L'Âne qui - Donatien Guillot - E-Book

L'Âne qui E-Book

Donatien Guillot

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Beschreibung

Histoire véridique et onirique d’un âne hors du commun !

L’âne Vital parcourt des milliers de kilomètres à la recherche de son ami Vandemer, l’homme au manteau bleu. Sur sa route, des êtres exceptionnels l’aideront à faire connaissance avec le monde et à apprivoiser sa solitude. Sa quête le mènera de l’autre côté de l’Atlantique où une petite fille ré-enchantera la vie.
Un roman d’aventure animalier qui séduira - toutes générations confondues - les amoureux des ânes du monde entier.

Découvrez sans plus attendre le récit du long périple de l'âne Vital, parti de l'autre côté de l'Atlantique rejoindre son ami, l'homme au manteau bleu.

EXTRAIT

Les allées et venues pourtant répétées de nombreux visiteurs ne distraient plus l’âne. Depuis bientôt trois semaines, un homme vient régulièrement accompagné de gens qui posent toujours les mêmes questions : « Quel âge il a le bourri ? L’est beau dites ! D’où vient-il exactement ? Vous connaissez ses parents ? Est-il vacciné ? … » Le tout à grand renfort de claques et de tripotages. Vital et Piplette-La-Bien-Nommée les détestent.
Vital qui n’a jamais apprécié qu’un inconnu lui touche le nez, prend son mal en patience. Il est d’un naturel gentil. Vif certes, mais gentil.
Piplette elle, a peur que tous ces gens lui marchent dessus. Petite poule sociable et perspicace, elle s’est vite rendu compte qu’ils ne font jamais vraiment attention à elle. Et même parfois, c’est tout juste s’ils la voient ! Alors bien sûr qu’elle craint pour les doigts de ses petites pattes.
Le jour où tout devint irrémédiable, un des visiteurs, assez grand et de forte corpulence, s’était avancé droit sur l’âne la main tendue en avant pour lui toucher le nez justement. Ce fut la fois de trop et la réponse jaillit : Vital se leva sur ses jambes arrière en toisant l’homme de toute la masse de ses trois cent cinquante kilos ! Le gros homme trébucha et bafouilla quelques mots avant de quitter le pré ; laissant celui qui organisait ces laborieux rendez-vous mal à l’aise, et sans grand espoir que des liens amicaux puissent se nouer un jour entre l’âne, et de potentiels visiteurs.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Donatien Guillot est acteur ; il partage sa vie entre théâtre, écriture, mise en scène et les animaux auprès desquels il puise son inspiration. C’est d’ailleurs avec un partenaire âne qu’il crée en 2017 : Anthelme l’âne des tranchées, un spectacle à la mémoire des ânes et des hommes tombés durant la Première Guerre mondiale. Très ancrée depuis l’enfance, sa passion pour les animaux le rapproche de tous ceux qui œuvrent pour leurs droits et protection.

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Donatien Guillot

L’Âne qui

Roman

« Si toi aussi tu as du cœur pour l’âne, lorsqu’au fond de toi tu auras sondé tes plus profonds abysses pour y remonter des kilomètres de bon sens, il te suivra probablement jusqu’au bout du monde. »

–Vivien Vandemer.

I

L’âne qui se tient immobile, oreilles dressées plein ouest, ressemble à la figure d’un blason sur lequel le temps n’a pas d’emprise.
Il est haut sur ses jambes, le port naturellement fier, et couronné d’une imposante paire d’oreilles qu’il dirige avec précision.

Sa robe bai d’un beau brun foncé, est séparée le long de son épine dorsale par une raie presque noire, qui va de sa crinière dressée drue jusqu’aux dernières vertèbres de la queue, flamboyante et fournie.

Une large bande de même couleur sombre descend bas sur ses épaules, formant avec l’autre raie, une croix. Son ventre est couleur de cendres.
Si sa haute taille, son caractère vif aux allures rapides, instillent le doute chez certains qui le prennent fréquemment pour un mulet, l’âne qui se nomme Vital, est un fier représentant asin de race normande.

Devant lui, la terre des champs retournés s’étale à perte de vue.

Dans ce paysage engourdi, quelque chose s’agite et s’époumone à ses pieds en grattant le sol:


–Vital, Vital… Vital! Viiii-taaaal !

La petite poule rousse qui s’égosille ainsi, c’est Piplette- La-Bien-Nommée. Elle voudrait lui faire comprendre qu’il marche sur un ver de terre qu’elle aimerait bien goûter, avant qu’il ne le ruine complétement !

Mais l’âne est absent. Depuis plusieurs semaines il ne répond plus à aucun appel, ne salue plus les visiteurs qui s’aventurent par-là, ne fait plus jamais de roulades dans son pré… Et comble de tout, son regard traverse Piplette-La-Bien-Nommée, sa copine, son binôme de pâture, avec une indifférence aussi épaisse que nouvelle.

L’âne qui a sept ans aujourd’hui, reste là comme ça durant des heures. Inquiet ou indifférent à tout. Il semble perdu, muré dans un abîme de réflexions qui le taraudent : chacune de ses pensées déroulent le souvenir des jours d’avant, et pour chaque journée le souvenir d’une vie entière.

Auparavant… C’était quand auparavant déjà ? C’était après le foin que M. Vandemer préparait… En prenant soin d’en secouer ailleurs la poussière… C’était quand il étalait dans l’abri un épais tapis de paille craquante… Quand il remplissait deux seaux d’eau fraîche… C’était quand ils faisaient ensemble, des choses amusantes comme courir…

Vital adorait courir. Il prenait le galop en décrivant de grands cercles autour de son ami humain. Ou encore, tirant fièrement le traîneau de bois sur lequel on posait des sacs de feuilles, de branchages, il s’appliquait à ralentir pour s’arrêter pile où son ami le lui demandait.

Vandemer…

M. Vandemer entourait l’encolure de l’âne et lui disait combien il le trouvait brave. Vital répondait par des petits coups de nez.
L’homme saisissait alors sa lourde tête pour lui prodiguer des caresses-gratouilles sur les joues. Et l’âne qui le dépassait de beaucoup en hauteur appuyait si fortement sa tête, que pour ne pas avoir mal à l’épaule, Vandemer finissait toujours par l’esquiver en se dérobant sur le côté.

Vital reprenait tout dans le même ordre : coups de nez… Caresses-gratouilles… Appuyer fortement tête sur épaule… Coups de nez… Esquive… Coups de nez…

Le grand mystère de ce curieux jeu, résidait dans le fait que ni l’un ni l’autre n’en connaissait les règles.

Parfois Vital partait en trottant pour saisir entre ses dents le petit tabouret qui restait dans le pré. Il le lâchait devant son ami pour que celui-ci, plus très jeune et de taille modeste, grimpe sur son dos.

Après quelques tours et détours exprès devant Piplette (qui feignait de picorer nonchalamment), l’âne allait s’immobiliser contre le tabouret pour que Vandemer descende.

Vandemer…

II

Les allées et venues pourtant répétées de nombreux visiteurs ne distraient plus l’âne. Depuis bientôt trois semaines, un homme vient régulièrement accompagné de gens qui posent toujours les mêmes questions : « Quel âge il a le bourri ? L’est beau dites ! D’où vient-il exactement ? Vous connaissez ses parents ? Est-il vacciné ? … » Le tout à grand renfort de claques et de tripotages. Vital et Piplette-La-Bien-Nommée les détestent.

Vital qui n’a jamais apprécié qu’un inconnu lui touche le nez, prend son mal en patience. Il est d’un naturel gentil. Vif certes, mais gentil.


Piplette elle, a peur que tous ces gens lui marchent dessus. Petite poule sociable et perspicace, elle s’est vite rendu compte qu’ils ne font jamais vraiment attention à elle. Et même parfois, c’est tout juste s’ils la voient ! Alors bien sûr qu’elle craint pour les doigts de ses petites pattes.

Le jour où tout devint irrémédiable, un des visiteurs, assez grand et de forte corpulence, s’était avancé droit sur l’âne la main tendue en avant pour lui toucher le nez justement. Ce fut la fois de trop et la réponse jaillit : Vital se leva sur ses jambes arrière en toisant l’homme de toute la masse de ses trois cent cinquante kilos ! Le gros homme trébucha et bafouilla quelques mots avant de quitter le pré ; laissant celui qui organisait ces laborieux rendez-vous mal à l’aise, et sans grand espoir que des liens amicaux puissent se nouer un jour entre l’âne, et de potentiels visiteurs.

La nuit qui suivit cet après-midi-là, une idée unique fit son chemin dans les pensées de Vital : retrouver Vandemer !

Il se mit à mordre un piquet garni de rubans électriques en le saisissant à l’endroit exact où les rubans ne passaient pas. Puis par un mouvement rotatif, précis et répétitif, le soulever de la terre rendue molle par l’humidité. Refaire exactement la même chose avec le piquet suivant… Et recommencer jusqu’à ce que plusieurs piquets soient alignés horizontalement au sol.

L’étape d’après consistait à enjamber prudemment chacun des rubans pour ne pas se faire mordre par une décharge électrique.
Cela fut fait, parfaitement fait !

L’âne à présent était hors des limites de sa pâture.
Il pensa qu’il ne pouvait partir à la recherche de Vandemer sans emporter son carnet de santé. Ils le prenaient toujours avec eux lorsqu’ils sortaient.

Vital connaissait bien sûr l’endroit secret où Vandemer le conservait précieusement : dans le tas de bois. Il l’y trouva dans une pochette étanche, avec le cahier dans lequel son ami rédigeait leur journal de bord. Le journal relatait la vie depuis les semaines qui précédèrent la naissance de Vital, jusqu’à la veille du jour funeste où Vandemer n’était pas réapparu. Plus de sept ans de petits événements quotidiens. Tout était noté. Les progrès de Vital, ses connaissances innées et celles acquises, son langage, leur bonheur partagé.

Vandemer gardait souvent le cahier dans la poche de son ciré quand la pluie s’installait : il venait rejoindre Vital sous l’abri pour lui en lire quelques extraits. Le passage que l’âne préférait, c’était celui qui décrivait les coups de pied qu’il donnait dans le ventre de sa mère quelques jours avant sa naissance. Vital adorait imaginer comment son ami, avec sa belle voix, lui parlait déjà en le réconfortant pour soulager la belle Calmia.

Calmia… C’était sa propre mère qui avait choisi qui s’occuperait de lui lorsqu’il serait sevrable.

Vital se roulait de plaisir chaque fois que Vandemer lisait ce passage. Il lui arrivait même de rester plusieurs secondes immobile sur le dos, postérieurs1 groupés, antérieurs flottants nonchalamment au-dessus du ventre, les lèvres entrouvertes et frémissantes dans le ravissement d’une franche rigolade.

Le cahier était précieux, l’emporter aussi !

Il passa la tête dans la courroie de la pochette en secouant plusieurs fois son encolure pour que la dragonne franchisse le cap des oreilles. Après quoi, il regarda vers la porte de l’enclos en espérant que le cadenas ne soit pas fermé à clef.

Les piquets, les rubans, tout autant que les nœuds, il savait déjà depuis longtemps comment s’en affranchir. À tel point que Vandemer en inventait sans cesse de nouveaux ! « Combien de temps va-t-il te falloir mon Vital-Houdini2 pour dénouer ce nœud-là ? »

Mais pour les cadenas c’était quand même autre chose... Non, il n’était pas fermé ! Dans quelques minutes il serait libre.