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Extrait : "Octavie : Bonjour, chère belle. Bonjour madame. Catherine : vous arrivez bien : j'allais dire du mal de vous. Octavie : Que je ne vous dérange pas, continuez, je vous en prie. Catherine : Vous permettez ? Octavie : Voulez-vous que je vous aide ? De quoi s'agit-il ? (Elles s'asseyent sur les petits canapés en équerre.) Catherine : De votre héros. Octavie : Ah ! du baron ! Quand donc lui pardonnerez-vous sa belle conduite ?"
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :
Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :
• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 119
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M. DE SAINTE-AGATHE : MM. GOT.
PIERRE CHAMPLION : DELAUNAY.
BARON D’ESTRIGAUD : BRESSANT.
VICOMTE ADHÉMAR DE VALTRAVERS : COQUELIN.
COMTE DE PRÉVENQUIÈRE : THIRON.
CATHERINE DE BIRAGUE : Mmes FAVART.
OCTAVIE, comtesse de Prévenquière : MADELEINE BROHAN.
MADAME HÉLIER : JOUASSAIN.
SIMON, valet de chambre : M. COQUELIN CADET.
MARIETTE, femme de chambre : Mme TORDEUS.
UN DOMESTIQUE : M. TRONCHET.
Les théâtres se sont multipliés en province, et c’est entre eux une course de vitesse à qui jouera premier les pièces nouvelles – au grand détriment de l’exécution. Pour obvier à cet inconvénient, la représentation de Lions et Renards est interdite, dans les villes qui ont plus d’un théâtre, sans une autorisation spéciale de M. ROGER, agent des auteurs dramatiques.
Les directeurs des théâtres allemands qui voudraient représenter la pièce doivent s’adresser à M. OBERMAYER (50, rue de l’Université), à qui l’auteur a cédé tous ses droits pour l’Allemagne.
E.A.
S’adresser, pour la mise en scène, à M. CHEVALIER, second régisseur au Théâtre-Français.
La scène est à Paris, de nos jours.
Un magnifique salon, style Louis XIII, chez mademoiselle de Birague. – Dans un pan coupé la statue d’argent d’Henri IV enfant. – Dans l’autre, en pendant, une armure du XVe siècle. – Au fond, une cheminée monumentale dans laquelle est encastré un portrait en pied du chancelier de Birague ; portes de chaque côté de la cheminée, donnant dans un premier salon ; portes latérales. – Au milieu, une table carrée ; à droite, un grand canapé accosté d’une petite table ; à gauche, deux petits canapés en équerre reliés par un guéridon.
Mariette, Simon, époussetant les meubles.
Dites donc, mademoiselle Mariette, quel est ce paroissien en robe rouge ?
C’est un des ancêtres de mademoiselle, le chancelier de Birague, en son vivant garde des sceaux du roi Charles IX, il y a plus de cent ans. Vous voyez, monsieur Simon, que vous n’êtes pas entré chez des gens d’hier.
Ça me change. – Et cet autre particulier dans sa coquille de fer ?…
Ça n’est personne. C’est une armure des anciens temps que nous appelons monsieur, parce que mademoiselle dit quelquefois en plaisantant qu’il n’y aura jamais d’autre maître dans la maison.
Et pourquoi ne veut-elle pas se marier ? Ce ne sont pas les épouseurs qui doivent lui manquer ?
Je vous en réponds ! Mais elle serait bien bonne enfant de donner un maître à ses écus ; car un mari, ce n’est que cela.
Il y a des fois… Mais, ordinairement, les demoiselles croient que c’est autre chose.
Oui, mais il faut vous dire que mademoiselle n’a pas toujours été riche comme elle est. Je l’ai connue avec six mille livres de rente pour toute fortune. Elle avait alors une simple chambre dans l’appartement du comte de Prévenquière, son tuteur, et personne ne songeait à l’épouser, quand tout à coup, l’an dernier, il lui arriva un héritage de neuf millions.
Excusez du peu ! Ce n’est pas à moi qu’une pareille cheminée tomberait sur la tête !
Vous n’avez pas une tête à ça, mon cher ; et puis votre arrière-grand-oncle n’aura probablement pas songé à émigrer dans les Indes orientales.
Est-ce que nous avons des arrière-grands-oncles, nous autres !
Comme le cher homme, dont on n’avait pas eu de nouvelles depuis la Révolution, est mort sans faire de testament, il s’est trouvé que mademoiselle était sa seule héritière. Pour lors, elle s’est dit, je suppose : « On ne voulait pas de moi quand j’étais pauvre, on ne m’aura pas maintenant que j’ai de quoi vivre… » Et elle a monté sa maison sur ce pied-là.
Elle a de la tête. J’aime ça. Il doit y avoir de fameux profits chez vous !
Pourquoi donc ?
Tiens ! les amoureux…
Mademoiselle est la sagesse même, mon cher. Cela vous étonne ?
Ça me change !… pas de mari et pas d’amoureux ? Il y avait de tout ça dans la maison d’où je sors. – Mais qu’est-ce que les gens de la société disent de cette manière de vivre ?
Que voulez-vous qu’on dise ? Il n’y a rien à dire.
Ce n’est pas une raison.
Excepté de se marier, mademoiselle a fait toutes les concessions possibles au qu’en dira-t-on. Elle continue à demeurer avec son tuteur : seulement, elle a acheté l’hôtel, elle s’est installée au rez-de-chaussée, et le comte de Prévenquière est devenu son locataire. Elle s’est donné une vieille dame de compagnie, madame Hélier, qui habite avec elle et la suit partout, dans le monde, au spectacle, en voyage…
Comme qui dirait une tante en location.
Une femme très capable, mon cher, et de très bonne famille, à ce qu’il paraît : un de ses frères est évêque aux colonies… pas celui qui vient ici.
Pas le bossu, je pense bien ! Il y a un conseil de révision pour l’Église comme pour l’armée… C’est égal, je vois qu’il n’y a pas grand-chose à faire ici.
Il n’y a rien à faire du tout ; mais vous n’y perdrez pas ; mademoiselle est très généreuse.
Alors, le genre, chez vous, est d’aimer les maîtres ?
Oui, mon cher ; si ça ne vous va pas…
Oh ! ça m’est égal… Ça me change ! – Et le tuteur, le comte de… de… ?
De Prévenquière.
Faut-il aussi que je l’aime ?
C’est inutile. Il n’a pas voix au chapitre… Toute la fortune est à sa femme.
Tiens ! J’aurais cru le contraire. Pourquoi une si belle personne a-t-elle épousé ce petit chafouin ?
Pour être comtesse, donc ! Elle avait eu pour premier mari un agent de change, M. Clampanin, qui l’a laissée veuve et riche. Riche, c’était bon, mais veuve Clampanin, ce n’était pas drôle ! Elle est belle et fine, elle a tourné la tête au brave comte et s’est remariée sous le régime de la séparation de biens. Son titre ne lui coûte rien.
Pas bête ! Je vais me mettre à l’aimer beaucoup.
Et surtout à la respecter, monsieur Simon ! elle est fière…
Comme toutes les parvenues.
C’est monsieur qui est noble et c’est madame qui se croit née maintenant.
Et la première femme de chambre, faut-il que je la respecte… ou que je l’aime ?
On vous dira ça plus tard, mon cher. – Madame Hélier !
Les mêmes, Madame Hélier, puis Catherine.
Où est mademoiselle ?
Dans la serre, madame. Simon sort.
Comment est-il, ce garçon-là ?
Il paraît un peu moderne.
Il m’est pourtant recommandé par l’abbé Poirel. Nous aurons l’œil sur lui. À part. Je ne veux ici que des gens à ma dévotion.
Voici ma récolte, arrangeons nos bouquets… Mariette sort.
Vous ferez-vous une coiffure de fleurs naturelles, ce soir ?
Pourquoi ? Pour aller chez la duchesse ? Ma foi, non. Je suis allée à son dernier mercredi, je me donne congé aujourd’hui.
Elle n’aime pas qu’on la néglige.
Tant pis ! C’est trop ennuyeux.
Prenez garde, ma chère enfant ! Madame de Morvan, par sa naissance, son âge et sa piété, exerce, vous le savez, une espèce de magistrature dans le monde. Vous avez plus besoin que personne de son haut patronage.
Elle est mon sauf-conduit, je ne l’ignore pas. Aussi me laissé-je docilement couvrir de son amitié insidieuse, me réservant d’en éviter les piégés…
Quels piégés, ma chère Catherine ?
Ne les voyez-vous pas ? Elle ne m’emmaillote de ses bontés que pour me donner un jour pieds et poings liés à quelqu’un de ses protégés en quête d’héritière. Il y a une petite conjuration ourdie dans le noble faubourg pour empêcher mes millions de passer à l’étranger, c’est-à-dire à un roturier quelconque ; car on me croit très romanesque, si ce n’est un peu folle.
Pour romanesque, on ne se trompe peut-être pas beaucoup.
Je l’étais, mais je ne le suis plus. Je l’étais quand j’espérais qu’un pauvre gentilhomme jetterait les yeux sur moi et m’offrirait d’unir sa pauvreté à la mienne… Hélas ! j’atteignis ma majorité sans que cet Amadis se présentât. Je m’étais résignée à coiffer ma patronne, sans amertume, sinon sans tristesse, n’imputant mon abandon qu’à mon peu de charme ; mais, quand je me vis, le lendemain de mon héritage, assiégée par les quémandeurs de dot, oh ! alors, ma résignation devint de l’indignation ; je fus prise d’un invincible dégoût pour le mariage tel qu’il se pratique aujourd’hui ; et, puisque les hommes n’y cherchent que la protection d’une fortune, je me jurai que ma fortune ne protégerait jamais que moi, et qu’après moi, elle irait tout entière aux pauvres. Vous voyez que je suis plus misanthrope que romanesque.
Misanthrope, à votre âge !
Oh ! je ne méprise que les civilisés. Je me plais à croire qu’on trouve encore quelque désintéressement parmi les barbares. Je suis parfois tentée d’y aller voir et d’imiter lady Stanhope, qui s’établit en Orient avec ses richesses et devint quasiment reine des Bédouins. Vous seriez mon premier ministre, ce n’est pas à dédaigner dans ces pays-là. Ah ! l’Orient, où poussent en pleins champs toutes les fleurs que nous élevons ici en serre chaude ! – Elle est jolie, cette branche de camellia. – Quand partons-nous ?
Je n’aime pas ces plaisanteries-là.
Vous croyez que je plaisante ?
On ne sait jamais avec vous. Votre tuteur vous a tellement farci la tête d’histoires de voyages, que vous seriez capable d’aller, comme lui, au bout du monde.
Il n’est jamais allé jusque-là. Ses pérégrinations les plus lointaines n’ont pas dépassé le Caire, et il y a longtemps.
J’aurais cru, à l’entendre, qu’il avait pénétré au fin fond de la Cafrerie.
Il y a pénétré, si vous voulez… par procuration. Depuis qu’il est de la Société de géographie, il s’intéresse si passionnément à toutes les explorations dangereuses, qu’il finit par se persuader qu’il en a fait partie. Il a suivi Barth, Speke et Livingstone. Il ne jurerait pas qu’il ait accompagné le capitaine Cook, mais il est certainement le seul survivant de l’expédition de sir John Franklin. Aussi sa femme l’appelle-t-elle assez plaisamment le voyageur en chambre.
Elle a de l’esprit, madame de Prévenquière.
Pas toujours… Elle manque souvent de tact, madame veuve Clampanin.
Que voulez-vous ! la première éducation !
Ainsi, hier, à l’Opéra, elle m’a fait une balourdise !…
Comment cela ?
Figurez-vous que le baron d’Estrigaud…
Les mêmes, Octavie.
Bonjour, chère belle. – Bonjour, madame
Vous arrivez bien : j’allais dire du mal de vous.
Que je ne vous dérange pas, continuez, je vous en prie.
Vous permettez ?
Voulez-vous que je vous aide ? De quoi s’agit-il ? Elles s’asseyent sur les petits canapés en équerre.
De votre héros.
Ah ! du baron ! Quand donc lui pardonnerez-vous sa belle conduite ?
Quand on ne lui en fera plus un piédestal, quand on ne le traitera plus d’homme antique pour avoir payé ses différences de bourse.
Ce n’est déjà pas si moderne.
Mais quel est donc le fond de l’affaire ?
Il est très simple : il y a quatre ans, M. d’Estrigaud perd, sur un coup de bourse, huit cent mille francs qu’il ne peut payer…
Et qu’il laisse à la charge de son agent de change et ami M. Clampanin.
Peu importe le nom. Il fait un plongeon de dix-huit mois ; on n’entend plus parler de lui, et Dieu sait les ridicules histoires qui courent sur son compte pendant cette absence ! Il commençait à être oublié, quand tout à coup il reparaît avec un héritage qu’il emploie jusqu’au dernier sou au payement de sa dette. Eh bien, je dis que c’est très beau.
Avouez que vous seriez moins enthousiasmée si la restitution n’était pas tombée dans votre bourse.
Ah ! ma chère, la question d’argent n’existe pas pour les gens de notre sorte. D’ailleurs, la conduite du baron a été fort admirée dans le monde, et ceux qui l’avaient le plus décrié ont été les premiers à lui faire amende honorable.
Parce qu’on le redoute… et on a bien raison.
Lui ? le meilleur des hommes !
Et le plus habile.
Où voyez-vous cela ?
D’abord, à la façon dont il conduit le siège de ma fortune.
Je ne comprend pas.
Ne vous êtes-vous pas aperçue qu’il veut m’épouser ?
En voilà la première nouvelle.
Je n’ai pas besoin de vous dire que je n’y mets pas la moindre fatuité, et que je n’attribue ses hommages qu’à mes millions.
Mais quels hommages ? Je n’ai rien vu de pareil.
Ah ! son entreprise est très bien déguisée. Il m’affiche avec tant de respect, il me circonvient avec tant de réserve, qu’il est insaisissable. Autrement, j’aurais déjà coupé court à ses petites manœuvres.
Je tombe des nues.
Tombez-en, mais à l’avenir ne lui prêtez plus la main comme vous l’avez fait hier… très innocemment.
En quoi donc ?
C’est ce que je racontais à madame Hélier quand vous êtes arrivée. À madame Hélier. Le baron, pendant un entracte, vient faire une visite à madame dans ma loge…
Quoi de plus naturel ?
Rien. – Mon tuteur, qui a l’oreille un peu dure, se plaint qu’il entend mal de sa place.
Le baron lui offre sa stalle, quoi de plus poli ?