Nous-mêmes - Thierno Diallo - E-Book

Nous-mêmes E-Book

Thierno Diallo

0,0

Beschreibung

Une nuit vouée à l'écriture et aux égarements de la pensée...

Seul le bruit du stylo sur un lit de feuilles blanches résonnait dans cette chambre à l'atmosphère silencieuse.
Que peut-on écrire toute une nuit lorsque l'on est aussi égoïste et ingrat ? avait-elle pensé.
L'histoire de Lui et Elle, mélangée à toutes les autres, flottait dans cette chambre à l'ambiance nocturne.
Cette auteur avait fini par plonger dans un sommeil profond, alors que le sort du monde commençait à cet endroit.
Notre planète méritait-elle d'être sauvée ? À vous de juger.

Il était une fois un mot jouant avec d’autres, afin de raconter des scènes de la vie à mon imagination. Elles sont devenues des histoires faisant danser mes stylos depuis mon enfance, toujours sur une mélodie poétique.
Il est des fois le moment où la vie nous amène à les partager sans modération afin de nourrir aux cotés des autres récits, le monde qui nous entoure.
Il sera plusieurs fois le temps d'inventer de nouvelles aventures et continuer de faire vivre ma passion de l'écriture au service de vos futurs lectures...

Découvrez les cheminements des pensées d'un auteur, les rencontres imaginées par lui et les questionnements profonds dans ce roman fascinant.

EXTRAIT

Je commence par noircir la robe blanche de cette feuille par des pensées aléatoires, en l’absence de ma compagnie du passé : la solitude. Quelle idée de démarrer cette lettre par celle qui s’est jouée régulièrement de moi depuis l’enfance ! Elle m’a souvent bordé lorsque l’obscurité s’installait et que le sommeil faisait grève sans revendication particulière. Nous sommes devenus intimes, échangeant nos confidences et nos histoires, souvent dans une atmosphère silencieuse. Manipulatrice et perverse, elle s’est longtemps amusée de notre relation exclusive et envahissante. En vrai prédateur, elle aimait me dérober bon nombre de mes nuits, sans possibilité de fuite. J’ai très vite compris que cette solitude me dévorait au moment du sommeil pour me faire renaître le jour, dans un jeu mélancolique. Elle me susurrait : « Je me nourris de ta gêne des autres, de ton incompréhension du monde et de quelques gouttes de ton mal-être ». J’ai tenté de la quitter des centaines de nuits et quelques journées aussi. Tel un chat s’amusant avec sa proie sans volonté de la manger, chacun de nos tête-à-tête était la preuve de son sadisme. Je me souviens que cette rencontre marqua notre séparation. Je me souviens de ce jour, en attendant le train.



Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 286

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



NOUS-MÊMES

THIDIAL

1

Le petit matin se lève dans une atmosphère humide. L’odeur bitumée se mêle au parfum d’une ville en éveil, rythmée par la symphonie de ces machines transporteuses d’ordure. Bip ! Bip ! font ces gens pressés de l’aurore avec leurs voitures à demi réveillées. En file indienne, les habitués du retard leur répondent par un geste contraire à la courtoisie. Le monde s’active dans des artères de circulation et la Terre tourne toujours à la même allure. Dans les sous-sols de la ville, les trains passent et repassent sur un rythme de déjà-vu. Bien au-dessus du sol, les immeubles de pierre aux multiples foyers s’étirent vers le ciel pour tenter de percer les nuages. Au centre de ces forêts d’habitations, une tour de béton portant le nom de B abrite une chambre à l’atmosphère somnolente. Cette pièce semble avoir connu une nuit éternelle hésitant entre sommeil et éveil. À l’intérieur, un stylo aux traits marqués se blottit dans sa trousse, alors que des cadavres de feuilles gisent sur le sol sans attendre d’autopsies. Des milliers de mots décorent ces pages d’une encre couleur de nuit, auréolées de quelques éclats de sensibilité. Elles sont les squelettes de phrases égarées le long des centaines de lignes. Sans doute sont-elles les cobayes d’une expérience de création littéraire inachevée. Au milieu de ce laboratoire romanesque, un bureau aux apparences très scolaires s’accoude à la fenêtre. Un jeune auteur en début de sommeil est étendu sur un vaste lit couleur arc-en-ciel. Il rêve d’une réalité imaginaire qui régénère son cerveau après une nuit d’histoires et de poésie. Aucun son ne perturbe la sérénité de l’atmosphère. L’ambiance nocturne de cette chambre recale les premiers rayons du jour à l’entrée de la fenêtre, sans possibilité de retour. Ce jour, il semble toutefois que le jour n’ait pas dit son dernier mot, car soudain, une lumière imposante, un bruit rauque, une explosion imminente… les paupières lourdes d’un jeune auteur.

2

Une comète au caractère affirmé s’empresse de traverser notre système solaire d’une traînée bien décidée. Un excès d’assurance mêlé à un fort goût du risque l’amène à narguer notre soleil de manière plus que rapprochée. « Squiz », le baiser chaleureux de cette boule de feu lui vole un peu de poussière et de gaz, donnant naissance à une innocente météorite. Choquée par ce témoignage d’affection brûlant, la comète s’empresse de disparaître vers d’autres horizons. Furieuse de cet abandon, la jeune météorite se dirige à une allure interstellaire, zigzagant entre les planètes et les étoiles. « Pourquoi se séparer de moi à cet endroit ? » rumine-t-elle. Dans sa folle course galactique, la météorite se souvient de ces années-lumière où elle faisait « un tout » avec sa comète. Une fusion sans équivoque, marquée de voyages à travers les systèmes galactiques et les âges, toujours dans un climat gazeux et poussiéreux. Un cocktail de colère et d’incompréhension l’envahit au fur et à mesure de ses virages spatiaux. Cette jeune comète choisit de détester ce soleil trop affectueux, responsable de sa naissance. Elle le rend coupable de son malheur, l’abandon de son tout, parti vers d’autres galaxies. Trop petite pour se mesurer à cette étoile de feu, la météorite cherche à la vitesse de la lumière un moyen de se venger. Observant le Roi-Soleil trôner fièrement au centre de son système, elle se dit que les planètes gravitant autour de lui doivent être son talon d’Achille. Elle cherche alors la planète idéale à percuter de tout son être, celle qui blesserait cette boule de feu au plus profond de son rayonnement. Elle scrute chacune d’entre elles et découvre… la Terre.

La jeune météorite observe ses éclats de lumière bleue noyés dans des traces de marron et de blanc. Elle se rappelle les rumeurs intergalactiques qui circulent à son sujet : la Terre est une aberration de la galaxie ! Elle héberge des organismes intelligents qui ne se soucient guère de son état. Voilà donc la planète qui devient sa cible ! Mettre un terme à cette incohérence intergalactique tout en faisant un pied de nez à ce Roi-Soleil. Profitant d’un moment d’inattention du monstre de feu, elle décide de foncer vers sa cible. Elle pénètre à toute allure dans l’atmosphère, subissant rapidement les assauts de l’oxygène et des nuages. Au fur et à mesure, elle découvre la beauté évidente de cette planète, avec ses arbres et ses mers, ses montagnes et ses déserts. Elle songe : quel égoïsme de ne pas prêter attention à cette planète ! Ces organismes intelligents ne méritent pas un tel trésor !

Un sentiment de colère lui fait accélérer sa chute, balayant d’un revers tout oxygène cherchant à la ralentir. La barrière du ciel franchie, la météorite découvre les continents, les pays, les villes. Elle observe les populations différentes, les joies et les peines inégalement réparties entre ce village et ce continent, vis-à-vis d’Elle et de Lui. Elle remarque la solidarité des uns noyée dans l’individualité des autres, les formidables créations et les plus belles monstruosités. Finalement, elle se dit qu’achever sa course à cet endroit mettrait un point final à ce spectacle naturellement humain, mais à l’incohérence interstellaire. Pour un impact foudroyant, elle choisit de viser une ville foisonnant d’organismes vivants et de constructions. Au cours de sa descente, la météorite observe des milliers d’humains s’activer, comme si leur vie était éternelle. De sa place royale, le soleil continue de mitrailler de rayons les multiples quartiers, leur imposant un jour omniprésent. « Adieu soleil, adieu Terre » murmure l’astéroïde, avant de se précipiter vers une mort certaine. Elle jette un dernier regard sur les grandes constructions bétonnées. À l’approche du sol, elle remarque une chambre qui résiste à la lumière du jour et abrite une nuit sans complexe. Prise par une curiosité naissante, elle fouille du regard cette pièce à l’atmosphère étrange et silencieuse. Mourir maintenant ou tout à l’heure, quelle importance ? Le temps de quelques secondes intergalactiques, elle se fait l’observatrice d’un espace à l’obscurité revendiquée.

Le sommeil paisible d’un jeune auteur, des milliers de feuilles et beaucoup d’encre, voilà ce que cette météorite remarque avec étonnement. Elle se dit : que peut-on écrire toute une nuit, lorsque l’on est aussi égoïste et ingrat ? Elle scrute le titre d’une lettre allongée sur le sol entre un lit et un bureau d’étudiant. Cette lettre semble épuisée par une nuit d’imagination entre rêve et réalité, empreinte d’une mélodie poétique. Le jeune auteur dort profondément, arborant le sourire du devoir accompli. « Aujourd’hui cette planète va mourir, cette lettre sera ton testament jeune auteur », prévient la météorite. Animée d’une curiosité débordante, elle déchiffre les premières lignes de cette lettre qui sonnent comme un témoignage nocturne. Elle accélère l’allure, mais ralentit sa lecture, guidée par les émotions et les images qui émanent de cet écrit. Elle lit et relit chacun des mots, se laissant entraîner dans la valse littéraire de cette création étoilée. Elle découvre la lettre au titre évocateur et ambitieux :

3 Chers Nous-Mêmes,

C’est l’heure de la nuit dans mon atmosphère de vie, toujours seul comme le grain de riz entre la chaise et le lit. Je commence par inviter mon stylo favori, afin de marquer la survenance de mes pensées. Que dis-je ? Par où commencer ? Je débute cette nuit assis en face de ma fenêtre, à qui je demande chaque jour : quel est le visage des gens qui m’entourent ? Cette nuit, je sors une feuille à l’ambiance nocturne, afin de te conter des histoires qui s’inventent au singulier, se lisent au pluriel et se conjuguent par le même dénominateur : nous-mêmes.

Je commence par noircir la robe blanche de cette feuille par des pensées aléatoires, en l’absence de ma compagnie du passé : la solitude. Quelle idée de démarrer cette lettre par celle qui s’est jouée régulièrement de moi depuis l’enfance ! Elle m’a souvent bordé lorsque l’obscurité s’installait et que le sommeil faisait grève sans revendication particulière. Nous sommes devenus intimes, échangeant nos confidences et nos histoires, souvent dans une atmosphère silencieuse. Manipulatrice et perverse, elle s’est longtemps amusée de notre relation exclusive et envahissante. En vrai prédateur, elle aimait me dérober bon nombre de mes nuits, sans possibilité de fuite. J’ai très vite compris que cette solitude me dévorait au moment du sommeil pour me faire renaître le jour, dans un jeu mélancolique. Elle me susurrait : « Je me nourris de ta gêne des autres, de ton incompréhension du monde et de quelques gouttes de ton mal-être ». J’ai tenté de la quitter des centaines de nuits et quelques journées aussi. Tel un chat s’amusant avec sa proie sans volonté de la manger, chacun de nos tête-à-tête était la preuve de son sadisme. Je me souviens que cette rencontre marqua notre séparation. Je me souviens de ce jour, en attendant le train.

J’étais dans le métro parisien à attendre un train égaré dans le labyrinthe souterrain. Le temps passait et le décor de cette station s’était figé. Des hommes et quelques femmes adoptaient la position statique de l’attente, tandis qu’un couple de souris jouait à chat entre les rails. L’odeur du métro qui envahissait mes narines me projetait des images d’urine, de nourriture et de parfum usager au cerveau. Comme à son habitude, la solitude m’accompagnait et se mêlait à mes pensées. Je restais là et las à attendre un train qui n’arrivait pas.

Ce jour-ci, mon regard plongé dans le vide fut ramené à la réalité par la voix d’un passant :

–Ce train s’est-il égaré dans les méandres des souterrains ? Où allez-vous ? me dit-il.

À ce moment, un sentiment coutumier de la solitude s’est emparé de mon esprit : la gêne. Ma légendaire solitude m’a rapidement fait ressentir le besoin de me dépêtrer de cette situation. Je choisis de répondre brièvement, adoptant mon regard le plus fuyant afin de ne laisser aucune place à un quelconque échange : « Je rentre chez moi. »Malheureusement, cette posture n’eut aucun effet sur l’étranger qui continuait de me fixer, comme si ma réponse ne répondait pas à sa question. À cet instant, j’ai saisi que j’avais à faire à un professionnel de la sociabilité, celui qui te bombarde de questions avec autant de spontanéité qu’un enfant en bas âge. Si la gêne est généralement contagieuse, il semblait pour sa part, vacciné. Le regard chargé de compassion, un brin d’humour dans la voix, il faisait partie de la communauté des gens qui s’intéressent aux autres sans complexe, mais toujours avec politesse. Prisonnier de cette relation soudaine, je consentis à me prêter au jeu d’un échange cordial afin de reprendre ma liberté au plus vite. Notre conversation balayait les thèmes communs de la courtoisie, allant de mes civilités au quotidien professionnel. Ces propos ne suscitaient guère mon intérêt et le bruit de frottement qui émanait de la poche de son pantalon m’agaçait. Lassé par ce crissement désagréable, je me risquai à une question, sortant ainsi de mon rôle d’interviewé passif :

–Quel est ce bruit ? On dirait un frottement ! lui fis-je remarquer, mon doigt pointé vers sa poche.

–Le bruit que vous entendez émane de l’objet qui m’a guidé vers vous, m’expliqua-t-il avec un sourire discret.

À la suite de cette révélation, le regard de cet inconnu changea. Il devenait désagréablement complice. Un sentiment pénible accéléra mon rythme cardiaque, tout en m’invitant activement à ne pas le lui dévoiler : la peur. « Un déséquilibré ! », voilà ce qui résonnait dans mon esprit. Je savais parfaitement qu’ils peuplaient les couloirs souterrains du métro parisien, pour en avoir ignoré bon nombre. Son empathie avait anesthésié ma méfiance. Ce passant conservait son sourire follement courtois et poursuivit :

–Est venu le temps d’aborder ce qui pose problème, n’est-ce pas ? chantonna-t-il presque.

« Problème ! », voilà un mot que je ne voulais surtout pas mentionner en sa présence, de peur d’éveiller sa potentielle folie. Il esquissa quelques pas dans ma direction qui me parurent durer une éternité. Il plongea sa main dans la poche mystérieuse de son pantalon avec une lenteur insolente. Mon regard hypnotisé trahissait involontairement ma peur. J’avais l’impression que notre environnement souterrain était en pause à durée illimitée, dans l’attente de mon dénouement tragique. « Qu’allait-il extraire de sa poche ? Un couteau ! Un pistolet !Eh bien non, une simple boîte d’allumettes ! »Ce passant, potentiellement déséquilibré, m’exhibait fièrement une boîte d’allumettes blanche au contour marron. Sans voix, je l’écoutais poursuivre son discours délirant :

–Chacune des allumettes de cette boîte représente un être humain dans le monde.

D’un geste sec, il ouvrit la boîte remplie de micro allumettes qui semblaient être sans fin. Aussi incongru soit-il, sa voix lourde et rauque me rassurait, laissant progressivement une curiosité naïve étouffer ma peur. Je l’écoutai attentivement et osai même m’assoir sur l’un de ces sièges en plastique badigeonnés de crasse. D’une voix toujours aussi courtoise, il poursuivit :

–Comme tu peux l’imaginer, l’une de ces allumettes te représente et celle-ci est la tienne.

Il me tendit le morceau de bois trempé dans le soufre, semblable aux milliers d’autres. Oubliant quelque peu cette situation rocambolesque, ma curiosité décupla. Quelle logique organisait cette situation irréelle ? Je me risquai à l’interroger davantage :

–Admettons que votre discours soit sensé, comment puis-je vous croire ? Et puis, qui êtes-vous ? J’ai été le seul à me présenter ! lui lançai-je.

Ce passant me regardait constamment d’un air amusé, ce qui m’agaçait à présent sérieusement. Le train de ce métro restait immobilisé dans le tunnel souterrain lorsqu’il adopta une voix plus sérieuse :

–Je n’ai pas de nom, car n’appartenant pas à votre système de pensée. Il est donc impossible de me définir avec vos mots. Je suis une rencontre, un discours, un conseil, un rêve, des sensations qui apportent un éclairage aux humains au détour d’un moment de vie.

À cet instant, je le diagnostiquai déséquilibré psychique. Si je désirais mettre un terme à cette situation chimérique, une curiosité perverse me poussait irrésistiblement à alimenter son délire et tenter de le pousser dans ses retranchements. Je poursuivis :

–Alors pourquoi moi ?

–Penses-tu que je ne suis qu’avec toi ?

–Comment ? Je ne comprends pas ?

–Je suis auprès de tous ceux qui ont besoin de moi à cet instant, mais sous différentes formes.

–De quel besoin parles-tu ?

Le temps d’un clignement d’œil, il avait disparu dans un nuage de poussière, sans même avoir pris le temps de me répondre. Les gens autour de moi ne semblaient pas perturbés par son escapade magique et restaient centrés dans leur attente impatiente. Je suis resté un long moment à contempler la microallumette, aux côtés de personnes à l’air complètement désintéressé. Porté par mon incrédulité, je l’ai frottée contre une publicité murale de soda qui prônait « cette sensation que l’on appelle coke ». Le soufre a rapidement craché une petite flamme tout bonnement classique. Ma déception fut amère ! Tant de mystère et d’irréel pour aboutir à la simple combustion d’un bout de bois. Pour autant, malgré sa normalité, je l’ai trouvée ordinairement belle. J’ai succombé rapidement au regard hypnotique du feu, celui qui te plonge dans les profondeurs de tes pensées avec un soupçon de chaleur somnolente. Je pensais à ce passant et à la solitude qui m’a bercé depuis l’enfance. Je regardais à l’intérieur de cette flamme sans la voir, laissant mon esprit divaguer. Tel le spectateur d’un film, je devenais la troisième personne d’une conjugaison de souvenirs étrangers.

Un regard neuf ou différent, je découvrais un enfant né sous une bonne étoile divine. Son univers était un tableau teinté de couleurs vives, avec des éclats d’affection et de chance. Il était beau. Ses yeux ronds suscitaient l’amour de son entourage et son sourire était une arme de persuasion massive. Enfant unique de ses parents, ces derniers se posaient en protecteurs dévoués au bien-être de leur enfant. Son destin semblait tracé par le bonheur, sur une autoroute sans péage ni fausse note. Dans ce climat familial idyllique, il se devait d’être une réussite. Pour autant, la vie s’était jouée de ce tableau familial trop prévisible, trop classique. Elle avait semé discrètement dans le cœur de cet enfant une graine de sensibilité aux malheurs du monde. À l’âge de la parole, il se mit à interroger son entourage et chercher des réponses à des questions insolubles. Sa sensibilité trop mature et sa tristesse se butaient à l’incompréhension familiale. Avec ses parents pour éducateurs, l’enfant comprit très vite que déplorer la misère du monde n’était pas permis. Mon rythme cardiaque s’est accéléré lorsque j’ai ressenti le mal-être qui envahissait peu à peu l’esprit de l’adulte en devenir. Une douleur interne invisible pour un entourage débordant d’amour. Le bonheur familial devenait une prison allergique à ses éclats de sensibilité. J’ai observé cet enfant s’isoler progressivement, appréciant les jeux solitaires, magnifiant sa propre compagnie. Il avait appris à se parler, sa voix résonnait dans sa tête au rythme des multiples conversations avec lui-même. Il devenait son meilleur ami, sa plus belle famille. L’isolement de cet enfant ajoutait des touches de couleurs froides à un tableau familial pré dessiné. Comment être mal lorsque l’on a tout ? était la rengaine parentale. Ses parents firent appel à des spécialistes de l’éducation, des professionnels de soin et acquirent même quelques ouvrages pour tenter d’exorciser leur enfant du démon qui écorchait leur cadre de vie. Toutes leurs tentatives ne faisaient toutefois que renforcer sa détresse. Petit à petit, le comportement de leur enfant porta atteinte à leur image de parents parfaits. Ils le considérèrent comme un ingrat ; un enfant qui n’apprécie pas sa vie à sa juste valeur.

L’atmosphère qui entourait cet enfant s’épaississait, imperméable à toute envie de sociabilité. Afin de ne pas s’effondrer psychologiquement, son cerveau avait choisi de fermer les vannes de son empathie vis-à-vis de sa famille. Son intelligence grandissait à mesure que les années passaient et j’observais la solitude le consommer à petit feu. Il avait été un adolescent fugueur et en échec scolaire pour devenir un adulte se terrant au domicile de ses parents. La cadence de mon rythme cardiaque m’imposait des décharges d’adrénaline faisant naître en moi deux émotions : la tristesse et la colère. Je voulais aider cet homme perdu dans le nuage de ses pensées et vivant désormais en parallèle de la société.

La réussite et le bonheur l’avaient fui et tout ce qu’il entreprenait était voué à l’échec. Un jour de plus, où un silence malsain imprégnait la communication dans le logement familial, il choisit de partir. Partir sans prévenir. Cet homme profita d’une nuit d’orage pour quitter le domicile, sans un au revoir. Le ciel nocturne l’enveloppait de rayons humides alors qu’il errait dans les rues de la ville qui l’avait vu naître. Il cherchait quelqu’un ou quelque chose en se disant libéré d’une famille qui ne le comprenait plus. J’ai observé attentivement la solitude trinquer à la santé de son mal-être, lui souhaitant longue vie et prospérité.

Un couple d’années passa devant mes yeux à la vitesse de la lumière. J’ai vu la tristesse de ses parents et les mois de vagabondage du jeune homme. Il avait trouvé un repaire de gens issus de la misère sociale. Des hommes et des femmes vivant en parallèle, marqués par une histoire singulièrement difficile. Cet homme avait pénétré le monde des êtres invisibles, ceux que l’on ne remarque plus tant ils se fondent dans le décor urbain. Il faisait l’aumône de jour comme de nuit et dormait par intermittence. Malgré son cadre de vie précaire, il se sentait terriblement à sa place. Ayant effacé de son présent tout son héritage familial, il pouvait enfin être lui-même. Pour autant, lui-même était une notion étrangère à ses yeux. Ressentir le malheur des autres ne permet pas de se connaître. Dans le regard des passants, il percevait de la compassion mêlée à quelques traits d’indifférence. J’ai vu cet homme devenir un élément citadin que l’on gratifiait occasionnellement de quelques pièces, afin d’apaiser la conscience collective.

Un soir d’hiver, il croisa le regard de ses parents entre un arbre effeuillé et l’entrée d’un centre commercial. Il portait une barbe de plusieurs mois et un imperméable alourdi de crasse, tandis que ses parents étaient beaux, accompagnés d’un couple d’amis physiquement similaire. Ce soir d’hiver, en présence de ses parents, il n’avait pas cherché à se dissimuler. Il les avait observés échanger longuement avec leurs amis, face à ce restaurant dont la façade était ornée d’une tête de taureaux. Des sourires mélangés à des rires ponctuaient leur conversation. Cet homme avait lancé un regard inquisiteur en direction de sa mère afin de scruter chaque centimètre de son visage. Ses yeux avaient analysé les expressions faciales de son père. Entre les rires de leur conversation, il était à la recherche d’un grain de tristesse qui aurait pu se dissimuler. La marque d’un manque, d’une culpabilité, d’un chagrin qui viendrait rappeler son absence de leur quotidien. Il avait toutefois seulement perçu l’apparence joyeuse de ses parents profitant d’un moment de convivialité. Ce soir-là, il s’était dressé sur leur chemin, tenant son rôle d’invisible des rues, la main tendue à la recherche de générosité.

Le couple d’amis de ses parents s’était arrêté en face de lui, le gratifiant de quelques pièces de monnaie. Les parents de cet homme, quant à eux, lui avaient adressé un sourire navré chargé de compassion, tout en continuant leur chemin. Ils n’avaient pas reconnu leur fils dans son rôle de mendiant. À ce moment, j’ai observé la solitude danser autour de cet homme. Ce soir-là, elle était vêtue de son plus bel habit, une robe formant un œuf opaque et imperméable. Elle semblait rayonnante et gonflée d’une énergie dévastatrice. Cet homme avait répondu au silence de ses parents par un regard plongeant vers le bitume craquelé par le temps. Il était resté là, immobile, deux bonnes heures à se remémorer sa vie d’enfant, son parcours d’adolescent et à imaginer sa vie future. Ce soir-là, il s’était senti profondément seul. L’environnement des hommes et des femmes des rues ne suffisait plus à le motiver. Il en voulait au monde entier d’avoir fait de lui un être différent, un personnage consumé par un mal-être quotidien. Il reprochait à sa détresse d’avoir badigeonné son visage d’un fond de teint transparent aux yeux de ses parents. À ce moment, il avait entendu un bruissement lui vrillant l’esprit. Il s’était surpris à écouter attentivement, pour finalement distinguer précisément le message :

« Le temps passe, se lasse, et les pensées s’effacent,

Quand la chaleur familiale se remplit de glace,

Les souvenirs rapportent, ce que les années emportent,

Dans les rues de ma vie, j’ai cherché les portes

J’ai compris trop tard que les liens font mal,

Lorsqu’ils ne lient plus les chemins qui vont du cœur à l’âme. »

Aux premiers impacts de gouttes de pluie sur sa chevelure, il choisit de marcher pour percer le cœur de la nuit. Je sentis la flamme de ma microallumette se consumer à la vitesse d’un cheval au galop. Sa chaleur devenait oppressante et mes doigts tremblaient de nervosité. Cependant, j’étais trop absorbé par la mélodie de ce vagabond pour y prêter attention. Malgré ma chair brûlée, la mélancolie de son histoire me happait, comme un tourbillon. L’homme traversait la ville d’un pas déterminé. Le froid et les gouttes de pluie n’atténuaient en rien sa cadence effrénée. Je sentais son cœur battre au rythme de sa course, guidé par des fouets d’adrénaline. Un sentiment accompagnait sa tristesse et ses pas : la peur. Ce soir-là, l’ignorance de ses parents l’avait projeté dans un abîme de perplexité et de terreur. Il se surprenait à craindre l’indifférence, à avoir peur d’être effacé de sa propre vie et du regard des gens.

C’est à ce moment précis que j’ai été témoin du glissement de la peur vers la peine. Cet homme s’apitoyait sur lui-même. Il s’observait marcher dans la nuit vers l’inconnu et se posait mille questions. « Penser aux autres ne permet pas de se connaître. Penser aux autres ne permet pas de se connaître… », martelait son cerveau. Ce soir-là, son corps et son esprit s’étaient unis pour lui impulser un réflexe de survie, celui de revêtir les couleurs de son identité pour ne pas fondre dans le monde des invisibles. Il s’était mis à courir, les gouttes de pluie s’abattant sur son corps avec violence, tandis que les passants et les chiens tentaient d’éviter son chemin. Il se défoula ainsi une bonne heure, comme si la durée de sa course allait colorer son identité passée. J’ai vu l’homme s’arrêter aux abords d’un pont éclairé par une armée de lampadaires. Ce pont dominait une artère grouillante de voitures. Il contempla les nuages de luminosité que les lampadaires dessinaient et son regard fut heurté par un mouchoir usagé gisant sur le sol, coloré de taches aléatoires qui dessinaient des inscriptions difficilement lisibles :

L’amour et le mal-être sont sœurs jumelles,

Elles se nourrissent de l’absence de l’une d’entre elles.

Ignoré ou être regardé façonne le sentiment d’être aimé,

Lorsque la naissance conjugue le verbe exister.

Évite que le manque se déguise en habitude, pour ne pas s’enfermer dans une prison de solitude.

Ce mouchoir donnait l’impression d’avoir été utilisé par des milliers de gens et abandonné au sol autant de fois. Les mots mal-être, solitude et amour résonnaient dans son crâne, faisant vibrer chacune de ses connexions synaptiques. « Le mal-être est-il l’essence de la solitude ? » se demanda-t-il. J’ai observé la solitude regarder d’un mauvais œil l’homme perdu dans la profondeur de ses pensées. Son cerveau était en ébullition, proposant de multiples questions et beaucoup moins de réponses. Ce soir-là, sa seule question était lui-même. Mon cœur choisit de battre au rythme d’un sprint final lorsque l’homme se dirigea vers le seul endroit qui occupait ses pensées : le domicile familial. Mes doigts se dressèrent face à la flamme menaçante de l’allumette, lui intimant l’ordre de ne plus bouger. Le temps était toujours figé dans mon environnement souterrain, seul le bruit des pas de l’homme pénétrant l’environnement familial résonnant dans ma tête. L’appartement était fermé, ses parents devant certainement encore profiter de leur moment de convivialité. Il avait trouvé la clé à sa place, sous le paillasson à l’effigie d’un animal de compagnie. J’ai surpris mes yeux s’humidifier lorsque l’homme ouvrit la porte. Il avait l’air de porter un sac à dos bourré de mille peines et d’autant d’incompréhensions.

Je vivais chacun de ses ressentis intimes, telle la magie du jeu émotionnel entre un acteur et son spectateur. Naturellement, il s’était dirigé vers sa chambre. Elle était en état de pause depuis son départ. L’atmosphère et les meubles étaient figés. Il reconnut les cendres de cigarette devenues une tache sombre sur le tapis. Aucun être humain ne semblait y avoir pénétré. L’atmosphère était chaude et accueillante. Les volets, quant à eux, semblaient avoir reçu l’ordre de rester fermés. Un instinct, un besoin primitif conduisirent l’homme vers son lit. Il s’allongea au centre et s’enroula autour de son polochon, comme il le faisait étant enfant. Le temps ne jouait plus son rôle et l’atmosphère pesa progressivement sur ses paupières imbibées de fatigue. Je sentis le cerveau de l’homme noyé dans un lac d’endorphines, réveillant en lui un sentiment de plaisir biologique et psychologique. Les yeux fermés, dans l’obscurité de ses pensées, son odorat devenait son sens dominant, cherchant à détecter une nourriture odorante. Il se sentait terriblement à sa place dans ce lieu qu’il avait quitté un soir de pluie. Cet homme observait son corps se nourrir de chaque centimètre de ses draps tandis que son polochon se blottissait entre ses cuisses. Il pensa à la couleur des autres, aux mélodies quotidiennes chantées par ses parents et à sa sensibilité dévorante. Les souvenirs ressurgissaient dans son esprit, dévoilant son mal-être passé, ses incompréhensions et l’absence de communication avec ses parents. Ses narines interrompirent le film de sa vie pour lui remonter une odeur nauséabonde.

Ce soir-là, il ressentit le parfum des rues qui avaient pris possession de ses vêtements crasseux et de son corps depuis de nombreuses années. Cette odeur était devenue étrangère à ses yeux, ne faisant plus partie de son identité. Il choisit de s’en débarrasser en allant prendre une douche aussi chaude que l’atmosphère de sa chambre. L’eau lava cet homme du monde extérieur. Elle maintenait ses yeux fermés, dans une musicalité douce et mélancolique. Les phrases inscrites sur le petit mouchoir résonnaient encore dans sa tête, lui insufflant du courage à mesure que son mal-être s’affaiblissait. Il se disait que le sens de la vie était d’apprendre à se connaître et de s’autoriser à prendre une place dans un monde à conjuguer avec les autres. Réalisait-il que la misère du monde n’avait pas de réponse, seulement des questions qui se posent à travers une vie vécue à cœur ouvert ? Ses parents rentrèrent à une heure égarée dans la nuit. L’atmosphère était restée chaude et timidement humide, laissant penser que la douche avait fait des siennes. Comme à son habitude, le couple était resté un moment à discuter de la vie et de l’absence de leur fils dans leur salon avant d’aller se coucher. Cette fois-ci, ils remarquèrent que la chambre de leur fils était close. À ce moment, ils avaient espéré le retrouver derrière cette porte, leur fils bien-aimé.

Ces années de manque leur avaient appris à goûter le présent en se servant des couleurs du passé, sans attendre le futur. Les parents de cet homme semblaient avoir saisi que seules l’affection et l’attention pourraient guérir le mal-être de leur fils. Ce soir-là, ils avaient choisi d’aller dormir et de rêver à leur quotidien familial passé, en souhaitant qu’il existe de nouveau dans le futur. Au petit matin, le tintement d’une cuillère sur la faïence d’un bol les avait réveillés. Ils s’étaient dirigés vers la cuisine, le cœur battant la chamade. Ils avaient découvert le tableau tant espéré, leur fils buvant un café avec le regard confiant d’un nouveau-né. Ce matin-là, ils s’étaient simplement assis face à lui, partageant le petit-déjeuner familial et souhaitant que ce présent s’éternise.

J’ai vu ce présent perdurer au sein de cette famille, avant que la flamme de la microallumette ne rende son dernier souffle pour me renvoyer à ma réalité. Cette expérience avait modifié ma perception du monde. L’histoire de cet enfant devenu mendiant m’avait montré que le mal-être dévaste lorsqu’il s’empare des êtres trop sensibles pour se sentir exister. La solitude est le poison qu’il injecte dans les artères de ses victimes afin de les jeter dans une cellule d’isolement pouvant rendre leur identité invisible aux yeux de leurs proches. Ce constat m’avait effrayé et je compris à cet instant que ce passant venait de m’enseigner une nouvelle règle de vie, celle de n’écouter mon mal-être que d’une oreille, afin de laisser l’autre ouverte sur le monde. J’ai souhaité revoir ce passant des centaines d’autres jours dans les souterrains parisiens, mais sans succès. La graine de sociabilité qu’il avait plantée en moi était devenue un arbre aux racines bien ancrées. Je me suis progressivement intéressé aux autres, devenant un passant poseur de questions au détour des quais. Désormais, la solitude me fuit, par peur que je ne contamine ses proies. À l’attention de ses prochaines victimes, j’ai inscrit sur son dos un message transmis par le passant du métro :

Elle se marie à ta vie, elle se fait ta seule amie,

Fais gaffe à tous ces maux qui se mêlent à l’histoire de ta vie,

Et regarde à l’inverse de cette prison d’habitude,

Pour la dominer par son nom, cette fragile solitude.

4

Puis-je te parler de la nuit où je me suis risqué une balade nocturne dans mon quartier ? Je me souviens avoir profité de cette occasion pour m’armer de mon stylo et d’un bloc-notes bon marché afin d’immortaliser les passages de cette aventure inédite. Quelle peur exprimait mon stylo lorsque je lui ai enjoint de se préparer pour notre sortie ! Je l’ai observé se blottir entre un bâton de colle et un taille-crayon usagé, au fond d’une trousse élimée par les années. J’avais bien compris qu’il angoissait de sortir dans notre quartier, légendaire pour son insécurité. Les mélodies de nos nuits se composaient de sirènes de police et de cris en tout genre, entrecoupées de quelques brefs silences. Pour autant, la chaleur de cette nuit avait servi de tremplin à l’odeur du bitume qui inondait ma chambre avec insistance. J’ai rapidement senti que l’heure de notre aventure avait sonné lorsque les hurlements se mêlèrent à des bruits de crissement de pneus laissant leurs empreintes sur les chaussées des alentours. J’allais découvrir ce monde qui donnait naissance à des milliers de plaintes et encore plus de crainte dans les environs. En franchissant mon pas de porte, je lus la première page du journal qui avait pour titre : L’insécurité est-elle l’expression de la pauvreté ? Je me fis la réflexion que mon aventure nocturne allait sans doute m’apporter un élément de réponse.

Ce soir, j’étais sorti avec la ferme intention de trouver des indices m’éclairant sur l’origine de ce climat d’insécurité. Je me sentais comme un pêcheur avec pour canne à pêche mon regard, pour appât ma sensibilité et pour cible nos représentations. Des hurlements m’ont happé vers une petite ruelle orpheline de lumière et de propreté. Plus j’avançais, plus ces cris s’apparentaient à des plaintes. À quelques mètres de moi, une forme difficilement identifiable bougea et je compris que ces cris sortaient de la bouche d’une femme. Elle faisait partie de ces êtres errant jour et nuit dans les ruelles de mon quartier, sans jamais vouloir en sortir. Je me rappelle avoir senti à ce moment que mon regard capta un premier élément de réponse à mes questionnements. Je me suis davantage approché, afin de distinguer les traits de cette femme à l’âme égarée. Je sentais ses narines vibrer, à la recherche d’un trésor perdu sur les trottoirs. J’ai observé cette femme rire de triomphe lorsque son regard se posa sur une pilule blanche, coincée entre une cannette de bière et des seringues ensanglantées. C’était une de ces pilules vendant du rêve aux âmes victimes de sensibilité débordante ou marquées par les accidents de la vie.

J’observai ce zombi marchant tête baissée à la recherche de ce butin et d’après la fatigue qui maquillait son visage, il me sembla que cela durait depuis de nombreuses années. Un cocktail de deux sentiments imprégnait mon cœur, de la peine mêlée à de la colère. Mes pensées s’étaient mises à harceler mon cerveau de questions alors que lui-même se sentait démuni. «