Omerta - Nine Andrya - E-Book

Omerta E-Book

Nine Andrya

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Beschreibung

"Entre deux missions il y a le temps de s’en passer, des choses. Et même si je n’ai jamais refusé d’animer une cession de formation cette fois j’y avais bien pensé.  
Croyez-vous au hasard, vous ? 
J’aurais mieux fait de rester dans mon lit ce matin. Ou peut-être pas finalement. "

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Nine ANDRYA

Omerta

À mon Ours.

–Alyssa, réveille-toi ! Il est déjà 7 heures.

–Mmh laisse-moi dormir Jason.

Quelle plaie ! Qu’est-ce qu’il m’a pris d’accepter cette réunion avec les militaires ? Ah bin oui, Jason et son pouvoir de persuasion bien sûr. J’ouvre un œil et sa grosse tête se tient si près de mon visage que je sursaute, en heurtant magistralement l’étagère qui se trouve juste au-dessus du lit évidemment. Comme si la journée ne s’annonçait pas assez merdique il va falloir que je la commence avec une bosse.

Chapitre1

Je me lève péniblement et me dirige vers la salle de bain. En passant devant le miroir je remarque ma bosse en cours de formation. Génial ! J’enlève mon pyjama et je saute dans la douche. Puis je vais devant mon dressing, comprenez une espèce d’armoire qui tient debout par un miracle qui m’échappe. Il est grand temps que je trouve un logement parce que le camping chez Jason merci mais ça suffit. Je sors un jean bleu, un pull camel et des bottines assorties. Ça fera l’affaire, de toute façon ces chers militaires vont nous recevoir dans leur treillis hideux alors je n’ai pas l’intention de faire un effort. Quoique j’aurais très bien pu y aller en pyjama d’abord, alors qu’ils s’estiment heureux. J’arrête de ronchonner le temps de me brosser les dents, un coup de mascara, un coup de brosse et je suis prête. Je sors de ma chambre pour aller dans la cuisine où m’attend une tasse de thé préparée avec soin par Jason.

–Ah Alyssa te voilà ! C’est bon tu es prête ?

–Oui oui c’est bon Jason, respire, on y sera à l’heure chez tes potes. SalutDoc.

–Salut Aly, me répond le médecin de notre équipe, bien dormi ?

–Pas assez.

–Laisse tomber Doc, elle est d’une humeur massacrante ce matin.

–Je suis de très bonne humeur !

–Et moi je suis la reine d’Angleterre, raille-t-il. Sérieux Aly, qu’est-ce qu’il se passe ce matin ? Je ne t’ai jamais vu de si mauvaise humeur.

–Il me manque du sommeil, jemens.

–Arrête, sur le terrain tu dors bien moins que ça et tu ne perds jamais le sourire, me confond Jason.

–Ouais bin sur le terrain je me lève pour une bonne raison. Je suis infirmière moi, pas nounou pour des militaires arrogants.

–C’est quoi le problème avec les militaires ? IntervientDoc.

–Je ne les aime pas c’est tout. Ils sont prétentieux et arrogants. Bon, l’interrogatoire est terminé ? On peut y aller ? Je demande en posant ma tasse dans le lave-vaisselle pour couper court à la discussion.

–C’est parti, me sauve Jason.

Je peste silencieusement sur le chemin jusqu’à la caserne. Dans quel pétrin je me suis encore mise ? Pourquoi n’ai-je pas refusé tout simplement ? Comme si je pouvais refuser quoique ce soit à Jason. Et dire qu’il y a à peine un an je ne le connaissais pas, et tout était tellement plus simple. Plus triste certes mais plus simple. Je m’étais interdit formellement les accroches, et je m’en sortais plutôt pas mal avec mon ancienne équipe, une très bonne entente mais pas d’attaches, chacun sa vie. Jusqu’à mon arrivée dans l’équipe de Doc et Jason. Sans que je n’aie le temps de m’en rendre compte ils ont pris très vite une grande importance dans ma vie. Le trio de choc comme nous surnomme les autres. Et c’est par amour pour ce trio que je me retrouve dans la Peugeot 3008 bordeaux de Doc en direction de la caserne militaire.

Je sors de mes pensées et j’entends mes deux acolytes bavarder joyeusement, ça contraste avec ma mauvaise humeur et ma boule au ventre. J’essaie de me détendre, tout irabien.

–Vous parlez de quoi les mecs ?

–Doc raconte ses mésaventures avec ses plantes chéries, rigole Jason.

–Il ne s’agit pas de mes plantes, crétin, le problème c’est la voisine. Il ne comprend vraiment rien celui-là, se moqueDoc.

Je ris de bon cœur, ils sont vraiment drôles ces deux-là.

–J’ai tout compris je te signale. Je faisais un résumé de ton interminable histoire.

–Elle ne se résume pas mon histoire. Je disais, j’ai donné les clefs à ma voisine pour qu’elle arrose mes plantes une fois par semaine. Une fois tous les sept jours ce n’est pourtant la mer à boire. Et cette cruche y a pensé les deux premières semaines puis les a complètement oubliées. Alors imagine la gueule de mes plantes quand nous sommes rentrés de mission avant-hier.

–Oh le drame ! Comment as-tu fait face ? A ta place je ne m’en serais pas remise, dis-je pour le taquiner.

–Oh la la, vous n’y comprenez rien les jeunes.

–Mais oui papy, lui répond Jason.

Et nous finissons le trajet en riant, la boule au fond de ma gorge se dissipant unpeu.

Chapitre2

Nous arrivons devant la grille et les problèmes commencent. Evidemment ils procèdent à un contrôle d’identité avant de nous laisser entrer dans l’enceinte de la caserne.

–Bonjour, nous avons rendez-vous avec le commandant Gibert. Explique Doc au soldat chargé de la garde de la grille.

–Bonjour monsieur, j’ai besoin des pièces d’identité de toutes les personnes présentes dans le véhicule, s’il vous plait. Lui répond le militaire.

–Les enfants, donnez-moi vos papiers, nous demandeDoc.

Je cherche dans mon portefeuille, je ne la trouve pas. Jason donne les siens à Doc pendant que je fouille les recoins de mon sac, toujours rien. J’ai dû l’oublier dans la chambre.

–Je n’ai pas la mienne, je crois que je l’ai oubliée à la maison. Dis-je d’un ton neutre.

–Quel poisson rouge Aly ! Se moque gentiment Jason pendant que Doc donne l’information au garde.

–Je suis désolé monsieur, seules les personnes pouvant justifier de leur identité peuvent entrer dans l’enceinte. Lui répond le soldat.

–Parfait, allez-y sans moi, je reste ici. Ça m’arrange ! Dis-je, soulagée d’éviter la corvée de cette réunion.

–Hors de question Alyssa ! Me gronde Doc, nous avons besoin de toi. Monsieur, n’y a-t-il pas un autre moyen de vérifier son identité ? Je ne sais pas, sa carte vitale peut-être, ou …

–Et puis quoi encore ? J’interromps Doc en protestant. Ma carte de groupe sanguin aussi ? C’est confidentiel les données médicales ! Je ne peux pas entrer je n’entre pas, tant pis c’est comme ça, je vous retrouve tout à l’heure. Dis-je la main sur la poignée de la voiture, prête à l’ouvrir pour me sauver.

–Repos ! Que se passe-t-il ? Dis un homme d’une voix sèche, ce qui arrête mon geste.

–Mon lieutenant, ces personnes ont rendez-vous avec le commandant Gibert mais seulement deux des trois ont présenté une pièce d’identité. Lui répond docilement le soldat.

L’homme se penche à hauteur de la fenêtre de Doc pour s’adresser àlui.

–Bonjour monsieur, je suis le lieutenant Guérin. Qui n’a pas ses papiers ?

–C’est ma collègue, Alyssa Alves, infirmière de mon équipe. Lui répond Doc.

Il tourne sa tête vers moi et me dévisage silencieusement pendant un temps qui me paraît interminable. Je soutiens son regard, silencieuse moi aussi. Je détaille son visage, il est beau malgré son air dur, la mâchoire marquée, les yeux mi vert mi noisette, le teint halé, les cheveux noirs coupés très court. Puis il brise enfin le silence, mettant fin à mon inventaire.

–Madame, vous savez que normalement nous ne devrions pas vous laisser entrer si vous n’êtes pas en mesure de prouver votre identité ? Me dit-il d’une voix autoritaire.

–Votre collègue vient de nous en faire la leçon, je vous remercie. Dis-je sur un ton un peu sarcastique. Je disais justement à mes collègues que j’allais les attendre ici jusqu’à leur retour.

–Ce ne sera pas la peine, ça ira pour cette fois. Le commandant vous attend tous les trois.

Mince ! J’étais tout près d’échapper à cette connerie. La grille s’ouvre et Doc se gare sur une place visiteur. Le lieutenant nous rejoint puis nous escorte jusqu’à une immense salle de réunion vide, meublée seulement d’une grande table avec des chaises tout autour et un tableau blanc sur pied.

–Attendez ici. Nous dit le lieutenant, toujours sur son ton autoritaire.

Il commence à m’agacer à nous parler de la sorte, pour qui se prend-il ? Il ferait mieux de respirer parce que l’élastique va finir par péter s’il ne se détend pas.

Je tire une chaise et m’assied devant l’air médusé de mes deux collègues restés debout. Je les regarde me dévisager, j’ai un troisième œil qui me pousse au milieu du front ou c’est la bosse que je me suis faite ce matin qui les perturbe ?

–Quoi ? Finis-je par demander.

–Lève-toi enfin ! Tu es dans une caserne militaire ici, tu n’es pas dans ton salon. Me grondeDoc.

–J’ai remarqué merci, je n’aurais pas décoré mon salon comme ça, dis-je en riant. Détends-toi, je suis juste assise sur une chaise, je ne suis pas allongée sur la table.

–Ici on attend qu’on nous invite à nous assoir, tu n’as jamais mis les pieds dans une caserne ou quoi ?

–Non jamais, et toi, tu y passe ton temps libre ?

Je m’apprête à me lever lorsque la porte s’ouvre sur le lieutenant et un autre type, sûrement le commandant.

Chapitre3

–Bonjour messieurs dame, dit-il en s’avançant vers nous main tendue. Je suis le commandant Gibert.

Nous lui serrons lamain.

–Je vous remercie d’avoir accepté mon invitation, poursuit-il. Le lieutenant Guérin et moi-même attendions votre visite avec impatience.

–C’est tout-à-fait naturel, tout le plaisir est pour nous commandant, lui répond Doc.

–Je vous en prie installez-vous. Comme je vous l’ai dit lors de notre échange téléphonique, le lieutenant et moi avons pensé qu’il serait bon de faire mieux connaissance entre nos services. Nous pouvons être amenés à nous croiser sur le terrain et une bonne relation est toujours plus agréable au vu de nos conditions de travail.

–Bien entendu, répond seulementDoc.

–Aussi, mes hommes suivent régulièrement des cours de premiers secours. Nous avons donc pensé qu’il serait intéressant que vous leur dispensiez un cours aujourd’hui afin de resserrer les liens entre eux et votre équipe. Etes-vous toujours d’accord avec cela ? Demande le commandant.

–Nous sommes tout à fait d’accord, nous sommes venus avec le matériel nécessaire. Nous pouvons commencer quand vous le voulez. Répond Doc d’un ton posé.

–Parfait. Lieutenant je vous prie, faites entrer les hommes.

Le lieutenant se lève et se dirige vers la porte. Je le regarde s’éloigner, je n’avais pas remarqué qu’il était si bien bâti. On dirait une armoire à glace. Je devine tous les muscles qui doivent se cacher sous son treillis, finalement pas si hideux d’ailleurs. Oh la la Alyssa, on se reprend ma vieille, on dirait un mec de bas étage en train de reluquer la première nana qui passe. Je détache mes yeux de son corps si carré et je regarde les soldats entrer dans la pièce. Doc se lève et Jason et moi l’imitons.

–Bonjour messieurs, les salut Doc.

–Bonjour, répondent-ils tous en chœur.

–Je suis le docteur Patrick Faure et je vous présente Alyssa Alves, infirmière, et Jason Morin, aide-soignant. Nous sommes une des équipes médicales de médecins sans frontières qui intervient dans différents pays en guerre, en difficulté ou en situation de grande pauvreté pour aider la population dans les soins, la prévention et l’accompagnement. Aujourd’hui nous allons vous donner un cours de premiers secours. Vous allez former trois groupes et chacun de nous montrera à un groupe les gestes à adopter en cas de besoin. Si vous avez des questions n’hésitez pas à les poser, nous sommes là pour ça.

Toute l’attention est sur Doc, il adopte un ton neutre, quoiqu’un peu paternaliste, il est sûr de lui, il sait pour quoi il est là et ce qu’il a à y faire.

–Si vous le voulez bien nous allons pouvoir commencer, poursuit-il.

La quinzaine d’hommes se séparent en trois groupes.

–Jason tu t’occupes du groupe de droite et Alyssa du groupe de gauche, nous dit Doc.

Super ! Evidemment j’hérite du groupe du lieutenant. Les trois groupes se disperses dans la salle et je prends la parole dans le mien.

–Bonjour messieurs, pour commencer je vais vous montrer la réanimation cardio-pulmonaire, autrement dit le massage cardiaque accompagné du bouche à bouche. J’aurais besoin d’un volontaire et ensuite vous reproduirez les gestes par équipe de deux.

Et c’est bien entendu le lieutenant Guérin qui s’avance vers moi en tant que volontaire.

–Il serait utile que vous enleviez le haut de votre treillis et que vous vous allongiez sur le tapis, lui dis-je d’une voix plus assurée que je ne le suis réellement.

Il s’exécute et je le regarde enlever son uniforme, dévoilant par la même occasion les muscles que j’avais deviné tout à l’heure. Le spectacle est à la hauteur de mes espérances, il ne manque pas un seul des muscles que j’avais imaginé ; tout y est. Je sens le rouge me monter aux joues lorsque je sors de ma contemplation et que je le vois allongé, attendant mes instructions. Bravo pour le professionnalisme Aly ! Reprends-toi banane, ce n’est qu’un corps. Je pose mes mains sur son torse en expliquant mes gestes et je commence à simuler le massage, en demandant à mes élèves d’un jour de faire pareil. Puis je soulève le menton de mon volontaire et mime un bouche à bouche, en surveillant toujours que le reste du groupe fait les bons gestes. Et je continue mon cours sur le même modèle pour la prise de pouls, le calcul d’un rythme cardiaque, la pose d’un garrot, et le tout sur le même cobaye.

La journée touche à sa fin, il était temps ! Nous remercions tout le monde, serrons la main du commandant et du lieutenant et nous repartons vers la voiture. Bien heureuse de sortir enfin de cet endroit.

Chapitre4

Je m’installe à l’arrière de la voiture, il est 16h05, j’ai cru que cette journée ne se terminerais jamais. Finalement les miliaires ne sont pas comme je les imaginais. Très strictes c’est vrai mais leur rigueur n’a rien à voir avec l’arrogance que je leur prêtais jusqu’alors.

–Alors Aly, cette journée ? Ce n’était pas si terrible en fin de compte, non ? Me demande Jason.

–Non, c’est vrai. C’était même agréable de pouvoir transmettre notre savoir.

–Et ton avis sur les militaires ? Ce sont toujours tous des cons ? Surenchéri Doc en riant.

Ils vont me charrier tout le long du trajet, je le sens gros comme une maison. Et je l’aurais bien cherché vu ma mauvaise humeur de ce matin. J’accepte mon sort de bon cœur.

–Non, c’était moi la conne de l’histoire. Ça va, ça va j’assume, vous pouvez vous déchaîner. Dis-je en levant les mains comme pour me rendre.

–Il n’est pas trop tard pour s’en apercevoir, me cherche Jason aussi hilare que Doc.

–Têtes de nœuds, leur dis-je en riant moi aussi.

La route se poursuit dans la chamaillerie. Ils ne se gênent pas pour me chambrer sur mon humeur de ce matin et sur la bosse qui ne m’a pas quittée depuis mon réveil. Mais je leur rends bien, ce ne sont pas ces deux babouins qui auront le dernier mot face à moi et mon amie la bosse.

Doc se gare enfin devant la maison.

–Tu restes dîner avec nous Doc ? Lui propose Jason.

–Je ne sais pas, il ne faudrait pas que je rentre trop tard.

–Quelqu’un t’attend peut-être ? Une nouvelle conquête ?

La femme de Doc l’a quittée il y a des années et depuis il ne s’est jamais engagé de nouveau dans une relation stable. D’après lui il ne veut plus s’embêter avec une femme, moi je pense qu’il craint surtout de souffrir encore une fois, et de toute façon à la manière qu’il a de parler de son ex-femme il est toujours complètement amoureux d’elle, il n’a pas digéré leur divorce.

–Oui, mes plantes !

–Aller viens, ne te fais pas prier. Au point où elles en sont tes plantes elles ne sont plus à une soirée près.

–Oui, aller Doc, nous n’allons pas te laisser seul dans ton deuil floral. On se ferait trop de soucis pour toi. Dis-je pour finir de le convaincre, comme s’il ne l’était pasdéjà.

–Bon d’accord les enfants, mais c’est moi qui cuisine, hors de question de repartir avec une intoxication alimentaire.

–Merci cher ami, c’est agréable. Dis-je faussement vexée.

Les hommes se dirigent au salon pour commencer une partie de jeu de football sur la console, et je les rejoins avec trois bières à la main. Quoi de mieux qu’une bonne soirée détente pour évacuer le stress qui m’a rongé à l’idée de cette proximité avec les militaires. Je m’installe sur un fauteuil et je bois une gorgée de bière, c’est bon c’est terminé maintenant, c’est derrière moi. J’appuie ma tête sur le dossier et je les écoute se chamailler pour choisir leur équipe.

–Je te dis que c’est moi qui prends une équipe espagnole, râle Doc.

–N’y compte pas, je l’ai sélectionnée en premier.

–C’est moi qui décide, je suis ton chef.

–Tu rêves, tu es mon boss en mission. Ici on est au même niveau.

–Je suis ton aîné, tu me dois la priorité, insiste Doc.

–Mais oui, mais oui, aller l’ancêtre, choisis une équipe qu’on puisse commencer. J’ai hâte de te ridiculiser.

–Abruti !

Au bout d’un moment je me lève pour aller dans la cuisine préparer le repas. Je commence à couper les tomates pour la salade quand Doc arrive derrière moi et me crie de lâcher mon couteau. Je sursaute et me retourne vivement face à lui, le couteau pointé dans sa direction. Quel idiot celui-là, il m’a fait peur ! Et le voilà qu’il se marre, il est vraiment irrécupérable.

–JE prends le relai, dit-il en insistant sur sa personne. C’était ma condition pour rester, pas d’empoisonnement.

–Tu dis n’importe quoi, tu n’as même jamais goûté ma cuisine, comment peux-tu être sûr que c’est mauvais ?

–Parce que les femmes d’aujourd’hui ne sont plus ce qu’elles étaient. La cuisine ce n’est plus votre fort, il faut s’adapter.

–Tu sais que tu parles à une fille encore armée d’un couteau. Tu te comportes dangereusement, dis-je en feignant un air menaçant.

–Aller petite fille, pose ça tu vas te blesser.

Il ne peut pas s’empêcher de se prendre pour notre père à Jason et à moi. C’est agaçant souvent, mais c’est tellement mignon dans le fond. Pour lui qui n’a jamais eu d’enfant et qui a renoncé à l’idée d’en avoir depuis son divorce je sais que nous comblons cevide.

Chapitre5

J’enfile mon pyjama et m’allonge sur mon lit. Il est 2h57 du matin. Je sais que je ne trouverais pas le sommeil de sitôt, je ne suis même pas sûre de vouloir le trouver d’ailleurs. Mes nuits sont remplies d’angoisses, de souvenirs, de douleur. Vivement que l’on reparte en mission, sur le terrain je n’ai pas le temps de penser, je m’endors parce que l’épuisement me guète sans relâche et les nuits sont trop courtes pour avoir le temps de faire quelconque cauchemar. La prochaine mission débute mardi prochain, plus que sept jours à patienter et nous interviendront dans la région de l’Oromia en Ethiopie.

Je me réveille en sursaut, je suis trempée de sueur. Je regarde mon téléphone, 5h44. J’ai un texto, comme toutes les fois que les cauchemars me réveillent. Je déverrouille mon portable, l’écran affiche un message de Jason. Je sais déjà ce qui est écrit, c’est le même chaque nuit, « Ça va aller ? ». Merde, j’ai encore dû crier. Je tape la réponse, toujours la même aussi, « Ça baigne », j’appuie sur envoyer et je sors de mon lit. Je vais dans ma salle de bain, j’enlève mon pyjama que je laisse tomber sur le sol et j’enfile un legging de sport, un débardeur et un sweat, et enfin j’attache mes cheveux en queue de cheval. Je vais dans la cuisine sur la pointe des pieds pour boire un grand verre d’eau cul sec et je sors de la maison sans faire de bruit.

Je commence avec des petites foulées puis j’accélère pour chasser les pensées désagréables qui jouent leur film dans ma tête. Au bout de quinze kilomètres mes poumons sont en feu et mes jambes tétanisées quand j’aperçois enfin ma porte d’entrée. Je rentre à la maison discrètement, Jason doit encore dormir. Je passe par la cuisine pour boire une demi-bouteille d’eau et je remonte dans ma chambre.

J’entre dans la douche. Je sais que Jason s’inquiète de mes cauchemars mais il tient suffisamment à moi pour ne pas être trop intrusif. Il m’a posé des questions au début, et même si l’excuse d’un prétendu traumatisme subi lors d’une intervention ne l’a pas complètement convaincu il a eu la délicatesse de faire semblant de me croire. Les premiers temps il accourait dans ma chambre pour essayer de me rassurer, puis il a compris de lui-même que ça me rendait mal à l’aise, honteuse de le réveiller en sursaut chaque nuit.

Maintenant il se contente de ce message, il ne change jamais de texte. Et je lui en suis tellement reconnaissante. Alors à chaque fois j’envoie la même réponse pour qu’il puisse se rendormir l’esprit tranquillement.

Je sors de la douche et m’enroule dans une serviette, je me brosse les dents puis me dirige dans mon dressing de fortune pour choisir ma tenue du jour. J’opte pour un jean beige et une chemise en jean. Mes sous-vêtements, ma paire de bottines camel et une ceinture assortie aux chaussures. Je m’habille, j’attache mes cheveux rapidement dans une pince puis je mets du mascara et du baume à lèvre. Je vais replier la couette sur le bord du lit pour aérer les draps, j’ouvre la fenêtre et je descends dans la cuisine où je trouve Jason assis à table avec sa tasse de café dans les mains. Comme chaque matin ma tasse de thé m’attend, fumante, à côté de lui. Mais quel amour cet homme, je ne comprendrais jamais comment il peut être encore célibataire.

–Salut Aly ! Ça va ? Me demande-t-il, souriant, alors que je le rejoins.

–Ça va bien et toi ? Merci pour mon thé.

Chaque matin je le remercie de cette petite attention, je ne prendrais jamais l’habitude au point d’oublier de lui témoigner ma reconnaissance.

–Impec ! Avec plaisir. Alors, quoi de prévu aujourd’hui ?

–Je ne sais pas encore, je vais peut-être aller faire un peu de shopping. Et toi ?

–Je vais aller voir mes parents, ils me harcèlent depuis qu’on est rentrés.

–Bon programme. Comment vont-ils d’ailleurs ?

–Ils vont bien, ils râlent qu’on ne se voit pas assez mais en même temps ils ont un emploi du temps de ministre. Ils sont encore plus occupés que lorsqu’ils travaillaient. Entre les déjeuners chez tel ami, les diners chez tel autre, les matinées squash, les après-midi golf. Ils n’ont plus une minute de libre.

–C’est bien qu’ils s’occupent, ça les tient en forme. Et comment as-tu réussi à te greffer sur leur agenda ?

–Ma mère ne pouvait pas rester un jour de plus sans voir son fils, alors elle m’a calé entre le brunch de ce matin avec sa copine Annie et son diner avec un couple d’amis. Je me sens privilégié, ri-t-il.

–Quelle chance !

Je me lève et pose les tasses dans le lave-vaisselle.

–Aller je file, avec la circulation je vais finir par être en retard. A toute, me dit-il en déposant un bisou sur mon front.

–A plus tard, sois prudent.

Et il sort de la maison tel un courant d’air. Je passe un coup d’éponge sur la table et je range ce qui traîne par ci par là puis je passe l’aspirateur dans toute la maison. Une fois terminé je monte dans ma salle de bain et me détache les cheveux, je passe un coup de brosse pour leur redonner une forme, j’attrape mon sac à main et je sors à mon tour.

Chapitre6

Il est 19 heures quand je passe la porte de la maison et Jason est déjà rentré. Doc est là, lui aussi. Ils sont dans le salon avec un tas de papiers devant eux. Je les salues de loin et je vais dans la cuisine me laver les mains et me servir un verre de vin blanc.

–Aly, viens voir s’il te plaît, m’appelle Jason.

Je les rejoins avec deux bières pour eux et mon verre.

–Alors que nous vaut l’honneur de ta présence Doc ? La mission est avancée ?

Je leur tends leur bière.

–Merci. Non, on part comme prévu.

–C’est quoi ces papiers alors ?

–Ce sont les itinéraires, les ordres d’interventions et les directives une fois sur place.

Je pose mon verre sur la table basse et je prends l’itinéraire dans mes mains.

–Comment se fait-il que tu nous les donne déjà ?

–Il fallait que je vous parle, alors je les ai apportés en même temps. Comment s’est passé ta journée ?

–Très bien, mais tu tournes autour du pot, qu’avais-tu à nous dire ?

–Eh bien, le commandant m’a appelé.

–Et ?

–Et il veut que nous revenions former un deuxième groupe.

–C’est super, cela veut dire que notre intervention leur a plu.

–C’est vrai, tu es ok ?

–Bien-sûr, vous n’avez pas besoin de mon accord pour y aller.

–Non mais c’est avec toi aussi.

–Ah non, non. Il n’en est pas question. Trouve une autre infirmière Doc.

–Il a insisté pour que ce soit la même équipe qu’hier.

–Tu auras ma peau, dis-je résignée.

Je reprends mon verre et je vais m’installer dans un fauteuil avec les plans des itinéraires et je commence à les parcourir.

–Alors cette séance shopping Aly ?

–Fructueuse. Et toi tes parents, comment vont-ils ?

–Ils pètent le feu. Ma mère s’est mise en tête de me trouver une femme, elle a voulu me présenter à toutes les filles de ses amies.

–Je croyais qu’elle était du genre à être possessive avec toi, dis-je en riant.

–Justement, en choisissant ma future femme elle garde une main sur moi puisqu’elle me trouvera une main qui a les mêmes idées qu’elle.

–C’est ingénieux.

–Diabolique tu veux dire.

Je ris devant son air renfrogné, je bois une gorgée de vin et je me replonge dans la lecture des documents.

–Une partie de console Jason ? DemandeDoc.

–Aller ! Et je suis sympa, je te laisse même l’Espagne.

–Quelle grandeur d’âme, raille-t-il.

–Tu restes diner Doc ? Je lui demande.

–Avec plaisir.

Je repose les papiers sur la table basse et je vais préparer le repas. Je fouille dans le frigo à la recherche d’une idée de menu. J’en sors des courgettes, une aubergine et quelques tomates. C’est parfait. Je coupe mes légumes et démarre la cuisson.

–Au fait Doc, quand doit-on aller donner ce fameux cours ?

–On s’est entendu pour y aller demain. On a rendez-vous à la caserne à 9 heures. Je passerais vous chercher à 8h15.

–Super, dis-je en retournant à mes fourneaux.

–A table !

Les hommes arrivent et s’installent à la table de la cuisine.

–C’est super bon Aly, je suis épaté.

–Merci Doc, je ne sais pas trop comment prendre ton étonnement.

–Mea culpa, je ne douterais plus de tes talents.

–J’espère bien.

Le repas se poursuit dans une bonne ambiance, nous parlons des ordres de missions pour mardi prochain, des parents de Jason, des plantes de Doc. Puis la soirée se termine. Je mets les assiettes dans le lave-vaisselle pendant que Jason nettoie la table. Il est déjà 23 heures quand nous terminons et nous montons dans nos chambres.

Je me déshabille et me mets en pyjama, je me démaquille, brosse mes dents et mes cheveux et je choisis un livre avant de m’allonger dans mon lit. Demain s’annonce encore être une pénible journée. Je ne pourrais pas oublier ma carte d’identité deux fois de suite. Inutile d’y penser, j’aviserai demain. Il me tarde vraiment de repartir en mission.

Ce soir ce sera La gloire de mon père de Marcel Pagnol.

Chapitre7

C’est encore un cauchemar qui me réveille. Il fait nuit dehors. La sonnerie de mon téléphone m’informe qu’une fois de plus j’ai crié pendant mon sommeil. Je prends mon portable pour répondre à Jason et regarder l’heure. Il est 5h17, je ne me rendormirais pas. Je me lève et me dirige dans la salle de bain. Quelle tête ! Je jurerais que même le miroir a eu un mouvement de recul. Je me passe de l’eau sur le visage et je troque mon pyjama contre ma tenue de course. Je relève mes cheveux en queue de cheval et je descends dans la cuisine. J’avale un grand verre d’eau et je sors courir. Lorsque mes poumons deviennent douloureux et que ma gorge est complètement sèche je rentre à la maison. Je m’arrête à la cuisine pour prendre une bouteille d’eau et je monte jusqu’à ma chambre. En passant devant la chambre de Jason j’entends son réveil sonner.

Une fois douchée je me brosse les dents et je vais choisir ma tenue, un jean noir, un débardeur blanc, un pull gris un peu large, une ceinture noire et des bottines assorties. Je démêle mes cheveux et refais ma queue de cheval. Un coup de mascara, un peu de parfum et je descends préparer le petit déjeuner.

Jason n’est pas encore descendu, le pauvre le réveil doit être dur. Je m’en veux de le réveiller presque chaque nuit. Je lui prépare un café, et je me fais un thé. Je sors les céréales pour lui, les raisins secs pour moi et le jus d’orange. Je pioche dans le sachet de raisins pendant que j’installe la table et je pense au programme d’aujourd’hui. Je n’ai aucune envie d’y aller, mais je ne dois rien laisser paraître sous peine que les garçons finissent par me poser des questions. Et puis la dernière fois tout s’est bien passé. Le plus difficile sera de franchir la grille, ensuite tout ira bien. Jason descend enfin. J’adore voir son air contrarié quand je prépare mon thé toute seule, c’est son habitude et il n’apprécie pas que je le devance.

–Tu aurais pu attendre que je me lève pour tonthé.

–Bonjour à toi aussi, tu as bien dormi ?

–Ouais bonjour, impec et toi ?

–Impec.

–C’est un petit déj’ de roi ! Dit-il en s’asseyant à table.

–Il faut ce qu’il faut, je réponds en grignotant mes raisins.

–Beurk, comment fais-tu pour avaler ces trucs tous les matins ?

–C’est bien meilleur que tes céréales, crois-moi.

Ça sonne à la porte. Jason et moi nous regardons en souriant, c’est forcément Doc avec vingt minutes d’avance comme à chaque fois. Le retard est l’ennemi juré de Doc.

–Pile à l’heure, dis-je ironiquement en lui ouvrant la porte.

–Hahaha très drôle. Il reste du café ?

–Evidemment, entre.

–Salut Jason, dit-il en entrant dans la cuisine.

–Salut Doc, bien dormi ?

–Comme un bébé. Tu manges encore ces horreurs Aly ?

–Mais vous allez me lâcher avec mes raisins ?

Nous finissons notre déjeuner en parlant du déroulé de la journée, puis nous montons dans la 3008 de Doc. Je m’assois à l’avant.

–Tu as tes papiers d’identité le poisson rouge ? Me demande Jason.

–Oui je les ai, tête de nœuds.

Nous discutons pendant le trajet, enfin surtout Doc et Jason, moi je les écoute se lancer des vannes en riant, parler de leur rares conquêtes et de temps en temps j’interviens pour ramener mon grain desel.

Nous arrivons devant la grille et nous sommes reçus par le même garde que deux jours plustôt.

–Bonjour monsieur, nous avons rendez-vous avec le commandant Gibert.

–Bonjour, je le préviens immédiatement. Pouvez-vous me présenter vos papiers d’identité s’il vous plaît.

–Bien-sûr. Les enfants, vos papiers s’il vous plaît, nous demande Doc.

Cette fois je n’ai pas le choix, deux oublis de suite ne seraient pas crédibles. Je tends ma carte d’identité à Doc.

Le garde a à peine jeté un œil sur les cartes avant de nous les rendre. C’est tout ? Si j’avais su, ça m’aurait évité un stress inutile.

–Vous pouvez y aller, le commandant vous attend.

–Merci, bonne journée.

–Demême.

Nous nous garons sur le parking visiteur et nous entrons dans la caserne. A l’accueil on nous demande de patienter quelques instants. Je vais pour m’asseoir avant de me souvenir de la morale de Doc avant-hier, ici on attend que l’on nous y invite. La secrétaire revient vers nous.

–Messieurs dame, veuillez me suivre s’il vous plaît.

Nous la suivons dans les escaliers jusqu’au premier étage. Nous arrivons devant un bureau et lorsque la porte s’ouvre ce n’est pas le commandant Gibert que nous voyons devant nous.

–Bonjour messieursdame.

–Bonjour lieutenant Guérin, lui répond Doc.

Chapitre8

Je reste immobile face à lui, il me regarde fixement et je vois qu’il essaie de déchiffrer mon comportement. Je le regarde, les lèvres à demi ouvertes, je ne m’attendais pas à le voir lui. Il porte toujours son air aussi strict mais je vois bien qu’il cache un petit sourire en coin. Je me ressaisie, hors de question de lui laisser l’avantage, le contrôle ça me connaît moi aussi et à ce petit jeu je suis plus forte que lui. Je lui tends la main et lui dis bonjour d’un air faussement assuré.

–Je suis ravi de vous revoir, nous dit le lieutenant. Le commandant et moi avons apprécié votre intervention de lundi, aussi après en avoir discuté nous avons pensé qu’il serait intéressant qu’un second groupe puisse bénéficier de votre enseignement.

–Je vous remercie de votre confiance, c’est une expérience intéressante pour nous aussi. Ce genre d’intervention nous rappelle que la médecine se pratique aussi dans un endroit propre, sans la pression d’un environnement hostile et sur des patients en meilleur état physique général. Après tant d’années sur le terrain nous finissons par l’oublier.

–Je comprends, ce ne sont pas des conditions adéquates pour travailler, mais ces gens ont besoin de vous. J’admire votre courage de multiplier les missions de la sorte, et d’aller travailler dans des circonstances si particulières.

–Vous ne déméritez pas non plus, vous risquez vos vies à chaque fois que vous partez en mission pour sauver celles des populations que vous défendez, répond Jason.

–Oui, dans une tout autre mesure.

Je reste silencieuse en attendant impatiemment que le cours commence. Je voudrais sortir de cette pièce pour arrêter de sentir son regard pesant sur moi. Tout le long de leur conversation je fixais Jason pour m’empêcher de le regarder, mais je sentais ses yeux sur moi, et une ou deux fois je n’ai pas pu m’empêcher de détourner ma tête dans sa direction, croisant son regard à chaque fois.

–Et vous Alyssa, que pensez-vous de vos interventions au sein de notre caserne ?

C’est à moi qu’il parle ? Comment se permet-il de m’appeler par mon prénom quand il n’a pas la politesse de nous indiquer le sien. Ce que j’en pense de ma présence ici c’est que j’aurais préféré que nous n’arrivions pas avec vingt minutes d’avance, ce qui nous aurait évité d’avoir à papoter cordialement. Merci Doc et sa phobie d’être en retard.

–Alyssa ? Lui dis-je seulement.

–C’est bien votre prénom, non ? Me demande-t-il tout à coup décontenancé.

–Aux dernières nouvelles. Si nous devons nous appeler par notre prénom puis-je avoir l’honneur de connaître le vôtre ?

Doc change de couleur en m’écoutant parler, et Jason manque de s’étouffer de rire devant l’air désarçonné du militaire qui lutte courageusement pour feindre l’indifférence.

–Vous avez raison, nous devrions nous contenter…

Ah non cher lieutenant, c’est beaucoup trop facile, moi aussi je veux jouer. Je le coupe dans sa phrase.

–Votre prénom est un secret ?

Doc est passé du blanc au rouge néon et Jason s’est tourné pour cacher son fou rire. La mâchoire du lieutenant se serre, je vois qu’il a du mal à garder le contrôle.

–Sergio, dit-il seulement. Nous devrions aller en salle de réunion, les hommes doivent être arrivés.

1-0 pour moi Sergio. Nous nous levons et nous dirigeons vers la porte pour nous rendre dans la salle de cours improvisée.

Nous entrons dans la salle où les soldats nous attendaient déjà, ils se mettent tous au garde à vous à la vue du lieutenant. Le bruit de leurs pieds qui claquent le sol me fait une décharge dans le dos, je les regarde tous immobiles, droit comme des piquets les bras le long du corps. Je me tiens face à eux sans savoir comment me comporter. Au bout de quelques secondes qui m’ont parue interminables le lieutenant desserre le rang.

–Repos !

Il a toujours son air strict, impassible et sa voix dur, dénuée d’émotions. Mais tout à l’heure je l’ai percé à jour, au fin fond de sa carapace robotique se cache un être humain et une partie de moi bien trop grande a une irrésistible envie de creuser encore un peu plus.

Le cours débute, nous procédons de la même manière que la dernière fois, nous séparons les hommes en trois groupes. Cette fois le lieutenant ne fais pas parti des élèves, il se contente de superviser la journée, attentif à tous nos faits et gestes et ceux de ses soldats. Je sens encore son regard dans mon dos, c’est oppressant. Heureusement que mes conditions de travail en mission m’ont habituée à résister à la pression et à travailler sans me soucier de ce qui m’entoure. Malgré tout ce n’est pas l’envie qui me manque de demander à notre honoré Sergio Guérin de bien vouloir se trouver un autre joujou à surveiller.

La matinée passe et il est temps de faire une pause repas. Je me tourne pour rejoindre mes deux acolytes quand je vois le lieutenant se diriger vers moi. Et merde ! Qu’est-ce qu’il veut encore ?

–Accepteriez-vous de venir déjeuner avec moi ?

QUOI ?? Attendez, on peut répéter là ? Aller déjeuner avec lui ? Non, non pas question, c’est trop risqué.

–Merci pour l’invitation mais je n’ai pas faim.

Bien-sûr mon ventre choisi ce moment précis pour grogner aussi fort qu’un troupeau de bœufs en colère. Voilà que maintenant je passe pour une menteuse. Ou une lâche, ou les deux carrément. Je le fixe en essayant de ne pas rougir, en même temps j’ai très envie d’y aller, je voudrais le découvrir un peu plus.

–Je crois que votre estomac n’est pas de cet avis, dit-il un sourire triomphant en coin.

Aller ma vieille, juste pour le jeu, c’est lui qui a commencé, montre-lui que toi aussi tu sais jouer.

–Très bien, allons y. Je vais prévenir mes collègues.

–Je vous attends.

Dans quel pétrin je me suis encore mise, moi ? Juste le jeu. Rien que le jeuAly !

Chapitre9

Il tire la chaise du restaurant pour m’inviter à m’asseoir. Ce qui pourrait passer pour de la galanterie n’est malheureusement qu’un reflet de sa déformation professionnelle. Ce n’est qu’une des bonnes manières apprises au cours de sa carrière de militaire. Visiblement il est dans le contrôle, alors on sera deux. Le serveur nous apporte les cartes et repart. J’ai à peine le temps de survoler le menu que mon compagnon de table s’impatiente poliment.

–Vous savez ce que vous voulez ?

Heureusement que j’avais déjà une vague idée de ce que je voulais manger.

–Je vais prendre une salade césar et une entrecôte.

Je le vois me regarder comme si j’étais un extraterrestre, il ne devait pas s’attendre à ce que je demande un vrai repas. En général les femmes grignotent lors d’un premier repas en tête à tête, moi je n’ai jamais trouvé séduisant qu’une femme se prive de manger devant un homme. Et puis de toute façon ce n’est pas un déjeuner romantique, nous ne sommes que deux adultes qui nous prêtons au jeu de celui qui perdra la face en premier. Il fait signe au serveur, et celui-ci vient prendre notre commande.

–Et nous sommes assez pressés, s’il vous plaît, s’empresse-t-il de préciser.

Ça devient vraiment vexant, s’il ne voulait pas passer tout un repas avec moi il n’avait qu’à pas m’inviter, je ne lui ai rien demandé moi. Nous restons silencieux un moment, je dois briser la glace, si c’est moi qui fais le premier pas dans la conversation c’est moi qui prends la main. Aller Aly, trouve quelque chose à dire.

–La matinée a été à la hauteur de vos attentes ?

–Tout à fait, comme la dernière fois. Dit-il d’un ton neutre.

S’il ne fait pas de phrases un peu plus longues nous allons avoir du mal à meubler tout le repas.

–Vous comptez faire venir d’autres équipes de Médecins Sans Frontières pour dispenser des cours à vos collègues ?

–Non, nous en avons parlé avec le commandant Gibert c’est une expérience qui doit rester exceptionnelle, vos services ont bien d’autres choses à faire. Et de toute façon nous ne voulons collaborer qu’avec votre équipe.

–Pourquoi ?

–Pourquoi quoi ?

Tu avais très bien compris ma question, si tu me demande de reformuler c’est qu’elle ne te met pas à l’aise cher adversaire. Je recommence.

–Pourquoi seulement notre équipe ?

Parce que nous avons apprécié votre manière d’enseigner et que …

Il marque un temps d’arrêt, il cherche une réponse qui convienne.

–Et puis parce que c’est comme ça. Vous posez toujours autant de questions Alyssa ?

–Mes questions vous mettent mal à l’aise Sergio ?

Je le vois se raidir et sa mâchoire se crisper en entendant son nom. Il pensait peut-être que j’allais continuer à l’appeler lieutenant en dehors de la caserne et lorsqu’il se permet d’utiliser mon prénom ?

–Absolument pas.

–Tant mieux.

Nous continuons de manger en silence. J’ai marqué le dernier point alors cette fois ce n’est pas qui parlerais en premier.

–Vous êtes en couple Alyssa ? Me demande-t-il de but en blanc.

Je bois une gorgée d’eau pour éviter de m’étouffer avec mon morceau de viande, hors de question que je paraisse troublée.

–Non je n’ai personne.

Je meurs d’envie de lui retourner la question mais je n’en ferais rien, il ne doit pas penser un seul instant que je puisse attendre quoique ce soit avec lui.

–Ce n’est pas facile de construire une vie de couple lorsque nous passons une bonne partie de notre temps à l’étranger.

Il a donc l’air célibataire.

–Effectivement cela ne doit pas être simple. Pour ma part depuis que je suis entrée à MSF je n’ai pas tenté l’expérience.

–Et cela fait combien de temps que vous faites ce travail ?

–5 ans.

–Et vous avez toujours fait partie de cette équipe ?

–Non, je les ai rejoint il y a un an pile.

–En vous voyant on pourrait croire que vous vous connaissez depuis toujours.

–En mission les liens se créés beaucoup plus rapidement, et plus fort que dans la vie en général, vous le savez mieux que quiconque.

–C’est exact. Et vous n’avez jamais eu envie d’une relation amoureuse ?

–Non, pour l’instant je ne suis pas prête à faire passer mon travail au second plan pour un homme, à gérer ses angoisses lorsque je suis en mission, ni à faire des compromis entre mes déplacements et ses attentes d’une vie stable.

Mince, sans que je ne m’en rende compte je ne parle que de moi. Il est fort, vraiment très fort.

–En sommes il vous faudrait un homme qui partage vos conditions de travail.

–Ou pas d’homme du tout, c’est bien aussi.

–Ne soyez pas si affirmative, on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve.

–Vous êtes en couple vous ?

La question est posée. Tant pis, je lui cède le point volontiers. Le moment que nous partageons est vraiment agréable.

–Non, pas depuis un moment. Comme vous l’avez très bien décrit il est difficile de trouver une personne prête à accepter notre mode de vie.

Je tente de cacher mon sourire en coin derrière mon verre d’eau alors que le repas se termine. Il est célibataire !

–Nous devrions retourner à la caserne. C’était un déjeuner très agréable, je vous remercie de l’avoir accepté.

–Plaisir partagé, dis-je en me levant pour sortir du restaurant.

Je n’ai rien trouvé de mieux à dire. « Plaisir partagé », pauvre andouille.

Chapitre10

A 17 heures nous regagnons tous les trois la voiture de Doc. Je vois bien les œillades de Jason et l’air fière de Doc. Je me demande à quelle sauce je vais être mangée sur le chemin de retour.

Sergio et moi avons passé l’après-midi à nous jeter des coups d’œil, en restant les plus professionnels possible, chacun dans son rôle. Mais lorsqu’à un moment un soldat m’a demandé si j’étais célibataire et s’il pouvait avoir mon numéro il est venu à côté de moi et a passé sa main dans mon dos, déclenchant un grand frisson traversant tout mon corps. Son contact était ferme, protecteur mais en même temps d’une douceur infinie.

–Vous n’êtes pas ici pour copiner Delaunay, vous vous ferez des connaissances plus tard, sur votre temps libre. Lui a-t-il dit d’un ton encore plus sec que d’habitude.

Je n’ai jamais accepté qu’un homme s’interpose de la sorte, mais je dois bien avouer que cette fois son intervention a éveillé quelque chose en moi, une partie de moi s’est sentie flattée. Je débloque complètement, on avait dit le jeu Aly, seulement le jeu. Et pourtant le jeu est déjà bien loin de mon esprit.

Au moment de partir je lui serre la main, comme à chacune de nos salutations précédentes, et je sens qu’il me glisse un morceau de papier. Je la referme et fais mine de mettre mes poches pour y déposer le papier. Je le lirais plus tard.

Je m’installe à l’arrière de la voiture, espérant échapper à l’interrogatoire qui m’attend, comme si c’était possible. A peine Doc a-t-il allumé le moteur Jason attaque, dans la délicatesse bien-sûr comme toujours.

–Racontes nous tout, c’était croustillant ?

J’explose de rire, voilà la délicatesse légendaire de Jason dont je parlais à l’instant.

–Tu es jaloux de ne pas avoir eu un bon déjeuner ?

–Je suis surtout jaloux de ne pas avoir eu un beau militaire.

Je ris encore plus, le pire est que sous la blague il est sérieux, je sais qu’il aurait adoré avoir un tête-à-tête avec un beau militaire bien bâti.

–Je sais mon chou, mais que veux-tu, je suis une privilégiée, dis-je pour le faire rager un peu plus.

–Ma petite va se marier avec un soldat ! Surenchéri Doc, plein de fierté.

–Oh doucement Doc, qui te parle de mariage, il ne se passe strictement rien entre nous !

–Mais oui on te croit, me répondent-ils en chœur.

–Alors, racontes ! Ajoute Jason au comble de sa curiosité.

–Il n’y a pas grand-chose à dire, on a mangé et on a discuté.

–Et ?

–Et après le repas on est allé dans une ruelle derrière la caserne et on a couché ensemble.

–NOOON !! Ce n’est pas vrai ?!

–Bin non crétin ce n’est pas vrai ! C’était juste un déjeuner, rien de plus. Et sans arrière-pensée.

–Tu es chiante ! J’y ai cru. Sans arrière-pensée mon cul, pourquoi tu rougis quand on en parle alors ?

–N’importe quoi, où vois-tu que je rougis ?

Le reste du trajet se déroule dans la même ambiance de rigolade bon enfant. Et bien-sûr je reste le dindon de la farce jusqu’à notre arrivée.

Dans l’entrée j’enlève ma veste que je pose sur l’escalier, je la montrais plus tard, puis je vais à la cuisine chercher une bière aux mecs, une canette de soda pour moi et quelques biscuits apéro et je les rejoins dans le salon.

On se fait livrer des pizzas et nous passons une bonne soirée, même si nous parlons principalement de Sergio, et de mon aplomb quand je lui ai demandé son prénom. Doc a eu peur qu’il nous mette dehors à grand coups de pompes dans le derrière pour reprendre son expression.

Doc décide de dormir à la maison puisqu’avec Jason ils ont prévu d’aller pêcher demain matin à l’aube. A minuit nous allons nous coucher et Doc s’installe sur le canapé. Je vais dans la salle de bain de ma chambre et je me déshabille pour me mettre en pyjama, puis je reprends ma veste que je viens de poser sur le lit et j’en sors le bout de papier.

« J’ai adoré ce moment avecvous.

Appelez-moi. »

Et il a ajouté son numéro en dessous du mot. Simple et efficace, je ne m’attendais pas à autre chose, et je n’espérais rien d’autre. Les grands discours m’ont toujours profondément ennuyée. Je pose le papier sur ma table de chevet et je retourne dans la salle de bain pour me démaquiller, me brosser les dents et les cheveux. Je reprends mon livre de chevet, La gloire de mon père, et je me couche.

Je lui parlerais demain.

Chapitre11

J’ouvres les yeux, le soleil n’est pas encore levé. Je regarde mon téléphone, il affiche 4h09 et un message de Jason. Mon corps est encore raidi par mon cauchemar, je voudrais me blottir confortablement dans ma couette mais je suis déjà trempée de sueur, je soupire et me lève. J’ouvres la fenêtre et j’enfile une tenue de sport, j’attache mes cheveux dans un élastique et je fais quelques étirements pour assouplir mes muscles contractés par la nuit. Je me sers un grand verre d’eau au robinet de ma salle de bain pour ne pas faire de bruit dans la cuisine, avec un peu de chance mes hurlements n’ont pas réveillés Doc. Je descends les escaliers le plus discrètement possible, je sors de la maison et je commence à courir sur les images tenaces de ces cauchemars qui me hantent.

Il m’aura encore fallu plusieurs kilomètres pour enfouir les images au fond de mon esprit. Je rentre et je trouve Doc et Jason attablés dans la cuisine, le visage marqué par une nuit très courte. Mon thé est prêt, fumant à côté de Jason. Je les salues tous les deux, et je regarde l’heure sur le micro-ondes, il est4h59.

–Où allez-vous pêcher aujourd’hui ?

–Nous allons découvrir un nouveau site à une trentaine de kilomètres. Tu as bien dormi ? Me demande Doc.

J’espère que je ne l’ai pas réveillé ! Je redoute ses questions, il est plus intrusif que Jason.

–Comme un bébé, et toi ? Le canapé est confortable ?

–Oui super, tu sais ma vieille carcasse se sent bien partout.

Ouf ! Il n’a pas l’air de m’avoir entendue. Je commence à me détendre, et je bois une gorgée de thé avant de lui répondre.

–Oh oui c’est sûr que tu en a vu d’autres, et des bien pires j’imagine.

–Tu peux le dire. Je t’ai entendu crier vers 4 heures, qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Et merde !

–Excuses moi, je ne voulais pas te réveiller. J’ai juste fait un cauchemar, rien d’important.

–Ça t’arrive souvent ?

Vite, il faut que je trouve une pirouette pour m’extirper de là.

–Seulement quand elle voit ta tronche juste avant de dormir.

Jason vient de me sauver les miches ! C’est vraiment un chou ce mec !

–De quoi je me mêle gamin ? En mission elle ne fait pas de cauchemars.

C’est vrai, sur le terrain il est rare que j’en fasse, et quand c’est le cas ils ne sont pas aussi horribles qu’ici.

–Parce que la nuit je vais la border pour qu’elle ait mon visage comme dernière image avant de s’endormir, dit-il en riant.

–Pauvre con ! Mais pour de vrai les enfants, vous me le diriez s’il y avait un problème, hein ?

–Mais oui papou, elle a juste fait un cauchemar comme ça nous arrive à tous. C’est la première fois qu’elle se réveille en criant, je l’aurais entendue si c’était déjà arrivé.

Je reste muette, émue devant la loyauté de mon ami. Et je culpabilise aussi de mentir à Doc et d’entraîner Jason dans mes mensonges. Je le regarde et le remercie avec les yeux, il me rend mon demi sourire et me lance un clin d’œil. Pour l’heure Doc est rassuré.

–Ça va alors, si tout va bien pour toi je vais bien aussi, dit Doc dans ma direction.

Je m’approche de lui et l’embrasse sur la joue.

–Ça roule, lui dis-je le plus légèrement possible en affichant mon plus beau sourire.

–Aller gamin, vas mettre tes grolles qu’on puisse y aller. Les poissons ne nous attendront pas.

–Ouais ça va, ça va.

Les voilà tous les deux partis. Je range les tasses dans le lave-vaisselle et je monte prendre ma douche et m’habiller. Aujourd’hui ce sera un jean bleu et un chemisier léger blanc à fleurs moyennes rose claire et leurs feuilles vertes. Une paire de tennis blanches et une ceinture marron. Je me coiffe et me maquille, un peu de mascara et du rouge à lèvre clair. Une fois prête j’enlève les draps de mon lit et je vais les faire tourner à la machine. Je descends ranger ce qui traîne en bas et passer un coup d’aspirateur dans toutes les pièces. J’ouvre toutes les fenêtres de la maison, il fait très doux aujourd’hui, puis pour finir je passe la serpillère.

J’aimerais aller faire quelques courses dans la journée.

Je regarde l’heure, il est 8h08. Je monte chercher le numéro sur le mot de Sergio et je lui envoie un texto.

A :08h09

Hello ! J’espère que je ne vous réveille pas.

Merci pour le petit mot, j’ai beaucoup

aimé ce déjeuner avec vous, moi aussi.

Surtout l’entrecôte, elle était délicieuse.

Aly.

Envoyé.

Chapitre12

Je pose mon téléphone et m’apprête à monter nettoyer ma salle. Je prends les produits d’entretien et tourne les talons, mais mon portable sonne pour m’annoncer l’arrivée d’un texto.

A :8h11

De : Sergio

Bonjour Aly, vous ne me réveillez pas.

Ma journée est déjà commencée depuis deux heures.

J’avais pensé vous lire plus tôt.

Je suis ravi que l’entrecôte vous aiplu.

Avez-vous des projets pour demain soir ?

Qu’est-ce que je peux répondre ? Une soirée avec Sergio ne peut rien m’apporter de bon, mais malgré tout je meurs d’envie d’y aller.

A :8h14

Les journées de militaires commencent tôt !

La soirée s’est éternisée hier,

j’ai préféré vous écrire à une heure convenable.

Je n’ai rien de prévu demain soir.

Je mets mon téléphone dans la poche de mon jean et je monte avec mes produits ménagers.

Arrivée dans ma chambre je reçois la réponse de Sergio.

A :8h17

De : Sergio

Vous pouvez m’écrire à n’importe quelle heure,

vous lire sera toujours un plaisir.

Je passes vous chercher demain à 19 heures,

envoyez moi votre adresse.

J’envoie pour seule réponse l’adresse de Jason et je m’affaire dans la salle de bain. Une fois la salle de bain propre j’y passe l’aspirateur ainsi que dans la chambre puis dans toutes les pièces du haut. J’en profite pour aérer la chambre de Jason et ouvrir son lit. Je ramasse les vêtements qui traînent au sol et je les mets dans la corbeille à linge. Je vais chercher mes draps dans la machine et je les mets au sèche-linge. Il est midi, tout est clean, je vais pouvoir aller faire les courses. Je récupère mon sac et je sors de la maison.

Il est 17 heures quand je rentre à la maison, je la trouve vide. Soit le site de pêche est drôlement fructueux, soit ils se sont noyés. Mais quel que soit la raison de leur absence je me retrouve seule dans la cuisine pour ranger les courses. Je monte dans ma chambre déballer mes nouveaux achats vestimentaires : un jean kaki, un jean blanc, tous les deux tailles hautes, un chemisier beige, un pantalon carotte blanc à fleurs et une paire d’escarpins beiges.

Quand Jason va voir mes achats il va encore me chambrer, il adore se moquer de mes séances shopping. Je descends pour aller préparer le repas, cela les fera peut-être arriver. Et ça ne loupe pas, la porte s’ouvre et j’entends les deux dindons glousser en entrant.

–Oh les mecs, on vous entend à l’autre bout de la ville, je leur dis en riant.

–Tais-toi donc rabat-joie, me somme Jason en m’agitant un poisson sous lenez.

–Le site était intéressant ?

–Plus que ça ! En plus d’être magnifique, ça grouillait de poisson ! Me répond Doc surexcité.

Avec ses plantes, la pêche est une grande passion pour lui.

–Et toi, qu’as-tu fais aujourd’hui à part briquer toute la maison ? Me demande Jason.

–Je suis allée faire des courses et du shopping.

–Tu n’as pas pu t’empêcher ! Dit-il en riant.

–Que veux-tu, c’est dans ma nature. Et j’ai parlé à Sergio aussi, dis-je tout bas.

Deux paires d’yeux se retournent instantanément sur moi.

–Attends, QUOI ?? Demande Jason.

–Je sors avec lui demain soir.

–Vraiment ?

–Oui vraiment. En tout bien tout honneur. Fin de la discussion. Sers-nous un verre, tu veux ?

J’essaie d’échapper à son regard rempli de curiosité. Doc est toujours bouche bée.

–Tu ne t’en tireras pas comme ça, je te laisse tranquille pour ce soir mais demain soir je veux un débrief complet !

Ouf, il consent à me laisser respirer ce soir, mais demain je ne pourrais pas me défiler.

–Mais dis-moi, comment avez-vous eu vos coordonnées ?

Non, Doc ! Pourquoi t’es-tu senti obligé de ramener ta science ? Jason n’avait pas pensé à m’interroger à ce sujet.

–C’est vrai ça ! Comment avez-vous fait pour vous parler ? Surenchéri Jason, évidemment.

Le rouge me monte aux joues.

–Euh … En fait, hier il m’a …

Voilà que je me mets à bégayer comme si j’étais en faute, n’importe quoi. Je reprends.

–Hier il m’a fait passer son numéro sur un bout de papier en me demandant de le contacter. Alors je lui ai envoyé un texto ce matin et nous nous sommes donné rendez-vous demain soir. Voilà, vous savez toute l’histoire, maintenant fin de la discussion et servez moi un verre pendant que je finis la préparation du repas, s’il vous plait.

Ils acceptent de ne pas m’interroger d’avantage et surtout ils accèdent enfin à ma demande en me servant un verre de vin blanc.

Les conversations du reste de la soirée tournent autour de leur partie de pêche, de la voisine de Doc qui a un petit faible pour lui, réciproque je pense même s’il le nie formellement et d’autres sujets anodins.

A une heure du matin je monte me coucher et je trouve un message sur mon téléphone.

A :00h06

De : Sergio

Bonne nuit.