campagne, ça sent bon, figurez-vous ! Si, si !…

Ma nouvelle maison est pas mal. On a un grand jardin où maman projette déjà de se faire bronzer l’été prochain ; moi, j’y verrais plutôt un chien, mais j’attends un peu avant de soumettre l’idée !…

Et puis j’ai fait la connaissance d’un garçon vraiment craquant. Il est grand, très baraqué, musclé et bronzé, et il veut être agriculteur !

C’est bizarre, je vois déjà vos petits sourires en coin !

Eh bien, je suis sûre que si je vous le présentais, vous seriez jalouses !

En plus, il est très attentionné avec moi.

Après-demain, c’est samedi, et il va venir me chercher en scoot pour me faire visiter sa ferme !

Il paraît qu’il a plein d’animaux, et même des petits veaux, auxquels je pourrai donner le biberon ! J’ai tellement hâte que j’en suis fine excitée…

Je vous raconterai tout ça au prochain épisode, et j’attends de vos nouvelles à toutes les deux.

Love.

Votre amie, Angie.

P.S : au fait, il s’appelle Sacha !

Je ne vois pas vendredi passer. On finit les cours à midi, et Sacha propose de me ramener en scooter. J’hésite un instant, parce que je sais que mes parents seraient contre cette idée. Puis nous convenons qu’il me déposera une rue avant la mienne. Sacha a anticipé le coup, car il a avec lui un deuxième casque, celui de sa sœur.

En toute confiance, je grimpe donc derrière lui. Je passe mes bras autour de sa taille, et me colle contre lui, comme si on était sur une grosse cylindrée sportive et nerveuse. C’est assez ridicule, mais tellement bon.

Je sens la chaleur de sa peau contre mes bras, et dans la paume de mes mains que je pose sur lui bien à plat, pour qu’il y ait un maximum de contact entre elles et son ventre, si ferme que c’en est presque indécent. Je sens sa poitrine se soulever au rythme calme de ses respirations et de drôles d’idées m’effleurent l’esprit, mais ma raison revient au galop, me rappeler que je ne connais que très peu ce garçon sur lequel je suis en train de fantasmer, bien malgré moi. Et ce n’est franchement pas raisonnable. Mais tellement agréable…

Il est prudent et conduit doucement, comme pour prolonger un peu plus cet instant qui lui semble aussi doux qu’il l’est pour moi. Le chemin est bien plus sympa avec lui que dans le car, et une fois de plus, le temps m’échappe. Lorsque nous arrivons rue des Bergers, il s’arrête et enlève son casque pour me dire au revoir. En retirant le mien, mes cheveux recouvrent mon visage, et d’un geste délicat, il replace une mèche derrière mon oreille. Dieu que la nature fait de belles choses ! Ce garçon est un don du ciel ! Un frisson remonte le long de mon dos, je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable. J’aimerais me blottir contre son large torse, et le supplier de m’emmener découvrir les petits chemins des villages voisins. J’ai envie de poser ma bouche dans son cou pour sentir l’odeur de sa peau, de me réfugier dans ses bras puissants et l’entendre me dire des mots tendres de sa belle voix suave. À ce moment précis, où je suis à mi-chemin entre mes songes et la réalité, je sens ses mains chaudes saisir mon visage, il plonge ses yeux dans les miens, s’approche doucement, et dépose sur ma bouche un long et délicieux baiser. Ses lèvres m’ensorcèlent, je me sens soudain plus vivante et éprise que jamais. L’espace d’un instant, ma raison me chuchote que ce jeune homme ne perd pas de temps, mais un instant seulement. La seconde suivante une petite voix me murmure que c’est exactement ce que j’espérais secrètement. Puis il se passe quelque chose d’étrange. Il recule d’un pas, pose fébrilement ses mains sur le haut de ses cuisses, me regarde l’air confus, et ses jambes se mettent à trembler comme s’il ne les contrôlait plus vraiment. C’est surprenant et bouleversant à la fois. Est-ce moi qui le mets dans cet état-là ? Je sais pertinemment que non, car je ne vois pas pourquoi ce serait le cas, mais l’idée me plaît, et je ne fais rien pour me convaincre du contraire.

–On se voit demain, t’as pas oublié ? me demande-t-il, les yeux pétillants de malice.

–Tu penses vraiment que je pourrais oublier ça ? Demain est une première pour moi, et je ne raterais ça pour rien au monde, surtout si le guide est bon !

Je regrette immédiatement ces paroles directes sorties de ma bouche à mon insu, espérant qu’il ne les interprète pas dans un sens qui ne serait pas ce que j’ai voulu dire… mais ça me vaut un très large sourire en retour, comme s’il était rassuré que je n’ai pas changé d’avis !

–Super ! Le guide connaît son sujet sur le bout des doigts et ne vous décevra pas mademoiselle !

Je m’interdis formellement de lui répondre que j’aimerais faire découvrir à ses doigts de nouveaux sujets d’étude, et me contente d’un sage :

–Cool, vivement demain alors !

Et nous nous embrassons avec un peu moins de retenue cette fois-ci, sa main subtilement glissée sous mes cheveux, dans le creux de ma nuque, et je m’emplis de son odeur et de ce moment exquis qui m’aideront à patienter jusqu’au dit RDV plus facilement.

–Bon, ben à demain alors, finis-je par lui dire, à contrecœur, embêtée de devoir le laisser déjà.

–À demain ma belle, me répond-il, et je devine dans ses yeux rieurs, son grand sourire dissimulé sous la mentonnière en plastique du casque qu’il vient juste de passer.

SACHA

Je n’ai jamais ressenti ça avant. Aucune fille ne m’a jamais fait cet effet-là et mon corps ne m’a jamais trahi comme il l’a fait… Je me sens plus heureux que je ne l’ai jamais été. J’ai l’impression que mes pieds ne touchent plus terre et que je plane. D’ailleurs, c’est ce que j’ai fait tout le reste de la journée d’hier, planer !

Angélique m’obsède. On ne se connaît que depuis quelques jours, et déjà il n’y a plus qu’elle dans ma tête, elle prend toute la place. Tout me ramène constamment à elle. Dans chaque chose que je fais, que je vois, elle est partout, tout le temps. J’ai la certitude aujourd’hui de comprendre enfin ce « qu’être en train de tomber amoureux » veut dire, et je ne pensais pas être de ceux-là… J’ai envie de lui chanter La Traviata, de la faire valser à l’enivrer, de l’embrasser, de la serrer dans mes bras et d’enfouir mon nez dans ses longs cheveux. J’ai envie de l’appeler dès que je ne suis plus près d’elle, pour lui parler de tout, de rien. Juste entendre le son de sa voix, le souffle lent de sa respiration, les battements de son cœur dans sa poitrine. Quand je suis à ses côtés, je voudrais que l’instant dure toujours, j’aimerais ne jamais avoir à me séparer d’elle.

Cet après-midi, je suis allé la chercher à la sortie de son cours de guitare. Elle n’a pas dit à ses parents qu’elle passait la soirée avec moi, mais chez Lili. Ils lui ont accordé la permission de minuit, puisque nous sommes samedi. Elle était donc ma Cendrillon pour un soir.

Je l’ai prise à 16 heures au conservatoire, et comme promis, je l’ai amenée à la maison.