Il s'appelait… - Tome 1 - Harley Hitch - E-Book

Il s'appelait… - Tome 1 E-Book

Harley Hitch

0,0

Beschreibung

Il suffit parfois d’un regard pour changer toute une vie... 

Un mariage parfait, un travail passionnant, des enfants adorables, une belle maison... Elle possède tous les ingrédients pour mener une vie idyllique. Sauf la passion. Au fil des années, le désir dans son couple s’est essoufflé, l’indifférence s’est installée et la folie des premières années s’est volatilisée pour laisser place à la tristesse et la nostalgie.
Et puis un jour d’hiver, elle l’a rencontré. Dès le premier regard, elle a succombé. C’est à ce moment-là que tout a basculé...

Harley Hitch s’attaque, avec sa plume addictive, à un sujet peu abordé : l’essoufflement de la passion et du désir au fil des années... Une romance intense que vous ne pourrez plus lâcher après quelques chapitres !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Il s'appelait... a remporté un Watty en 2019 sur la plateforme Wattpad.

C'est un roman très addictif, alternant plusieurs timelines, pour finir sur une belle fin qui ne nous laisse qu'un seul choix : lire le tome suivant ! - C4ll1st4, Booknode

Les lignes de Harley Hitch sont tout simplement addictives, une page entrainant une autre, nous nous retrouvons à achever notre lecture plus rapidement que nous le souhaiterions ! - Mademoiselle B, monpetitcoinlecture

L'histoire est captivante du début jusqu'à la fin et j'attends la suite avec impatience. - Famanore50, Babelio

Il y a un très beau jeu de plume dont je ne m’étais pas rendue compte avant la fin, et rien que pour ça, je dis bravo à l’auteure qui a réussi à me surprendre. - Melanie-84, Booknode

À PROPOS DE L'AUTEUR

Mariée, un enfant. Harley Hitch est dans la vie spontanée, impatiente, entière, aime se démarquer et se surpasser. Très girly, elle voit la vie en rose. Rien de mieux qu’un Capuccino Choco pour bien démarrer la journée. En fan inconditionnelle de thrillers et de suspense, elle a choisi ce pseudonyme en guise de clin d’œil à Harlan Coben et Alfred Hitchcock. L’écriture, la lecture et la danse sont devenues de véritables passions. Elle ne se voit plus vivre sans elles.
Petit plus : Il s’appelait… a remporté un Watty en 2019 sur la plateforme Wattpad.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 386

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



PROLOGUE

31 août 2019 — Aujourd’hui

En cette magnifique journée de fin d’été, une douce brise atténue la chaleur toujours aussi étouffante. Les grandes vacances sont sur le point de se terminer mais le stress de la rentrée ne se fait pas encore ressentir. L’atmosphère est bon enfant, estivale et légère. Me prélasser dans cet environnement à la fois calme et animé, aussi favorable aux échanges entre amis que propice à la détente en solitaire, me confère un bien-être incomparable. Les problèmes de la semaine y disparaissent comme par magie et se reposer mentalement devient une nécessité et priorité absolue.

Assise à la terrasse du café Chez Louis, point de rencontre stratégique des amoureux du centre-ville, je sirote tranquillement un cocktail sans alcool. Je suis absorbée par le dernier chapitre de mon livre du moment, une romance aussi kitsch que rocambolesque. Je souris.

Quelle est la probabilité pour qu’une jeune fille innocente, timide, et avec une vie monotone puisse rencontrer un bad boy froid, joueur et sans cœur au premier abord, pour finalement s’enticher de lui et lui d’elle ?

Invraisemblable, irréel, chimérique... mais tellement addictif. Le lecteur est plongé au cœur d’une intense histoire d’amour sur fond d’intrigue policière. Le besoin de s’évader, de croire en l’impossible, de rêver, aussi simple que cela puisse paraître. 

Je souffle d’envie. Ce roman est l’un de mes préférés. Il trône avec fierté sur ma table de chevet, il est le privilégié de ma bibliothèque personnelle. Je profite de mes pauses déjeuner pour me réfugier chaque jour dans quelques lignes de ce petit chef-d’œuvre que j’affectionne particulièrement.

Je m’imagine à la place de l’héroïne, Jessica, qui se retrouve dans une aventure abracadabrante, sauvée par un voleur activement recherché par le FBI étant l’unique témoin d’un crime odieux. Outre la police, les commanditaires du meurtre sont également à ses trousses et veulent plus que tout le réduire au silence. Jessica, qui s’est trouvée au mauvais endroit au mauvais moment, décide de le couvrir et de l’aider à fuir, car en un seul regard, le bel inconnu a su l’ensorceler et la rendre accro. Intriguée par cet homme mystérieux, elle le suit et l’accompagne dans d’extraordinaires péripéties. Au début, il l’utilise, et elle, crédule, tombe sous son charme. Lui se pensait à l’abri des effluves sentimentaux, car comme tout mauvais garçon, il est, bien entendu, un collectionneur de femmes expérimenté. Cependant, la « réalité » finit par le rattraper et ce dernier tombe éperdument amoureux de cette séduisante jeune femme rencontrée par hasard et qui ne faisait pas partie de ses plans.

Du suspense, de l’adrénaline, de l’amour, du désir et des courses poursuites effrénées, tous les ingrédients indispensables pour fabriquer une romance à succès, un véritable best-seller.

Il ne me reste qu’une vingtaine de pages à dévorer sur les quatre cents au total. Je reprends une gorgée de ma boisson tout en me posant des tas de questions.

Que va-t-elle faire ? Va-t-il la laisser partir ? Va-t-il mourir, tué par les malfrats ? Va-t-il se sacrifier pour la sauver ? Y aura-t-il une fin heureuse ?

Autant d’interrogations qui trouveront leurs réponses à la toute fin de cet incroyable récit. Et je n’ai jamais été aussi proche d’en découvrir le dénouement.

— Tout va bien, Mademoiselle ?

Je suis subitement tirée hors de mes pensées par le serveur du café, un jeune homme au physique agréable et avantageux, avec un sourire à en faire pâlir plus d’une. Il pourrait tout à fait postuler dans le rôle du voleur sexy de mon bouquin, c’en est plus que certain. D’ailleurs, je l’imagine tout à fait dans ce petit costume noir classique que le protagoniste principal porte tout du long et qui moulerait son fessier avec perfection.

Et puis... Mademoiselle... il y a bien longtemps qu’on ne m’a plus qualifiée ainsi mais c’est assez flatteur de sa part. J’apprécie vivement.

— Vous désirez autre chose ? me relance-t-il avec gentillesse.

— Non merci, pas pour le moment, j’attends quelqu’un qui devrait arriver sous peu.

Il hoche la tête avec politesse tout en soutenant mon regard puis s’éloigne avec une démarche des plus sexy vers une autre table.

Au même moment, mon téléphone vibre vigoureusement sur la table en fer face à moi et me force de nouveau à stopper ma lecture.

Un incontrôlable sourire se dessine subitement sur mon visage et sans attendre une seconde de plus, je m’empresse de décrocher.

— Hello toi... tu arrives bientôt ?

— Je suis en retard, je suis là dans cinq minutes, me répond cette voix familière de l’autre côté de la ligne.

— OK, à tout de suite, pas d’urgence, je finis mon bouquin. Tu as le temps. Bisous, lui rétorqué-je sur un ton rassurant.

Si je devais établir une comparaison avec mon livre, mon histoire à moi est d’une incroyable banalité. Pas de gangs, pas de cambriolages, pas de meurtres, pas de flics véreux, pas même un riche héritier séduisant, célibataire et convoité par toute la gent féminine de la ville. Absolument rien de tout ça... et pourtant. Cette dernière année a été plus que riche en rebondissements. Je crois bien avoir atteint mon quota de folie pour la prochaine décennie. J’ai besoin dorénavant d’un peu plus de sérénité.

Je rêvasse et me souviens de tous ces évènements qui m’ont conduite à ce jour ensoleillé. Chacune de mes décisions m’a amenée à me retrouver aujourd’hui en ce lieu et à attendre ma destinée qui ne devrait a priori plus tarder à se présenter.

Je suis prête à avancer, je n’ai plus qu’à ouvrir la porte qui me mènera vers cet avenir incertain.

Chapitre 1

24 janvier 2019 — Huit mois plus tôt

Ça y'est... aucun retour en arrière possible, c’est trop tard.

Ce furent les premiers mots qui m’étaient venus à l’esprit une fois qu’il s’était assis sur le siège passager de mon véhicule. Oui, j’aurais encore pu faire machine arrière à ce moment précis. J’aurais dû lui dire de descendre ou le ramener à l’arrêt de tramway le plus proche. Mais j’avais choisi de ne pas le faire.

Crainte de le décevoir ou plutôt réelle envie d’aller plus loin ?

Je ne le saurai jamais. Mes ressentis de ce jour marquant n’étaient plus que de lointains souvenirs.

Oui, il était un poil différent de notre session cam de l’avant-veille, c’était certain même, mais il était sexy. Vraiment sexy. Définitivement plus sexy encore. Ses cheveux noirs en bataille dépassaient de son bonnet sombre. Sa barbe et sa moustache lui octroyaient une apparence très attirante. J’avais été immédiatement frappée par son odeur qui avait envahi l’habitacle à peine ce dernier s’était-il installé à mes côtés. Un parfum à la fois subtil et envoûtant se dégageait de tout son être. Il venait de prendre sa douche sur son lieu de travail et sentait bon. Non, pas juste bon... extrêmement bon. Il avait dû utiliser un gel douche masculin spécifique pour attirer le sexe opposé, et cela avait fonctionné, j’étais complètement sous le charme. Physiquement, je savais qu’il était plutôt bien bâti même si sa silhouette était cachée sous un épais manteau, le mois de janvier étant particulièrement rigoureux cette année. Mais à cet instant, je n’eus pas le temps de le détailler avec plus de minutie car mes yeux avaient été aussitôt happés par les siens, d’un vert avec une touche de noisette ensorcelant. Sur les photos et en vidéo, ces derniers avaient une teinte assez sombre. L’écran de mon ordinateur n’avait pas réussi à retranscrire leur couleur exacte et ce fut une surprise plutôt agréable. Le désir et l’envie qu’il m’avait transmis, à peine ses iris captivants posés sur moi, m’avaient d’ailleurs profondément perturbée.

— Désolée... mode grand froid aujourd’hui... talons et neige, tu te doutes bien que c’est d’une incompatibilité évidente... lui lançai-je pour justifier ma tenue hivernale pas des plus glamours.

Il ne répondit rien, se contentant de me sourire et de me scruter d’un air séducteur.

Comment cet homme pouvait-il me désirer alors qu’il ne me connaissait pas ?

Nous avions juste parlé pendant une dizaine de jours avant de passer le cap du premier rendez-vous mais ce que je lisais de son expression était improbable pour ma part. Je me sentais cernée, rougissante. Il tentait sûrement de discerner s’il me plaisait en analysant ma gestuelle, mon comportement.

Son attitude à lui était pourtant contradictoire, malgré le fait qu’il essayait de détendre l’atmosphère, il n’arrivait pas à dissimuler entièrement son stress.

— Salut… pas trop… déçue ?

Sa voix hésitante trahissait son malaise. D’ailleurs, je ne l’imaginais pas ainsi. Elle n’était pas virile ni rauque, même bien loin de celle d’un Vin Diesel, stéréotype parfait du mâle dominant par excellence. Non, la sienne était plus douce avec une légère pointe de féminité. Je pouvais y déceler à la fois excitation et angoisse. De plus, il ne cessait de gesticuler sur son siège, le buste en avant, les mains tremblantes placées sur les genoux, indicateurs directs de son état de nervosité. Pourtant, il continuait à soutenir mon regard intensément et ce, sans jamais dévier le sien. Pour ma part, je m’efforçais de ne pas lui laisser entrevoir mes propres craintes. Je lui souriais bêtement sans prononcer un mot.

Je m’étais aussitôt rappelée de l’une de nos conversations deux jours plus tôt :

— Et si je n’y arrive pas ?

Son inquiétude de ne pas être à la hauteur m’avait amusée. Il me montrait sans le vouloir qu’il n’était pas forcément un habitué de ces rencontres internet. Je restais cependant sur mes gardes. Cela pouvait être une vile technique pour endormir sa proie et gagner sa confiance. Les hommes étaient parfois fourbes et prêts à tout pour obtenir gain de cause. Et ce spécimen ne dérogeait pas à la règle. Je me devais d’être prudente. La photo de sa belle gueule et ses discours préétablis devaient être envoyés à de nombreux profils féminins en même temps. Il n’avait plus qu’à attendre patiemment que l’une d’elle morde à l’hameçon. Et avec moi, la pêche avait été plus que fructueuse. À peine inscrite, il avait su attirer mon attention avec son « Salut toi, moi c’est... » Alors sa crainte de ne pas assurer en réel était assez incohérente. Son attitude de dragueur sûr de lui, dès le début via messagerie instantanée, avait été mise à mal au moment même où nous avions évoqué l’idée de passer cette relation virtuelle vers le concret.

— Eh bien... on réessayera... lui avais-je spontanément répondu pour le réconforter.

Je le pensais. Vraiment. Mais il était évident que si cela n’avait pas fonctionné entre nous deux, j’aurais pris mes jambes à mon cou et ne l’aurais jamais revu. En y repensant, il aurait peut-être été préférable que cela se passe ainsi.

Je roulais. Les yeux fixés sur la route, je le surprenais régulièrement à me détailler.

À quoi pensait-il ?

Dix mille choses lui traversaient probablement l’esprit. Tout comme moi.

Je m’étais trompée à plusieurs reprises de chemin alors que je connaissais parfaitement le quartier vers lequel je me dirigeais. À cause de mon inattention, nous avions dû effectuer un détour incroyable. Je n’arrivais plus à réfléchir. Le virtuel était bien plus sécurisant. À distance, il était plus facile de communiquer, de se lâcher, de décrire ses fantasmes à un inconnu. Et encore bien plus simple si l’autre y était réceptif et en faisait de même.

La tension entre nous dans la voiture me faisait complètement perdre les pédales. Je ne savais plus où j’étais ni comment j’en étais arrivée là. Nous parlions de choses et d’autres tout du long sans aborder le côté charnel et les raisons qui nous avaient amenés à échanger tous les deux en premier lieu. La situation était étrange. La veille encore, nous étions désinhibés et directs. Maintenant, nous étions sur la réserve.

L’élément déclencheur de ce rendez-vous ?

Notre instant cam à deux heures du matin. Dès lors où nos regards s’étaient croisés par caméras interposées, nos sourires béats l’un pour l’autre avaient achevé de nous convaincre que la rencontre réelle était inéluctable. Cette fois-là, j’avais pu admirer en direct son torse parfait et son jogging qui lui tombait sur les hanches, toutes aussi parfaites. 

Nous ne pouvions parler. Nous chuchotions à peine, bien trop effrayés à l’idée de réveiller nos moitiés profondément endormies. Installés confortablement derrière nos écrans respectifs, nous nous dévorions du regard avec envie.

— J’ai apprécié te voir te mordre la lèvre, m’avait-il écrit après avoir raccroché.

J’étais aux anges. Cet homme, contrairement à celui que j’avais épousé, me regardait comme une femme et non une mère de famille. Il me désirait, il avait... envie de moi.

Chapitre 2

10 mai 2011 — Huit ans plus tôt

Un jour tout aussi fantastique qu’effrayant. L’accomplissement et le résultat d’un amour entre deux personnes qui s’apprêtaient à donner la vie. Un bonheur incommensurable. Une peur panique de doubler les effectifs de notre petite famille qui passerait de deux à quatre en à peine quelques instants.

Lorsqu’avec mon mari, nous avions décidé d’agrandir notre tribu, nous ne nous attendions sûrement pas à faire d’une pierre deux coups. Plutôt que d’imiter la majorité des couples et ne concevoir qu’un seul bébé à la fois, nous avions eu la stupeur de découvrir pas un, mais deux petits cœurs qui battaient lors de la première échographie, et ce à la plus grande surprise de tous. Je revoyais nos têtes ébahies lorsque la gynécologue nous avait annoncé la nouvelle. Nos rires nerveux avaient été vite remplacés par des rires à la fois joyeux et inquiets de savoir comment nous allions nous en sortir. C’était un véritable imprévu et chamboulement de nos projets mais nous en étions heureux.

Notre quotidien en serait bouleversé à jamais. Habitudes de célibataire au placard, grasses matinées terminées, fêtes, sorties entre amis et nuits blanches aux oublis ! Enfin, en ce qui concernait les nuits blanches, ces dernières se poursuivraient oui, mais plus pour les mêmes raisons !

C’était le jour J, celui que j’avais tant redouté, celui qui me transformerait en maman super cosmique plus que prête à relever le défi. Je m’y étais préparée. Huit mois pour étudier, me renseigner, me projeter, imaginer, attendant avec impatience le jour où les jumeaux feraient concrètement partie de notre vie.

Pendant toute ma grossesse, j’avais lu le plus de livres possible, consulté le maximum de sites internet et regardé les émissions de téléréalité spécialisées, dans l’unique objectif de connaître la meilleure façon d’accueillir et de s’occuper de son bébé.

Quels étaient les bienfaits du lait maternel ? Quels étaient les avantages et inconvénients du cododo ? Fallait-il laisser un bébé pleurer ? Faisait-il des caprices ?

Après des heures et des heures de recherches, de réflexions et d’insomnies, j’en étais finalement arrivée à la conclusion qu’il n’existait aucun manuel homologué par le Ministère de l’Éducation Nationale, ni de diplôme d’État pour apprendre à être une bonne mère ou un bon père. L’apprentissage de la parentalité ne pouvait se faire par la lecture d’un bouquin ou par le visionnage de programmes télévisés, non. Il fallait de la pratique, ne pas craindre l’échec, se lancer et recommencer. Éduquer était synonyme de courage, pédagogie, enseignement et patience. En toute logique, rien d’insurmontable pour un parent aimant.

Il me tenait la main. Il ne la lâchait pas. Il était mon roc, mon soutien.

— Tu vas y arriver... me murmura mon époux pour me réconforter. Je suis là.

Je le regardais et lui souriais avec tendresse. Son expression ne laissait transparaître aucune inquiétude, il tentait de me rassurer tant bien que mal.

Valentin et moi nous étions rencontrés au lycée, partagions la même bande d’amis mais ne nous étions jamais vraiment trop intéressés l’un à l’autre sentimentalement parlant. En dernière année, chacun d’entre nous avait tracé sa propre route. Lui avait poursuivi des études dans le commerce et moi, j’avais quitté la France pour partir à l’étranger pour élargir mes compétences, notamment linguistiques, et découvrir de nouveaux horizons. Nous nous étions retrouvés trois ans plus tard, en juin 2006, lors d’une réunion d’anciens élèves.

Que sont-ils devenus ? était le thème de la soirée. La plupart de nos camarades n’avaient pas changé d’un trait, que ce fut physiquement ou mentalement. Apparemment, seuls les temps changeaient, pas les gens. Nous avions cette vague impression d’être en décalage. Le fait d’avoir mûri un peu, d’avoir vécu quelques expériences non concluantes de part et d’autre furent sûrement les raisons principales qui avaient favorisé notre rapprochement.

Nous avions évoqué avec plaisir et amusement nos diverses mésaventures et nous étions trouvés de nombreux points communs.

Un baiser et quelques rencards plus tard, nous avions décidé de nous installer ensemble en colocation et le temps avait fini par faire le reste... de merveilleuses années emplies d’amour, de partages, de voyages, de rires, de pleurs mais surtout de bonheur. Même s’il n’y avait pas eu de véritable coup de foudre, mon cœur était prêt à s’ouvrir complètement à cet homme. C’était lui, celui avec qui je voulais vieillir, celui avec qui je voulais fonder une famille, celui avec qui je me projetais dans l’avenir.

J’aimais Valentin plus que tout. Je l’adulais, je le respectais, j’étais fière de ce qu’il était, j’étais heureuse d’être à ses côtés. Alors lorsqu’il m’avait fait sa demande deux ans plus tard, l’hésitation n’était pas à l’ordre du jour, il était temps de faire le grand saut.

Nous nous étions dit oui devant Monsieur le Maire un jour du mois de décembre 2008 et l’agrandissement de notre foyer faisait bien évidemment partie de nos projets.

Et nous voici le 10 mai 2011, prêts à devenir d’heureux parents. J’appréhendais avec une inquiétude certaine ce moment où la sage-femme me tendrait les fruits de notre amour après des heures de douleur et de dur labeur.

Je n’imaginais pas encore qu’on pouvait aimer et se dévouer corps et âme à ce point pour deux petits êtres. Être mère était instinctif. J’avais su que ma mission principale était de les protéger quoiqu’il advienne. Avant eux, je pensais que ma vie avait un sens, que j’étais comblée. Mais c’était avant que je ne les rencontre pour la première fois, avant que je ne pose mes yeux attendris sur leurs doux et innocents visages, avant que je ne les serre fort contre moi, avant que ce lien extraordinaire ne s’établisse entre nous. Un torrent d’amour m’avait alors envahie comme jamais auparavant.

Après mûres réflexions, je m’étais aperçue que ce jour fabuleux avait été le point de départ d’une lente dégradation de la relation de notre couple en apparence « harmonieux ».

Tout avait commencé à changer, à se détériorer dès lors.

Je n’étais plus une femme à ses yeux, j’étais devenue... la mère de ses enfants.

Chapitre 3

24 janvier 2019 — Huit mois plus tôt

— Tu peux te garer là, tu ne trouveras pas d’autres places.

La tension commençait à grimper. Il était, à ce stade, encore temps de me sauver et de changer d’avis. Il était encore temps de lui dire que je ne pouvais pas, que je ne me sentais pas capable de trahir mon mari. Mais encore une fois, je n’avais pas choisi cette option. Je le suivais jusqu’à l’entrée de son habitation qui se situait au troisième étage d’une maison de rue reconvertie en plusieurs petits appartements, plutôt bien située, non loin des commerces du quartier.

La neige craquait sous nos pieds, la peur de glisser et de me ridiculiser devant lui s’ajoutait au stress de ce rendez-vous interdit. La prudence était donc de rigueur. Lui marchait vite, ne souhaitant probablement pas être reconnu par ses voisins en compagnie d’une autre femme que la sienne.

Regrettait-il ma venue ? Était-ce sa façon à lui de me « semer » ?

Le doute commença à s’insinuer en moi... mais ce dernier s’évapora aussi subitement qu’il était apparu lorsqu’il se retourna tout à coup vers moi pour se rincer l’œil en me scrutant sans aucune retenue.

— Pas mal... en effet...

Je ne lisais aucune déception sur son visage. Son petit sourire suffisant et sa façon de me reluquer de haut en bas n’étaient pas des plus discrets et complimenteurs pour une véritable féministe telle que moi. Mais étrangement, je ne me sentais pas rabaissée par le regard qu’il me portait, ni même par sa remarque manquant terriblement de tact. Une autre aurait pu mal prendre le fait d’être comparée à un vulgaire morceau de viande, mais ce n’était pas mon cas.

Je le regardais de dos, observais attentivement sa démarche plutôt assurée. Il effectuait de grandes enjambées que j’avais un peu de mal à suivre. Ce bellâtre d’un mètre quatre-vingt était définitivement à mon goût. Dix centimètres de plus que moi, une silhouette athlétique et svelte. Bien loin du cliché du mec banal que l’on pouvait dénicher sur la toile.

Qui aurait cru que ce genre de perles pouvait se trouver ?

Bien entendu en prenant en compte mon degré élevé d’exigence physique du sexe opposé. Aucune photo n’avait attiré mon attention. Aucune. Sauf celle qu’il m’avait envoyée.

Une fois dans sa cage d’escalier, il s’empressa de monter quatre à quatre les marches qui nous séparaient de sa porte d’entrée. Alors que j’étais toujours à sa suite, je me sentais de plus en plus mal à l’aise.

Et si cela ne fonctionnait pas ?

Il me laissa galamment entrer chez lui. J’accédais directement dans un petit vestibule carrelé qui donnait sur un petit couloir avec cinq portes. La plus proche en entrant à gauche était vitrée et laissait entrapercevoir un salon très lumineux et cosy. Il l’ouvrit et m’invita à le suivre. Cet appartement possédait un intérieur chaleureux et parqueté avec une cheminée condamnée et des hauts plafonds dans le style Haussmannien. Un canapé d’angle foncé agrémenté de quelques coussins moelleux trônait à droite de la pièce mesurant une bonne vingtaine de mètres carrés. Des guirlandes de lumière pendaient aux fenêtres et rendaient les soirées sûrement bien plus romantiques. Je bloquai subitement sur la décoration murale. Une banane… un énorme poster d’environ un mètre par deux, d’un homme chauve aux lunettes noires carrées sur le nez, une chemise de couleur parme ainsi qu’un nœud papillon vert mangeant avec envie… une banane. Très particulier et à la limite du dérangeant comme décoration… mais bon, chacun ses goûts ! Je fixais cette image, dubitative. Mon attention se dirigea ensuite vers des photos qui décoraient le mur principal, face au canapé. La première qui attira mon regard représentait mon futur amant avec un autre homme, blond et souriant. Les deux semblaient plutôt proches, un très bon ami, visiblement. D’autres cadres étaient dispersés sur le bord de la cheminée. Plusieurs personnes y figuraient, famille, amis, jeunes femmes, dont l’une d’elles était probablement celle qui partageait sa vie, celle qu’il aimait. Dans l’ensemble, je considérais cet endroit assez bien ordonné avec une touche féminine incontestable.

Mon hôte retira manteau et bonnet puis s’éclipsa quelques instants vers sa petite cuisine ouverte sur le salon pendant que j’essayais de me relaxer. Je ne savais pas où poser ni mon sac ni le reste de mes affaires. Je me sentais de trop.

Comment pourrais-je encore me regarder en face ? Comment arrivait-il à faire abstraction de la présence fantomatique de sa copine qui investissait clairement les lieux ? Comment pouvait-il envisager de la tromper dans leur cocon ? Comment avais-je pu accepter cela ?

Il était coutumier des faits. Il ne pouvait en être autrement. Il semblait si détaché et n’avait pas hésité à m’ouvrir son quotidien. Je savais où il travaillait, où il habitait, son nom de famille. Je l’avais trouvé sans grande difficulté sur les réseaux sociaux. De moi, il ne connaissait que mon prénom. J’aurais très bien pu lui mentir sur le fait que je sois mariée. Il n’en aurait jamais rien su. Une folle hystérique aurait très bien pu laisser intentionnellement une boucle d’oreille chez lui pour semer la zizanie dans son couple.

Désinvolture ou inconscience ?

Il ne savait pas qui j’étais, mais bizarrement, il me faisait entièrement confiance. Je n’eus le temps de douter de nouveau sur le fait que ma présence en ce lieu et avec lui était un mauvais choix, qu’il était déjà revenu avec deux verres de vin blanc entre les mains qu’il posa sur la table basse.

— On va se détendre un peu... me lança-t-il tout en s’installant sur le canapé. Si ça peut te rassurer, c’est pas chez moi ici. On est chez un de mes potes qui me prête son appart.

Je ne savais pas si cette annonce était rassurante ou encore plus inquiétante. Tout ce que je savais, c’était qu’à cet instant, il m’attirait. Je ne pensais aucunement aux conséquences et répercussions sur la femme sentimentale et fragile que je pouvais être parfois intérieurement. Il décela que mes yeux s’étaient attardés sur le grand poster très particulier.

— Oh ça… un pari perdu !

— Le gage est étrange ! C’est perturbant ce mec, qui croque dans une banane !

Il se mit à rire.

— T’as pas idée ! Et je…

Il se stoppa net. Bizarrement. Probablement troublé par toute cette situation. Je m’assis à ses côtés. Il m’envoûtait, me scrutait et me souriait. Nous ne savions pas comment faire pour briser la glace et ce rapprochement inévitable m’excitait tout autant qu’il me terrorisait. Son regard traduisait son désir d’aller plus loin, bien plus éloquent qu’un discours. Le mien, en revanche, le fuyait un peu pour finir par se poser sur son avant-bras gauche tatoué. Il était en sweat-shirt gris clair dont il avait relevé les manches jusqu’aux coudes. Je détaillais avec insistance le dessin rouge et bleu foncé sur sa peau. Un soleil sombre dont les épais rayons se terminaient en une multitude de petits points couleur sang qui s’estompaient de plus en plus au fur et à mesure que nous nous éloignions de son cœur. Du bout des doigts, je me risquais à toucher délicatement son épiderme.

Premier contact physique. Aucun frisson.

Il se laissait faire et regardait avec attention mon pouce caresser son tatouage, comme si tout ceci était naturel. Sa peau était douce et agréable, je pouvais sentir ses veines à mesure que mes doigts glissaient avec précaution en surface. Non, il ne frissonnait pas, mais son poing fermé avec énergie attestait qu’il était visiblement aussi nerveux que je l’étais.

— Soleil levant au Japon, m’expliqua-t-il sans que je ne lui en demande la signification. La culture japonaise, les mangas, sont deux de mes passions.

— Tu y es déjà allé ? m’intéressai-je.

Je relevais les yeux vers lui et nous nous observions alors avec encore plus d’intensité. Je fixais ses traits, son look, son attitude et ses cheveux noirs épais. Il le remarqua aussitôt en laissant échapper un petit rire sexy et en glissant ses doigts dans sa dense crinière.

— Faut que j’aille chez le coiffeur, ils sont trop longs, ça devient n’importe quoi, on dirait Wolverine ! plaisanta-t-il.

Un large sourire fendit mon visage.

— Bah quoi, il est super hot Wolverine ! ris-je.

Il avait su détendre l’atmosphère en quelques mots. Il était fort. Très fort. La couleur verte de ses iris était encore plus fascinante qu’auparavant. Son visage n’était plus qu’à quelques centimètres du mien et la tension entre nous était encore plus palpable.

*

De retour dans ma voiture, je restai là plusieurs minutes pour me remettre de mes émotions. Ma meilleure amie au courant en intégralité de mes déboires sentimentaux m’avait bombardée de textos pour obtenir le maximum de détails.

[Alors tu l’as vu ? Il est comment en vrai ? Bien foutu ?]

[Ce suspense est insupportable !]

[Appelle-moi dès que tu peux !]

Je ne pouvais m’empêcher de sourire à son véritable engouement à connaître la suite de mes aventures conjugales et extraconjugales. Laure était la seule personne à qui je confessais tous mes péchés, entre autres, mon prêtre au féminin. D’une nature plutôt enjouée, elle était de celles qui ne jugeaient pas, qui tentaient de conseiller du mieux possible sans jamais avoir une once de reproches. Une amie comme on n’en faisait plus, à qui j’aurais confié ma vie. Toujours à l’écoute, dans le réconfort et d’une extrême bienveillance ainsi que d’un altruisme qui n’était plus à démontrer. Elle travaillait dans un cabinet d’avocats réputé du centre-ville et vivait elle-même des aventures trépidantes avec son confrère, Vincent, qu’elle qualifiait encore de tous les noms d’oiseaux possibles et inimaginables il y avait encore moins d’un an. Une romance à la « Je t’aime moi non plus ». À l’époque, je la taquinais sans cesse sur le ton catégorique qu’elle employait à son égard, bien trop impérieux et intransigeant. J’attendais tout aussi impatiemment qu’elle le résumé quotidien de l’évolution de sa relation avec, je cite, « ce connard imbu de lui-même ».

Je m’empressai de retrouver ma liste d’appels récents et de cliquer sur son prénom, qui s’était affiché évidemment tout en haut de celle-ci. Pas même une sonnerie. Elle était aux aguets, attendant de mes nouvelles.

— Alors ? hurla-t-elle au téléphone, me perçant presque les tympans.

— Chez Louis ? Dans trente minutes ? lui répondis-je aussitôt.

— Et comment ! À tout de suite !

Chapitre 4

8 juillet 2011 — Huit ans plus tôt

Je fredonnais une berceuse pour calmer Clémence, absolument inconsolable. J’étais descendue dans le salon pour que ses pleurs ne réveillent pas son frère et ne pas avoir à gérer les deux en même temps à près de trois heures du matin.

— Calme-toi ma puce, ça va aller, maman est là... lui murmurai-je de ma voix la plus douce.

Le tic-tac de l’horloge rythmait mes mouvements. Je marchais et berçais ma fille avec une allure lente et soutenue. Mes bâillements incontrôlables toutes les trente secondes attestaient que j’étais épuisée par la cadence que mes bout'chous m’imposaient. S’occuper d’un bébé était déjà un marathon en soi, alors de deux... Je ne dormais quasiment plus, les jumeaux n’étant pas calqués sur le même fuseau horaire. J’avais l’impression de ne jamais m’arrêter, de m’être transformée en un véritable zombie. Je ne comprenais même plus comment mes jambes pouvaient encore me porter. 

Leur père dormait profondément, comme toutes les nuits. Il était rare qu’il se levât de lui-même pour aller nourrir nos enfants. Pour se justifier, il prétextait systématiquement le lendemain que son sommeil avait été si lourd qu’il n’avait rien entendu. Il se dédouanait et ne prenait aucune responsabilité, aussi simplement que cela. Un peu facile si vous voulez mon avis. Pour moi, il faisait juste la sourde oreille.

— Mais moi je bosse la journée ! Toi, tu es en congé maternité ! avait-il l’habitude de me scander à tout va.

— Parce que tu crois que m’occuper des jumeaux n’est pas un travail à plein temps ? Entre les couches, les pleurs, les biberons, et le fait qu’ils ne fassent pas la sieste et qu’en plus je doive me lever la nuit parfois pour plusieurs heures sans que tu ne bouges le petit doigt ? On échange quand tu veux ! lui avais-je rétorqué sans pour autant obtenir le résultat attendu.

Je faisais les cent pas avec ma petite poupée dans les bras. Elle finit par stopper ses sanglots au bout d’une heure et demie. J’avais tenté à plusieurs reprises de la reposer dans son lit mais ce, sans succès. Mademoiselle préférait les bras de sa maman. J’avais donc lutté, installée le plus confortablement possible dans le canapé de notre séjour. Je commençais tout juste à somnoler quand les cris intempestifs de ma deuxième terreur résonnèrent dans toute la maison et me firent sursauter de peur et de crispation. Clémence dormait toujours à poings fermés contre ma poitrine et mon corps refusait tout bonnement de se mouvoir. Il ne suivait plus le rythme. Mes batteries étaient plus qu’à plat. J’aurais tout donné pour posséder les mêmes pouvoirs que cet infatigable petit lapin rose portant un tee-shirt jaune aux piles à la longévité extraordinaire.

J’attendis quelques instants. J’espérais au fond de moi que Valentin se lèverait, qu’il finirait par entendre les hurlements de Noah. Mais aucune réaction. Au bout de cinq minutes, n’en tenant plus, je finis par trouver une dernière once d’énergie et montai dans la chambre des bébés. Je réussis à reposer dans son berceau le petit ange que je tenais pour me saisir de son petit frère à son tour.

— Chuuuuut... rendors-toi petit filou, il est bien trop tôt et maman est exténuée.

Cinq heures du matin. Il était cinq heures du matin et j’étais debout depuis près de trois heures. Je n’en pouvais plus. Même rituel. Berceuse, cent pas, caresses dans le dos, petits baisers pour pouvoir l’apaiser comme sa sœur. Et puis canapé.

— Bah qu’est-ce que tu fais là ? Tu peux pas t’endormir avec Noah contre toi sur le fauteuil enfin ! Tu te rends compte, tu aurais pu le faire tomber ! Tu es inconsciente !

La voix furieuse de mon mari m’avait percé les tympans et me réveilla d’un bond. Il m’avait arraché mon fils des bras et me regardait de travers comme si j’étais la plus irresponsable des mères qui puisse exister.

Je me levai avec difficulté et le laissai planter là sans même prendre la peine de répondre à son attaque gratuite et ses reproches mal placés.

À ce moment-là, je le haïssais. Il était sept heures du matin et il était temps pour lui d’aller travailler. Je m’en foutais. J’avais besoin d’une petite, une toute petite heure pour me reposer, sinon je ne pourrais tenir la journée.

*

— T’as une tête de déterrée ma pauvre... me balança Laure sans aucun ménagement. Il t’aide pas ?

J’avais appelé mon amie à la rescousse pour me soulager un peu. Elle avait posé un jour de congé et était accourue aussitôt car elle avait compris que j’étais au bord de l’implosion.

Laure avait absolument tout d’une femme fatale. Un carré plongeant affinait considérablement son visage ovale. Blonde, les yeux bleus, un petit mètre soixante-quinze et une silhouette des plus gracieuses et élégantes. D’ordinaire, elle était toujours parfaitement apprêtée, son métier d’avocate requérant une apparence impeccable. Mais ce jour-là, elle avait cependant troqué son tailleur habituel contre un jean slim délavé et un tee-shirt blanc moulant. Mais même avec ce style plus confortable, elle n’avait pu se passer de ses incontournables escarpins en pointe.

Je m’étais mise à pleurer devant elle, incapable de me contenir davantage. Les jumeaux dormaient depuis à peine vingt minutes lorsqu’elle arriva pour prendre le relais. Laure, compréhensive, me réconforta en me préparant une tisane pour m’aider à calmer mes nerfs à vif.

— Repose-toi cet après-midi ma belle, je m’occupe des jumeaux, t’as vraiment besoin de repos.

Je ne parlais plus, je m’exécutais machinalement. Les marches à monter étaient une véritable épreuve. Lorsque mon corps fusionna enfin avec le matelas, il ne me fallut que quelques secondes pour que je me retrouve aussitôt emportée dans les bras de Morphée.

Réveillée brusquement par les pleurs. De nouveau.

Je me retourne dans le lit et tâte la place vide à côté de moi. 

— Valentin ? J’en peux plus... occupe-toi d’eux, je t’en supplie.

Personne.

Mais où était-il encore ?

Oh, mon Dieu, je m’étais endormie et personne ne s’occupait de Clémence et Noah !

Je me levai d’un bond et dévalai les escaliers en quatrième vitesse complètement paniquée.

— Clémence ! Noah ! criai-je inquiète.

Les pleurs s’étaient stoppés. Laure était assise sur le fauteuil et donnait le biberon à mon fils tandis que Clémence roupillait dans le transat juste à côté.

— Oh je suis désolée ma chérie, Noah a une sacrée voix... retourne dormir, tu n’es montée qu’il y a une heure à peine. Je t’ai dit, détends-toi, je me charge de tout.

Tout mon corps se relâcha. Mon esprit me jouait des tours, l’épuisement me faisait perdre la notion du temps. Pour une fois, quelqu’un avait pris la suite, m’avait soulagée de la lourde tâche que de prendre soin d’un nouveau-né. Avec la plus grande déception, cette personne n’était pas forcément celle que j’espérais. Valentin n’était plus celui dont j’étais tombée amoureuse, il avait changé, il était devenu égoïste et indifférent, oubliant que nous voulions tous deux cette famille. J’avais presque l’impression qu’il regrettait l’arrivée des jumeaux. Mais ils étaient à présent parmi nous et il était trop tard pour faire marche arrière. Il devait assumer son rôle de père.

Si seulement il s’était levé cette nuit-là et toutes les autres qui avaient suivies...

Si seulement, il m’avait dit :

T’inquiète pas chérie, repose-toi, je prends le relais… comme mon amie l’avait fait.

Chapitre 5

24 janvier 2019 — Huit mois plus tôt

Nos visages s’étaient rapprochés et la confusion m’avait envahie. Cet homme troublait ma perception de la réalité et mettait mes fonctions cognitives à rude épreuve. Nous nous fixions avec avidité. Sa lèvre inférieure était charnue et terriblement alléchante. Son regard avait redoublé d’intensité. Mon instinct animal me murmurait qu’avec lui ce serait l’apothéose. Jusqu’à aujourd’hui, jamais je ne m’étais trompée concernant mon choix de partenaire, j’avais toujours jeté mon dévolu sur la bonne personne, un peu comme un sixième sens. Celle avec qui l’attirance était forcément réciproque. Mon corps s’était instantanément connecté au sien, comme si un champ de force extrêmement puissant nous reliait tous les deux. Sous son emprise, il n’était plus question de reculer ni de lui échapper. J’étais physiquement attirée par lui, mais une infime partie de mon mental hésitait encore.

Pour m’aider à lâcher prise, mes paupières s’étaient fermées toutes seules pour laisser mes autres sens prendre la suite et prolonger au maximum cet instant incroyable. Celui du toucher était en ébullition. Sa joue frôlait la mienne avec délicatesse, ses mains découvraient peu à peu mes cuisses, puis mes hanches alors que mes doigts étaient encore un peu réticents à en faire de même.

— Laisse-toi aller… m’avait-il susurré.

Le timbre suave de sa voix me rassurait. Cette manière dont il avait de me chuchoter des mots réconfortants à l’oreille était une habile tactique de persuasion. Tactique qui fonctionnait. Mon sens de l’odorat était celui qui avait fini par me faire entendre raison. Son parfum enivrant m’hypnotisait et m’ensorcelait littéralement. Je m’en étais imprégnée, me laissant complètement envahir et posséder. C’était impossible à décrire, il fallait le vivre pour comprendre.

Il ne manquait plus que le goût à contenter. Nos lèvres ne faisaient que s’effleurer et cela augmentait la tension entre nous qui devenait plus qu’oppressante. Le baiser restait une chose intime beaucoup plus significative que l’acte sexuel en lui-même. C’était quitte ou double. De ce premier contact aurait découlé la suite des évènements. Soit je m’enfuyais en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, soit c’était magique et le retour en arrière serait alors impossible. Les tests visuel, olfactif et auditif ayant déjà été passés avec succès, celui-là n’était plus qu’une simple formalité au vu de notre attraction irrépressible.

Et puis, d’un geste ferme et décidé et sans me prévenir au préalable, il m’avait délivrée enfin de tous mes questionnements intérieurs en écrasant finalement sa bouche sur la mienne.

Doux, moelleux, paradisiaque, incomparable, d’une puissance inouïe, un véritable feu d’artifice, le summum de la perfection, un baiser d’une profondeur extraordinaire. Une explosion s’était fait ressentir en moi. C’était divin. Il aimait embrasser et cela faisait toute la différence. Nous arrêter était donc de l’ordre de l’impossible. Une vague de libido gigantesque venait de nous emporter au loin, vers une île où personne ne nous retrouverait. Je voulais ses lèvres sur les miennes, encore et encore et la réciprocité était incontestable. Je dirais même que cela allait au-delà. Tout mon corps rêvait de se coller au sien. Après des minutes qui paraissaient des secondes, ses baisers, à la fois d’une extrême sensualité mais aussi d’une grande ferveur, avaient commencé à se diriger vers mon cou. Il découvrait peu à peu et avec une infinie délicatesse chaque centimètre carré de ma peau brûlante en direction de ma poitrine. Je le laissais faire et l’encourageais même, en glissant mes doigts dans sa chevelure épaisse et soyeuse.

— Allô, allô ! Reviens parmi nous... m’interpella mon amie en claquant des doigts pour me ramener à la réalité.

Perdue dans mes songes, je revivais les premiers instants torrides avec cet inconnu rencontré sur le net.

J’avais pris une profonde inspiration avant de revenir Chez Louis en compagnie de Laure, les yeux ronds, qui m’adressait un sourire des plus moqueurs.

— Dis donc... il t’en a fait de l’effet apparemment ! C’était si bien que ça ?

Pour attiser davantage sa curiosité, j’avalai une longue gorgée de mon chocolat chaud en prenant mon temps intentionnellement. J’étais plus que ravie de la tournure des derniers évènements.

— Tu te rends compte que tes yeux brillent et que tu souris bêtement ? s’esclaffa-t-elle.

Je l’observais attentivement tout en haussant les sourcils, l’air étonnée.

— Laure, t’as pas idée... ce mec... c’est juste... mais c’est juste... WOW. Y’a pas d’autres mots. Je sais pas quoi te dire d’autre. C’était méga intense. Je n’ai jamais ressenti ça avant. Un véritable dieu du sexe. Pfiou... et physiquement... parfait. Il sent bon, et puis son regard... sa bouche... putain sa bouche...

Je m’affalai contre le dossier de mon fauteuil tout en soufflant et me remémorant chaque minute de notre entrevue.

— C’est le premier de toute ma vie qui arrive à me donner un orgasme la première fois. Jusqu’ici, je pensais que c’était mission impossible. Mais lui... c’est comme s’il avait compris comment je fonctionnais en l’espace de quelques instants. Il n’était pas là pour baiser. Il voulait me satisfaire à tout prix. Il était tendre, doux, à l’écoute. Il prenait son temps et s’est assuré tout du long que j’appréciais tout ce qu’il entreprenait. Il est juste... wow.

— OK donc tu ne regrettes pas ? Tu te sens pas mal vis-à-vis de... ?

— Écoute, ça va te paraître sûrement improbable... mais non, pas du tout... et je dirais même que j’attends avec impatience de le revoir...

— T’es sérieuse ? À la base, c’était juste comme ça !

Pas le temps de réagir que mon téléphone, posé sur la table basse face à moi, s’était mis à vibrer énergiquement. Je ne pus contenir un autre sourire incontrôlable à la vue de son prénom qui s’était affiché sur l’écran. Je me saisis alors aussitôt de mon précieux compagnon technologique et m’empressai de lire les quelques mots qu’il m’avait adressés.

[C’était génial, hâte de te revoir]

Mes pieds tapaient le sol de jubilation. Telle une gamine en attente de nouvelles de son coup de cœur collégien, je trépignais de savoir si nous étions tous deux sur la même longueur d’onde. Ce message, plutôt bref mais clair, attestait que lui aussi avait passé un agréable moment.

— Tant que tu gères la situation... fais-toi plaisir... mais quand je vois ton excitation à la réception d’un simple SMS... j’ai peur que les sentiments ne s’en mêlent à un moment donné. Je te connais, t’es une sentimentale... juste, fais gaffe, OK ?

Je hochai la tête par l’affirmative, parfaitement consciente de ce que tout ceci engendrait mais le minimisant. Un véritable chamboulement intérieur s’annonçait, une véritable remise en question de toute ma vie se profilait. Mais à cet instant, je m’en fichais. Je me pensais assez forte pour tout arrêter quand j’en ressentirais le besoin et le déciderais. Avec le recul, je me rendais compte que le piège s’était déjà refermé sur moi lorsque nos corps étaient entrés dans le même espace vital, lorsque sa bouche avait rencontré la mienne.

Malheureusement pour moi, pour nous, j’avais perdu le contrôle. D’ailleurs, je ne l’avais jamais vraiment eu. Je n’avais jamais maîtrisé la situation. À aucun moment. 

Chapitre6

4 avril 2014 — Cinq ans plus tôt

Je tentais désespérément d’attirer l’attention de ma fidèle amie très concentrée sur son ordinateur. Le confrère de Laure, Vincent, sourcils froncés, me regardait un peu de travers alors que je faisais de grands signes à travers la vitre du cabinet d’avocats Duprez.

Vincent Harris était l’associé collaborateur de Maître Charles Duprez, avocat fondateur, sur le point de partir en retraite. Laure avait été recrutée pour prendre sa succession à peine son diplôme en poche, pistonnée par un ami de son père, juge généraliste au tribunal d’instance. La jalousie de ce grand brun au physique de mannequin était flagrante. Son look bon chic bon genre attirait le regard, extérieurement séduisant, mais intérieurement énigmatique. Il ne comprenait pas comment une petite étudiante en droit pouvait accéder aussi facilement à ce niveau en aussi peu de temps. Lui qui avait toujours rêvé de prendre la place légitime de Charles en lui rachetant ses parts lors de son départ.

Et voilà qu’une femme... et qui plus est, plus jeune que lui, était sur le point de lui voler la vedette, ce pourquoi il avait tant travaillé, uniquement car elle avait les bons contacts. Il vouait une haine silencieuse mais profonde envers mon amie, privilégiée malgré elle. Le cabinet était le théâtre d’une guerre froide qui se déroulait sans que le fondateur n’en décèle quoi que ce soit, sûrement trop obnubilé par son retrait de la vie active dans les mois qui allaient suivre.

Mais malgré cette jalousie qui le rongeait, il ne pouvait cacher son attirance pour elle. Il la contemplait à la fois comme s’il pouvait la tuer dix fois sur place rien qu’en la fusillant du regard mais également comme un prédateur, désirant ardemment posséder sa proie. Ils se disputaient sans cesse et cet arrogant personnage cherchait n’importe quelle excuse pour la contacter en dehors des heures de bureau. De manière objective et en tant que simple spectatrice, pour moi, ils se cherchaient, se tournaient autour. Laure s’en amusait et n’y croyait pas un seul instant, se moquant ouvertement de lui à chaque fois qu’il tentait un rapprochement des plus maladroits. Autoritaire, directif. Tout qu’elle détestait. Et pourtant, je pouvais lire sur son visage qu’elle n’y était pas totalement indifférente.

Vincent me scrutait d’un air dédaigneux. J’étais fichée... c’était terminé. Il devait déjà me prendre pour la cinglée de service.

J’évitais soigneusement de croiser son regard condescendant et essayais de capter celui de Laure qui, au bout de quelques minutes, avait fini par sortir la tête de sa pile de dossiers et jeter un œil dans ma direction, à la fois surprise et ravie de me voir débarquer à l’improviste.

— J’arrive ! me mima-t-elle avec ses lèvres.

Je lui adressai un immense sourire et m’adossai contre le mur de la façade, l’attendant docilement.

— Tu vas bien ? me lança-t-elle aussitôt sortie.

— Oui ça va... et toi ? Toujours aussi aimable ce Vincent à ce que je vois...