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Grains de sel pour l'éveil, ce sont 5 petites histoires mêlant réalité et fiction, normalité et étrangeté, ordinaire et extraordinaire : une métaphore de la vie et des chemins parfois complexes pour lui donner du sens ! Ces récits, à laisser infuser ou à mijoter comme des contes à réfléchir se destinent aux enfants à partir de 9 ans, aux collégiens, lycéens et adultes gardant vivace, dans leur jardin secret, leur part d'enthousiasme, de curiosité et de rêve. Suivez Ambre et son petit soldat, Ingrid et sa Rosée, le petit mouton de Ronan, Maryline, Achille et le crâne fleuri ainsi que Philomène dans les ruines du passé, dans le feu, la terre, la mer et dans l'arborescence joyeuse d'un imaginaire foisonnant et résilient. Plusieurs niveaux de lecture cohabitent selon le principe du conte. Il faut accepter l'invraisemblance et se laisser porter par la force émotionnelle du récit. Laissez ensuite reposer... comme la pâte des délicieuses galettes bretonnes dont vous trouverez la recette à la fin du livre. Après, libre à chacun d'y ajouter son grain de sel...! Bonne lecture et bonne dégustation !
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Seitenzahl: 59
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Une couturière du verbe range ses soucis dans sa boîte à ouvrages pour broder, dans ses mots, les lettres d’or de son âme…
En souvenir de mon ami Yann GOURIO Puisse ces quelques mots le rencontrer là où il se trouve.
Songe au manège
Chez Rosée
L’écho de la mer
Dia des muertos au potager
Le vent dans les ruines
Mets ton grain de sel
Découpe tes marque-pages
Remerciements
Je suis née dans la fleur que tu as cueillie.
Blanche B., 4 ans
En bas de la place du Théâtre d’une belle ville nommée Rennes, tourne un manège.
Un manège en bois à l’ancienne avec des chevaux qui montent et descendent paisiblement.
Le vieux manège est de couleur claire, dans les dominantes bleu pâle, blanc jauni et vieil or ; un vieux carrousel paisible, pas tape-à-l’œil pour un sou.
Ce manège-là, a une fonction inestimable à cet endroit-là de la place du Théâtre de la belle ville de Rennes.
Il est un refuge lyrique, nostalgique, mélancolique ou une pause sucrée et bucolique pour les badauds ravinés de shopping et les grands fêtards dont la nuit a abusé. Ou qui ont abusé de la nuit.
En face du carrousel se trouve le Piccadilly bar, bar ô combien connu des heures très tardives ou bien très matinales des grands fêtards usés par une autre nuit Rennaise.
C’est le bar qui console et qui retape, qui chuchote qu’il est temps d’aller au lit, qui réconcilie avec le jour et son cortège d’enchantement. Le bar qui fait la transition entre la nuit et le jour, la jonction entre la brume et le soleil, la nuit de l’âme et les rêves étoilés des enfants : un bar qui a trouvé son alter ego en la solide et paisible compagnie du vieux carrousel aux couleurs claires, bleu pâle, blanc jauni et vieil or.
...
Dans la grande salle du Conseil du vieux parlement de Bretagne, loge un petit soldat dans une peinture de l’époque Empire qui décore les murs aux hauts plafonds de la salle.
De nombreux visiteurs s’arrêtent devant la scène représentant une charge de la cavalerie napoléonienne et livrent leur ressenti aux murs silencieux.
« Ce garçon sur son cheval, qui donne l’assaut, comme il a l’air jeune » dit une dame rabelète à son mari chauve.
Un vieux monsieur dit : « son regard est vide, on a le sentiment qu’il remplit son devoir sans peur et sans arrogance… notre jeunesse n’est plus de cette trempe-là… » Le vieux monsieur hoche la tête comme pour approuver ses propres propos.
Ce vieux monsieur-là est un homme qui n’aime pas la répartie. Il s’entend bien avec les murs silencieux et les petits soldats courageux des peintures.
« C’était une belle époque tout de même… » murmure encore le vieil homme à l’oreille du tableau.
Et il s’éloigne en grommelant contre la jeunesse insouciante et sans conscience du DEVOIR…
...
Le petit soldat entend tous les commentaires de tous les visiteurs depuis longtemps, très longtemps, presque trop longtemps il lui semble. Il donne la charge sur son destrier, obéissant aux ordres, c’est sa raison d’être à la peinture.
Cependant à force d’entendre tant de commentaires différents sur la scène dans laquelle il figure, sa conscience a pris vie et s’est rendue autonome au fil des années de son époque et du tableau dans lequel il donne l’assaut.
Il sait maintenant, ou plutôt il pressent, et devine qu’autre chose est possible mais quoi ?
...
De retour sur Ambre au manège. Elle regarde tourner le manège aux chevaux dorés et bleu délavé.
Aujourd’hui est une journée particulière.
La ville est animée d’une manifestation de marins pêcheurs venus crier leur colère dans la capitale bretonne.
Des poubelles brûlent, des pavés volent dans l’air, les gaz lacrymogènes envahissent les ruelles piétonnes.
Ambre aime tout cela. Et s’amuse de tout ce charivari.
Cette animation est nouvelle et très excitante. La colère des marins pêcheurs ne l’émeut pas mais l’affrontement entre les agitateurs et les forces de l’ordre a quelque chose de très puissant. C’est vraiment beau.
La manifestation se poursuit tard dans la nuit. Ambre reprend son manège de bar en bar mais avant l’heure du Piccadilly, une nouvelle vient agrémenter la soirée : « le parlement de Bretagne est en train de brûler ! ».
...
« Vite, vite, précipitons-nous » pensent tous les perdus de la nuit de Rennes. Ambre est du voyage.
Un picotement dans sa colonne l’alerte : elle sait que quelque chose d’important est là, sans qu’elle sache mettre le doigt sur ce qui se passe réellement autour elle, et en elle.
Ambre regarde avec ses amis de la nuit le parlement en feu.
Les pompiers sont là, impuissants, les notables de la ville, alertés par le remue-ménage sont sortis en robe de chambre brodée assister au désastre, consternés et malheureux.
« Une balise de détresse des marins pêcheurs est allée se loger dans le toit, la charpente étant en bois, un foyer s’est créé et le feu s’est vite propagé ! » explique un badaud à un autre badaud.
Les notables, eux, ne parlent pas, leur mâchoire pend sur le trottoir, le visage rougeoyant à la lueur des flammes, tous également effondrés par la tragédie qui danse sous leurs yeux.
Ambre est fascinée par ce feu et par tout le symbole, de la justice et de l’histoire qui part en fumée. Il lui semble que c’est une bonne chose qu’il brûle ce Parlement.
« Brûle, brûle donc, maudit Parlement ! » psalmodie-t-elle pour elle-même. « Brûle, brûle, brûle, brûle donc ! »
Ce parlement issu de la révolution française, enfin qu’il brûle et que tout cet héritage macabre et morbide parte en fumée…
...
Le petit soldat du tableau Empire voit les flammes chatoyer autour de lui. Déjà son destrier prend feu et la peinture autour de lui si familière n’est plus.
« Je ne sais que donner l’assaut… » se dit-il pour lui-même. « Il m’a toujours semblé qu’il n’y avait pas d’autre existence possible » réfléchit-il rapidement.
« Alors comment se fait-il que tout disparaisse, que tout parte en fumée ? Ce n’était pas prévu, ainsi tout ne semble pas aussi prévisible que je le croyais… »
Il ne reste plus qu’une patte et la tête de son fidèle compagnon, son superbe destrier.
Soudain une voix profonde sortie du tableau tonne :
« Sors de la toile et sauve-toi ! »
Il obéit instinctivement et trouve à peine le temps de se retourner pour voir son fier destrier se faner avec un éclat royal dans le regard.
« Sauve-toi » entend-il encore mais plus faiblement. Il s’approche et contemple l’œil amusé de son cheval puis… plus rien, l’image a disparu.
...
« Et dire que j’ai passé tant d’années de solitude dans ce tableau sur un cheval qui en savait plus long que moi ! ».
De stupeur, le petit soldat est figé.
Mais la réalité le rattrape bien vite. Une poutre craque dans la salle du Conseil et le toit menace de s’effondrer.
Ce n’est plus qu’une question de minutes.
Précieuses minutes.
...
Ambre est toujours fascinée par le feu ondulant.