Par le sang de la louve - Yann Trebaol - E-Book

Par le sang de la louve E-Book

Yann Trebaol

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Beschreibung

La reine celte Boadicée, femme libre, va faire trembler l'empire romain sous le règne de l'empereur Néron !

« La plaine était couverte d’un sang que la terre buvait sans soif et les rayons du soleil scintillaient sur les armures mortes. »
Nous sommes en l’an 61 après Jésus-Christ dans l’est de la Bretagne sous le règne de l’empereur Néron. Une reine Celte humiliée, fouettée pour l’exemple devant son peuple et laissée pour morte va faire trembler l’empire romain.
L’épopée de la reine Boadicée et de ses guerriers rapportée par l’historien romain Tacite va vous entraîner dans une aventure pleine de fureur, d’amour et de trahisons, dont vous ne sortirez pas indemne. Laissez-vous transporter au cœur des combats qui se sont déroulés il y a presque deux mille ans dans le monde des druides, contre les fils de la louve.

Laissez-vous guider par l'historien romain Tacite dans cette aventure mêlant fureur, amour et trahison !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Nord finistérien, né en 1959, Yann Trebaol est également auteur-compositeur-interprète de musique Rock. Après avoir enregistré une chanson intitulée « Boadicée », il a éprouvé le besoin de dresser un portrait moderne de cette femme libre, de cette reine implacable. Par le sang de la louve est son premier roman. Il vit actuellement dans le Var où il a jeté l’ancre depuis plus de dix ans.

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Yann TREBAOL

PAR LE SANG DE LALOUVE

Histoire romancée de la reine Celte BOADICÉE

CHAPITRE ILE CHÂTIMENT

1

L’an 61 après Jésus-Christ dans l’est de la Bretagne1. L’empereur Néron règne sur les provinces deRome…

La fin du supplice était proche et le corps de Boadicée, attaché au tronc d’un arbre, n’était plus que brûlures et souffrances. Ses chairs avaient éclaté sous les coups de verge2 répétés du bourreau romain.

Ses mâchoires serrées, pour retenir ses cris, lui avaient déchiré une partie de ses joues et sectionné un morceau de sa langue. La reine s’était juré qu’aucune plainte ne sortirait jamais de sa bouche. Un filet de sang continu s’écoulait dans le fond de sa gorge, menaçant à chaque instant de l’étouffer.

Son dos, ses fesses, ses cuisses, s’étaient peu à peu métamorphosés en un magma écarlate de chairs boursouflées. Tout son corps ensanglanté, tétanisé par la douleur, tremblait. Seules ses jambes la portaient encore.

La reine revoyait l’image de ses deux filles, torturées et violées sous ses yeux ; Boadicée entendait leurs hurlements lui éclater les tympans.

Son monde venait de s’écrouler…

Quelques semaines plus tôt, à la suite du décès de son mari, Prasutagos, Boadicée était acclamée reine des Icénien, par les nobles. La jeune veuve entendait conserver les bonnes relations que son peuple entretenait avec l’envahisseur romain.

Pour Rome, qui se considérait comme la légitime héritière du défunt barbare et de ses richesses, Boadicée avait usurpé son titre de reine. La punition devait être à la hauteur de l’affront subi, afin de marquer au fer rouge les esprits de ce peuple, obscur et belliqueux.

Elowen, sa servante, et son amie depuis toujours, se précipita la première pour la détacher de l’arbre. Des hommes vinrent l’aider à dénouer les cordes, profondément enserrées dans les chairs autour des poignets meurtris de la reine. Des larmes de rage et de souffrance avaient formé un sillon au plissement de ses grands yeux verts. Son visage, trempé d’une sueur froide, était entouré du cuivre de ses cheveux emmêlés. Le moindre de ses mouvements la torturait et la faisait gémir.

Son rythme cardiaque diminua lentement et sa respiration reprit péniblement sa place dans son ventre. La reine n’avait pas fermé les yeux pendant le supplice, mais sa vue s’était brouillée. Boadicée distinguait des formes, des ombres et des couleurs, mais rien d’aussi net, que le souvenir du sourire du centurion3 Lucius à la lecture de la sentence du Procurateur Catus Décianus.

Aussitôt après, des légionnaires l’avaient violemment traînée sur le sol, déshabillée, enchaînée et maintenue sous bonne garde tandis que ses deux filles, hurlant de douleur, se faisaient frapper et violer sous ses yeux et ceux de son peuple. Quelques guerriers tentèrent de les arrêter au péril de leur vie, mais ils furent immédiatement maîtrisés par les soldats du centurion Pilus Prior4.

Elowen prit tendrement la main de la reine, qu’elle sentit trembler sous ses doigts. Boadicée grelottait littéralement de froid et de douleur.

Mais les dieux ne l’avaient pas abandonnée, elle était envie.

–Viens Majesté.

La reine prit appui sur le bras musclé d’Elowen et pria Andrasta5 de lui donner la force d’avancer. Elle serra fortement la main de son amie et marcha lentement en direction de sa maison. Boadicée devait parcourir cent cinquante mètres, sous le regard stupéfait de romains incrédules. Les hommes se demandaient comment la reine barbare pouvait encore bouger, après ce terrible déferlement de coups sur tout l’arrière de son corps.

La jeune femme rousse leur parut encore plus grande qu’elle ne l’étaitdéjà.

Chaque mouvement de ses pieds nus était une torture, qui l’éloignait de l’arbre du châtiment. La moindre déclivité du sol mettait à l’épreuve ses jambes musclées qui, à leur tour, commencèrent à trembler. À chaque pas, le sang ruisselait des profondes entailles situées à l’arrière de ses cuisses, dégoulinant sur ses mollets. Une brise marine, au doux parfum d’algue, la caressa et lui procura la douceur d’un onguent iodé sur sa peau meurtrie. Son regard devint plus net et la reine put voir ces centaines de Romains qui la dévisageaient, tout en se délectant de son anatomie.

La reine entendait les murmures de colère grandissants dans les poitrines de son peuple. Elle savait que les légionnaires n’attendaient rien d’autre qu’une rébellion pour mettre l’oppidum6 à feu et à sang et réduire, une nouvelle fois, les Icéniens en esclavage. Les nobles, le Vate7 et les druides8 étaient tenus à l’écart, prêts à être exécutés au moindre mouvement de la foule.

Boadicée ne baissa pas les yeux et afficha sa nudité avec la fierté que la noblesse Celte lui avait transmise. Se couvrir devant les romains aurait rajouté à sa honte…

Elowen poussa la porte de la grande bâtisse rectangulaire, située sur la place centrale de la ville fortifiée.

–Rentre Majesté.

Une fois à l’intérieur, Boadicée, épuisée, au bord de l’évanouissement, chancela et n’évita la chute qu’en se tenant aux murs de torchis de la maison. La reine se mit à haleter et sentit son cœur repartir au grand galop. Son corps frissonna et ses mains tremblèrent de plus belle. Ses muscles, tendus à l’extrême pendant le supplice, se relâchèrent petit à petit et son urine s’écoula le long des cuisses, sans qu’elle puisse la retenir. Elowen lui tendit une cruche d’eau que la reine but avidement.

–Viens t’allonger Boadicée

La voix de son amie était affectueuse et ferme à lafois.

Boadicée la rousse, Elowen la brune… Deux amies depuis l’enfance, deux athlètes exceptionnelles et deux guerrières implacables.

Elowen était aussi grande mais plus large d’épaules que la reine. Sur sa tunique en lin, qui descendait jusqu’aux chevilles, se détachait le rose de sa chemise en laine, serrée par une ceinture de cuir à boucle de fer. Un châle de tartan rouge retombait sur sa poitrine opulente.

Ses cheveux d’ébène descendaient en une grande tresse jusqu’à la courbure de ses reins.

Son regard noir avait, depuis toujours, intrigué le druide suprême des Icéniens, Brayaden. Le chef religieux était parti depuis une lune, pour assister à la réunion annuelle des druides dans l’immense sanctuaire situé sur l’île de Mona9. Aujourd’hui, ses conseils auraient été précieux au peuple et à sa reine déchue. Même Elowen, qui évitait le vieil homme, se surprit à le regretter.

Boadicée, quant à elle, admirait la clairvoyance du vieux druide et avait apprécié son soutien indéfectible le jour de son acclamation. Brayaden avait convaincu les aristocrates les plus réticents, que la femme aux cheveux rouges devait être élue reine, pour leur bien et celui du peuple.

Boadicée s’allongea sur la paillasse, placée à proximité de l’âtre. Elle enfouit son visage dans l’épaisse couverture de laine en fermant les yeux. La chaleur des braises, encore rougissantes, lui réchauffait le corps.

Elowen ajouta une bûche dans le foyer avant de prendre une étoffe de lin, qu’elle mouilla avec l’eau de la cruche. La servante commença par nettoyer délicatement les plaies des cuisses de la reine, avant de monter sur celles des fesses, du dos et pour finir, celles du cou. Il lui fallut moins d’une heure pour laver méticuleusement les chairs meurtries. Elowen prit un baume de plantes médicinales, préparé à base d’huile de chanvre, d’orme et de sauge, qu’elle appliqua avec une extrême douceur sur toutes les entailles. La cicatrisation aurait été plus rapide avec les incantations du druide ; la puissante magie de Brayaden était réputée chez les Celtes. Là encore, l’absence du chef religieux inquiéta la servante.

La porte de la maison s’ouvrit soudainement, laissant entrer le vent frais de ce début d’automne ainsi qu’un individu, grand et mince, dont les yeux, d’un bleu profond, scrutaient la pénombre de la pièce. Une longue chevelure blonde lui masquait la partie gauche de son visage imberbe. Sur sa tempe droite était tatoué un cercle bleu dont la spirale descendait en forme de lame le long de son maxillaire inférieur. L’homme, vêtu d’une saie10 bronze pâle à capuche, qui lui descendait jusqu’aux chevilles, se déplaçait sans donner l’impression de marcher.

–Elowen, trouve-nous plus de lumière. Allume des lampes et des torches que je puisse voir la reine !

La servante obéit aussitôt à Adeneil.

Certains le considéraient comme un druide, d’autres, comme un guérisseur, d’autres encore, comme un devin. La science des plantes et leur pouvoir de guérison n’avaient aucun secret pour lui. Adeneil était le vate de la famille royale et le second, après le druide Brayaden, dans la hiérarchie sacerdotale Icénienne.

–Tu alterneras le baume avec un cataplasme d’orties pour arrêter les saignements.

Adeneil observa de près les plaies nettoyées et, le regard dans le vague, prononça quelques incantations, dans la langue sacrée des druides, que nul profane ne comprenait. Les paroles magiques du vate consolidaient le lien indispensable, qui existait entre le corps physique et l’âme de la reine. Adeneil se devait de guérir lesdeux.

Lui non plus n’aimait pas l’absence de Brayaden. Il la ressentait comme un funeste présage.

La reine avait perdu connaissance et c’était mieux ainsi.

Adeneil baissa les yeux et admira son corps meurtri.

Boadicée était grande et parfaitement proportionnée. Ses jambes étaient longues et puissantes, ses fesses étaient fermes, ses hanches larges et les muscles saillants de son dos ressortaient, malgré les multiples cicatrices qui le recouvraient. Une chevelure rousse flamboyante illuminait sa peau claire. Ses seins semblaient lourds, mais son buste était droit. Deux longs bras vigoureux, meurtris eux aussi, complétaient son corps d’athlète.

Adeneil pensa que la reine était belle et remercia les dieux de l’avoir épargnée.

Le vate ressentit très nettement, proche de lui, l’énergie de Brayaden. Sa présence le troubla au plus haut point car, jamais jusqu’à ce jour, le vieux druide ne s’était imposé à son esprit.

Le vacarme, en provenance de la place de l’oppidum, lui indiqua que les Romains avaient fini par quitter les lieux. Adeneil prit le temps de terminer ses incantations et se leva pour aller parler au peuple, qui se massait, inquiet, autour de la maison de Boadicée. Le vate ouvrit lentement la porte et sortit, en fixant la foule de son regard profond. Même les guerriers les plus féroces craignaient ses pouvoirs surnaturels et redoutaient sa relation privilégiée avec les dieux. Certes, Adeneil n’était pas le druide suprême des Icéniens, mais c’était un devin puissant et réputé chez les Celtes. Brayaden l’avait choisi parmi un grand nombre de prétendants.

–La reine ne va pas mourir. La déesse Andrasta la protège comme elle l’a toujours fait. L’épreuve est cruelle pour notre peuple. Je vais, de ce pas, questionner les dieux.

À l’issue de son bref discours, Adeneil traversa la foule et se dirigea vers sa maison, située à l’est de la ville. Le vate disparut aussi rapidement qu’il était apparu.

Un vol de corbeaux tournoyait autour du petit bois de frênes qui bordait son foyer. Les oiseaux, habituellement calmes, dessinaient des arabesques dans le ciel, semblant vouloir communiquer avec lui. Adeneil s’arrêta de marcher et les observa attentivement. Une douce rafale de vent fit virevolter ses longs cheveux blonds sur son visage.

Brayaden ne quittait pas ses pensées et les corbeaux, anormalement nombreux, étaient ses messagers. Chaque volute, chaque courbe, chaque figure dessinée dans le ciel avait une signification bien précise pour levate.

Adeneil en était certain, le vieux druide voulait lui dire quelque chose. Avait-il ressenti le drame qui venait de se jouer ici ? Était-il lui-même en danger ?

Le religieux au visage tatoué rentra chez lui, inquiet. Il devait absolument interpréter et comprendre les signes.

2

Boadicée gémit. La fièvre n’en finissait pas de monter et son corps meurtri, de se tremper. La reine délirait depuis plus d’une heure et Elowen épongeait son front, tout en essayant de la rafraîchir. La servante suivait scrupuleusement les conseils d’Adeneil et mit de l’achillée millefeuille à infuser dans de l’eau bien chaude.

Pendant ce temps, elle broya des racines fraîches de pissenlit, qu’elle mélangea à du miel, avant de les étaler sur des étoffes de lin, légèrement imbibées d’huile de chanvre. Elowen posa délicatement les emplâtres ainsi obtenus sur les cicatrices de la reine. La jeune femme les maintint en place une trentaine de minutes et les ôta, pour éviter qu’ils ne sèchent sur les plaies.

L’infusion ayant bien refroidi, Elowen redressa délicatement la tête de la reine dans le creux de son coude et la fit pivoter légèrement. Elle déposa doucement le rebord de la coupe en bronze sur ses lèvres. Le liquide, à peine tiède, s’écoula dans la bouche de Boadicée, qui ressentit aussitôt une brûlure insoutenable. Les morsures profondes dans ses joues et sa langue coupée laissaient ses muqueuses àvif.

La reine eut un geste brusque, qui faillit faire tomber l’infusion, mais Elowen tenait fermement la coupe. La jeune femme représenta le breuvage à sonamie.

Boadicée surmonta la douleur, toujours présente, et but le contenu de la coupe, avant de perdre une nouvelle fois connaissance. La servante étendit la reine sur la couche puis la couvrit d’un drap de lin très doux, pour la protéger de la fraîcheur du soir et pour éponger la sueur qui sortait de ses pores ensanglantés.

La nuit serait longue, la jeune femme le savait.

La porte s’ouvrit sur la puissante musculature de Melevann, qui entra avec beaucoup d’hésitations dans la pièce. En temps normal, Elowen aurait rougi de l’intrusion du colosse Icénien qu’elle désirait du plus profond de sonêtre.

–Comment va Boadicée ?

La voix du géant celte était puissante et douce à lafois.

Son visage carré était illuminé par deux grands yeux noisette, légèrement en amande, qui encadraient un nez fort et busqué. Une longue chevelure blonde, nouée en de multiples tresses, lui descendait jusqu’aux épaules.

Le guerrier avait les lèvres charnues et les dents blanches d’un carnassier. Pour Elowen, Melevann était un dieu vivant.

–La reine a beaucoup de fièvre, ses plaies suppurent encore, elle délire.

La servante ne savait quoi dire de plus au chef de la cavalerie Icénienne. Elowen savait que Melevann aimait en secret la reine depuis toujours et qu’il l’avait soutenue, plus que tout autre, lors de son élection. Sa parole avait beaucoup compté pour le peuple, qui le considérait comme un chef de guerre implacable et sage à lafois.

Les Celtes respectaient la force et Melevann, du haut de son mètre quatre-vingt-quinze, imposait le respect. Le colosse représentait la nouvelle génération de guerriers, celle qui n’avait jamais connu la honte de la défaite. À vingt-huit ans, le chef de cavalerie symbolisait l’avenir du peuple Icénien.

–La reine doit vivre Elowen. Je sais qu’elle peut compter sur toi. Je vais aller voir le vate pour savoir comment les dieux veulent qu’on agisse. Cette nuit doit nous donner des réponses.

Melevann sortit, non sans avoir jeté un regard lointain à Boadicée. Le guerrier distingua sa chevelure rouge, illuminée par les flammes du foyer, le drap de lin trempé, taché de sang séché…

Le colosse n’avait rien pu faire. Lui, le vate, les nobles et les druides avaient été conduits à l’extérieur de l’oppidum par une troupe fortement armée. La moindre tentative de rébellion de leur part aurait entraîné la mise à mort immédiate de la reine et de ses deux filles.

Sa colère et sa rage n’en étaient que plus violentes.

À grandes enjambées, le colosse traversa la ville fortifiée en direction des dunes et de la maison d’Adeneil, qui se trouvait à environ cinq cents mètres de lamer.

–Adeneil !

Le vate reconnut immédiatement la voix du colosse. Il l’attendait.

–Rentre Melevann.

Ce dernier entra dans la maison et trouva le vate assis sur la terre battue, les jambes croisées, oscillant imperceptiblement d’avant en arrière tout en marmonnant des textes incompréhensibles.

Adeneil invoquait les dieux et les esprits.

Sans un regard pour le géant, le devin cherchait des réponses dans les mondes parallèles pour essayer de comprendre les derniers évènements, mais surtout, pour connaître l’avenir de son peuple.

L’absence de Brayaden lui pesait énormément et il sentait la pression du regard de Melevann sur lui. Le vate savait ce qu’il était venu chercher et il ne voulait pas le décevoir.

–J’ai vu un vol de corbeaux au-dessus de chez moi. Notre druide a choisi Morrhigan11, pour me parler.

Le colosse était de plus en plus tendu. Melevann n’aimait pas les silences du vate, pas plus que ses explications, qu’il avait souvent du mal à comprendre. Il savait que Morrhigan était la déesse suprême de la guerre et qu’elle utilisait les corbeaux pour communiquer.

–La cavalière divine était avecelle.

Le mage parlait d’Epona, la déesse des chevaux et de la guérison, que le chef de cavalerie vénérait par-dessustout.

–Andrasta les accompagnait.

Melevann n’en revenait pas. Trois déesses envoyées par leur druide !

La présence d’Andrasta, la déesse de la révolte et de la guerre, vénérée par Boadicée, l’étonna particulièrement.

–Parle plus clairement vate ! Je ne suis pas venu chercher des énigmes. Si tu connais la volonté des dieux, exprime-toi ! La journée a été particulièrement éprouvante et je n’ai plus beaucoup de patience.

Adeneil s’attendait à la réaction de Melevann. Il continua à se balancer en se concentrant sur ce qu’il voyait, le message lui semblait limpide mais le terrifiait !

–La reine doit mener une guerre contre l’envahisseur romain et toi et ta cavalerie prendrez une part importante dans la victoire. Il n’y a pas d’autre message que celui de la révolte.

Melevann repensa à l’image de Boadicée, inerte sous son drap de lin ensanglanté. Personne ne savait si elle serait encore en vie demain matin et les dieux la voyaient lançant une révolte contre les Romains…

Le colosse se leva sans dire un mot et partit à grandes enjambées en direction de la maison de Boadicée. Il ouvrit la porte et trouva Elowen, assise sur la paillasse, en train de faire boire la reine.

Boadicée avait les yeux ouverts et vit très nettement le géant celte dans l’entrebâillement de la porte. Elle lui tendit la main en lui faisant signe de venir verselle.

Le guerrier s’approcha et s’agenouilla devant la reine en lui prenant les doigts, avec beaucoup de douceur. Le colosse était hypnotisé par ses grands yeux verts.

–Melevann, occupe-toi de mes filles.

Sa voix, légèrement rauque, était très faible. Boadicée devait déglutir entre chaquemot.

–Tes filles sont soignées par ma mère. Elles sont choquées mais elles sont fortes comme toi et elles vont vivre Boadicée !

Melevann n’avait pas lâché la main de la reine et il pencha son buste en avant pour déposer un baiser sur ses doigts tremblants. Il la regarda fixement dans les yeux cherchant à lui transmettre sa force. Au même moment, le colosse pensa à ce que lui avait dit le vate et douta de la prédiction.

3

Lucius, fraîchement nommé centurion Pilus Prior de la première cohorte12, n’en revenait toujours pas. Son plan s’était déroulé sans coup férir et il retournait au camp auréolé de sa première victoire. Certes, il ne s’agissait que de faire appliquer un châtiment, décidé par le Procurateur Catus Décianus, mais le primipile avait parfaitement accompli sa mission.

La catin celte, qui s’était prise pour une reine, avait reçu cinquante coups de verge et avait assisté aux viols et aux tortures prévus pour ses deux filles. La troupe avait pillé la ville, malmené les Celtes réfractaires et récupéré un chargement d’or pour l’Empire et le Procurateur.

Sur le chemin du retour, Lucius se rappela ses discussions sans fin avec son ami Marcus Quartus au cours desquelles il ressassait son plan d’attaque. Il l’avait appliqué à la lettre.

La cohorte était arrivée chez les Icéniens avant le lever du soleil. Lucius avait demandé à être accompagné de dix frondeurs qu’il utilisa pour neutraliser les molosses, assoupis à l’entrée de la ville fortifiée.

Une fois les chiens tués, il avait suffi de se diriger en silence à l’intérieur de l’oppidum vers la grande maison rectangulaire, d’entrer et de capturer la putain et ses filles. Aucun garde à neutraliser. Les Celtes respectaient le deuil en mémoire de leur roi, Prasutagos, mort quelques semaines plustôt.

Ce dernier avait légué son royaume, par voie testamentaire, pour moitié à ses filles et pour moitié à l’empire. Comment ce barbare avait-il pu imaginer que Néron se contenterait d’une simple moitié, alors qu’il pouvait tout prendre ? Le centurion sourit à cette idée saugrenue.

La troupe s’était ensuite regroupée autour de la maison, érigeant une véritable muraille de boucliers, de pilums et de glaives, en attendant la réaction des barbares.

Lorsque la mère et les filles se mirent à hurler, les Celtes sortirent de leur sommeil et un attroupement commença à se faire sur la place devant la maison.

Mais ces paysans tenaient plus à la vie de leurs femelles qu’à l’envie de se battre. Lucius l’avait presque regretté. Il avait exigé que les nobles et les druides se rendent, avant de procéder à la lecture de la condamnation rédigée par le Procurateur.

Sa troupe avait raflé toutes les richesses qu’il était possible de récupérer et, lorsque le soleil fut à son zénith, la sentence fut appliquée devant le peuple réuni.

La femelle, qui était aussi grande que lui, n’avait hurlé que devant les outrages faits à ses filles. Son cuir était dur mais les coups de verge lui avaient finalement labouré ledos.

Son supplice l’avait laissée muette.

C’était la seule déception de cette magnifique journée.

4

Melevann arriva chez lui. Sa maison en bois, au toit de chaume, était située au nord de l’oppidum, à l’orée du pré dans lequel se reposaient ses chevaux. Il lui tardait d’aller les voir, de les sentir, de les caresser, mais il devait d’abord parler à Cadel.

Le colosse ouvrit la porte et trouva son ami, assis sur le banc, qui faisait face à la grande table placée à gauche de la pièce. Il y faisait une douce chaleur et un feu crépitait dans le foyer central, construit en pierres de granit soigneusement juxtaposées.

–Le vate m’a parlé Cadel. Les déesses Morrhigan, Epona et Andrasta lui ont prédit la guerre. Elles ont également demandé que cette guerre soit menée par notre reine…

Cadel, d’habitude si bavard, ne disait rien. Le guerrier ressemblait à ces statues de pierre que l’on déposait parfois dans les puits d’offrandes lors des grandes fêtes de printemps.

L’homme était plus petit et plus large d’épaules que Melevann. Ses bras, extrêmement musclés, et son cou de taureau, portaient une tête carrée à la chevelure rousse, qui tombait sur ses omoplates. Les nombreuses taches de rousseur de son visage faisaient ressortir ses yeux bleu turquoise.

–Nous devons attendre le retour de Brayaden.

Cadel avait parlé d’une voix ténébreuse, qui tremblait plus que de nature. Le guerrier se forçait à rester calme, mais tous les muscles de son visage trahissaient son extrême tension. Son regard fixait celui de son ami, qui poursuivit :

–C’est Brayaden qui a envoyé les corbeaux parler au vate, il n’y a pas de doutes. C’est un message de notre druide. Peut-être est-ilmort.

Encore une fois, le « guerrier rouge », comme certains l’appelaient, resta silencieux. Cadel réfléchissait aux conséquences des propos de son ami. Une reine déchue, entre la vie et la mort, un druide absent, peut-être mort et une guerre certaine, annoncée par trois déesses !

–Nous avons peu d’armes, nous sommes peu nombreux, notre mort sera certaine. En as-tu parlé à Dunnagail ?

Cadel se souvenait que le chef des fantassins de l’armée Icénienne, issu de la vieille noblesse celte, s’était ouvertement opposé à l’élection de Boadicée. Seuls les propos du druide avaient eu raison de son entêtement.

–Non je voulais te voir avant et prendre le temps de réfléchir. Il sera difficile de le convaincre en l’absence du druide. Je ne l’ai pas vu depuis le départ des romains.

Sur ces mots, Melevann sortit aussi vite qu’il était entré, faisant le tour de la maison pour aller voir ses chevaux. Eux seuls pouvaient calmer le colosse.

Il appela Darg, son étalon, qui s’ébrouait le long de l’enclos.

Les autres chevaux se tenaient à une distance respectable du mâle alpha, à l’encolure majestueuse. L’alezan avait la robe couleur noisette et les crins, blonds comme lesblés.

Ce cheval, taillé pour la chasse et la guerre, ne reculait devant aucun obstacle et son courage n’avait pas de limites.

Melevann caressa sa puissante encolure et posa son front sur le sien, cherchant à capter son énergie. L’immense étalon n’en manquait pas et le guerrier en avait grand besoin.

La nuit avançait et le colosse, fatigué, décida de retourner se reposer chezlui.

5

Elowen s’était assoupie.

Cela faisait deux jours qu’elle soignait Boadicée sans se reposer. Plusieurs femmes avaient proposé de la remplacer mais, pour rien au monde, elle n’aurait laissé sa place aux côtés de son amie. Le vate était passé plusieurs fois, pour apporter des onguents et dire des incantations. Ces rituels de magie effrayaient la servante.

Parfois, Adeneil faisait tournoyer sa longue baguette en frêne au-dessus de ses épaules en des gestes amples qu’il accompagnait de chants sacrés dits dans la langue des druides. Le religieux invoquait les dieux et les déesses. Il restait debout devant la couche de la reine en psalmodiant, non sans avoir, au préalable, vérifié la cicatrisation des plaies de son corps et celles de l’intérieur de sa bouche.

Melevann était venu chaque jour et ne disait rien. Le colosse, ténébreux, regardait la reine en silence puis s’en allait comme il était venu. Il semblait accablé.

Dunnagail lui aussi était passé prendre des nouvelles de la reine sans vouloir entrer dans la maison.

L’aristocrate Celte, toujours impeccablement vêtu, était athlétique sans être ni trop grand, ni trop musclé. En tant que chef des fantassins Icéniens, Dunnagail s’imposait des exercices incessants de course à pied, de sauts en longueur, de lutte et de combats à l’épée. Très endurant, le guerrier ne semblait jamais souffrir du moindre effort, c’était un combattant exceptionnel.

Son visage paraissait taillé à coups de serpe. Ses yeux, d’un noir profond, encadraient un nez d’aigle qui lui donnait un air sévère. Ses cheveux, châtain foncé, étaient rasés sur les côtés et à l’arrière de la tête. Une grande tresse descendait du haut de son crâne jusque dans le milieu dudos.

Son corps était couvert de tatouages aux motifs plus mystérieux les uns que les autres. Des traits, de longueur et de grosseur différentes, croisaient des dizaines de lignes courbes, qui s‘entrelaçaient à l’infini. Lui seul en connaissait la signification.

Elowen fut sortie de sa somnolence par une plainte déchirant le silence de l’aube. Boadicée faisait des cauchemars et grelottait.

La servante posa la main sur son front et se rendit compte que celui-ci était frais. La jeune femme recouvrit Boadicée d’un drap de laine et rajouta une bûche dans l’âtre, avant de s’allonger contre sa peau, pour lui transmettre la chaleur de son corps.

Lorsque le soleil fut à son zénith, Boadicée se redressa lentement sur sa couche. Ses plaies étaient à peine refermées et la brûlaient énormément. Son dos la tirait mais, curieusement, elle se sentaitbien.

La reine attrapa ses cheveux avec ses deux mains en partant des tempes et en glissant jusqu’à l’arrière de la tête ; elle les tint serrés en une grande queue-de-cheval. Elowen alla chercher une cordelette de chanvre et attacha la coiffure.

Le visage de Boadicée était creusé, plus pâle qu’à l’ordinaire, mais ses grands yeux verts n’en ressortaient que davantage. Il s’en dégageait une force intense et une colère froide. La servante ressentait la puissante énergie de sonamie.

–Elowen, demande à Adeneil de venir.

La reine s’exprimait plus lentement qu’à l’accoutumée mais sa voix naturellement rauque ne tremblaitpas.

Au même moment la porte s’ouvrit.

Dans son entrebâillement se découpa la silhouette duvate.

–Je suis heureuse de tevoir.

Boadicée ne sembla nullement troublée par la coïncidence.

–Je sais que tu m’as soignée avec tes remèdes et tes prières Adeneil. Je t’ai souvent vue en face de moi et, lorsque tu partais, je sentais ta présence qui me protégeait. Je te remercie.

–Il n’est nul besoin de me remercier majesté. C’est Elowen qui a veillé sur toi et Brayaden qui t’a protégée.

Dit-il en refermant la porte derrièrelui.

À l’évocation du vieux druide la reine se troubla.

–J’ai ressenti notre druide à mes côtés, c’est vrai. Je l’entendais me murmurer des paroles que je ne comprenais pas. Je le voyais aussi nettement que je te vois à l’instant.

Le vate garda le silence encourageant Boadicée à continuer.

–J’ai également vu des chevaux par milliers menés par la « cavalière divine » en personne, j’ai vu beaucoup d’hommes en armes, j’ai vu des villes en feu, j’ai vu beaucoup de sang… J’ai vu Brayaden ensanglanté… J’ai fait de nombreux cauchemars Adeneil.

Le vate savait que ce n’étaient pas des cauchemars dus à la fièvre. Adeneil avait eu exactement les mêmes visions lors de ses « visites » dans les trois mondes. Les Celtes vivaient dans le monde terrestre mais leur vie dans l’univers dépendait également de ce qui se décidait dans le monde céleste et dans le monde souterrain. On ne pouvait échapper à la volonté des dieux. La reine continua :

–J’ai vu l’invincible Andrasta, sur un char de guerre, une lance à la main ; j’ai vu Morrhigan, assise sous un chêne, entourée de corbeaux me sourire et me tendre la main ; j’ai vu une lune de sang au-dessus de ce chêne ; j’ai vu les corbeaux mourir les uns après les autres dépecés par des aigles.

Sa voix semblait se casser davantage, la reine se fatiguait beaucoup.

Le vate leva la main, paume ouverte en direction de la reine pour lui faire comprendre d’arrêter de parler, il en avait suffisamment entendu pour être certain de ses conclusions.

–Brayaden est mort majesté et tu dois mener notre peuple à la révolte.

La phrase sembla diffuse aux oreilles de la reine, qui se demanda si elle avait bien compris. Le silence qui suivit les propos du vate fut assourdissant.

Elowen n’en croyait pas un mot et Boadicée se sentit extrêmement fatiguée et profondément triste de la mort de son vieil ami. Elle venait d’entendre ce qu’elle ressentait au plus profond d’elle-même.

Le poids de cette charge l’écrasa littéralement et la reine demanda à Elowen de l’aide pour s’allonger, souhaitant fermer les yeux. Elle n’avait rien mangé depuis deux jours et les forces lui manquaient.

Le vate fit un signe de tête à Elowen et quitta la maison.

6

Ysolda et Soria se rétablissaient doucement.

Cela faisait un quart de lune, jour pour jour, que les filles de la reine étaient soignées chez Deirdre, la mère de Melevann. La vieille femme était à l’opposé de son fils, petite et menue avec des cheveux blancs très fins coiffés en une longue tresse qui lui tombait sur le bas du dos. Seuls ses yeux en amande couleur noisette rappelaient le colosse.

Le vate était venu aussitôt après le départ des Romains pour lui donner ses consignes et lui apporter des remèdes et des plantes.

Deirdre avait lavé les deux filles avec de l’eau fraîche et les avait frottées délicatement avec une lotion à base de racines de saponaire, avant de leur appliquer un cataplasme de feuilles et de rameaux de chêne broyés pour stopper les éventuelles hémorragies.

Plusieurs fois par jour, la vieille femme leur avait donné à boire une infusion d’achillée millefeuille pour faire baisser la fièvre.

La mère de Melevann avait surtout essayé de les aider à se reconstruire après la terrible épreuve qu’elles venaient de traverser.

Le septième jour de soins, Adeneil apporta des feuilles sacrées de gui afin de leur préparer « l’infusion des dieux ». Pendant que l’eau chauffait, le vate expliqua aux princesses que ces feuilles avaient été cueillies l’automne dernier avec une faucille en or par le druide Brayaden, avant d’être déposées religieusement dans un tissu en lin blanc. Par la suite, il leur décrivit le sacrifice d’un taureau offert en remerciement aux dieux.

Leurs grands yeux s’écarquillaient au fur et à mesure que le récit avançait. Adeneil leur parla longuement de Viridios, le dieu des plantes, qui faisait pousser le gui sur les chênes et qui partageait ses bienfaits avec elles en ce jour. Pour terminer, il se dressa devant elles, de toute sa hauteur, et fredonna une douce mélopée dans la langue des druides.

Le vate savait qu’il fallait guérir les âmes de ces jeunes filles bien plus que leurs corps. La souillure était inscrite dans leurs esprits et seule la magie pouvait les soigner, rééquilibrer leurs émotions.

Une fois qu’il eut terminé, il leur fit un signe et les princesses goûtèrent, sans plus attendre, au breuvage sacré.

Lorsqu’Adeneil quitta la maison, Ysolda et Soria échangèrent sur les effets incroyables ressentis en buvant « l’infusion des dieux ». Deirdre sourit pour la première fois depuis longtemps, en voyant l’enthousiasme des deux jeunes filles.

La vieille femme se dit qu’Adeneil était un vate très puissant mais aussi, très intuitif.

Deirdre leur avait expliqué que la reine avait également subi un châtiment très dur et que leur mère était convalescente et extrêmement fatiguée. Ce fut donc avec une joie immense qu’elles apprirent qu’elles iraient la voir le jourmême.

7

Boadicée avait volontairement retardé le retour de ses filles à la maison. La reine ne voulait pas qu’elles la voient dans un tel état de faiblesse. Un quart de lune avait à peine suffi à refermer les plaies à l’intérieur de sa bouche et certaines cicatrices de son dos et de ses cuisses suppuraient encore, malgré les soins répétés d’Elowen.

Boadicée se sentait plus forte maintenant. Elle savait qu’elle aurait la capacité à rassurer ses enfants et à affronter avec elles ce cauchemar. Le vate serait là et sa magie les aiderait.

La porte s’ouvrit et les deux filles se précipitèrent à l’intérieur de la pièce, cherchant leur mère avec avidité. Ysolda et Soria coururent se blottir dans ses bras et se mirent à sangloter avec une telle violence que Boadicée en fut tout ébranlée. La reine s’assit sur la paillasse et ses filles s’agenouillèrent de chaque côté en faisant glisser leurs têtes sur ses cuisses. Boadicée passa ses mains dans leurs cheveux bouclés comme les siens et les pressa très fort contreelle.

Aucune parole ne sortit de sa bouche, l’émotion lui tenaillait le ventre et lui enserrait la gorge.

Adeneil entra dans la maison avec une grande solennité. Le moment était crucial pour les trois femmes et le vate savait que son aide était attendue par la reine. Il ressentait les souffrances des esprits et des corps, la honte et la colère, la peur et la douleur.

Adeneil comprenait l’absence des mots pour expliquer l’inacceptable.

–Levez-vous et formez un cercle avec moi et Elowen.

Ils formèrent en silence un cercle au milieu de la pièce en se donnant lamain.

–Fermez les yeux et ressentez les énergies de ce cercle. Nous sommes cinq fois plus puissants tous ensemble, en nous connectant les uns aux autres, que si nous étions seuls dans l’univers. Les évènements passés se sont déroulés par la volonté des dieux et nous n’y pouvons rien changer. Nous devons les accepter. Si nous sommes en vie, c’est également par leur volonté. Ressentez-vous notre force, notre puissance mentale, notre énergie ?

Le vate avait dit ces derniers mots avec une telle conviction, que chaque représentant du cercle se sentait fort et protégé par le cercle tout entier.

Adeneil se mit à fredonner un chant dans la langue sacrée, incompréhensible pour les femmes, mais d’une telle beauté, qu’Elowen, se surprit à l’écouter en pleurant. La servante ne parvenait pas à contenir ses larmes et ressentait, au plus profond de son âme, la présence d’une force supérieure avec elles dans ce cercle !

À la fin de la mélopée, les participants se lâchèrent les mains. Le vate, les yeux toujours fermés, leva la tête et monta ses bras auciel.

Les quatre femmes le regardèrent avec respect et stupeur. L’homme inspirait longuement et, à chaque expiration, dans un souffle puissant, il prononçait des mots que seuls les esprits pouvaient comprendre. Il s’adressa d’abord à la terre, puis à l’air, au feu, à l’eau et enfin, au brouillard…

Adeneil mit une main dans la sacoche de cuir qui pendait au bout d’une sangle le long de son épaule droite. Il en sortit cinq petits pains de farine d’orge, cuits avec des morceaux de pommes et un soupçon de miel. Il les distribua pour clôturer la cérémonie et en garda un pourlui.

–Prenez le temps de savourer cette nourriture, en remerciant la terre mère de nous avoir réunis. Appréciez l’harmonie de cet instant.

Boadicée aimait la puissance de la magie et celle du vate lui plaisait, elle lui rappelait celle de son ami Brayaden.

Tout en dégustant son petit pain, Adeneil regarda la reine avec insistance pour lui faire comprendre qu’il avait rempli son rôle et que c’était à elle, maintenant, de prendre le relais auprès de ses filles. Le vate demanda à la servante de l’accompagner chez Conall, le Barde13, et sortit de la maison, suivi par Elowen.

Boadicée se sentait emplie d’une nouvelle force. Elle sut mettre des mots sur les outrages que ses filles avaient subis. Elle évoqua l’existence privilégiée des princesses ainsi que le destin, souvent solitaire, d’une reine. Elle leur parla de l’amour, qu’elles trouveraient plus tard et de la guerre, qui viendrait bientôt.

Enfin, Boadicée jura que cette journée, si particulière, qui les avait meurtries ensemble dans leurs chairs, serait à jamais sacrée à sesyeux.

Toutes les trois pleuraient.

8

La reine n’arrivait pas à trouver le sommeil.

Boadicée supportait les douleurs de son corps, qui s’estompaient peu à peu, mais son esprit, en revanche, souffrait davantage. Il était en lambeaux, ruisselant de chairs meurtries et desang.

La nuit, l’image de son torque14 d’or entourant son cou revenait très souvent. Le collier rigide devenait flou, sa couleur jaune soleil se fonçait pour devenir un jaune crasseux, presque marron. Le bijou se transformait en une corde de chanvre, tirée par une main invisible, qui l’étranglait. Sa gorge se serrait et elle étouffait.

D’autres fois, elle se visualisait nue, attachée, le ventre contre l’écorce d’un arbre, entourée d’un parterre d’aigles plus grands les uns que les autres. Les premiers coups de bec lacéraient ses mollets. Tout d’un coup, un aigle gigantesque venait enfoncer ses serres courbes dans la chair de son épaule droite et son œil jaune, gros et profond, scrutait l’iris vert de son œil droit. Petit à petit, le rapace pénétrait dans son cerveau et son premier coup de bec la réveillait aussitôt.

D’autres fois encore, elle se promenait avec ses filles dans une grande prairie, par une belle journée de printemps. Petit à petit, le ciel s’assombrissait jusqu’à devenir noir. Toutes les trois se précipitaient alors en direction d’un bosquet pour se mettre à l’abri de la pluie qui menaçait. Le ciel se lézardait d’éclairs très lumineux, le vent soufflait en rafales et le tonnerre commençait à gronder. Plus elles couraient, plus le petit bois s’éloignait et plus le tonnerre se faisait violent. Soudain, en une fraction de seconde, la pluie se mettait à tomber dru et les trempait de la tête aux pieds. Dans un éclair, plus éblouissant que les autres, Boadicée voyait l’image de ses deux filles, courant devant elle, recouvertes d’une pluie de sang. Elle s’arrêtait aussitôt pour regarder le ciel écarlate devenir incandescent.

Un grand corbeau noir apparaissait alors, volant dans la tourmente, les invitants à le suivre. Elles continuaient de courir et, presque immédiatement, se retrouvaient, aux côtés de Brayaden, entourées de hauts murs de calcaire, à l’abri, dans une grotte de pierre, assises autour d’unfeu.

À ce moment-là, Boadicée se réveillait, presque toujours, trempée de sueur et essoufflée, le regard plongé dans le bleu délavé des yeux du vieux druide.

La reine se leva pour boire une coupe d’eau fraîche. Ses pieds nus entrèrent avec délice en contact avec le sol en terre battue. Sa couche se trouvait dans une petite pièce adjacente à la pièce principale dans laquelle dormaient ses filles et Elowen.

Une fois désaltérée, elle retourna s’asseoir sur la paillasse.

Boadicée resta assise un long moment, sans bouger. Elle repensa au vieux druide avec lequel elle passait des heures à converser sur les dieux et les mondes parallèles. Brayaden détaillait la nécessaire harmonie entre l’animal, le végétal et le minéral. Il parlait longuement de la course sans fin que faisaient les énergies cosmiques et telluriques. Son érudition était exceptionnelle.

La reine sentait son vieil ami présent au plus profond de son âme mais son corps physique, son apparence, leurs discussions, leurs accolades, lui manquaient terriblement.

Boadicée prit une longue inspiration et s’allongea pour se reposer encore un peu. Aujourd’hui, la réunion du conseil devait décider de la conduite à tenir pour le peuple Icénien et elle aurait besoin de toute son énergie pour la diriger. Elle se sentait encore terriblement faible et ne se reconnaissaitpas.

Elle ferma lesyeux.

9

Boadicée était assise sur le banc, au centre de la table du conseil réuni pour la circonstance. Son torque torsadé en or, fermé par deux têtes de chevaux, étincelait au milieu de son cou et semblait irradier l’émeraude de ses grands yeux. Ses cheveux roux étaient magnifiquement coiffés. Deux fines tresses incrustées de petits anneaux d’or lui ceignaient le front. Le reste de la chevelure était tiré droit à l’arrière de la tête avant d’être tressé sur une demi-queue pendante jusqu’au bas de ses reins. Cette coiffure dégageait le front large et haut de son visage oblong au nez droit et faisait ressortir ses mâchoires saillantes. Elle portait une chemise de laine rouge par-dessus sa tunique de lin. Un manteau de laine bouclée en tartan vert était agrafé à son épaule droite par une fibule15 en or, en forme d’oiseau.

Sa haute stature et son maintien impeccable imposaient le respect. La reine rayonnait d’une grande force et d’une grande beauté.

Autour de la table étaient assis les décideurs du peuple Icénien.

Adeneil, indispensable intermédiaire entre les dieux et les hommes, était assis à la droite de Boadicée, faisant face aux deux représentants militaires, Melevann et Dunnagail.

Gléann, l’ancien forgeron du village, représentant du peuple, était assis à la gauche de la reine. Ses longs cheveux blancs attachés en de multiples tresses entouraient son visage carré, buriné, aux traits durs. L’homme avait le regard sombre des mauvais jours. Ses mains puissantes aux doigts noueux restaient posées devant lui. Sa grande taille et sa science du combat faisaient encore de lui un guerrier redoutable malgré le poids desans.

Le soleil était à son zénith et Elowen servit de la cervoise16 fraîche aux membres de la petite assemblée.

–Je déclare le conseil ouvert et je bois pour que nous prenions les justes décisions pour notre peuple.

Boadicée souleva la corne remplie de la boisson alcoolisée, parfumée à la fleur de bruyère, et la porta à ses lèvres, imitée par tous les participants.

Elle but d’un trait l’épeautre fermenté et posa, délicatement, la corne vide sur la table, tout en regardant chaque visage avec insistance. Dans ses yeux couvait un feu que les quatre hommes percevaient.

–Prasutagos, mon défunt mari, votre roi, avait cru protéger son peuple en rédigeant un testament qui donnait la moitié de nos terres à Rome et l’autre moitié à nos filles, les princesses Ysolda et Soria. Il souhaitait conserver les bonnes relations que nous entretenions depuis quinze ans avec l’Empire.

Boadicée parlait très lentement et très distinctement de sa voix légèrement rauque. Ses silences étaient lourds et donnaient encore plus de force à chacun de sesmots.

–La réponse de Rome, à ce cadeau des Icéniens, vous la connaissez comme moi. La Reine, que vous avez élue, a été battue, pratiquement à mort, devant vous. Les princesses ont été torturées et violées et vous-même avez été dépouillés de vos richesses… En un mot : la louve nous a humiliés.

Sa voix s’emplit d’une telle fureur que le débit des mots s’accentua au fur et à mesure qu’elle parlait.

–La question n’est pas de savoir si elle recommencera, mais quand et sous quelle forme elle le fera. Est-ce qu’elle me tuera ? Certainement. Est-ce qu’elle tuera mes filles ? Probablement. Mais dites-vous bien que la louve ne s’en contentera pas. Ses légions massacreront chacun d’entre vous, vos femmes et vos enfants, vos parents, vos familles ! Ceux qui seront épargnés deviendront à jamais les esclaves deRome.

La reine se tut et se tourna vers le vate, qui comprit aussitôt qu’il devait faire connaître le point de vue des dieux. Adeneil cligna doucement des yeux et parla posément, d’une voix chaude et solennelle.

–Chaque début de journée, depuis une demi-lune, je vais m’asseoir sous les étoiles, sur la plage, devant la mer. J’invoque les esprits. Dans mes transes apparaissent de multiples visions du monde terrestre mais, également, des manifestations des deux autres mondes. Cependant, à chaque fois, il est une vision, plus puissante que toutes les autres, qui s’impose à mon esprit. L’image de la déesse Andrasta, debout sur un char de guerre en or, tiré par deux chevaux blancs, brandissant une longue lance d’argent qu’elle plante, a de multiples reprises, dans les flancs d’une louve, qui pleure des larmes desang.

–Un vol de corbeaux m’a transmis ce message de notre druide avant qu’il ne meure. Un terrible malheur s’est abattu sur la nation celte tout entière, et ce malheur a eu lieu sur l’île de Mona. Les déesses réclament vengeance et veulent que notre reine prenne la tête de la révolte pour chasser de la Bretagne l’occupant romain.

Le vate n’en dit pas davantage. Il resta le regard dans le vague, comme absent de l’assemblée.

Boadicée se tourna alors vers Gléann et l’invita du regard à prendre la parole.

–Ma reine, il y a plus de quinze ans, nous avons combattu les légions du Gouverneur Publius Ostorius Scapula.

Le vieux guerrier avait dit cette première phrase avec beaucoup d’émotion et fit une pause, comme s’il cherchait à reprendre son souffle. L’homme n’était pas habitué à parler devant une reine, un vate et deux chefs de guerre. Gléann poursuivit, en extirpant de sa mémoire ses souvenirs de champs de bataille.

–Nous étions plus nombreux, mieux armés, mieux préparés à la guerre qu’aujourd’hui et, pourtant, nous avons été vaincus ! Antedios, notre roi, fut tué pendant les combats et un grand nombre d’Icéniens fut déporté en esclavage à Rome. Cette guerre ne nous a apporté que des malheurs. Mais je ne regrette rien et si c’était à refaire, je n’hésiterai pas un seul instant pour retrouver notre honneur perdu. Beaucoup de mes amis sont morts avec le sourire que seul procure le fracas des armes sur les boucliers et les corps.

Il se tourna vers Boadicée :

–Ma reine, notre peuple préférera toujours mourir plutôt que de vivre en esclavage.

Sur ces mots de conclusion du forgeron la reine se tourna vers Dunnagail, visiblement impatient d’intervenir. Elle plongea son regard dans les yeux d’ébène du chef des fantassins l’invitant à parler.

–Boadicée, Adeneil, Gléann, je vous ai écoutés avec beaucoup d’attention parler des déesses, des Icéniens et de Rome. Je vous ai entendu parler des corbeaux messagers de Brayaden et de la guerre. Mais comme notre ancien forgeron ne l’a pas dit, car il n’a pas osé le faire : « pour gagner une guerre, il faut un chef de guerre ». Un stratège, doté d’une armée nombreuse, bien équipée en lances, en boucliers, en épées, en casques, en chevaux, en chars de guerre et très entraînée. Et je n’ai rien entendu de toutceci.

–Je vois une femme convalescente, n’ayant aucune expérience de la guerre, soutenue, dans une folie de révolte, par un vate qui, je vous le rappelle, même si je te respecte Adeneil, n’est pas notre druide suprême. Je pense que ce conseil doit d’abord, et de toute urgence, nommer un chef de guerre.

Sur cette dernière affirmation il se tut, en croisant ses bras musclés couverts de tatouages sur sa poitrine.

Boadicée remarqua que l’aristocrate avait volontairement « oublié » son titre, ainsi que celui d’Adeneil, pour donner encore plus de poids à sa critique. Mais également, pour remettre en cause la légitimité du conseil et de celle qui le présidait.

Elle regarda Melevann qui tournait nerveusement avec ses mains, les deux gros bracelets de force en or qui enserraient chacun de ses poignets. Le colosse était plutôt taciturne et ne s’exprimait que rarement, préférant la compagnie de ses chevaux.

Deux gros anneaux en or pendaient au lobe droit du chef de cavalerie, qui portait ses braies17 en tartan rouge, surmontées d’une tunique de laine blanche. Une grande saie, en tartan rouge également, était attachée à son épaule droite par une fibule en argent, en forme de cheval. De magnifiques brogues18 en cuir de bœuf lui couvraient les pieds.

–Je fais confiance aux dieux pour guider notre peuple et écrire notre destin. Les dieux voient une femme tuer la louve et non un homme. Il faut donc qu’une femme se dresse sur un char de guerre pour que la prédiction se réalise.

–Les fêtes de Samonios19 doivent avoir lieu ici dans quelques jours et tous les hameaux, villages et villes d’Icénie nous enverront des représentants. Nous pourrons alors procéder à un vote par acclamation pour savoir si le peuple choisit sa reine pour le guider dans cette guerre. Si tel n’est pas le cas, nous choisirons un autre chef de guerre.

Boadicée comprit que Melevann voulait éviter l’affrontement avec Dunnagail. Le colosse respectait l’aristocrate mais ne l’aimait pas. Elle reprit la parole aussitôt :

–Je vous remercie tous pour votre franchise et vos propos pleins de sagesse. Nous ferons ainsi et le peuple décidera de son destin lors des fêtes de Samonios.

10

Comme toutes les années, les festivités de Samonios attiraient un grand nombre de participants. Plusieurs milliers d’Icéniens, venus des quatre coins du territoire, dressaient leurs campements dans les prairies entourant l’oppidum.

De nombreux guerriers en armes accompagnaient les paysans et les artisans, qui composaient le gros de la troupe. Certains d’entre eux venaient à pied, mais un grand nombre montait des chevaux magnifiquement harnachés pour la circonstance. Les armes rutilaient sous les rayons rasants du soleil d’automne.

Un concert de pelles et de pioches retournait, sans interruption, la terre alentour.

Les Celtes étaient habitués à ces grandes migrations et montaient rapidement leurs « cahutes de voyage », faites de longs rondins de conifères pour les poteaux porteurs et les poutres. La couverture et les pans de l’abri étaient faits de roseaux tressés.

Ces petites cabanes, d’une seule pièce, avaient une porte d’entrée qui faisait également office d’aération. Un trou, percé au centre du toit, laissait passer la fumée de l’âtre situé à la perpendiculaire. Ce dernier était souvent constitué de galets au-dessus desquels était suspendu un gros chaudron en fer pour cuire les aliments.

Une grande paillasse, placée à côté du foyer, servait de dortoir commun, permettant à tous de se tenir chaud dans cette période où les nuits devenaient de plus en plus froides.

Chaque famille avait emmené de quoi se nourrir et inviter ses amis lors des grands banquets communs.

Des bêtes à viande les accompagnaient pour être abattues sur place, des moutons, des cochons, des bœufs ainsi que beaucoup de volailles enfermées dans des cages en osier ; essentiellement des oies, des canards et des poules.

Certaines bêtes étaient choisies par les druides pour être sacrifiées en l’honneur des dieux et ce, pour la plus grande fierté de la famille qui avait élevé ces animaux.

Certains préféraient, par souci de simplicité, venir avec de la viande déjà fumée et de la charcuterie.

Les Icéniens étaient également de grands amateurs de poissons. Ils le consommaient de préférence frais, mais le salaient pour le conserver lorsque la pêche était impossible ou lorsqu’ils se déplaçaient.

Les chariots étaient chargés de grands sacs de céréales, de blé, d’orge, de millet, indispensables à la préparation des galettes et des bouillies, qui étaient consommées tous les jours.

Des légumes frais, en abondance également, étaient entassés dans des caisses en bois de frêne : navets, choux, carottes ou encore poireaux leur permettaient de préparer les soupes et les ragoûts.

Enfin, du fromage de brebis, de chèvre ou de vache et des fruits secs complétaient les menus de leurs trois repas quotidiens.

Les chariots transportaient également beaucoup de cervoise, un peu de vin et, pour leurs plus riches propriétaires, de l’hydromel, la boisson des dieux.

Adeneil regardait cette fourmilière grouiller devant ses yeux et admirait le savoir-faire ancestral dont faisaient preuve les Celtes lors de ces grands rassemblements. Tout se faisait dans le calme et avec une organisation quasi parfaite.

–Vate peux-tu me parler de l’organisation de la fête de Samonios dans ces circonstances si particulières ?

Adeneil reconnut la voix de Boadicée, qui venait d’arriver derrière lui. Il se retourna en lui souriant.

–Bien sûr majesté. Nous organiserons trois jours et trois nuits de festins rituels et de beuveries afin de remercier le soleil pour les moissons, qui furent bonnes et qui vont nous permettre d’affronter cet hiver sans crainte de famine. Nous devrons être prudents car le passage entre le monde des dieux et celui des hommes sera ouvert. Nous saurons nous protéger et combattre les mauvais esprits.