L’empire des trois couronnes - Tome 1 - Cheikh SENE - E-Book

L’empire des trois couronnes - Tome 1 E-Book

Cheikh SENE

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Beschreibung

La vie paisible de Malick est bouleversée par le meurtre de sa mère. Accompagné de son ami d’enfance, de son mentor et d’une femme du nouveau monde, il quitte le village qu’il a toujours connu à la recherche de l’assassin. Mais au cours d’un voyage où chaque étape peut dissimuler les machinations du Damel, le groupe comprendra que le prix de la vérité pourrait être la paix du royaume.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Cheikh Sene a un lien particulier avec l’Afrique. L’auteur franco-sénégalais est né au Kenya où il a vécu la première partie de son enfance avant de retourner sur les terres de son père, au Sénégal, qu’il quitte pour suivre des études supérieures en France. Cet ingénieur en intelligence artificielle est féru d’histoire, passionné de littérature et intéressé par le mystique. Des auteurs comme Dan Brown, Terry Goodkind et J.R.R Tolkien trônent dans sa bibliothèque. À 20 ans, il se lance dans l’écriture de contes philosophiques. Et depuis 2020 il écrit "L’empire des trois couronnes", une saga en trois tomes qui met en scène un univers fictif basé sur les royaumes d’Afrique d’avant la colonisation. Une série de fantasy-historique qui permet, grâce aux aventures de quatre héros, la mise en lumière de civilisations oubliées.

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CheikhSENE

L’empire des trois couronnes

TOME1LE SECRET DUDAMEL

Le conseil des Serignes sous tension

Il déambulait sans but. Le sable chaud caressait ses pieds sous une douce brise qui rafraîchissait ce jour de plein été. Il marchait sans but, mais il n’était pas perdu. Des enfants jouaient sur la plage alors que des pêcheurs, en tirant dessus depuis le rivage, récupéraient leur filet où abondait une variété peu commune de poissons. Tout cela lui procurait une sensation de paix intérieure, un véritable refuge loin des torrents de remords. Pendant ce bref moment, le temps était comme suspendu. Il portait une simple tunique que le vent faisait onduler tel un drapeau sur son mât, il était bien bâti et grand pour son âge. Alors qu’il marchait, le jeune homme tenait fermement le kourouss enroulé autour de son poignet droit. Cette bouffée d’oxygène lui faisait dubien.

“J’en avais grand besoin !” se dit-il.

Les cauchemars si étranges de ces dernières nuits devenaient de plus en plus intenses, le poussant à l’insomnie. Cela faisait deux semaines maintenant. Deux semaines que ce monde continuait à tourner sans elle. Elle sans qui il n’existerait pas. Les tentatives pour libérer son esprit de sombres pensées de tristesse et de colère s’avéraient à la fois éprouvantes et vaines. 

Le piaillement strident des sassas se dirigeant vers la plage annonçait le carnage à venir, ce qui retint l’attention de Malick. Il vit alors un groupe d’hommes intervenir auprès des pêcheurs. Le filet était la cible des sassas. Il courut lui aussi pour proposer son aide et retirer le filet de l’eau.

–Bonjour Malick et merci pour ton aide, s’exclama, avec un accent de la tribu Sérère, un des pêcheurs. Cet accent a survécu des années après que la grande guerre a défait l’empire Rolof des trois couronnes, entraînant la perte de la terre natale des Sérères, le Sine Saloum. 

–Avec plaisir, la pêche a été bonne à ce que je vois ! 

–On n’a même pas eu besoin de naviguer plus au sud pour les attraper. C’est comme si quelque chose les poussait à remonter la mer plus au nord. Mais bon, dit-il avant de hausser les épaules et de continuer, on va s’assurer d’enlever le filet avant que les sassas s’en mêlent. 

–Oui, mieux vaut faire vite. J’ai vu un groupe de ces oiseaux géants vous foncer dessus, dit Malick en tirant le filet de plus en plus vite. Et avec les poissons qui migrent vers le nord, ça veut dire beaucoup plus de poissons pour nous ! s’enthousiasma le jeune garçon.

–Et d’autant plus de sassas à chasser, grogna un des pêcheurs en faisant la moue. 

Une fois le filet complètement étalé sur le rivage, la horde de sassas accéléra pour s’attaquer au festin offert sur la plage. Les marins étaient habitués à ces créatures. Ils avaient, au fil des siècles, élaboré leur propre technique pour protéger leur butin sans nuire malgré tout à ces prédateurs. 

–Merci beaucoup pour ton aide Malick, on se charge du reste.

Alors qu’il les saluait de la main en s’éloignant, les hommes firent usage de la technique ancestrale Sérère utilisée par le clan des Jaams et appelée les quatre poutres. Ils installèrent quatre hautes poutres surmontées de miroirs réfléchissants sorties de leur pirogue. La nuée de sassas s’interrompit brusquement dans sa course à quelques mètres du festin, aveuglée par la vive lumière émanant des miroirs. 

Malick, lui, reprit sa marche sur la plage et se remémora l’annonce de l’assassinat de sa mère. Cela faisait deux semaines… Outre le chaos diplomatique engendré par le meurtre de la représentante du conseil d’Adior en plein empire Zulu, s’ajoutait le fait que l’enquête piétinait. Ni suspect ni motif apparent. 

L’océan à sa droite et son quartier à sa gauche. D’autres pirogues s’amarraient sur la plage tandis que des enfants couraient dans tous les sens en riant. Il se sentait apaisé. Il aimait cette joie et ce sens de l’hospitalité si naturels sur l’île. Au loin, il pouvait apercevoir sa maison construite directement sur la plage avec un haut mur face à la mer, rempart contre les violentes hautes marées lors de la saison des pluies.

L’entrée principale était une simple porte en bois grande ouverte, jamais fermée. Un Serigne ne fermait jamais sa porte d’entrée, c’était superflu. Sa maison était protégée par des talismans déguisés en coquillages et galets noirs. Dès l’entrée, on pouvait deviner une petite cour intérieure remplie de sable et un hamac pittoresque planté en plein milieu. À gauche de cette cour se trouvaient deux chambres, une salle de bains les séparait et une cuisine était installée à l’extrémité sous une pergola, le tout faisant face à l’océan. 

Malick y vivait avec son ami Caleb. Ce dernier occupait la plus petite des chambres, Malick étant membre de la confrérie des Serignes alors que Caleb appartenait à la principale du clan des Nyenno, les forgerons de l’île. En atteignant sa maison, Malick passa la porte d’entrée et vit de la fumée sortir de la cuisine. Il remarqua Caleb assis auprès du poêle, triant des fagots. 

–Un bon feu de bois t’assure un bon repas Malick, grogna Caleb.

–Je suis exténué. Si on mangeait dehors ? suggéra Malick avec un sourire.

–Comment ça se fait que vous, les Serignes, ne fassiez jamais rien de vos journées et pourtant vous êtes constamment fatigués ? Caleb s’était levé, dépité devant le foyer dépourvu de flammes. 

–Je ne suis pas constamment fatigué, répliqua Malick tout en évitant le regard réprobateur de sonami.

–Je me suis dit qu’avec toutes vos siestes tous les jours… commença Caleb avec un rictus. 

Offensé, Malick prit sa tête dans ses mains. 

–Je t’ai déjà expliqué. C’est comme ça qu’on médite !

–Parfait, pendant que ton clan et toi vous méditez et récupérez des fonds publics pour le faire, n’est-ce pas ? Nous, on trime pour nourrir et habiller Votre Altesse Serigne ! railla Caleb, désabusé. 

Malick posa sa main sur l’épaule de son ami afin de calmer le jeune forgeron.

–Quand tu auras fini de te plaindre, prépare-toi, j’offre le déjeuner. 

Les yeux de Caleb s’écarquillèrent. Il pouvait voir son ami lutter pour ne pas sourire.

–Désolé Malick, on a eu pas mal de travail à l’atelier aujourd’hui, s’excusa Caleb en rangeant rapidement les fagots. Il se sentait soudain débordant d’énergie. 

–Ah bon pourquoi ? demanda Malick en le regardant courir pour mettre ses sandales en un temps record. 

–Les ordres de la capitale sont de forger plus d’armes que d’habitude, j’imagine à cause de… Il se figea et s’arrêta de parler.

–À cause du meurtre de ma mère, murmura le Serigne comme pour lui-même. 

–Désolé. Je… C’est que… hésita Caleb, le visage livide. Il fixait lesol. 

–On y va Caleb. 

Ils quittèrent la maison en empruntant une rue étroite adjacente en direction de la boutique de Dia. Dans la rue, des habitués étaient assis sur des tabourets en train de jouer au plus ancien jeu de Kadior, le mancala. Malick remarqua l’un des joueurs, si vieux qu’il ne lui restait plus que quelques dents et qui souriait pourtant tel un enfant, tout en encerclant les perles de verre de son opposant sur le plateau. Caleb salua de la main les joueurs. Le joyeux vieillard lui répondit alors que son adversaire ignorait le monde qui l’entourait, trop concentré à préserver les perles de verre qui lui restaient. 

Au bout de la rue, formant l’angle à droite, se dressait la boutique de Dia. Il y avait absolument tout pour manger, se vêtir ainsi que pour l’entretien de la maison. C’était impressionnant de voir ce petit homme dans cet étroit magasin bondé qui prenait cinq commandes à la fois tout en servant à grande vitesse. Tout le quartier faisait son marché chez Dia. Dia étant peul, il a d’abord été, comme la majorité des membres de cette tribu, affecté au clan des Jaams avant d’intégrer celui des Buurs qui l’autorisait à ouvrir sa boutique. Avantage certain, son expérience chez les Jaams lui permettait de bénéficier d’un réseau de paysans lui assurant les meilleures denrées au meilleur prix.

Le changement de clan était une exception sur l’île. Dia a eu recours à un amendement à la loi de Kadior donnant l’opportunité de changer de clan en passant un examen d’intégration. Ce qui lui a donc permis d’intégrer les Buurs, le clan des commerçants. 

Arrivés à la boutique, Malick et Caleb trouvèrent trois personnes qui commandaient des marchandises et des fournitures et cinq autres qui attendaient leur tour. Le petit commerçant remarqua les deux compères. 

–Hé, Malick, tu m’entends ? Zadock te cherche, cria Dia dans la cohue. 

–Ah oui, j’ai oublié de te dire. Il y a un conseil ou quelque chose dans le genre et apparemment Zadock te cherche, marmonna Caleb tout en regardant les pâtisseries et les broches de viande. 

–Tu es sérieux ! Tu me dis ça maintenant ! Malick jeta un regard noir à sonami.

–Oui, bon, comment dire… Le forgeron se gratta le crâne. J’avais faim quand tu es arrivé. D’ailleurs, j’ai toujours faim. 

–Incroyable ! se désespéra le Serigne en levant les mains au ciel. 

Caleb fit un quart de tour pour faire face à Malick.

–Tu as dit que tu payais le déjeuner…

–Bon, est-ce que tu peux me dire quand se tiendra ce conseil des Serignes ? A-t-il dit pourquoi il y en aun ? 

–Comment veux-tu que je sache, je ne suis pas un Serigne spirituel, je ne médite pas, j’ai un vrai travail, moi, répliqua Caleb.

–Très bien, de toute façon, c’est généralement à la tombée de la nuit. On mange d’abord et j’irai en fin d’après-midi tranquillement pour être en avance, dit Malick en haussant les épaules. 

–Il n’a pas dit à la tombée de la nuit, mais plutôt lorsque le soleil est au zénith, si tu vois ce que je veux dire, lança Caleb avec un sourire narquois. 

–Qu’est-ce que tu racontes avec le zénith... Le Serigne se frappa le front. Midi ! Mais c’est maintenant ! Il se faufila entre les hommes en face d’eux et sortit de sa poche une sacoche de cauris qu’il donna àDia. 

–Donnez de quoi manger à ce forgeron affamé, je dois partir au plus vite, dit Malick avec un agacement évident dans la voix. 

–À plus tard Malick ! Et merci ! cria Caleb en se frottant les mains et en regardant son ami courir. 

Le chemin jusqu’au conseil des Serignes passait par le faubourg de Ndiambur. Le lieu se trouvait à l’entrée de la cité et également à l’entrée de la forêt menant aux montagnes Mons. Le jeune retardataire se dépêchait en arpentant les chemins de sable devenu rouge laissant le sable blanc au bord de la plage. Le rouge était caractéristique de la couleur de la terre que l’on retrouvait sur les domaines des paysans tout autour de la cité de Ndiambur. Les paysans appartenaient à la tribu Jaam. Chaque famille possédait une ferme. On trouvait tous les genres de cultures à Ndiambur. Les paysans cultivaient une petite partie pour les besoins de la cité alors que le reste était envoyé à la capitale, Adior. 

Malick arriva au conseil plus tard que ce qu’il pensait. C’était un endroit sculpté dans une clairière à l’entrée de la forêt. Des baobabs géants encerclaient cette clairière. Au milieu de cette ouverture dans les bois, une rangée de plus petits baobabs formait un hémicycle. Chacun d’entre eux était sculpté de l’intérieur pour faire apparaître un fauteuil. Face à l’hémicycle se dressait un majestueux ceiba de quarante mètres de haut, dont le tronc abritait une cavité aussi large qu’une grotte dans laquelle s’installait le chef des Serignes.

Malick essaya de se rendre discrètement à sa place, dans l’un des baobabs situés au deuxième rang à l’extrémité gauche.

–Ah tiens, je vois que Malick a finalement décidé de se joindre à nous, dit un vieil homme vêtu d’une tunique usée par les années. Il tenait une canne en bois et était assis dans le ceiba.

–Je suis vraiment désolé Zadock, j’étais sur la plage et je n’ai malheureusement pas reçu votre message.

–J’imagine que tu as bien reçu mon message étant donné que tu es venu. Zadock se dressa de tout son long, il était exceptionnellement grand et fin. Installe-toi, nous avons matière à discuter, murmura-t-il avec un regard sinistre.

Le retardataire prit place dans son arbre. L’ambiance s’était soudainement tendue. Il sentait les regards qui pesaient sur lui et son Maître, à présent debout, le fixait intensément. 

–Malick, j’ai des nouvelles sur l’enquête. Ils ont un témoin de l’assassinat à Adior, dit Serigne Onyango. 

–Un témoin ? s’écria Malick. 

–Onyango est un ancien officier gradé de l’empire Zulu. On va dire qu’il a toujours quelques oreilles qui traînent dans le palais. Ils ont interpellé un témoin, l’ont emmené à Saoutsy où ils l’ont embarqué sur un bateau à destination de Fouta, avant de le mettre en détention à Adior, expliqua lentement son vieux Maître tout en fixant Malick. Les yeux dans le vague, l’air interdit, Malick était surpris que ce témoin apparaisse soudainement après deux semaines d’enquête. “Qui dit témoin dit coupable, ils devraient donc connaître le coupable” songea-t-il. 

–La situation est très instable. D’autre part, je tiens à vous rappeler que nous n’avons pas tous les éléments. Le chef fit une pause. Inutile de paniquer, insista Zadock. 

–Depuis que le nouveau continent est arrivé avec son soi-disant savoir et ses connaissances, on n’a eu que des problèmes et maintenant ça ! cracha un vieux Serigne du premier rang. 

–Rien ne dit que cette affaire est liée au peuple du nouveau continent, Djedjou, rétorqua Serigne Ousmane, assis à sa droite. 

–Je n’imagine pas une seule seconde les Zulus tuer un des nôtres sur leur territoire, alors que des négociations sont en cours pour un éventuel traité de contrôle frontalier sur les taudis de Saoutsy, tempéra Serigne Onyango. 

–Nous manquons cruellement d’informations et nous n’avons toujours pas reçu de message officiel du Damel Ndiaye. Je vous rappelle que si nous ne sommes pas à Adior pour tenir notre conseil c’est parce que ce Damel ne nous fait pas confiance. La discrétion est donc de mise. Afin d’éviter d’attirer l’attention du Damel sur notre confrérie, je vais quitter Ndiambur en catimini pour mener mon enquête sur ce témoin, continua Zadock en ignorant les remarques de ses disciples. J’ai donc convoqué ce conseil afin de nommer un nouveau guide Serigne en mon absence, mais également pour m’assurer que nous sommes bien sur la même longueur d’onde concernant cette affaire. Il dévisagea chaque Serigne assis devant lui, l’un après l’autre. Tous levèrent les yeux verslui. 

–De quelle onde exactement nous parlons, Maître ? défia le Serigne Ablaye.

–Personne ne sait encore ce qu’il s’est passé exactement donc pas de conclusions hâtives, Ablaye. Et surtout, attendez mon retour, ordonna Zadock à sa confrérie. En mon absence, vous êtes chargés de guider le peuple dans ces moments d’incertitude. Serigne Onyango va me remplacer. 

Zadock leva sa main gauche, sa main droite appuyée sur sa canne, et aussitôt les Serignes se levèrent comme un seul homme pour se placer devant lui. Le Maître s’assit en tailleur imité par les autres membres du conseil et fit glisser son kourouss de son poignet à sa main. Il mit ensuite la canne sur ses cuisses et commença le rituel de méditation. Alors qu’ils méditaient tous en harmonie, certains avaient le regard rivé sur le ciel bleu, d’autres avaient les paumes sur le visage. Malick, lui, restait figé, il ne méditait pas, mais se repassait en boucle la conversation dans sa tête. 

Après des heures de méditation, la clairière s’était enveloppée du manteau de la nuit. Le jeune Serigne émergea de ses pensées et décida de rentrer chez lui tandis que bon nombre de ses pairs poursuivaient leur méditation. Il se leva sans un bruit et entreprit le chemin du retour. En rentrant chez lui, il entendit l’habituel ronflement de Caleb. Affalé sur une paillasse de la terrasse surplombant l’océan, il était certainement bercé par une brise nocturne qui était la bienvenue après cette chaude journée estivale. Malick se dirigea vers sa chambre avec la ferme intention de reposer son corps et son esprit après les multiples nuits d’insomnie et la révélation de Zadock. Il s’allongea rapidement sur son tapis de prière en peau de mouton, mort de fatigue, et plongea dans un sommeil profond. 

Le déferlement d’une puissante vague le tira de son sommeil sans cauchemars. Pourtant la fatigue le clouait encore pour une bonne heure sur son tapis. Les prières matinales et la méditation étaient de rigueur, mais son manque de concentration ne lui permettait pas d’honorer ce rituel. Une fois de plus, c’était partie remise. Il se leva et entreprit de remplir sa bassine d’eau pour effectuer ses ablutions quotidiennes. Une fois qu’il fut prêt et allongé dans son hamac, les souvenirs douloureux de sa mère survinrent à nouveau dans son esprit. Dans une ultime tentative de se libérer de ce mal-être, il lui vint une idée de distraction. Il s’extirpa du hamac et se précipita vers la terrasse. 

–Hé Caleb ! lança Malick, accroupi à côté de son colocataire.

–Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez vous les Serignes ? Vous passez la journée à dormir, mais vous réveillez ceux qui travaillent toute la journée. On a besoin de dormir ! martela le forgeron en cachant ses yeux derrière son coude. 

–Caleb, tu m’as parlé d’une certaine cérémonie Laso quelque chose ou peut-être Lasité, hésita Malick en fronçant les sourcils pour tenter de se souvenir dunom. 

–Lasoté, Malick. La So Té. Je pensais que les Serignes méprisaient ce genre de rituel traditionnel et ne souhaitaient pas y participer ? s’enquit Caleb. 

–La tradition… c’est super important. Ça a du sens… En tant que Serigne, j’attache de l’importance à… ce genre de truc. 

–C’est ça ton excuse ? demanda-t-il tout en se retournant vers Malick. Attends une seconde. Je pense savoir. C’est parce que Penda sera à cette cérémonie, continua-t-il en se tenant le menton avec un sourire taquin. J’espère que tu sais que les Serignes ne sont pas son genre, elle préfère les gaillards travailleurs, ajouta Caleb en montrant ses muscles.

–Je t’arrête tout de suite, la vérité c’est que… Je n’arrive pas à me concentrer à cause de cette sombre histoire avec ma mère. Caleb, j’ai besoin d’une distraction. Le Serigne regardait au loin tout en frottant son coude. 

–Je comprends, murmura Caleb d’une voix pleine de compassion.

Puis il se leva et poursuivit avec un clin d’œil entendu et un petit coup de coude dans les côtes de Malick.

–C’est bon, arrêtons de perdre du temps. On va y aller, on va se distraire et on va sûrement voir Penda. En plus, il y aura certainement un grand buffet, exactement le type de petit déjeuner nécessaire pour commencer la journée. 

Caleb se rafraîchit le visage et enfila son plus beau boubou confectionné en bazin damassé. Cette pièce unique de couleur argentée couvrant la totalité du corps avec de longues manches était brodée de nombreux motifs. Malick était stupéfait du changement opéré sur son ami. Un simple vêtement pouvait donner une tout autre allure. Voilà que ce grognon de forgeron était devenu un dignitaire élégant, mais tout aussi grognon. 

Un deuxième témoin inattendu

Malick et Caleb gagnèrent le chemin principal de Ndiambur dans la direction sud-est. On pouvait voir les commerçants choisir les provisions à étaler dans leur boutique. De bonne heure le matin, très peu de personnes arpentaient les chemins de la cité. Les moulins tournaient à plein régime pour préparer le pain. Le pain, un élément essentiel pour le petit déjeuner des habitants de l’île de Kadior.

En marchant, Caleb s’efforçait de retenir de sa main gauche son magnifique boubou pour empêcher la poussière soulevée par leur marche rapide de le tacher. Ils y étaient presque, en témoignait le son des tambours. Le quartier général régional de la tribu Jaam n’était plus très loin. 

À leur arrivée, le bruit des tambours était devenu assourdissant et pourtant il n’y avait pas une âme en vue. Personne.

“Très étrange comme situation”, pensa Malick.

La musique continuait et on pouvait entendre la clameur du public. Les deux compères se regardèrent l’air amusé.

–Ils sont cachés dans les champs ? demanda Malick en pointant du doigt les hautes herbes derrière les habitations du quartier général Jaam. 

–Oui, ces paysans doivent s’amuser dans leurs champs, répondit Caleb en secouant la tête. Très bien, on yva. 

Ils continuèrent leur chemin au milieu de quatre cases en terre cuite avant de découvrir une immense étendue de champs. Il y avait beaucoup de monde, des hommes et des femmes armés de bêches et en train de frapper la terre au rythme de tambours géants. Bouche bée, Malick et Caleb se trouvaient en plein milieu de la scène du rituel. À quelques centaines de mètres se dressaient trois tribunes où était installé un public survolté. 

–Caleb, j’ai l’impression qu’on nous crie dessus. Malick venait en effet de comprendre que le public les encourageait fortement à quitter les lieux. 

–Passons par le côté, je vois un chemin pour atteindre la tribune de gauche. Juste là, regarde, cria Caleb pour se faire entendre malgré le brouhaha de la cérémonie. Ils prirent alors le chemin indiqué et montèrent à l’aide d’une échelle sur la troisième tribune. 

–Incroyable, c’est comme si tout Ndiambur était ici, Caleb ! 

–On s’assoit où Malick ? demanda Caleb en regardant les spectateurs derrière eux froncer les sourcils et lever les bras de mécontentement alors que deux indésirables les empêchaient de profiter du rituel. 

–Je n’en sais rien, je n’ai jamais participé à ce rituel, on doit trouver rapidement des places assises avant de se faire massacrer pour cause d’obstruction, dit Malick en souriant. 

–Vous faites quoi ici ? cria une voix depuis une des estrades. 

–Malick, je pense avoir entendu une femme nous hurler dessus. 

–Je m’attendais à un peu plus d’hospitalité, marmonna le jeune Serigne. 

–Brigade de sécurité, faites sortir ces deux intrus ! ordonna un autre homme. 

–Oui, on essaie de regarder le rituel ! Fichez le camp ! ajouta une troisième personne.

–Ces gens regardent des gens labourer un champ… Il n’y a vraiment pas de quoi nous crier dessus et nous prendre de haut, lança Caleb. 

–Hé vous deux, venez avec moi ! exigea un grand musclé debout dans l’allée. Le Serigne et le forgeron s’exécutèrent aussitôt en se précipitant vers le géant. 

–Que faites-vous ici ? demanda l’homme.

–C’est assez simple en fait… Ce Serigne avait besoin de méditer et en plus… commença Caleb avec hésitation.

–Serigne ! s’exclama leur interlocuteur.

–Je suis navré d’avoir offensé votre tribu par ma présence, je vais quitter les lieux, dit Malick en se tournant. Le géant attrapa son bras. 

–On n’a jamais eu l’honneur d’avoir un Serigne à une de nos cérémonies. Attendez ici, je vais informer le chef de la tribu de votre présence. Le géant disparut. 

–Hé, Caleb, c’est bien Penda derrière là-bas ? demanda Malick. 

–Youhou, Penda, c’est nous ! s’écria Caleb, très enthousiaste, en faisant de grands gestes. 

Une jeune fille se détacha de la foule amassée sur une des estrades. Elle descendit les marches tel un serpent qui glisse sur une liane vers sa proie, le sourire aux lèvres et ses longs cheveux noirs bougeant au gré du vent. Elle portait une robe colorée et très cintrée, peut-être même trop cintrée au goût de Malick, car cela accentuait ses courbes. 

–Alors Penda, quelle surprise ! dit Caleb en bombant le torse. 

–Salut Caleb, salut Malick, qu’est-ce que vous faites là les garçons ? demanda-t-elle avec douceur, sa main droite sur la hanche. 

–Caleb et moi sommes en train de… d’étudier la tradition Jaam, n’est-ce pas Caleb ? répondit Malick en donnant un coup de coude à son ami pour qu’il arrête enfin de fixer Penda. 

–Oui, voilà, exactement, on regarde aussi la cuisine traditionnelle qui est très alléchante et intéressante. Le forgeron se mit à suer à grosses gouttes. 

–J’espère que vous vous amusez bien. Vous êtes assis où ? interrogea la jeune femme. 

–Bonne question. Et toi, où es-tu assise ? dit Caleb d’un ton mielleux. 

–Nous attendons le chef de votre tribu, il devrait arriver d’un moment à l’autre, insista Malick tout en fronçant les sourcils en regardant Caleb.

–Excuse-nous trente secondes, Penda. On doit discuter de quelques détails techniques, poursuivit Caleb dans un grand sourire. Il prit Malick par le bras et ils tournèrent le dos à la jeune fille. Bon, Malick, c’est ma chance là. Tu m’as bien dit qu’elle ne t’intéresse pas. Alors c’est quoi le problème ? murmura le forgeron, visiblement énervé. 

–J’ai besoin de toi. Je ne comprends rien à ces gens et à leur rituel bizarre. Et par-dessus tout, va savoir pourquoi, ils me prennent pour un Serigne haut gradé, rétorqua doucement Malick. Je te promets que je te revaudrai ça. Penda ne va pas bouger. Elle regarde des paysans dans des champs, ça risque de durer encore longtemps, termina-t-il avec un clin d’œil. 

–Très bien, je sais comment je vais m’y prendre avec Penda. Je me laisse désirer, ça marche à tous les coups. C’est vrai, je t’expliquerai une prochaine fois comment faire. Sur ces mots, Caleb se retourna brusquement et bomba à nouveau le torse. Désolé Penda, on nous attend pour des affaires de Serigne très importantes, on ne va pas pouvoir apprécier cette magnifique cérémonie en ta compagnie, lui lança-t-il avec un ton très respectueux. Malick était étonné d’entendre un tel vocabulaire sortant de la bouche de sonami. 

–Je comprends les garçons, peut-être à un autre moment et bien sûr avec beaucoup moins de monde… À bientôt alors, dit-elle avec un petit sourire. Elle fit demi-tour et se mit à marcher lentement. Avec une démarche très élégante, une main posée sur une hanche, elle regagna sa place dans la tribune. 

–Cette femme, c’est quelque chose, dit Caleb, émerveillé, en la regardant disparaître dans la foule.

–Excusez-moi, j’ai entendu dire que vous étiez des Serignes ? interrompit un homme derrièreeux. 

–Exact, oui. En fait, c’est lui le Serigne qu’il vous faut. Le second du vieux Zadock, chef du conseil des Serignes. Je vous présente mon ami et colocataire, Serigne Malick, répondit Caleb avec éloquence. 

–Second du chef du conseil des Serignes, rien que ça, dit-il avec un sourire narquois. Impressionnant. Je suis le fils aîné du chef de la tribu des Diolas du clan des Jaams, Djinob Badji, ajouta-t-il en regardant uniquement Malick. 

–Je suis l’apprenti de Zadock, corrigea Malick, gêné. Il n’était pas habitué à ce genre de civilités. 

–Et je suis Caleb si cela intéresse quelqu’un…

Djinob continuait de fixer Malick le menton levé, très levé même. Il était en effet beaucoup plus petit que le jeune Serigne. 

–Mon père aimerait vous inviter dans sa tribune privée, continua-t-il en ignorant toujours Caleb.

–Nous en serions honorés, Caleb etmoi.

–C’est intéressant, commença Caleb en se frottant les mains. Il doit y avoir un buffet, non ? 

–Suivez-moi, dit Djinob sans, à aucun moment, regarder Caleb. Il se tourna et se fraya un chemin vers l’autre tribune.

Les deux acolytes échangèrent un bref regard puis suivirent l’aîné du chef des Diolas de Ndiambur.

–Je n’aime pas ce type. Il y a comme un esprit maléfique qui l’entoure. Tu ne sens rien ? Vous, les Serignes, vous n’avez pas un pouvoir pour détecter le mal ? murmura Caleb à l’oreille de Malick.

–Il t’a complètement ignoré, donc tu ne l’aimes pas. Il n’y a pas de pouvoir de détection d’esprit maléfique, mais je n’aime pas non plus son ton. Espérons qu’il y a de bons plats dans leur buffet, plaisanta Malick. 

Ils marchèrent à bonne distance de Djinob. Ils pouvaient apercevoir la dernière tribune. Elle était plus petite, mais avec des ornements sur le bois.

“Latribuneprivée ”, pensa Malick. 

Il y avait deux hommes à l’entrée pour s’assurer de l’identité des gens voulant entrer. Djinob fit un bref mouvement de la tête en direction de Caleb et Malick pour signifier qu’ils l’accompagnaient. 

À l’intérieur de la tribune, plus de bancs, mais des fauteuils beaucoup plus confortables et espacés. Tous les cinq sièges, un petit buffet était installé et des serveurs proposaient à boire. 

–Voilà, ça devient vraiment intéressant. Tu as vu, il n’y a pas qu’un buffet, mais plusieurs ! chuchota Caleb à Malick.

Sur ces mots, l’apprenti Serigne sentit son estomac gargouiller. Il n’avait pas pris de repas depuis la veille. Le jeûne était une pratique répandue chez les Serignes. Cela devait améliorer leur concentration lors des longues séances de méditation. Pour Malick, en grande difficulté de concentration, le jeûne était devenu une véritable grève de la faim… En regardant les mets succulents qui recouvraient les tables, Malick se mit à penser que cette grève de la faim était sur le point de se terminer. 

Djinob s’arrêta net, fit demi-tour et se posta devant les deuxamis.

–Vous pouvez vous installer ici et profiter du buffet. Je vais informer mon père qu’un apprenti Serigne est dans notre tribune, dit-il. Il fit à nouveau demi-tour pour rejoindre un groupe d’hommes qui discutaient en ignorant le spectacle. 

–Ils construisent une belle tribune privée, bien placée pour leur rituel et ils passent leur temps à manger et à discuter, s’étonna Caleb. 

Le forgeron se tourna pour voir pourquoi son ami Serigne ne répondait pas, avant de découvrir que ce dernier avait la bouche pleine de pâtisseries. Avec hâte, Caleb prit place dans un des fauteuils et se mit également à dévorer les mets mis à disposition. 

–Mais ça fait très longtemps que je n’ai pas mangé ! se justifia Malick.

–En même temps, j’ai cru comprendre que les Serignes jeûnaient régulièrement histoire de ne pas prendre de poids, se moqua Caleb entre deux bouchées.

Malick l’ignora et les deux compères continuèrent à faire une razzia sur les buffets disposés dans la tribune. 

–Excusez-moi jeunes hommes, que faites-vous ici exactement ? demanda un vieil homme, petit, le front proéminent et le ventre bien évident sous le bazin de son boubou. 

–Euh, l’autre, le petit là-bas de l’autre côté. Comment dire, le fils de… essaya d’expliquer Caleb la bouche encore pleine. 

–Mon ami veut dire que nous sommes invités par Djinob. Son père veut nous rencontrer. 

–Ah les Serignes ! Je vous ai pris pour… Peu importe, oubliez. C’est la première fois que des Serignes assistent à la cérémonie. Je suis Sané, un conseiller du chef Badji.

–Je suis l’apprenti du Serigne Zadock. J’imagine que vous devez le connaître ? C’est le chef du conseil des Serignes, dit Malick en se levant et en s’inclinant brièvement devant le conseiller. 

–Serigne Zadock, de nom oui bien sûr, mais nous ne connaissons que le Serigne assigné à Ndiambur. Il s’agit du Serigne Ousmane. Il conseille tous les chefs de tribu. Badji le consulte régulièrement. Et vous, monsieur, qui êtes-vous ? demanda Sané à Caleb.

–Un apprenti également. Nous méditons beaucoup, nous n’avons donc que très peu de temps pour ce genre de merveilleuse cérémonie. C’est bien dommage, j’en toucherai deux mots à notre chef Zadock, dit Caleb avec assurance, toujours assis avec des pâtisseries dans les mains. 

Malick fixa le forgeron qui se leva lentement, visiblement contrarié, en laissant son festin sur la table. 

–Caleb est un apprenti de la vie, comme tout autre jeune sur cette île. Il est forgeron de profession, il a son atelier dans le quartier situé à l’entrée est de Ndiambur. Il fait du très bon travail, je vous le recommande, corrigea Malick en posant sa main sur l’épaule de sonami. 

Deux personnes approchaient. Djinob était accompagné d’un vieil homme encore plus petit que lui avec un front tout aussi proéminent que le sien, mais assorti d’une calvitie brillante. Le bas de son boubou flottait dans le vent tant son ventre généreux retenait la moitié du bazin. Sané inclina respectueusement la tête en voyant arriver les deux hommes. 

–Bonjour, messieurs, il y a, selon les rumeurs qui courent, un Serigne parmi nous ? demanda le vieil homme.

–Oui papa, c’est ce jeune l’apprenti dont tout le monde parle, dit sèchement Djinob avec condescendance.

–Bonjour, je suis Malick, l’apprenti en question, et voici mon ami Caleb.

–Bienvenue à vous deux. Je me présente, je suis le doyen Badji, chef des Diolas du clan des Jaams. La cérémonie vous plaît ? 

–Très bons buffets ! J’adore ce rituel, une très bonne idée de votre part, dit Caleb en regardant les pâtisseries qu’il avait dû abandonner. 

–Oui, une belle fête. C’est impressionnant de voir tout ce peuple rassemblé au même endroit, répondit poliment Malick.

–Le doyen a à cœur de perpétuer ce rituel qui est si important pour nous, ajouta Sané avec une exaltation non dissimulée.

–En revanche, si je peux me permettre, je ne comprends pas l’histoire des gens en bas qui labourent. Vous devez voir ça tous les jours, vous êtes tous paysans, non ? demanda abruptement Caleb.

–Excusez mon ami…, commença Malick, trèsgêné.

–Non, ne vous inquiétez pas. C’est en effet étrange quand on ne connaît pas le symbole et la signification de notre rituel. Asseyons-nous. Sané, pouvez-vous nous laisser un moment, je vais raconter à ces jeunes visiteurs le symbole derrière cette belle traditionJaam.

Caleb roula les yeux. Son ami lui donna un nouveau coup de coude.

–Très bien, doyen. Malick et Caleb, je suis enchanté de vous avoir rencontré, dit simplement Sané avant de rejoindre les autres hommes en pleine discussion de l’autre côté de la tribune. 

Le doyen fit signe aux deux amis de se rasseoir. Lui et son fils prirent place à leur tour sur des fauteuils faisant face à leurs deux invités. 

–Au temps du grand empire Rolof des trois couronnes, les Jaams et les Buurs n’existaient pas. C’était la période tribale de notre histoire. Comme vous le savez, les tribus continuent aujourd’hui malgré la volonté de l’institution du Damel de les effacer au profit des clans, qui reposent sur les compétences et non sur la généalogie.

–Oui, avec l’examen de l’âge de la raison pour affecter un enfant à un clan, dit Malick.

–Tout à fait, mais de mon temps, il n’y avait que la tribu. Les Diolas avaient toujours, je veux dire de génération en génération, travaillé leur terre ! Mais à l’arrivée des Rolofs, toutes les terres ont alors appartenu au Bourba, et nous, Diolas, nous sommes devenus des sujets du Bourba, traités comme de véritables esclaves, expliqua le doyen en regardant au loin, plongé dans ses pensées. Maltraités, nous devions travailler la terre du lever au coucher du soleil. Pendant ce dur labeur, les Diolas chantaient et s’encourageaient. Le vieil homme se mit à sourire, les yeux brillants. C’est cet esprit de solidarité et d’abnégation ainsi que cette volonté de travail équitablement réparti que nous fêtons. Tout cela représente nos valeurs et elles sont transmises grâce à la cérémonie du Lasoté, conclut le chef ému aux larmes.