Juste une mise au point - Véronique Masagu - E-Book

Juste une mise au point E-Book

Véronique Masagu

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Beschreibung

Alors qu'elle fait une pause dans son couple, Victoire rencontre Antoine et succombe à ses charmes...

Victoire décide un beau matin de quitter son mari car elle ne supporte plus la vie qu'elle mène. Avec l'aide de ses filles et de sa famille, elle va s'inventer une existence à son image en Bretagne, où elle ouvre des chambres d'hôte. Dans sa quête de liberté, elle succombe aux charmes d'Antoine, dans les bras duquel elle va se découvrir et s'épanouir. Cependant, son mari, Lucas, est bien décidé à la reconquérir. Qui gagnera définitivement le cœur de Victoire ?

Qui de Lucas ou d'Antoine parviendra à (re)conquérir le cœur de Victoire ? Laissez-vous surprendre par cette romance pleine de rebondissements et suivez Victoire dans sa quête de liberté.

EXTRAIT

Victoire s’arrêta un peu avant Rennes, il lui restait environ deux heures de route. Elle but un chocolat chaud, fuma une cigarette, s’étira comme un chat et reprit la route. Son esprit vagabonda et revint sur cette soirée où elle avait tout dit, y compris le plus intime, à ses filles.
Ce soir-là, elle et ses filles étaient allées dans une nouvelle brasserie qui venait d’ouvrir en bas des Champs-Élysées. Victoire adorait vivre au centre de cette grande ville, malgré la foule et la pollution. Elle appréciait les facilités que lui offrait la capitale en matière d’évasion. Elle passait un temps fou à se balader au Louvre, dans les bibliothèques, au bord du canal Saint-Martin, aux Tuileries ; le jardin des plantes et le Luxembourg avaient sa préférence. Le repas s’était déroulé normalement, jusqu’au moment du dessert, où Sacha fit allusion à son anniversaire de mariage et demanda à sa mère :
— Maman, pourras-tu me garder les petits ce soir-là ? Roméo me concocte une super soirée et je sais qu’il nous a réservé une chambre dans un hôtel très chic !
Avant même de pouvoir répondre, Victoire fut en larmes. Un flot intarissable semblait sortir de ses yeux, ses filles la regardèrent, déconcertées. Leur maman était une femme forte qui ne craquait jamais, surtout pas en public et en plein milieu d’un restaurant.
Sarah parla la première :
— Maman, que t’arrive-t-il ? C’est le fait de garder les petits de Sacha ?
— Si tu ne peux pas, Maman, ce n’est pas grave, une de mes charmantes sœurs se dévouera, dit Sacha, inquiète.
Salomé était très gênée de voir sa mère en pleurs, et ne dit rien, elle la prit juste dans ses bras, ce qui eut pour effet de faire redoubler les larmes de Victoire.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Une plume simple, délicate, avec un language à la portée de tous et sa fine touche de new romance. - Evasionlivresque, Babelio
Le style d'écriture est fluide, ça se lit tout seul. C'est addictif, l'intrigue est bien menée jusqu'aux dernières pages. - Amelikesbooks, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Véronique Masagu, maman de trois enfants et originaire de Bretagne, a démissionné de son poste d'assistante de direction pour se consacrer entièrement à l'écriture. Même en abordant des sujets parfois difficiles, elle laisse toujours une grande place à l'amour dans ses romans.

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1

Victoire relut le mail qu’elle venait de rédiger et cliqua sur « envoyer », il était destiné à son mari :

Mon amour,

Je t’aime, mais notre vie ne me convient plus. Je suis devenue, au fil des ans, une plante posée dans un coin que tu n’arroses plus, et que tu ne regardes plus. Nos quatre filles sont grandes et indépendantes, elles sauront se débrouiller. Il est dommage que tant d’années de vie commune et d’amour se résument à ces quelques lignes...

Ne cherche pas à me retrouver.

Victoire

Lucas, son mari, était depuis deux jours à Dubaï pour la signature d’un nouveau contrat de survol par ses drones de champs de pétrole. Avec la crainte de l’État islamique, les sollicitations ne manquaient pas.

Deux jours, c’était le temps qu’il lui avait fallu pour mettre en cartons les effets personnels de toute une existence à deux qu’elle souhaitait emporter avec elle, dans sa nouvelle vie. Ses livres étaient du voyage ainsi que son matériel de tapissière de siège, et son vélo électrique.

Les déménageurs fermaient le camion :

— Vos effets seront déposés en container à l’adresse de M. et Mme LE BIHAN à Guingamp demain en fin d’après-midi. Vous me signez le bon de transport, s’il vous plaît ?

Victoire regarda sa maison qui était devenue sa prison ces dernières années, et signa le bon du déménageur.

— Bonne route, dit-elle.

— Merci, M’dame, à demain.

Ils partirent immédiatement. La route était longue entre Paris et Guingamp, surtout en cette période de l’Avent. Victoire entra une dernière fois dans cette maison qu’elle avait tant aimée, où elle avait vécu tant de fêtes, de bonheur avaient existé, où ses filles avaient grandi.

Elle hésita à prendre le cadre où on les voyait tous les deux, mari et femme, en voyage à New York pour Noël. La photo datait de trois ans, mais on pouvait y voir l’amour qu’ils partageaient. Depuis, aucune autre photo d’eux n’avait été prise. Elle laissa la photo sur la cheminée, ferma les volets et la porte d’entrée, monta dans sa voiture, mit son CD de Julie Zenatti, qui décrivait si bien sa vie dans ses chansons, et démarra sans se retourner. Elle avait prévu d’arriver pour le dîner chez son parrain et sa tante Jean et Madeleine Le Bihan.

2

Victoire était perdue dans ses pensées et les kilomètres défilaient sans qu’elle y fasse attention. Lucas ne rentrerait pas avant Noël, il était parti dans le Golfe pour quinze jours et elle savait que ce n’était pas son mail qui le ferait rentrer plus tôt, business is business….

Elle pensa à ses filles qui l’avaient aidée dans son plan d’évasion. Cela faisait deux mois que tout se préparait dans le plus grand secret. Tout s’était écroulé un soir lors d’une soirée entre filles. C’était une habitude quand Lucas n’était pas là et que Sarah, Sacha, Sophie et Salomé arrivaient à faire coïncider leurs agendas.

Sarah et Sacha, âgées de 25 ans, les aînées, étaient des jumelles dizygotes, différentes en tout point. La première, grande, très mince, brune aux cheveux courts et les yeux bleus, toujours féminine jusqu’au bout des ongles, venait de terminer de brillantes études. Elle débutait une carrière de trader chez Barclays à la City de Londres. Elle était un peu triste de n’avoir pu revenir en France après ses études, mais pour une première expérience, c’était du pain béni.

Sacha était son opposé : blonde, un peu ronde, des cheveux longs, des yeux noisette, toujours en jeans et en pull. Elle avait rencontré son Roméo lors de ses études en pharmacie et avait tout laissé tomber pour se marier très vite avec lui et fonder une famille qu’elle souhaitait nombreuse. Un petit garçon puis une petite fille avaient vu le jour, leur couple fonctionnait à merveille, Roméo était un homme très attentionné envers sa femme, il s’occupait autant qu’elle de la maison et des enfants. Victoire se disait souvent que sa Sacha aurait dû faire des études de puériculture. Peut-être aurait-elle pu s’épanouir davantage, avoir un diplôme et éviter d’avoir des enfants trop tôt. Elle craignait qu’un jour sa fille se réveille, et fasse l’amer constat de n’avoir profité de rien. Sacha lui répondait toujours qu’elle savait depuis toute petite que son destin était d’avoir des enfants et d’être mère au foyer, comme sa maman.

Sophie était arrivée un an après, elle était devenue une jeune femme grande, mince, avec des cheveux de jais bouclés et des yeux d’un bleu intense. Elle était en master de psychologie à Descartes sur Paris. Elle était toujours attentive aux sentiments de ses proches. Elle était à l’origine de cette fugue, et avait convaincu ses sœurs du bien-fondé du départ de leur mère.

Il restait Salomé, la petite dernière, arrivée par surprise pour le plus grand bonheur de Victoire. Un souvenir de vacances, comme elle aimait à le répéter. Elle était de taille moyenne, mince, avec une chevelure mi-longue bouclée d’un roux qu’elle tenait de sa mère. Des quatre filles, c’était elle qui ressemblait le plus à Victoire, elle avait ses yeux verts, couleur de l’océan et ses taches de rousseur. Sa passion pour la mer l’avait entraînée vers des études d’ingénierie maritime. Victoire partageait ce besoin d’immensité de l’océan et se sentait vibrer quand elle revenait sur sa terre natale face à cet horizon d’eau. Salomé faisait depuis deux ans des études à l’ENSTA de Brest. Victoire était heureuse de pouvoir la retrouver et passer plus de temps avec elle : sa petite dernière était partie très tôt de la maison.

Victoire s’arrêta un peu avant Rennes, il lui restait environ deux heures de route. Elle but un chocolat chaud, fuma une cigarette, s’étira comme un chat et reprit la route. Son esprit vagabonda et revint sur cette soirée où elle avait tout dit, y compris le plus intime, à ses filles.

Ce soir-là, elle et ses filles étaient allées dans une nouvelle brasserie qui venait d’ouvrir en bas des Champs-Élysées. Victoire adorait vivre au centre de cette grande ville, malgré la foule et la pollution. Elle appréciait les facilités que lui offrait la capitale en matière d’évasion. Elle passait un temps fou à se balader au Louvre, dans les bibliothèques, au bord du canal Saint-Martin, aux Tuileries ; le jardin des plantes et le Luxembourg avaient sa préférence. Le repas s’était déroulé normalement, jusqu’au moment du dessert, où Sacha fit allusion à son anniversaire de mariage et demanda à sa mère :

— Maman, pourras-tu me garder les petits ce soir-là ? Roméo me concocte une super soirée et je sais qu’il nous a réservé une chambre dans un hôtel très chic !

Avant même de pouvoir répondre, Victoire fut en larmes. Un flot intarissable semblait sortir de ses yeux, ses filles la regardèrent, déconcertées. Leur maman était une femme forte qui ne craquait jamais, surtout pas en public et en plein milieu d’un restaurant.

Sarah parla la première :

— Maman, que t’arrive-t-il ? C’est le fait de garder les petits de Sacha ?

— Si tu ne peux pas, Maman, ce n’est pas grave, une de mes charmantes sœurs se dévouera, dit Sacha, inquiète.

Salomé était très gênée de voir sa mère en pleurs, et ne dit rien, elle la prit juste dans ses bras, ce qui eut pour effet de faire redoubler les larmes de Victoire.

Sophie, étudiante en psycho, et très observatrice, avait bien remarqué, depuis le début de la soirée, le mal-être grandissant de sa mère.

— Il y a un souci avec Papa ? dit-elle en regardant droit dans les yeux sa mère. 

Ses sœurs restèrent bouche bée devant cette intervention qui semblait plus une affirmation qu’une question.

Commença alors, comme à chaque fois, un brouhaha verbal que seules ses filles avaient l’habitude de mener dès que l’une d’entre elles reprochait une ânerie à sa sœur.

Cela permit à Victoire de reprendre pied et de calmer ses larmes. Elle prit la parole et interrompit le flot discontinu de ses filles.

— Excusez-moi, mes chéries, je suis un peu paumée en ce moment, j’ai l’impression de sombrer, de m’être perdue en route. Sacha, quand tu as parlé de votre anniversaire de mariage, cela m’a rappelé que, le nôtre, votre père a tout simplement oublié de nous le souhaiter.

Soudain, Victoire ne put retenir toute sa rancœur accumulée depuis si longtemps contre Lucas et, de nouveau, lâcha prise.

— Votre père et moi ne partageons plus grand-chose, il est tellement pris par son entreprise, ses voyages incessants, qu’il ne me voit plus. Oh, il rentre, m’embrasse, se couche à mes côtés, mais à part ça ! Je ne suis bonne qu’à lui faire sa valise, préparer son linge, entretenir sa maison, faire la potiche quand nous devons recevoir ou nous rendre chez des amis, mais c’est du vide tout ça ! Quand il rentre de voyage, il s’assied à son bureau, me raconte en détail son séjour, ses impressions, mais pas une seule fois il ne me demande ce que moi j’ai fait pendant son absence. Il mange à mes côtés sans voir ce qu’il a dans son assiette et sitôt fini, il s’enferme dans son bureau sur son satané ordinateur. Il monte dans notre chambre bien après que je me sois couchée, il ne m’a plus touchée depuis des mois. Je pourrai comprendre qu’il ait une maîtresse, mais ce n’est même pas le cas. Quand j’essaie de lui en parler, il me répond que j’exagère, que c’est parce que mes filles me manquent, il m’a même suggéré que c’était un problème hormonal !

Victoire se demanda si elle avait été trop loin, et si ces pensées auraient dû être confiées à ses amies, plutôt qu’à ses filles. Mais il était trop tard, et elle se dit, finalement, que ses meilleures amies n’étaient autres que ses filles.

— Maman, pourquoi as-tu gardé ça pour toi jusqu’à maintenant ? dirent d’une seule voix Sarah et Sacha.

— Tu sais que tu peux nous en parler, tu as toujours été là pour nous, et pas la peine de nous dire que c’est le rôle d’une mère. Alors, nous aussi sommes là pour toi, ajouta Sophie.

— Maman, je sais que je suis la plus jeune et la moins expérimentée, mais tu es ma référence dans toutes les décisions difficiles que j’ai eu à prendre dans ma vie, tu ne peux pas continuer ainsi. C’est toi qui m’as conseillé de prendre le large et d’oser affronter mon avenir quand j’hésitais à quitter la maison.

Ce que venait de dire Salomé était juste. Victoire avait usé de persuasion pour la décider enfin à partir pour son école à Brest, Salomé trouvait toutes les excuses imaginables pour retarder son départ. Depuis, elle remerciait sa mère à chaque visite de l’avoir poussée dans cette voie. Elle s’éclatait et vivait la vie dont elle avait rêvé depuis sa plus tendre enfance.

Victoire avait clos la discussion en leur disant que cela allait passer, qu’elle était juste un peu déprimée ce soir, car son mari lui manquait. Ses filles, sans être dupes, n’avaient pas insisté. La soirée s’était terminée après une balade sur les Champs et un câlin collectif. 

Cependant, ses filles ne l’entendaient pas de cette oreille et se retrouvèrent chez Sophie dès que leur mère fut partie. Assises toutes les quatre en tailleur autour d’une petite table basse, les filles restèrent un moment songeuses. Ce fut Sarah qui rompit le silence :

— Sophie, tu es la mieux placée pour nous dire ce qu’il convient de faire pour Maman, on ne peut pas la laisser, cela ne lui ressemble tellement pas de craquer comme ce soir. Elle doit vraiment être malheureuse, elle ne peut pas se sacrifier pour nous.

— Alors, en tant que psy, normalement, je ne lui donnerais pas de conseil, pour ne pas orienter son choix, mais, connaissant notre mère, je pense qu’il va falloir agir dans son intérêt, autrement, elle ne fera rien. Je pense qu’on pourrait lui suggérer l’idée de faire un break avec Papa, qu’elle se retrouve un peu, et puisse réfléchir tranquillement à comment elle veut mener sa vie.

— Je suis la moins expérimentée en matière de couple, répliqua aussitôt Salomé, mais il me vient une idée qui pourrait fonctionner. Dans tout ce qu’a dit Maman, pas une seule fois, elle n’a laissé entendre qu’elle n’aimait plus Papa, elle en a juste marre qu’il ne la calcule plus ! Si nous arrivons à convaincre Maman de faire une petite mise au point dans son couple pour se retrouver et se recentrer, elle pourrait partir sans prévenir Papa, ni lui dire où elle va. Tonton Jean et tata Madeleine seraient heureux de la recevoir : ils m’ont dit la semaine dernière qu’elle leur manquait beaucoup et qu’ils avaient senti, au téléphone, la dernière fois que Maman les a appelés, qu’elle était moins pétillante que d’habitude. Cela lui donnerait l’occasion de faire le point, moi, de mon côté, je pourrais y aller une fois par semaine pour voir comment elle va, je ferai le lien avec vous. Par contre, il faudrait dire à Jean et Madeleine de ne rien dire à Papa s’il les appelle pour leur demander si elle est chez eux. Histoire qu’il se remette aussi un peu en question.

Les trois sœurs regardèrent la benjamine avec des yeux ahuris, tellement surprises que ce soit elle qui leur propose une solution somme toute très intéressante.

— Je trouve ton idée plutôt sympa, répliqua Sacha qui n’était pas intervenue jusqu’ici, il ne reste plus qu’à convaincre Maman du bien-fondé de la chose pour elle. Sophie et moi allons nous relayer cette semaine à ses côtés. Déjà, pour la soutenir et lui faire comprendre que maintenant nous sommes toutes de grandes et belles filles. Son devoir est accompli, elle doit penser un peu à elle. Vous deux, vous repartez comme prévu, on se « fait un Skype » le week-end prochain pour faire le point. Si Maman est d’accord, il faudra peaufiner les détails de sa fuite. Salomé, pourras-tu aller dans la semaine chez Jean et Madeleine pour leur expliquer la situation ?

— OK ! C’est comme si c’était fait ! Ils doivent venir me chercher à la gare dimanche donc je tâterai le terrain.

Les filles se séparèrent tard dans la soirée, chacune eut une pensée d’amour pour cette mère qui les avait tant aimées et guidées. En particulier Sacha, qui se trouvait dans la même situation de femme au foyer élevant sa progéniture. Elle se promit de rester attentive à son couple pour éviter de commettre les mêmes erreurs. Leur mère avait toujours été là pour elles et avait soutenu tous leurs choix même quand elle ne les approuvait pas totalement.

Aujourd’hui, elles estimaient nécessaire d’intervenir dans la vie de leur mère qu’elles aimaient par-dessus tout, pour lui rendre au centuple l’affection qu’elle leur avait donnée. Elle avait fait d’elles des êtres accomplis, c’était à elles maintenant d’en faire de même. Elle s’était oubliée en chemin et elles allaient y remédier…

3

Arrivée chez Jean et Madeleine Le Bihan, Victoire fut soulagée de retrouver sa maison, ses racines. La demeure était éclairée, le chien aboya quand il la reconnut, et commença à piaffer et à sauter de joie autour d’elle. La fumée s’échappait de la cheminée, l’odeur de la soupe de Madeleine lui rendit le sourire. Ils devaient l’attendre puisque tout avait été planifié par ses filles, enfin, presque tout…

Jean sortit le premier :

— J’avais bien entendu Nestor aboyer ! Madeleine, viens donc ! Ma petite rouquinette est arrivée.

À ces mots, Victoire se jeta dans les bras de son oncle, qu’elle considérait comme son père, elle retint ses larmes pour ne pas les inquiéter plus.

— Comment vas-tu ma chérie ? dit Madeleine en sortant à son tour. Eh Jean ! Laisse-m’en à moi aussi, des câlins avec ma fille !

Ils s’embrassèrent, Jean déchargea la voiture pendant que Madeleine et Victoire entraient dans la maison.

— Je t’ai préparé la chambre rose comme tu l’aimes, ma chérie, et Jean a mis le chauffage depuis hier pour que tu n’aies pas froid.

— C’est gentil, Madeleine, comme ça fait du bien d’être ici !

— Tu aurais dû revenir plus tôt, tu nous as manqué, ces derniers mois. Lucas aurait dû t’inciter à venir nous voir à chaque fois qu’il s’en va par monts et par vaux. Ce n’est pas sérieux de laisser une belle fille seule dans votre grande maison.

— Oh, Madeleine, je voulais être présente pour lui. Je me rends compte, aujourd’hui, que cela n’a pas changé grand-chose. J’aurais dû rester en Bretagne et l’obliger à faire les allers-retours, nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui.

— Tu sais bien qu’on l’aime beaucoup, ton Lucas. Tu vas voir, ça va s’arranger. Regarde Jean et moi, nous ne sommes pas arrivés à cinquante ans de mariage sans quelques petites crises. Allez viens, la soupe nous attend, tu déferas tes bagages après le dîner.

— Merci, Madeleine, merci de m’accueillir, et surtout merci d’avoir toujours été là pour moi.

— Tu dis des bêtises, à table !

La soupe était délicieuse, comme dans les souvenirs de son enfance, Jean lui avait fait des crêpes toutes fraîches pour le dessert. Le repas fut l’occasion de leur donner des nouvelles de ses filles et de Noah et Ninon, ses petits-enfants. Elle était grand-mère et, comme disait Madeleine, « tu n’as vraiment pas l’âge d’être grand-mère ! ».

Madeleine lui donna aussi des nouvelles de Sébastien et Simon, que Victoire considérait comme ses frères, ainsi que de leurs épouses et de leurs enfants.

— Maintenant, monte dans ta chambre t’installer et défaire tes valises, nous allons débarrasser, tu es fatiguée. Nous parlerons demain de tes projets, mais avant viens me faire un câlin, ma fille.

Victoire se blottit dans les bras de Jean, elle aimait la force qu’il dégageait, il lui avait donné tant d’amour depuis sa naissance. Madeleine se joignit à eux, et après les avoir embrassés, Victoire rejoint sa chambre.

Victoire ferma la porte et s’y adossa. Elle contempla son chez-soi, les livres qu’elle avait laissés lors de son dernier passage, cette odeur de jasmin. Madeleine avait jadis demandé à Jean d’en planter dans le jardin, chaque saison, elle le ramassait, le faisait sécher et le mettait en petits sachets qui parfumaient toute la maison. Victoire laissa couler les larmes qu’elle retenait depuis son départ de Paris, elle s’empêcha de penser à Lucas. Que c’était douloureux de perdre ceux que l’on aimait, elle avait tellement perdu depuis sa plus tendre enfance.

4

Jean Le Bihan était le frère de son père Paul, ils n’avaient que 9 mois d’écart et étaient fusionnels comme des jumeaux.

Les parents de Jean et Paul, Germaine et Jaouen Le Bihan habitaient sur le port de Dahouët. Jaouen était marin-pêcheur, dans la malouinière qu’il avait héritée de ses parents, il avait aménagé un petit commerce, une mercerie, pour son épouse Germaine qui ne concevait de rester inactive des journées entières en attendant son marin. Les chambres se trouvaient à l’étage, ce qui était bien pratique pour s’occuper en même temps des enfants.

Germaine ouvrait son commerce le matin et le soir ; après la fermeture, suivant la marée, elle montait à la Vierge qui dominait l’entrée du port pour attendre son homme, ses deux chenapans se défoulant sur la plage en contrebas de la falaise.

La vie se déroulait sans drame, Paul partit faire des études de télécommunication à Rennes, Jean s’engagea comme apprenti à Lamballe pour découvrir le métier de maçon. Ce fut la première séparation des deux frères, ils la vécurent difficilement, se retrouvant, quoi qu’il leur en coûte, tous les week-ends.

À la fin de ses études, Paul fut embauché comme cadre superviseur à l’AOIP (Association des Ouvriers en Instruments de Précision) de Guingamp, qui fabriquait du matériel pour la téléphonie, alors en pleine expansion. Là-bas, il rencontra Jeanne, qui était secrétaire, le coup de foudre fut immédiat, ils se marièrent rapidement. Ils habitaient une petite maison confortable et attendaient vainement de pouvoir y accueillir leur premier enfant. Ils avaient une passion commune pour l’aviation. Paul racheta sur l’aérodrome de Saint-Brieuc un vieux bimoteur à l’abandon. Ils passaient leurs week-ends à le restaurer. Ce fut le jour de leur premier vol que Jeanne fut prise de vertiges et de vomissements qu’ils apprirent l’heureuse nouvelle : ils allaient enfin être parents.

Quand cet enfant vint au monde, ils n’eurent d’autre volonté que de l’appeler Victoire.

Jean passa son diplôme de CAP maçonnerie l’année où Paul et Jeanne se marièrent. Il passait quasiment tous les week-ends chez le jeune couple et participait à la rénovation du bimoteur. Le dimanche soir il retournait à Dahouët chez ses parents, il travaillait chez un patron le temps de mettre un petit pécule de côté pour monter son entreprise à Guingamp et s’installer près de son frère et de sa belle-sœur.

C’est un dimanche soir, en descendant du bus qui le ramenait de Guingamp, qu’il fit la connaissance de Madeleine. Il faisait nuit, une bruine tombait, elle grelottait sous l’abribus. Il l’aborda pour lui demander si elle allait bien, elle s’effondra en larmes disant qu’elle sortait de la DDASS de Rennes et qu’elle cherchait du boulot. Jean sut tout de suite que ce serait la femme de sa vie. Il l’emmena chez ses parents, Germaine cherchait une vendeuse pour l’aider, le gîte et le couvert étaient compris dans le contrat.

Quand Germaine vit comment Jean regardait la jeune femme, elle l’embaucha et Madeleine s’installa dans la malouinière. Mais le chemin pour conquérir le cœur de Madeleine fut rude pour Jean. Du fait de son enfance à la DDASS et de l’abandon de ses parents, elle ne voulait pas s’engager et ne souhaitait pas fonder une famille.

Le regard Madeleine sur Jean changea peu à peu, en voyant l’amour qu’il avait pour sa famille, en particulier pour son frère et sa belle-sœur. Rapidement, elle partagea avec eux les week-ends de rénovation de l’avion et se lia d’amitié avec Jeanne.

Lorsque Jean apprit la nouvelle de l’arrivée du bébé de son frère, elle vit tellement d’amour dans ses yeux que, ce soir-là, à la descente du bus, elle osa enfin l’embrasser et lui dire qu’avec lui, elle voulait bien aller jusqu’au bout du monde.

Six mois plus tard, ils se disaient oui et s’installèrent au début chez Paul et Jeanne, pour aider cette dernière pendant sa grossesse.

Par un beau matin de juillet, Victoire vint au monde en avance, mais en bonne santé, c’était une petite fille potelée avec une crinière rousse et de beaux yeux verts. Sept mois plus tard naissait Sébastien, le fils de Jean et Madeleine, suivi un an plus tard de Simon.