Oh ! Corse ! - Gilles Albertini - E-Book

Oh ! Corse ! E-Book

Gilles Albertini

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Beschreibung

Quand ceux qui débarquent sur l’île pour la première fois, ne voudraient jamais en repartir, Pierre-Jean, lui, le corse, n’a qu’une seule idée en tête : la quitter.

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Gilles Albertini, depuis l’adolescence, a toujours eu le goût d’écrire (poésies, textes, sketches) sur des petits cahiers, des carnets… Passionné d’histoire sa profession d’instituteur lui a permis d’exercer son talent de conteur auprès de ses élèves. D’origine corse, il lui tardait de dépeindre son attachement à cette île qu’il connaît bien.

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Gilles Albertini

Oh ! Corse !

ChapitreUn

Une brume tenace enveloppait les cimes et pourtant Pierre-Jean, en gravissant le sentier qui menait à l’orée de la forêt de pins Laricio, pouvait encore avoir une vue circulaire sur la vallée et les montagnes enneigées qui l’encaissaient. Grâce à ses jumelles, il surveillait le mouvement imperceptible du troupeau qui progressait sur le flanc sud de la pente. Il s’assit sur ses talons, comme le faisaient beaucoup de bergers, avant lui, le bas du dos calé sur cette pierre du chemin. « Sa pierre ». Il aimait cette pierre comme polie par tant de mains. »Sa pierre ». Simple contact humain, peut-être ? Pouvoir retrouver, tous les jours cette caresse dans la solitude matinale ! Au crépuscule, deviner sa présence, retrouver ce morceau de granit qui semblait lui appartenir. Sans doute, d’autres l’avaient-ils effleuré ? D’une autre manière .Où était la réponse ? Dans son mystère elle demeurait son objet.

Le vent semblait se lever. Il posa ses jumelles sur ses genoux et alluma une cigarette. Tout en regardant les volutes bleutées s’élever dans le ciel immensément bleu, il rêvait dans ce paysage grandiose : le maquis ! Ce maquis qui l’avait maintenant adopté et lui tendait les bras, tous les jours, le réchauffait, naturel et sauvage. Il ne pouvait l’abandonner pour un simple doute.

Il regarda le soleil et ses yeux s’emplirent d’étoiles brillantes.

Il se leva, marcha un moment vers le bord humide du lac, s’aspergea le visage d’eau fraîche, délaça ses chaussures et y trempa ses pieds endoloris par la marche. Le soleil maintenant se reflétait presque à la verticale sur l’étendue calme de l’eau et faisait miroiter des lumières qu’il était seul à contempler. Un silence intense l’entourait. Ses oreilles semblaient remplies de ce vide ; il fermait les yeux de temps à autre pour mieux en apprécier la profondeur. Il eut envie de se lever, mais il y renonça de crainte de ne plus retrouver cette quiétude de l’absolue tranquillité. Il finit par se décider à gravir un petit escarpement et à y demeurer immobile.

Puis vint le vent. La nature qui le cernait ne l’impressionnait pas ; il vivait avec elle, pour elle. Il ne pouvait dire s’il la redoutait ou s’il désirait l’apprivoiser. Il en était une partie, si petite. Son père le siffla. Il se releva d’un bond et regarda dans la direction d’où était venu le son. Il aperçut au loin une silhouette dans le soleil et comprit qu’il était temps de descendre de l’escarpement rocheux où il se trouvait.

« -C’est bien, à présent, le troupeau n’a plus besoin de moi ! Tu sais je n’étais pas tout à fait certain qu’il t’obéirait. Maintenant je sais. Je sais qu’il est temps pour moi de le quitter.

–Ayo, papa, pas maintenant ! »

Mais lui, Antoine, le savait trop bien et il éprouvait de la fierté de transmettre son troupeau. Maintenant sans paroles il le confiait à son fils, Pierre-Jean. Il sentit son cœur battre plus lorsque son père lui serra le bras. Tous deux descendirent vers le sentier qui menait au village où les attendait impatiente, inquiète peut-être, Pierrette, lamama.

Mais avant de se retrouver, au village, devant la soupe, il fallait rentrer les bêtes, les traire et fermer les enclos. Aidé de son père, tout le travail se termina très vite et ils purent savourer une longue soirée et une nuit apaisante.

Le lendemain, Pierre-Jean pensa à cette « parole » et y sentit toute la confiance, tout l’amour que lui portait son père. Un amour franc, juste, masculin. Un amour paternel emprunt de délicatesse, de retenue mais tellement grand !

Pierre-Jean ressentait cet amour comme une blessure, parfois.

Partager enfin une passion, un désir qui voulait s’accomplir, au-delà des gestes. Le père souriait, le visage au vent et Pierre-Jean pensa qu’il était heureux. Non pas d’être arrivé au bout du chemin, mais d’être à l’origine d’un nouveau départ, peut-être d’une nouvelle vie. Antoine était submergé à la fois par l’admiration, la fierté, le bonheur qu’il ne pouvait maîtriser tout à fait. Pour lui, les mots n’étaient qu’un passage. Inutiles parfois. Ils ne servaient qu’à exprimer une idée simple mais ô combien réfléchie, mûrie, sensée. On sentait toujours quelque chose d’abouti derrière les paroles dupère…

Le silence, les regards, les expressions lui servaient tout autant. Il comprenait que l’on parle beaucoup mais lui n’en éprouvait aucun besoin, non par timidité, ni peur de s’exprimer mais par économie de mots, pour garder à l’expression, à la parole son caractère noble, direct, simple.

Dans la tête de Pierre-Jean résonnaient tout à coup les mots, les phrases que lui avait dites son père. « Encore une génération ». La vie allait pouvoir reprendre. Pourrait-on dire, au village, que le troupeau n’était pas mort ?

Antoine réfléchissait : si son fils quittait le pays, le laissant seul avec les bêtes…

Il refusa cette idée. Depuis quelque temps Pierre-Jean était heureux, certes, mais…Il regarda le visage et l’allure volontaires du berger qui marchait à côté de lui : son fils ! Toutes ces pensées le firent frémir. Dans sa marche, il toucha légèrement la main de Pierre-Jean et il sentit comme un apaisement, un bonheur le parcourir. Il savait qu’il avait pris une bonne décision.

Il avait rêvé à des terres plus accueillantes, à des hivers moins rudes, à des étés moins chauds ! Mais que lui importaient maintenant ces songes égoïstes : il vivait, écarté detous.

Son fils, parvenu à l’âge d’homme, l’impressionnait. Était-il, lui, à son âge, ce jeune homme si courageux, si volontaire ? Ne lui avait-il pas communiqué un amour difficile à vivre, celui de la passion d’un métier, d’une terre à aimer ?

Quatorze heures, l’heure tranquille de la sieste, celle où les boules ne claquent pas sur la place, où le chien dort sous le platane. Sous ce soleil, Pierre-Jean pensait à cet avenir : est- il si clair ?