La Dictatrice - Irène Adolphe - E-Book

La Dictatrice E-Book

Irène Adolphe

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Beschreibung

Quand le président américain n’est plus en mesure d'assurer ses fonctions, qui gouverne ? Son vice-président.
Quand le président français n’est plus en poste, qui le remplace ? Le président du sénat.
Mais quand un dictateur décède, qui prend sa succession ?
Delphine Duvauchelles est une simple étudiante à la Sorbonne lorsqu’elle décide d’abandonner ses études pour suivre son mari, un révolutionnaire à la reconquête de son pays.
Lorsqu'il meurt prématurément, elle se retrouve à sa place, aux commandes d’un Etat dont elle ignore tout. Obligée de défendre son pays d’adoption, elle devra apprendre à faire face à ses ennemis, combattre le terrorisme, et lutter au nom de la souveraineté nationale. Mais comment se battre pour un rêve lorsqu’on est entouré de traîtres et d’autorités plus puissantes les unes que les autres ?

Plongez-vous sans plus attendre dans ce roman de politique-fiction aux côtés d'une jeune femme qui se retrouve, malgré elle, à la tête d'un pays.

EXTRAIT

Avec cette manière de faire, elle démontrait clairement qu’elle n’était pas une marionnette entre les mains de chefs d’entreprises du CAC 40, qu’elle n’avait aucun patron à part le peuple lui-même. Oui, les actionnaires n’étaient pas son patron. Ni les plus riches fortunes du pays. Ni les chaînes de télévision, ni les journaux, ni les médias. Son patron, c’était cette petite fille qui avait perdu ses parents dans le précédent conflit contre Cesador et à qui elle devait offrir un avenir décent. C’était cette étudiante qui demandait une bourse pour financer ses études en arts. C’était ce couple de retraités qui avait du mal à boucler ses fins de mois malgré cinquante ans de travail sans vacances. C’était cette sage-femme qui requérait plus de moyens pour mieux traiter ses patients. C’était cette professeure qui suppliait d’avoir des salles de classe en meilleur état pour enseigner à ses élèves. C’était cette agricultrice qui demandait un troisième prêt à la banque pour survivre après le suicide de son mari. C’était pour toutes ces personnes que Delphine se battait, luttait, œuvrait afin de leur permettre un futur digne d’être vécu. Elle défendait en priorité leurs intérêts.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Irène Adolphe - J'ai toujours revendiqué d’être le pur produit de l’école public de la république. Après des études en pharmacie, j'ai décidé de me consacrer en parallèle à l’écriture de mon premier roman : La Dictatrice. Pour ce faire, je me suis inspirée de ma propre vie et de plusieurs de mes modèles, particulièrement le conférencier britannique Simon Sinek qui s’est fait connaître dans le monde entier à travers ses interventions TED et ses ouvrages traitant de la théorie du jeu et du cercle d’or.
 À travers ce premier roman et les articles présents sur mon blog, je tente de montrer qu’un meilleur monde est possible et qu’il ne tient qu’à nous de l’incarner en devenant nous-mêmes des Leaders.

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Irène Adolphe

La Dictatrice

Je voudrais adresser mes sincères remerciements à ma famille, à mes amis qui m’ont soutenu même s’ils ignoraient pour certains que j’écrivais un livre mais sans qui je n’aurais pas pu y arriver.

Je voudrais aussi remercier le Président qui est en partie à l’origine de ce livre. J’espère qu’il ne m’en voudra pas trop… Et encore pardon si je décide de le mettre dans le prochain…

Chapitre 1 La fin d’un règne

23 H 30. La nuit s’était déjà abattue depuis longtemps sur la cité antique. Seuls quelques vieux lampadaires continuaient d’éclairer inlassablement les grandes rues de la capitale Wesperianne. De toute façon, il n’y avait plus âme qui vive car l’ensemble de la population s’était déjà cloîtrée chez elle. Sans doute par habitude. Sans doute car aucune animation n’était autorisée à partir du couvre-feu qui débutait à 21 heures tapantes. Ce que le peuple ignorait, c’était que certains parmi eux ne l’entendaient pas de cette oreille.

En effet, pendant que la population s’apprêtait à aller dormir après un repas de moins en moins copieux, sur les remparts du château qui surplombait la cité, de nombreux soldats armés de fusils poursuivaient leur inspection nocturne. Ils étaient une cinquantaine à patrouiller sur les murs en vieux blocs de pierres jaunes du Palais Royal situé en plein coeur de la capitale, Lukansa. C’était un immense château de style médiéval datant de plusieurs siècles composé de rochers taillés parfois d’un mètre d’envergure posés sur une colline qui dominait toute la ville. Constitué de six tours reliées par des remparts hauts de trente mètres qui cachaient une immense cour, on pouvait y accéder par quatre immenses escaliers de cent-cinquante marches disposés en croix qui aboutissaient sur le sommet de la colline complètement pavée. Durant une belle nuit paisible comme aujourd’hui, plusieurs projecteurs positionnés au sol et sur les murs éclairaient tous les angles du Palais, lui conférant un aspect fantomatique, comme expiré du brouillard qui se manifestait parfois à cette altitude.

Parmi les soldats qui patrouillaient, il y avait le jeune Sergent Rictor Tupolev. Malgré ses 23 ans, c’était un soldat avec une certaine expérience compte tenu du fait qu’il avait intégré l’armée depuis qu’il avait dépassé la décennie d’existence. Orphelin à l’âge de 9 ans, les parents tués lors d’une énième manifestation contre le pouvoir en place, désormais sans famille, l’armée constituait la seule entité du pays capable de subvenir à ses besoins en échange de sa totale contribution à l’effort de guerre. Ainsi, il fut contraint de s’enrôler dans l’armée quitte à rallier les assassins de ses parents. Mais comment faire autrement à son âge? De fil en aiguille, il finit par diriger la patrouille qui protégeait le mur nord-est. De taille moyenne, la peau mate, les yeux clairs, les cheveux noirs, il était le stéréotype parfait du Wesperian. Très engagé dans son devoir, il ne souriait quasiment jamais, préférant troquer son humanité contre un but dans la vie et une chance de survie.

Le Sergent ne comptait plus le nombre de fois où il avait arpenté ces murailles séculaires. À force, il en connaissait chaque recoin, chaque angle, chaque distance et même le délai pour les atteindre. Pour lui, c’était une nuit paisible comme beaucoup d’autres. Le vent était léger et la pleine lune avait répondu absente. Lorsque, au détour d’un virage, il perçut un léger cliquetis sourd provenant du bord des remparts.

–Vous avez entendu ? demanda-t-il à ses trois subordonnés qui le suivaient.

Ses hommes répondirent non en choeur. Intrigué, il les avertit de demeurer sur place pendant qu’il irait constater de quoi il retournait. Le regard affûté, Rictor Tupolev se pencha au-dessus du parapet pour essayer de distinguer en contrebas mais ne vit rien. À la lumière faible des projecteurs, il rajouta celle de sa lampe torche mais en vain. À moins qu’il n’y ait rien à voir ? Il se retourna et aperçut alors ses hommes agrippés par le cou, des canons de pistolets collés contre leurs tempes …  ! Trois silhouettes masquées et revêtues entièrement de noir menaçaient les siens.

–Pourquoi ne m’avez-vous pas encore tué ? lança-t-il à l’adresse de ses assaillants de son ton le plus calme.

–Donne-nous les codes d’entrée  !  fut le seul ordre qu’il eut pour réponse, une arme pointée vers lui par un quatrième homme à la voix rocailleuse.

–Non, répondit fermement le Sergent sans sourciller, fixant son interlocuteur dans le blanc des yeux.

Un de ses hommes s’écroula brusquement au sol dans un bruit sourd, une balle logée dans la cervelle  ! La balle avait été tirée d’un pistolet muni d’un silencieux. Personne d’autre dans les environs ne pouvait l’entendre. Tupolev jaugea son ennemi sans se donner la peine de regarder la victime.

–Donne-nous les codes d’entrée du Palais  ! Je ne le répéterai pas  ! aboya celui qui semblait être le chef.

–Jamais…

Deuxième et troisième hommes au tapis…

–Combien tu paries ? fit le même homme en se rapprochant du Sergent, le canon de l’arme fortement appuyée contre l’artère carotide, au niveau du cou.

Rictor sentit la chaleur du métal contre sa chair. Sans se laisser impressionner, il enchaîna avec un rapide mouvement de tête qui lui fit esquiver la balle tandis qu’il asséna un fulgurant coup de poing dans les côtes de son assaillant. Avant de saisir son arme, de l’obliger à se retourner afin de s’en servir comme bouclier humain !

Tout s’était passé si vite, au point que son adversaire ne réalisa ce qui s’était déroulé qu’en voyant ses trois hommes hésiter à tirer, craignant de l’atteindre.

–Vous parlez trop, murmura le jeune Sergent en pointant le pistolet contre son propriétaire. Vous manquez d’assurance.

–Comment osez-vous ? Mes hommes vous tueront avant que vous n’ayez pu prévenir les autres gardes du Palais.

–Au contraire, c’est déjà fait…

Alors qu’il ceinturait son ennemi, Rictor avait déclenché la balise discrète située sur son épaule gauche. Ainsi, tout le château savait qu’une menace était en cours.

–Votre insurrection a échoué, intima Tupolev à l’oreille de son adversaire.

–Non. Pas encore…, fit le chef en esquissant un fin mouvement de la tête de haut en bas.

C’était le signal pour ses hommes qui envoyèrent une kyrielle de balles vers le Sergent. Parmi les tirs, il dut encaisser deux impacts dans le bras qui le désarmèrent et le firent s’écrouler sur le parapet.

–Alors, ces codes ? s’écria le chef à présent libéré.

–Allez en enfer…

Le chef en avait assez. Il réalisa qu’il n’obtiendrait rien du Sergent. Il l’empoigna alors par le col et la ceinture et le balança dans le vide par-dessus les remparts  ! Dans le silence de la nuit, Rictor Tupolev décrivit un vol plané de plus de vingt mètres pour disparaître dans le bosquet en contrebas.

–Bon vent  ! se félicita le chef. Celui-là ne nous gênera plus. Débarrassons-nous des corps et allons rejoindre les autres.

L’homme stoppa net  : il venait d’apercevoir un point rouge au niveau du sternum de son subordonné. Ce dernier ne ressentit rien au premier abord puis finit par éprouver une violente douleur qui parcourut son corps entier. Tout comme son sang qui ruisselait à présent abondamment hors de lui, sa vie s’enfuyait également hors de son être. Son chef n’en revenait pas. Dans le feu de l’action, le Sergent Tupolev avait réussi à loger une unique balle en plein coeur. L’homme s’affala sur le sol, la bouche en sang, agonisant. Il ne lui restait plus que quelques secondes à vivre.

–Commando Midiev, ici le Colonell Bakhlanov, fit une voix grésillante sur le talkie-walkie. Nous avons atteint la porte principale. Avez-vous les codes d’accès ?

–Non, le Sergent est mort, répondit Midiev. Tentez de contourner le système, nous arrivons.

–Bien reçu, nous vous attendons.

–Vous avez entendu ? s’adressa Midiev à ses deux hommes restants. Allons-y.

–Que fait-on de Stan ? demanda alors le troisième homme à son chef.

Ce dernier jeta un rapide coup d’oeil sur le dénommé Stan, gisant sur le sol pavé et froid des remparts. Mortellement blessé, il paraissait se noyer dans sa propre mare de sang.

–Quel Stan ? répliqua-t-il, le sourire aux lèvres en pointant son arme vers le bas et en décochant une balle…

Pendant que le Commando Midiev fonçait en direction du reste des troupes, une véritable fusillade avait déjà lieu aux portes d’entrée du Palais Royal. Des dizaines de soldats se tiraient dessus à coups de mitraillettes et de grenades. Les corps s’écroulaient comme des mouches, décorant le plancher sans personne pour s’en soucier.

Voilà pourquoi le Colonell Bakhlanov voulait tant les codes, pour entrer en toute discrétion et surprendre le Roy. Seuls certains soldats comme le Sergent Tupolev les avaient et il avait préféré emporter cette information dans la tombe. Force était de constater que seuls les pains explosifs de C4 savamment placés autour de l’encadrement des portes avaient eu raison d’elles. Une énorme déflagration apparut, laissant se répandre un étouffant nuage de fumée qui envahit les couloirs en quelques secondes. Les soldats révolutionnaires emmenés par le Colonell s’engouffrèrent dans la brèche en éliminant tous ceux qui avaient le malheur de les croiser.

–Feu à volonté  ! hurla le Roy à sa garde rapprochée qui mitrailla en direction des portes de la Salle du Trône.

C’était sans compter sur les troupes de Bakhlanov qui avaient déferlé dans la grande cour et avaient petit à petit accaparé les quatre coins du Palais jusqu’à arriver à la salle principale, celle du Trône où siégeait le Roy Féodor VIII. Ce dernier avait des allures de Père Noël au régime, tellement sa barbe proéminente blanche cachait la partie basse de son visage. Cependant, au lieu d’un embonpoint bien entretenu, son corps cachait de nombreuses maladies telles qu’une hypertension, un diabète et un cancer du foie avec des métastases. Qu’est-ce qu’il avait perdu du poids en l’espace d’un an  ! Il n’était plus que l’ombre de lui-même. Cependant, malgré son âge avancé de 86 ans, ses yeux vitreux, le Roy n’était pas encore prêt à lâcher les rênes du pouvoir qu’il avait repris après le décès de son frère Féodor VII il y a trente ans. C’est ainsi que sa famille se relayait le pays depuis plus de cinq siècles, depuis leur plus ancien ancêtre, Féodor Ier du nom.

–Mais où sont nos ennemis ? s’exclama le Roy en ne distinguant plus rien de ses petits yeux parmi les bombes fumigènes qui enfumaient la salle.

Il aperçut alors chuter devant lui un objet sombre de la taille d’une balle de tennis.

–Grenade  ! s’écria son garde du corps avant de faire écran et d’encaisser de plein fouet la déflagration.

Profitant du vacarme et de la confusion, une dizaine d’hommes descendit depuis les baies vitrées situées au plafond à l’aide de cordes. À peine réceptionnés au sol sur les débris de verre et de corps calcinés, ils prirent pour cible l’escorte restante de la famille royale. Alors que les nombreux gardes du corps tentaient de neutraliser leurs ennemis qui tombaient du ciel, ils devaient aussi faire face à ceux qui venaient d’entrer en force par les portes de la Salle du Trône complètement éventrées. Cela ne dura que quelques minutes mais les troupes révolutionnaires armées lourdement de fusils d’assaut, de Kalashnikov, de grenades flashs venaient d’écraser le pouvoir en place d’un méprisant coup de pied.

Voyant le nombre de ses gardes s’amenuiser au fur et à mesure, le Roy Féodor VIII emmena sa jeune femme Leonilda et leurs deux enfants dans un recoin de la salle pour y trouver une porte dérobée et tenter de s’enfuir. Mais il dut vite se raviser en voyant le pistolet pointé sur lui par un homme de haute stature, les yeux noirs perçants, la barbe naissante, au charisme relativement imposant.

–Générall Sagaïev, le reconnut le Roy. Vous n’avez pas répondu à mes appels car c’était vous qui étiez à l’origine de ce putsch.

–En effet, voici mon oeuvre…, se contenta de répondre le Générall de son plus grand sourire.

Malgré son jeune âge de seulement 39 ans, Mikhaïl Sagaïev en paraissait au moins dix de plus. Cela était sans doute dû à une existence percluse de combats, de luttes et de morts successives. Néanmoins, quiconque l’admirait pouvait lire dans ses yeux une détermination à toute épreuve. Il semblait habité par une vision du monde, une conviction à même de transformer qui que ce soit dans son intégralité. Une aura palpable émanait de son être, si rare à dénicher dans le monde d’aujourd’hui.

Après avoir éliminé le dernier garde du corps, seules demeuraient les troupes de la révolution menées par le Générall Sagaïev et son fidèle Colonell Bakhlanov encerclant la famille royale de Wesperia. Cette dernière fut emmenée au milieu de la pièce, des dizaines d’armes les tenant en joue.

–Votre règne touche à sa fin, jubila Sagaïev de son ton le plus autoritaire.

–Comment osez-vous ? Je suis l’unique Roy de ce royaume  ! éructa le monarque en fin de vie de sa voix chevrotante.

–Non  ! Vous ne représentez que l’ombre d’un passé révolu, que l’asservissement du peuple à vos règles antiques et à celles de vos prédécesseurs, à votre religion et coutumes dépassées  ! le rappela à l’ordre le Générall. Il est temps maintenant de libérer notre peuple de votre oppression, de votre hégémonie de droit divin. Avec notre mouvement et moi-même, s’ouvre une nouvelle ère d’égalité, d’émancipation et de liberté pour notre pays  !

–J’ai connu beaucoup d’hommes comme vous qui prétendaient agir pour l’intérêt du peuple. Alors qu’en réalité, vous ne faites cela que pour vos propres intérêts. Vous vous prétendez défenseur de Wesperia mais vous n’êtes qu’un tortionnaire de plus qui va dépouiller le pays et abattre la population, répliqua le Roy, physiquement et moralement abattu.

–Vous vous y connaissez, n’est-ce pas ? Vous qui avez massacré plus de dix mille personnes durant votre règne, tint à lui faire remarquer Sagaïev.

–Je n’ai pas à me justifier. Je suis le Roy de ce pays  ! tenta-t-il de se convaincre lui-même.

–Crois ce que tu veux, vieillard. Dans le nouveau monde de paix que nous allons instaurer, toi et ta famille n’existerez plus.

–Vous allez me tuer ? Mais quel genre d’hommes êtes-vous ? s’écria le Roy, soudain pris de panique face à l’idée de mourir.

–Vous nous reprochez ça, alors que des centaines des nôtres croupissent encore dans vos prisons ? Alors que vous avez fait exterminer les ethnies que vous jugiez inférieures  ! Non  ! Je n’ai aucune leçon à recevoir de vous…

Le Roy Féodor VIII était désespéré. Tous ses gardes du corps gisaient sur le sol. Certes, ils étaient prêts à tuer pour lui. Mais ils ne s’imaginaient pas mourir pour sauver la pauvre carcasse qu’il subsistait de lui. Voilà donc comme il finirait, seul et abandonné. Aucun de ses soldats demeurés à l’extérieur n’avait envie d’intervenir. Le fracas des combats était terminé. Son existence ne tenait plus qu’à un fil. Que le Générall Sagaïev était sur le point de trancher avec grand plaisir. Ce dernier s’apprêtait à décocher le tir décisif, celui qui mettrait fin à la dynastie Féodor qui régnait depuis plus de cinq siècles sur Wesperia, qui spoliait le peuple, le rationnait, l’exploitait grâce au soutien de l’armée et des multinationales étrangères. Heureusement qu’il était là pour rétablir la justice. Heureusement qu’il était là pour rétablir l’ordre. Le doigt sur la gâchette, il s’apprêtait à conclure sous le regard apeuré de la Reyne et de ses deux enfants lorsqu’une silhouette familière fit irruption dans la pièce.

C’était une jeune femme d’une trentaine d’années, aux sourcils bruns, aux cheveux blonds, qui semblait flotter entre les décombres et les débris qui parsemaient la Salle du Trône. Habillée de teintes bleu nuit, aucune poussière ne paraissait susceptible d’atteindre la sérénité qui émanait de son visage.

Le Générall retint instantanément son geste en la voyant et marcha vers elle.

–Ne reste pas là, Delphine, ma chérie. Ce n’est pas ta place, essaya-t-il de la ménager.

La jeune femme lui chuchota quelques mots à l’oreille, ce qui dérida Sagaïev et finit de le convaincre. Puis elle saisit la main gauche de son mari, sourit, avant de se ranger à ses côtés. Le Générall comprit qu’il était inutile d’essayer de lui faire changer d’avis et rompit la distance qui les séparait du Roy. Là, il pointa de nouveau son pistolet en direction de sa tête. Féodor VIII, tremblotant de tout son corps, parvint à articuler  :

–Je vous en supplie, ne me tuez pas. Prenez ma famille, mes enfants mais ne me faites pas de mal. Ayez pitié…

Le Générall Mikhaïl Sagaïev regarda droit dans les yeux du Roy, tourna la tête vers sa femme avant de presser la détente. Puis il embrassa Delphine sur les lèvres.

Chapitre 2 Le meilleur des mondes

Sept jours. Cela faisait déjà une semaine que le coup d’État avait eu lieu. Le Générall avait élu domicile dans la demeure ancestrale des dirigeants de Wesperia, à savoir la plus haute des six tours du Palais. C’était au sommet de ce donjon qu’avait été aménagée une immense terrasse qui offrait un panorama superbe sur la ville et sa population. Un mirifique lever de soleil naquit à l’est dont les rayons zébraient la cité et mettaient en valeur les montagnes à l’horizon. En paix avec lui-même, Sagaïev se remémora les différentes étapes qui avaient conduit au succès incontesté de sa prise de pouvoir. Lui qui adorait prévoir la suite des évènements et surtout faire en sorte qu’ils se réalisent, était plus que ravi. Il avait parfaitement déterminé le nombre de pertes humaines dans les deux camps, le temps que prendrait l’invasion de chaque recoin du Palais, ce qu’il ferait au Roy quand il le verrait…

Tout était parfait. Certes, il aurait préféré qu’au moins un des officiers révèle les codes d’entrée du Palais afin de gagner du temps, de la discrétion, ce qui aurait évité de perdre une cinquantaine de ses soldats mais tant pis. Tout était parfait. C’était la pensée qui le guidait ce matin-là, lorsqu’il se posa sur la terrasse, sa tasse de café à la main. En cet instant, il imagina les prochains livres d’histoire qui le nommeraient comme le sauveur de Wesperia, à la suite des Roys et des Reynes avant lui. Il était bien normal qu’il ait droit au faste de leurs quartiers et appartements  : des centaines de mètres carrés sur plusieurs étages, un ascenseur privé, tout le confort digne des empereurs. Et de son rang aujourd’hui. Tout ça pour lui. Rien que pour lui. Car il le méritait  : n’avait-il pas ourdi ce fabuleux plan durant les six derniers mois ? Ne l’avait-il pas exécuté de la plus belle des manières ?

La nouvelle du coup d’état fomenté par le Générall Mikhaïl Sagaïev mit peu de temps à se répandre à travers tout le pays. Des plaines du nord aux monts gelés du sud, aucun Wesperian ne pouvait ignorer le changement de dirigeant. Ainsi, après cinq cents ans de dynastie de Roys de droit divin, l’armée avait renversé à l’occasion d’un putsch sanglant la famille royale ainsi que ses proches et même ses amis. La plupart se retrouvait exécuté sur la grande place publique au pied du Palais au milieu d’une foule en liesse, d’autres étaient emprisonnés ou condamnés aux travaux forcés dans les camps qui servaient autrefois à accueillir les opposants politiques. Ces derniers avaient été pour la majorité libérés tandis que les supporters de la monarchie avaient pris leurs places.

Cependant, ce n’était pas une révolution populaire à strictement parler  : en effet, l’armée du Générall n’avait pas organisé cette prise de pouvoir par la force avec l’appui incommensurable du peuple Wesperian. Au contraire, celui-ci n’en savait rien jusqu’au lever du jour où de nombreux véhicules munis de haut-parleurs parcoururent la capitale et les contrées alentours pour signaler le renversement de l’ancien régime en faveur du nouveau.

Qu’est-ce que cela changerait pour la population ? Elle ne tarderait pas à le savoir…

De par sa situation surélevée, Sagaïev pouvait admirer l’ensemble de la cité, les rues, les avenues, le fleuve Petroklas qui serpentait et la populace. À cela s’ajoutait un chaleureux vent de fraîcheur provenant des montagnes du sud, comme si la nature lui souhaitait une belle journée…

C’était aussi l’avis de Delphine, sa femme, quand elle vint le rejoindre. Seulement vêtue d’un drap qui l’enserrait voluptueusement jusqu’à la taille, elle s’approcha derrière lui, l’enlaça et posa délicatement sa tête contre le dos de son mari entièrement nu.

Elle n’en revenait pas d’être l’épouse du dirigeant d’un pays. Elle qui était née en France, dans un petit village du département de la Creuse, avait quitté le domicile familial à 18 ans pour faire ses études à Paris. Comment le hasard avait-il fait pour qu’ils se rencontrent ? En effet, avant d’être promu Générall, Mikhaïl Sagaïev n’était rien de plus qu’un des rares étudiants autorisés à partir de leur pays en raison de leurs cursus en économie étrangère. Pendant deux ans, il vécut dans le XXème arrondissement de la capitale française où il apprit d’ailleurs la langue. C’est durant ce séjour prolongé qu’il rencontra alors Delphine Duvauchelles, la jeune femme qui deviendrait son épouse quelques temps plus tard. Là où il se souvenait juste l’avoir rencontrée un beau jour de la fête de la musique le 21 juin, elle aurait pu écrire un roman de 700 pages. Car c’était un véritable coup de foudre qui s’était passé entre eux. Lui, étudiant étranger, brun à la peau mate, les yeux noirs, venant d’un pays de l’est de l’Europe et elle, âgée d’à peine 23 ans, les cheveux récemment teintés en blond, la peau claire, un grain de beauté au coin gauche des lèvres, les iris verts. Elle qui débarquait de la campagne, qui n’avait jamais vu une telle effervescence dans une ville. Elle qui n’avait jamais cru au coup de foudre, avait succombé à son regard enjôleur et masculin.

Delphine n’en revenait pas d’être tombée aussi rapidement amoureuse de lui, d’avoir craqué pour son caractère fort et fier, comme s’il était à même de déplacer des montagnes, de changer le cours des évènements à lui seul. Sagaïev manifestait une autorité peu commune, un charisme que tous lui reconnaissaient. C’était un chef né qui clamait haut et fort qu’il voulait retourner dans son pays et l’améliorer de fond en comble.

À maintes reprises, le révolutionnaire argumentait sur les changements qu’il effectuerait en tant que dirigeant, comment il anéantirait la caste royale qui se gavait sur le dos du peuple depuis des décennies. Comment il rétablirait l’enseignement à l’école afin d’éviter que les enfants partent travailler dans les mines de coltan ou dans les champs de maïs, comment il permettrait les soins pour tout le monde afin que le peuple soit en bonne santé, comment il récupérerait les ressources naturelles comme le pétrole dans les territoires du nord, le coltan au sud, le gaz à l’ouest. Il en avait assez de voir son pays dépecé par les multinationales européennes, américaines, asiatiques et russes qui exploitaient leurs ressources minières, détruisaient allègrement les forêts pour en récolter le bois sans en replanter les arbres, exploitaient les autoroutes et aéroports vendus une bouchée de pain par un Roy corrompu aux nombreux pots-de-vin.

Avec son talent inné d’orateur, il aurait pu facilement céder aux sirènes de la politique et accéder aux plus hautes sphères de la nation. Cependant, il opta pour l’armée où il gravit les échelons jusqu’à devenir l’un des Généraux les plus reconnus de Wesperia ainsi que de l’Europe. Il avait pris part à plusieurs conflits et en était à chaque fois ressorti vainqueur. Sa réputation le précédait à un tel point qu’il pouvait arriver que lorsque l’armée adverse apprenait que Sagaïev serait à la tête de l’armée opposée, ladite armée préférait trouver un accord plutôt que de subir une défaite cuisante.

Car le Générall avait non seulement pour stratégie de vaincre son ennemi mais surtout de l’écraser totalement, de l’annihiler complètement pour qu’il n’en reste que des miettes. « Pas de prisonniers » était sa devise. Son style de combat assez bulldozer piétinait littéralement ses adversaires pour leur couper toute envie de se rebeller. Même si l’armée de Wesperia était numériquement inférieure à celles de ses pays voisins, Mondaïgori et Cesador, certains arguaient que c’était son unique présence qui empêchait toute nouvelle tentative d’invasion. En effet, son talent de stratège lui avait permis en tant que Colonell à la mort de son Générall de reprendre le flambeau et de conduire son armée à la victoire lors de la bataille de Donakry. Lors de ce conflit à la frontière autour d’un monument historique commun à tous les peuples alentour, il les avait habilement pilonnés, humiliés, écrasés de toute sa rage alors que tous l’imaginaient perdant. Ainsi, il s’était fait un nom et avait accédé au grade tant convoité de Générall à seulement 38 ans.

À cette époque, Delphine avait la capacité de réfréner ses ardeurs bellicistes, de le raisonner sur des domaines où, dominé par sa frénésie et ses émotions à l’égard des puissants, il avait vraiment tendance à exagérer. Malgré son caractère sanguin, Sagaïev écoutait sa femme et adorait ces moments où elle n’était pas du tout d’accord avec lui. C’était la preuve qu’il avait bien déniché la bonne personne qui ne se contenterait pas de sourire béatement et d’approuver tout ce qu’il proférait sans réfléchir. Il était ravi d’avoir une femme aussi intelligente en face de lui, un esprit différent du sien à même de cogiter, de le contrer et de lui démontrer qu’il pouvait avoir tort de temps à autre. Comme l’idée d’avoir une femme soumise le révulsait  !

Cependant, quand il s’enrôla dans l’armée, il commença à devenir de plus en plus strict et autoritaire, discipline oblige. Sans doute par déformation professionnelle, sa personnalité mua pour devenir plus ferme, plus sévère, laissant transparaître une nouvelle détermination accentuée par une colère sous-jacente. Delphine le déduisit par un exemple très simple  : il rangeait ses propres vêtements. Bien que ça puisse paraître somme toute anodin, Sagaïev était réputé pour son bazar ambiant  : impossible pour lui de ranger ses habits et ses chaussures dans les armoires prévues à cet effet. Or, peu de temps après qu’il ait intégré l’armée, son caractère se renforça sur l’idée de l’ordre, du respect et de l’harmonie nécessaires. In fine, il en venait à reprocher à sa femme quand elle n’était pas aussi appliquée que lui à propos du rangement. C’était vraiment le monde à l’envers pour elle  !

Après l’avoir épousé à la mairie du XXème arrondissement de Paris lors de noces élémentaires, Delphine s’était envolée vers Wesperia pour son voyage de noces. Elle avait naïvement cru pouvoir garder un lien étroit avec sa famille et ses amis grâce aux réseaux sociaux et au court trajet de quatre heures d’avion. Force était de reconnaître que passés les six premiers mois, elle avait eu beaucoup de mal à entretenir une relation suivie avec son entourage avec qui elle ne partageait plus les mêmes choses. Elle se sentait démunie face à tous ces bouleversements importants même si elle en était la principale responsable. En effet, c’était uniquement par amour qu’elle avait suivi son mari, porté son nom, appris une nouvelle langue, avait totalement chamboulé son existence. Car elle croyait en lui, imaginait pouvoir le soutenir et l’aider à réformer Wesperia, sa nouvelle patrie d’adoption.

Quand Mikhaïl vint la voir ce soir de décembre avec la ferme intention d’organiser un coup d’État, elle ne fut pas du tout surprise. Depuis tout ce temps, elle se doutait bien qu’il n’avait pas opté pour la voie militaire sans bonne raison. S’il avait choisi d’être politicien, il serait devenu un autre rouage du système défaillant du pays. Or, en tant que soldat, Sergent, Caporall, Capitaine puis Générall, aidé de son ami de toujours le Colonell Bakhlanov, il avait réussi à réunir l’armée sous son autorité afin de renverser la famille royale qui régnait d’une main de fer depuis cinq cents ans.

Delphine l’encourageait car elle pensait qu’il apporterait enfin la stabilité nécessaire à la montée en puissance du pays. Qu’il améliorerait les conditions de vie de la population, qu’il lui permettrait d’atteindre la démocratie, qu’il promouvrait la liberté et la fin de la censure.

En effet, son accession au pouvoir octroya une énorme bouffée d’oxygène à la population. Les gens devenaient plus souriants dans la rue, un sentiment d’innocence et de renouveau parcourait chaque foyer, accordant un peu de bienveillance et de bonté à toutes celles et ceux qui se l’accaparaient. L’optimisme devint une valeur ascendante qui se propagea à toute la population au point d’être partagé par la majorité. C’était indéniable.

Tous les lundis, Delphine avait pris l’habitude de faire son marché dans le Quartier de Milos, à l’ouest du Palais. Elle adorait flâner entre les boutiques, comparer les produits qui lui étaient proposés, discuter avec les commerçants pour voir dans quel état d’esprit ils se trouvaient. C’était sa manière à elle de prendre la température et de constater l’évolution des mentalités au sein de la population. Et force était de constater que les personnes avec qui elle conversait semblaient d’humeur beaucoup plus libre et joviale qu’auparavant. Elle ne pouvait faire son marché sans passer par le magasin de Dimitri Kraznik, le principal commerçant du Quartier. C’était lui qui possédait ce qui pourrait s’apparenter à un supermarché au vu du nombre de produits qui couvraient ses dizaines d’étalages. Cependant, il avait gardé sa fibre sociale et continuait de travailler comme un simple commerçant qui n’avait qu’un seul produit à vendre. Il avait le don d’écouter sérieusement tout le monde, de considérer que chaque client était important et qu’il ne devait en négliger aucun.

Néanmoins, son caractère chaleureux s’accompagnait également d’un franc-parler sans langue de bois. En effet, il était sincère dans tout ce qu’il entreprenait et dans tout ce qu’il réalisait. Ainsi, il ne s’était pas gêné pour critiquer l’ancien Roy Féodor VIII, ce qui lui avait valu des amendes, des remontrances et des coups et blessures à plusieurs reprises par la police. Après quoi, il décida de se faire plus discret. À présent que le Roy n’était plus, il manifesta de nouveau sa joie de vivre, son envie de partager son regain de liberté providentielle. Delphine appréciait l’entendre louer les bienfaits octroyés par le nouveau dirigeant Sagaïev qui favorisait son commerce en baissant les impôts et les taxes. Elle se disait qu’elle avait bien eu raison de le soutenir.

De même, la jeune femme constatait que les pauvres qui décoraient les rues avaient été relogés gratuitement au sein d’habitations dignes de ce nom. Il y avait moins de personnes démunies qui dormaient aux pieds des immeubles ou qui squattaient de vieilles bâtisses abandonnées. Plusieurs chantiers d’écoles et d’hôpitaux commençaient à naître aux quatre coins de Lukansa la capitale. Un véritable vent de renouveau soufflait sur le pays, insufflant une volonté irrépressible de rebâtir l’histoire de Wesperia, instillant une envie inaliénable d’améliorer l’existence de ses habitants.

Delphine avait été très marquée lorsqu’elle avait visité des orphelinats où des enfants étaient gardés tandis que leurs parents croupissaient dans des prisons ou étaient condamnés aux travaux forcés. Elle avait alors assisté aux retrouvailles de ces familles séparées quelquefois depuis plusieurs années et qui avaient fini par être réunies grâce à la libération sans condition par ordre du dirigeant Sagaïev. Elle en était fière car c’était elle qui avait amené le sujet auprès de son mari et demandé sa rapide mise en oeuvre. Cependant, elle ne tenait pas à se mettre en avant et y avait assisté de façon incognito. En voyant les visages radieux de toutes ces personnes, en ressentant leurs émotions par son empathie, Delphine réalisa que c’était désormais son véritable objectif dans la vie  : rendre les autres heureux. Depuis qu’elle avait pris conscience de son existence, elle avait toujours fait en sorte d’aider autrui dans la mesure de ses moyens. En soutenant son mari, elle avait poursuivi son activité du mieux qu’elle le pouvait. Et à présent qu’elle était la Première Dame de Wesperia, elle pourrait le faire d’autant plus.

Ainsi, spontanément, elle s’intéressa davantage à tous les aspects de Wesperia, que ce soit sa culture, ses relations tendues avec ses pays frontaliers que sont Mondaïgori, Goverand et Cesador. Elle fit connaissance avec des pêcheurs sur la côte au nord-ouest, avec des artisans, des ouvriers qui récoltaient le coltan dans d’immenses carrières à ciel ouvert au sud du pays. Certes, les conditions étaient meilleures que celles en République Démocratique du Congo où des enfants travaillaient quinze heures par jour dans des tunnels menaçant à chaque minute de s’effondrer mais demeuraient tout de même précaires.

Même si l’existence restait pénible pour tous, un supplément de candeur s’insufflait dans le coeur de chaque habitant. Tout allait bien à Wesperia.

–Comment  ! Ils osent contester mon intégrité  ! hurla Sagaïev en balançant un journal à terre face à ses conseillers. Mais pour qui se prennent-ils ? Je suis Mikhaïl Sagaïev et ne reconnais aucun autre maître à part moi  ! Je suis là pour aider le peuple, pour lui venir en aide. Qui sont ces pseudo journalistes vendus à la liberté qui osent remettre en cause ma politique pour le bien d’autrui ? Qui sont-ils ? Où sont-ils ? ! Répondez-moi  !

Malgré toutes les réformes en vue d’aider la population, en dépit de tous les arguments positifs en faveur du nouveau régime, une voix plus mitigée émergea  : c’était celle de Ivanh Ostapenko, principal journaliste et cofondateur du média WesperEye. Ce dernier se composait d’une chaîne de télévision sur internet, d’une presse papier et d’une radio. Ostapenko avait suivi un cursus d’économie, de politique étrangère et de journalisme afin de décortiquer au mieux l’information. Même ses détracteurs reconnaissaient son talent et son charisme. En outre, il était réputé pour son honnêteté et sa sincérité même si son point de vue subjectif en faveur de la paix était clairement revendiqué.

Directeur en chef du journal indépendant WesperEye depuis plusieurs années avec son associée qui n’était autre que sa femme, il demeurait l’unique voix 100% libre dans tout le pays. En effet, plusieurs journaux existaient sous le régime du Roy Féodor VIII, tous subventionnés par l’État et devenant donc des organismes de propagandes éhontés qui ne s’en cachaient même pas. Féodor s’était fait connaître de par le monde par son musèlement de la presse d’opposition, sa violence contre les manifestations et l’écrasement de toute pensée alternative.

Sagaïev ne fit rien pour changer cela à son avènement. Cependant, les journaux auparavant en faveur du Roy ne tardèrent pas à vanter sa politique de redistribution des richesses, d’aides aux plus démunis. Seul WesperEye se posait la question du but recherché  : en effet, le dirigeant Sagaïev faisait-il cela pour secourir son peuple ou juste pour le manipuler et endormir sa vigilance ?

Face à l’assemblée de conseillers réunis autour de la table dans la salle de réunion principale, seul le plus éminent d’entre eux Igor Olivari osa prendre la parole  :

–M. Ostapenko a toujours opéré dissimulé, répondit-il de sa voix placide. Il utilise des connexions internet sécurisées très difficiles à tracer et une station radio pirate. De même, son journal se passe sous le manteau par des vendeurs à la sauvette. Et si jamais quelqu’un était surpris à vendre ces journaux…

Le Conseiller se leva de sa chaise, prit une page du journal jeté au sol, revint à la table où il se versa un verre d’eau…

–Mais qu’est-ce que vous faites? s’énerva Sagaïev.

… y plongea la feuille de papier qui mit une seconde à se désagréger.

–…il ferait disparaître toutes les preuves.

–Je vois. C’est quelqu’un qui a pensé à tout. Et sa famille ? A-t-il une famille ?

–Oui, monsieur.

–Retrouvez-la moi et je lui montrerai ce qu’il en coûte de raconter n’importe quoi sur moi  !

Le Générall baissa la tête et aperçut les dizaines de décorations militaires qu’il arborait fièrement.

– Bien évidemment que je veux aider mon peuple. Tant qu’il ne se rebelle pas contre moi…

Chapitre 3 Aleksandryna Zoltova

«  Je jure allégeance au dirigeant incontesté de Wesperia, qu’il nous guide vers la voie de la liberté ou que la mort m’emporte  ! » scandèrent les soldats à l’adresse du Générall, un énorme sourire sur le visage. Sagaïev était plus qu’heureux d’avoir balayé ses doutes afin de réaliser l’impensable. Instaurer la paix à sa patrie. Les bataillons de soldats alignés devant lui un mois après son putsch en était la meilleure et la plus digne expression. Et leur serment la plus belle des récompenses. En effet, il tenait à faire lui-même l’inspection de ses troupes en vue de s’assurer de leur totale coopération à ses directives. Lorsqu’il aperçut une silhouette familière se rapprocher de lui  :

–Depuis quand tu me fais suivre par un de tes hommes quand je fais mon marché ? s’écria Delphine.

–Je ne te fais pas suivre. Je tiens à te protéger. C’est pour que ça que j’ai fait appel à Andropov, répondit calmement Sagaïev en l’éloignant des soldats.

Ayant conclu son inspection, il marcha avec la Première Dame qui venait de faire les provisions de la semaine. Pour lui, les occupations de sa femme ne le gênaient pas tant qu’elle restait protégée. C’était le sujet où il restait intraitable  : sa sécurité. Quelle ne fut pas sa surprise en constatant qu’elle avait décidé de ne pas s’embarrasser d’un garde du corps. C’est pourquoi il avait choisi de faire appel au colosse qui attendait tranquillement à l’autre bout de la salle du Trône dans laquelle ils entrèrent.

–Oui, je l’ai vu pendant que je faisais les courses aujourd’hui. Je n’ai pas besoin de ça.

–Mais enfin, tu es la femme d’un grand dirigeant, tu dois être protégée  ! insista-t-il.

–Protégée contre qui ? Pourquoi notre peuple nous voudrait-il du mal ?

–Je n’ai jamais dit que notre peuple te voudrait du mal, voyons. Juste qu’il existe forcément des personnes qui n’approuvent pas ma politique ou encore des déséquilibrés prêts à tout pour me déstabiliser en s’en prenant à toi. Tu comprends ça ?

–D’accord, concéda-t-elle, ces dernières paroles faisant réfléchir Delphine. Un seul garde du corps alors.

–Non, trois, rectifia-t-il. Andropov n’est que le premier.

–Un.

–Deux.

–Un  ! conclut-elle la conversation.

–Très bien, accepta-t-il en maugréant. J’ordonnerai à Andropov de continuer.

–Non, je veux pouvoir choisir.

–Comment ça ?

–Si j’accepte, je décide qui sera mon garde du corps.

–Très bien. Figure-toi que j’avais anticipé ta réaction, sourit-il. Faites-les entrer.

Les portes de la Salle du Trône s’ouvrirent, laissant apparaître quatre énormes armoires à glace. Andropov les rejoignit et ils se postèrent face au couple. Pour un peu, on aurait dit cinq frères tellement ils se ressemblaient même s’ils n’avaient aucun lien de parenté si ce n’est leur carrure impressionnante. Assis sur le trône, Sagaïev attendit qu’ils approchent, sa femme à sa droite  :

–Choisis lequel tu préfères. Ils sont tous hautement qualifiés, ont servi dans les forces spéciales et ont tué bon nombre de personnes avant de se recycler dans la protection rapprochée.

Delphine s’avança vers eux, les scruta un instant  : on aurait dit les frères Dalton avec Andropov dans le rôle de Joe…

–Aucun ne me convient, se retourna-t-elle vers Mikhaïl.

–Comment ça ? Mais tu les as à peine regardés.

–Tu les as vus ? Tu sais que je suis de nature discrète. Comment veux-tu que je fasse mon marché avec un mastodonte de 2,50 mètres à mes côtés ? Ça attirera surtout l’attention sur moi.

–Tu comptes toujours faire ton marché le lundi ? Tu sais que j’ai une armée de domestiques qui peuvent aller faire les courses à ta place. En plus, tu m’as toujours dit que tu étais agorapho…

–J’aime faire les choses par moi-même, lui rétorqua-t-elle. Et je ne pourrai les faire avec un colosse qui effraie les commerçants.

–Qu’est-ce que tu proposes alors ?

Delphine demanda à se rendre à la principale caserne militaire de la capitale à la sortie du Palais. Là, elle assista à la séance d’entrainement en cours. Escortée pour le moment de son énorme garde du corps, elle fit irruption au milieu de la grande salle où étaient disposés de nombreux tatamis. Tous les soldats présents répondaient aux ordres du Lieutenant Vergoff, leur chef instructeur. Ce dernier siffla deux fois, indiquant à ses troupes de stopper immédiatement toute activité et de se regrouper face à lui.

–Je vous présente son Altesse Delphine Sagaïev, la Première Dame de Wesperia, épouse de notre bien-aimé dirigeant Mikhaïl Sagaïev, débuta-t-il.

L’ensemble des soldats se plaça au garde-à-vous.

–Merci à toutes et à tous. Poursuivez, leur indiqua-t-elle.

Pendant que l’entrainement reprit de plus belle, Delphine se rapprocha du Lieutenant. C’était un petit homme trapu au regard sombre si petit qu’il aurait pu être nain. Néanmoins, il faisait également partie de cette classe d’hommes dont l’autorité s’imposait d’elle-même. Nul besoin pour lui d’élever la voix pour se faire entendre et respecter. En effet, il était toujours un des héros incontestés de Wesperia depuis sa victoire sur la nation frontalière Cesador il y a quelques années.

–Je suis actuellement à la recherche d’un nouveau garde du corps plus discret que l’actuel, efficace et surtout qui sache se fondre dans la masse, lui expliqua-t-elle la raison de sa venue.

–Bien entendu, votre Altesse.

–Pas de ça avec moi. Je ne suis pas Reyne et mon mari n’est pas Roy. Appelez-moi juste Madame.

–Oui, Madame. Pardonnez-moi, la force de l’habitude. J’ai des candidats parfaits pour ce rôle.

Le Lieutenant Vergoff, talonné par Delphine, défilait parmi les troupes. Il lui montra à chaque fois ses plus vaillants soldats, à savoir ceux qui avaient engendré le plus de victimes. Fidèle à sa discipline stricte, il les qualifia chacun de trois adjectifs avant de passer au suivant  : « rapide, furtif, impitoyable » pour l’un, « létal, sans pitié, carnassier » pour un autre. Elle avait l’impression qu’on lui décrivait les nouveaux dinosaures carnivores sortis tout droit des usines de Jurassik Park.

À l’instar de l’actuel garde du corps au physique d’armoire à glace, ceux-là étaient plus passe-partout. Néanmoins, sur leur visage se dégageait une espèce de violence inhérente qui n’inspirait pas du tout confiance à Delphine. Comme si les années offertes à la guerre avaient fini par déformer leurs traits et leur imprimer une expression de crispation brutale et immuable. Elle ne savait pas s’ils étaient là pour la protéger ou pour l’agresser… ! Déjà qu’elle était agoraphobe et qu’elle avait donc peur de la foule, il ne faudrait pas rajouter une crainte supplémentaire  : est-ce que la peur de se faire tuer par son propre garde du corps a déjà été créée ?

–Il n’y a pas de femme dans l’armée ? s’étonna la Première Dame.

–Non, elles ont toutes abandonné, se contenta de répondre le Lieutenant Vergoff.

Puis, constatant qu’aucun de ses meilleurs hommes ne donnait satisfaction, il demanda à prendre congé pour retourner à l’entrainement. Delphine fit volte-face, déçue de devoir repartir avec son garde du corps qui faisait deux fois sa taille et trois fois son poids. Qu’est-ce qu’elle détestait avoir l’impression d’être une pauvre jeune femme en détresse prête à être kidnappée par King Kong lui-même  ! Sur le chemin, elle décida d’aller aux toilettes. En ouvrant la porte menant aux dames, elle tomba sur une silhouette féminine plus haute que la sienne, la tête plongée et abattue entre les mains, les coudes posés sur le lavabo. Delphine craignait de l’avoir surprise mais la personne en face d’elle ne parut pas remarquer sa présence.

–Bonjour soldat, entama-t-elle la conversation, intriguée.

La femme retira ses mains de son visage, laissant apparaître une peau mate aux yeux gonflés et rougis. Apparemment, elle sanglotait depuis de nombreuses minutes.

–Bonjour Madame  ! répondit-elle en faisant le garde-à-vous, reconnaissant en un instant son interlocutrice. Je suis la soldat de premier classe Aleksandryna Zoltova. Seconde d’infanterie.

–Repos. Pourquoi pleuriez-vous?

–Je ne pleurais pas, Madame.

–Vous osez mentir à votre Première Dame?

À présent qu’elle la voyait de face, Delphine put constater le physique élancé et sportif de la soldat. Si elle n’avait pas fait l’armée, elle aurait facilement pu devenir top model avec sa fine bouche charnue et ses longs cheveux noirs soyeux repliés en chignon discret. Le style de femme qui, de par sa perfection naturelle, était susceptible de faire enrager des millions d’autres.

Voyant qu’elle ne pourrait feindre son état, la soldat se ravisa  :

–Je pensais à mon fils qui est opéré en ce moment. Mon mari vient de m’annoncer qu’il y a eu des complications et que les médecins l’ont plongé dans un coma artificiel. Ils ne sont pas sûrs qu’il se réveillera un jour.

À son ton, Delphine comprit qu’on lui disait la vérité.

–Je comprends. N’essayez plus jamais de me raconter des histoires, la mit-elle en garde.

–Oui, Madame.

–Combien y a-t-il de femmes dans cette salle d’entrainement ?

–Je suis la seule.

–Et pourquoi cela?

–Le Lieutenant Vergoff considère que ce n’est pas notre rôle que d’intégrer l’armée. Toutes mes collègues sont rentrées chez elles. Je suis la seule à avoir pu lui tenir tête, expliqua la soldat.

–Et comment ?

–Je l’ai battu en combat singulier. Il a dû accepter de me garder, répondit-elle non sans une pointe de satisfaction.

–Pensez-vous que les femmes sont aussi dignes que les hommes pour défendre notre pays ?

–Oui, je partage cette conviction, Madame.

–Alors suivez-moi  !

En sortant des toilettes, Delphine fonça directement à la rencontre du Lieutenant.

–J’ai décidé que Mme Zoltova ici présente serait ma nouvelle garde du corps.

–Vous plaisantez ? faillit-il s’étrangler en jetant un oeil concupiscent sur Aleksandryna.

–Le Générall Sagaïev a décrété que je pourrai choisir ma garde du corps à trois conditions  : que la soldat soit au moins gradée Sergent, qu’elle ait fait ses preuves, ce qu’elle a démontré en vous battant au combat. Et qu’elle gagne face à mon actuel garde du corps…

–Je vous arrête tout de suite, elle m’a battu avec beaucoup de chance, l’interrompit Vergoff avec son sourire narquois. Mais je connais Andropov comme mon fils, ayant été son instructeur. Il n’en fera qu’une bouchée.

Delphine se tourna vers Aleksandryna, plus qu’étonnée, et l’emmena trois mètres plus loin  :

–Je sais que c’est brusque mais je veux que vous deveniez ma nouvelle garde du corps.

La soldat décortiqua du regard le mastodonte qui retira sa veste et commença à s’échauffer, dévoilant ses muscles saillants sous les yeux admiratifs des troupes.

–Je comprends, Madame, mais je veux défendre mon pays, c’est-à-dire tout le monde. Protéger une seule personne ne m’intéresse pas.

–Écoutez-moi  : si un jour je deviens la dirigeante de Wesperia, vous seriez parfaitement dans votre rôle…

Remarquant que son argument ne faisait pas mouche, Delphine enchaîna  :

–Je vous propose un marché  : vous l’écrasez haut la main et je ferai en sorte d’aider votre fils à s’en sortir.

–Comment ?

–Je trouverai un moyen d’y arriver. Je suis quand même la Première Dame. Allez, faites-le pour votre pays. Faites-le pour moi. Et pour votre fils.

Aleksandryna Zoltova fixa son interlocutrice au fond des yeux. Elle qui hésitait devint de plus en plus sûre d’elle. Même si elle venait de la rencontrer, elle réalisa que Delphine avait un don pour donner de l’assurance aux gens car elle leur disait la vérité. De par sa sincérité, elle insufflait ce supplément d’énergie nécessaire à la réalisation de toute entreprise, de la plus simple à la plus titanesque. Revigorée, intriguée, la soldat se demanda ce que la Première Dame pouvait bien lui trouver pour requérir un tel dévouement de sa part. Néanmoins, elle s’exécuta.

Les deux combattants se placèrent sur chaque coin du tatami. Le Lieutenant se plaça entre eux pour leur expliquer l’unique règle  : il n’y en a pas  ! Et le combat commença. Malgré son impressionnant gabarit, Andropov se révéla assez agile. Aleksandryna s’étonna de voir avec quelle rapidité il parvenait à enchaîner ses mouvements. Heureusement pour elle, sa souplesse et sa vélocité lui permirent d’esquiver les attaques successives de son adversaire. Un rebond par-ici, une esquive par-là, elle tenait à déterminer les caractéristiques de son adversaire avant de contre-attaquer. Andropov manifestait une puissance incroyable. Elle sentait que si elle relâchait sa défense juste un instant, elle serait happée par cette force herculéenne qui ne reculerait devant rien pour l’écraser entre ses pattes d’ours. Et elle ne tenait pas à sentir ses os se faire broyer par un tel colosse. Une vraie montagne.

La soldat évita un gigantesque crochet et expédia plusieurs coups de poing bien placés mais son adversaire ne broncha pas malgré le sang qui commençait à dégouliner de ses lèvres. Comme si cette avalanche de muscles hypertrophiés avait encaissé ses attaques comme si de rien n’était. Alors qu’elle cogitait une seconde sur une nouvelle stratégie, son opposant en profita pour rompre la distance entre eux deux d’un énorme pas en avant afin de la saisir à la gorge. Les pieds flottant à vingt centimètres du sol, la soldat frappa de toutes ses forces sur l’énorme étau qui l’enserrait. En vain. Sous les applaudissements de la foule de soldats en délire qui acclamait leur champion, elle allait perdre le duel…

Aleksandryna aperçut alors Delphine du coin de l’oeil qui la fixait avec intensité. La Première Dame ne semblait pas le moins du monde peinée par la douleur qui l’étreignait. Se rend-elle compte qu’elle m’a demandée de me battre contre ce mastodonte et que je vais sans doute en mourir ? se demanda-t-elle. Ne ressent-elle rien ? Pourquoi ne dit-elle rien pour arrêter ça ? Comment vais-je faire pour retrouver mon fils ? Puis Aleksandryna réalisa que le regard que lui jetait Delphine valait toutes les paroles du monde. De par l’expression qui s’en exhalait, elle lui intimait de remporter ce combat. Elle lui communiquait une forme de pouvoir, de volonté, d’obstination que la soldat saisit à la volée. Oui, Madame  !

Elle ferma les yeux, concentra ce qui lui restait d’énergie dans son poing gauche et l’envoya dans l’aisselle d’Andropov. Sous la puissance inattendue de l’impact, son adversaire relâcha un peu son emprise. La soldat envoya alors un fulgurant coup de pied à la tête qui le fit totalement lâcher prise. Elle se réceptionna au sol avant d’enchaîner par une salve de coups de pied savamment placés aux genoux et aux chevilles qui déséquilibrèrent son opposant. Jouant de sa vitesse et de son habileté, Aleksandryna dansait littéralement autour de son opposant qui commençait à s’épuiser. En effet, le gabarit d’Andropov comportait un défaut non négligeable  : il consommait beaucoup trop d’énergie, nécessitait trop d’oxygène pour tenir un combat de longue haleine. D’où une endurance amoindrie à chaque seconde qui passe. Que la soldat utilisa pour frapper précisément aux zones de faiblesses. Sous les yeux circonspects de la foule qui n’en revenait pas de voir leur champion mené par le bout du nez par une femme. Aleksandryna esquiva un crochet dévastateur avant d’asséner un fulgurant coup de coude sous le menton de son adversaire qui, complètement sonné, s’écroula hors du terrain. Elle avait remporté le duel  !

–Vous serez d’accord pour dire que Madame Zoltova a remporté le combat, affirma Delphine au Lieutenant Vergoff, laissant à peine le temps aux soldats de constater la défaite d’Andropov. Je décide donc qu’elle sera ma nouvelle garde du corps.

–Attendez ! La dernière condition était qu’elle possède un grade de Sergent.

–Alors qu’attendez-vous pour la promouvoir ? répliqua-t-elle du tac-au-tac.

Delphine sortit de la salle d’entrainement, talonnée par Aleksandryna, sous les regards encore médusés des soldats qui tardaient à comprendre ce qui venait de se dérouler.

–Vous disiez la vérité pour mon fils ? s’enquit la nouvelle Sergent.

–Oui. Envoyez-moi les infos nécessaires et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le sauver. Vous êtes désormais ma garde du corps personnelle.

Chapitre 4 Delphine Duvauchelles