Pyramide - Manu Freire - E-Book

Pyramide E-Book

Manu Freire

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Beschreibung

Bernard, un sexagénaire à la retraite, se rend dans une agence bancaire pour solliciter un prêt. À son arrivée, il est accueilli par Jack, un des cadres de la banque. Aussitôt, une série de quiproquos éclate entre les deux hommes, les plongeant dans un enchevêtrement de péripéties burlesques. L’intervention d’autres personnages révèle l’absurdité et le caractère comique de la pièce. L’objectif initial, la demande de crédit, s’efface peu à peu pour laisser place à une succession de situations extrêmement grotesques, mettant en lumière la complexité des relations humaines.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Manu Freire explore son potentiel de créativité au quotidien en écrivant de courts textes. La pratique assidue de cet exercice a donné naissance à une pièce de théâtre plus ambitieuse qu’il a intitulée "Pyramide".

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Manu Freire

Pyramide

Théâtre

© Lys Bleu Éditions – Manu Freire

ISBN :979-10-422-3120-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma grand-mère, Carlota,

qui malheureusement n’est plus parmi nous.

Femme forte, épatante, aimante, dévouée à sa famille.

Elle a su insuffler en moi le fait de croire en mes rêves.

Tu me manques, je t’aime, mon ange gardien.

Prologue

Un client franchit le seuil de l’agence, se dirige vers le comptoir, l’air un peu préoccupé. Le banquier, voyant ce dernier foncer vers lui à vive allure, anticipe et l’interpelle de vive voix.

Personnages

Jack :

Jeune cadre dynamique, employé de la banque en costume-cravate. Il porte un appareil auditif qui a la fâcheuse manie de fonctionner par intermittence.

Bernard :

Jeune retraité client fidèle de la banque et accoutré de manière décontractée, son apparence peut laisser entrevoir un certain manque d’hygiène.

Abby :

Belle jeune femme trentenaire, svelte d’origine slave. Elle porte une jupe crayon taille haute et une blouse laissant entrevoir ses formes. Abby est la femme de Bernard. Ce sont de jeunes mariés.

La femme de ménage :

Elle porte l’uniforme de l’enseigne et arbore fièrement son badge de service autour de son cou.

Claude :

Directeur de l’agence bancaire se trouvant près de l’âge de la retraite. Il porte un costume-cravate.

Scène 1

Bernard, Jack

JACK : Bonjour.

BERNARD(s’appuyant sur le comptoir, à bout de souffle) :Bonjour.

JACK : Que puis-je faire pour vous ?

BERNARD : J’aimerais dans la mesure du possible m’endetter.

JACK : Ne cherchez plus. Vous venez de frapper à la bonne porte. Nous avons la solution à vos problèmes.

BERNARD(en soupirant) : À vos problèmes ?

JACK : Vos problèmes, les vôtres, pas les miens.

BERNARD(l’air étonné) : Ah oui ! Vraiment !

JACK : Corrigez-moi si je me trompe, vous souhaitez contracter un prêt, c’est bien ça ?

BERNARD : C’est bien ça !

JACK : Je vous propose un prêt, pas n’importe lequel, un prêt sur mesure.

BERNARD : Sur mesure, vous dites !

JACK : Sur mesure, un prêt qui vous correspond.

BERNARD : Qui me correspond, vous dites !

JACK : Oui, c’est bien ça ! Qui vous correspond en tout point, à votre image, avec des échéances et des remboursements à la hauteur de vos espérances. N’est-ce pas formidable ?

BERNARD : Je ne sais que dire devant tant d’éloquence.

JACK : Formidable.

BERNARD : Formidable. Rien que ça ?

JACK : C’est aussi simple que ça. Laissez-moi vous aider. Dites-moi combien vous feraient plaisir ?

BERNARD : Beaucoup.

JACK : On parle de combien ?

BERNARD : De beaucoup.

JACK : De beaucoup ?

BERNARD : De beaucoup, beaucoup.

JACK : Ça fait beaucoup de beaucoup, à vrai dire.

BERNARD : Je vous l’accorde, ça fait beaucoup de beaucoup.

JACK : Ça fait beaucoup. Vous commencez à me faire peur.

BERNARD : Peur ! Moi ! Je vous fais peur ? Je ne fais même pas peur à une mouche. Elles ne s’écartent même pas quand elles me voient.

JACK(d’un air de dégoût se bouchant le nez) : Il ne faut pas leur en vouloir. Elles sont attirées par l’odeur du chocolat.

BERNARD : Elles ont bon goût. Le chocolat me fait saliver. Rien que d’y penser cela excite, émoustille mes papilles et met en éveil tous mes sens.

JACK : Ce n’est qu’une affaire de goût. Moi ! Je ne suis pas trop chocolat, arôme naturel, brut, senteur des bois. Ça n’éveille pas, ça ne réveille pas et ça n’émoustille pas mes papilles. Rien de transcendant dans tout ça.

BERNARD : À vrai dire, j’aime le chocolat bien chaud.

JACK : Ah oui ! Je vois ce que Monsieur veut dire. Vous aimez le chocolat récemment produit qui sort tout juste des lignes de production. Bref ! Vous aimez le chocolat bien chaud, 100 % cacao, parfum authentique, un produit d’excellence et d’exception.

BERNARD : Je vois que Monsieur est connaisseur, fin gourmet et amateur de bonnes choses, si je ne m’abuse. Le chocolat chaud est de loin le meilleur. Je le recommande vivement à tout le monde. De vous à moi : une once de chocolat le soir favorise l’endormissement, un vieux remède de grand-mère. Faites-moi donc confiance, vous m’en direz des nouvelles. L’essayer, c’est l’adopter à vie. On ne peut plus s’en passer.

JACK : Monsieur ! Enfin, il n’est pas question de confiance, mais d’intolérance. Je suis fort sensible à certains aliments. Le chocolat malheureusement en fait partie. J’ai, comme qui dirait, développé une certaine forme d’allergie, de rejet, de répugnance et de dégoût au fil des années.

BERNARD(d’un air triste, compatissant) : Mes sincères condoléances.

JACK(se bouchant le nez d’un air de dégoût) : Voyez plutôt le bon côté des choses. Plus de chocolat chaud pour vous.

BERNARD : Vous avez raison. Vu sous cet angle. C’est plutôt avantageux pour moi. Le chocolat vous rebute-t-il donc à ce point ?

JACK : Hélas oui ! Sous toutes ses formes ! Et coutures ! Revenons donc au prêt bancaire si vous voulez bien. Avez-vous donc des garanties à me donner ?

BERNARD(en montrant ses poches vides d’un air ironique) : Oui ! Plein les poches.

JACK : Plein les poches !

BERNARD : Oui ! D’ordre financier.

JACK (d’un air étonné) : Voyez-vous ça, d’ordre financier ! Ben voyons ! Dites-m’en plus. Je vous écoute attentivement.

BERNARD : Ma femme est fort dépensière. Elle dépense sans compter. Elle est comme qui dirait dans votre jargon, une action toxique, bref une action risquée. La rareté se paye, j’aurais dû choisir une blonde, une brune, mais non une rousse russe.

JACK : Prenez donc des obligations ! C’est beaucoup moins risqué. Certes, le gain est beaucoup moins important, mais vous ne risquez pas de tout perdre. Cela est tout de même à prendre en considération. Ne croyez-vous pas ?

BERNARD : Ce que je crois importe peu. Ce qu’unit Dieu, l’homme ne peut le défaire. En général, ce que vous dites, fonctionne lorsque l’on n’est pas marié. L’église ne reconnaît malheureusement pas le divorce. Ce terme est banni, proscrit de leur vocabulaire.

JACK (d’un air dubitatif) : Non !

BERNARD(d’un air résigné) : Oui.

JACK : Vous l’êtes !

BERNARD(d’un air résigné) : Eh oui !

JACK(n’y croyant pas vu l’accoutrement du personnage) : Marié ! Comment cela est-il possible ?

BERNARD : Oui, marié.

JACK : La bague au doigt. Cela explique tout. Je comprends mieux maintenant votre fortune, pas de retour possible à l’expéditeur. C’est pour la vie !

BERNARD(d’un air résigné) : Oui, c’est pour la vie.

JACK : Pour la vie ! Cela sonne et résonne et semble effroyablement terrifiant rien que d’y penser.

BERNARD : On s’y fait, vous savez. On finit par apprécier, aimer les petits défauts de l’autre avec le temps.

JACK : Comment cela est-il possible ? Je n’en ai aucune idée, à vrai dire. Une vie terne, morose, sans éclat, un quotidien monotone, fade, où toutes les saisons se ressemblent. Ce n’est pas pour moi ! J’aime me sentir libre, j’aime sentir la brise caresser mes joues, respirer à pleins poumons le parfum enivrant des fleurs de saison, butiner de fleur en fleur. Telle est ma philosophie de vie !

BERNARD : Liberté!Égalité!Fraternité! Telle est la devise de la République française. Je vous prierais de ne pas dénaturer les valeurs tricolores de la France. J’ai comme qui dirait un sixième sens caché pour comprendre les doubles sens.

JACK(se prenant au jeu, il entonne la Marseillaise à pleins poumons) : Allons enfants de la Patrie. Le jour de gloire est arrivé.

BERNARD(se tenant bien droit l’air fier comme un coq) : Je ne sais pas si je vous l’ai déjà dit. Ma femme a la fâcheuse manie de dépenser tout sans compter. Faites donc preuve d’un peu de patriotisme, en nous aidant, vous aidez la France. La patrie vous sera éternellement reconnaissante. Faites-le, pour, et au nom de la République française. Soyez fier d’être français. Vive la France !

JACK : Moi aussi ! Je suis un fervent patriote et fier d’être français. Vive la France ! Cocorico ! À vrai dire, j’ai un peu de mal à vous suivre.

BERNARD : Je vous comprends, vous n’êtes pas le seul à me le dire. On me le dit souvent. Même moi parfois, j’ai du mal à suivre le rythme que je m’impose. C’est pourquoi je n’utilise plus de mesure. Je suis mon propre métronome.

JACK : Si nous pouvions revenir à nos moutons. Le temps c’est de l’argent. La banque m’impose un certain rendement, un certain volume journalier sous peine de voir ma prime de fin d’année s’émietter en miettes.

BERNARD : Le temps ! De l’argent ! Voilà bien d’étranges propos. J’ai tout le temps du monde devant moi et je ne suis pas pour autant riche. Voyez-vous, je suis retraité. Ce n’est pas pour autant que mon compte en banque suit une courbe exponentielle.

JACK(en consultant sa base de données sur son écran) : Je vous confirme, elle est plutôt d’ordre décroissant ces derniers mois. Je vois que vous avez fait de conséquents retraits ces derniers jours.

BERNARD : Oui ! C’est là que je voulais en venir. Vous m’avez devancé. J’ai, comme qui dirait, besoin de réapprovisionner mon compte de manière exponentiellement croissante. J’ai une femme fort dépensière, à la fougue et au tempérament de feu. Telle une jument indomptable.

JACK(en rigolant) : À force de voler trop haut, Icare s’est brûlé les ailes. Faites attention ! Allez donc voir à la boulangerie du coin, ils font d’excellents croissants au beurre. Les meilleurs de tout le quartier !

BERNARD : Voyez-vous ça ! Les meilleurs croissants de tout le quartier ?

JACK : Les meilleurs.

BERNARD : De tout le quartier !

JACK : Oui ! Ce sont vraiment les meilleurs, de tout le quartier.

BERNARD : Vous ne me faites pas rire. Ne voyez-vous donc pas mon besoin imminent de renflouer mon compte ?

JACK : De manière exponentielle, c’est bien ça !

BERNARD : De manière croissante.

JACK(d’un air farceur) : Les meilleurs de tout le quartier ! Faites-moi confiance. Allez donc voir Francine, dites-lui que je vous envoie. Vous ne le regretterez pas. Je vous l’assure ! Rien que d’y penser, j’en ai l’eau à la bouche. Vous m’en direz des nouvelles.

BERNARD : Soyez un tantinet soit peu sérieux. J’ai vraiment besoin de liquidité dans l’immédiat absolu.

JACK(d’un air sarcastique) : Attendez donc les prochaines pluies ! Ne désespérez donc pas. La pluie sait se faire attendre. Elle finira bien par tomber, tel un Messie qui apporte la bonne nouvelle. Vous verrez, rien ne sert de perdre espoir. Toute chose arrive à point à qui sait attendre. Il suffit d’être patient. Espérons que cette année, la moisson soit plus abondante. Gardons la foi ! Mon ami !

BERNARD : La foi ! Que je garde la foi ! En Jésus-Christ !

JACK(en chipotant à son appareil auditif) : Le Messie.

BERNARD : Messi !

JACK(essayant tant bien que mal de régler au mieux son appareil auditif, sans réellement y parvenir) : La pluie ! Je parle de la pluie. Parlez plus haut ! Je ne vous entends pas bien.

BERNARD(en haussant le ton) : La pluie, Lionel Messi, vous voulez dire. Est-ce bien ça ?

JACK : Soyez patient, toute chose arrive à point à qui sait attendre. Le hasard fait parfois bien les choses.

BERNARD(en parlant à haute et intelligible voix en articulant du mieux qu’il peut) : Mais enfin, Messi est au Barça ! Il est en D1. Que viendrait-il faire au fin fond de notre bourgade en D2 ?

JACK : Apporter la bonne nouvelle, l’espoir, délivrer tout un peuple de l’incertitude, l’exhorter, le transcender, le rendre fier. Il va là où le vent le porte, il ne connaît pas de limites, de frontières humaines. C’est un vrai phénomène de la nature.

BERNARD : Un surhomme ! Un extraterrestre ! Un martien !

JACK : Une bénédiction, un don de Dieu.

BERNARD : Ça serait bien un miracle de l’avoir en D2 au Havre.

JACK : Le Havre serait un vrai havre de paix avec le Messie. Vive la pluie !

BERNARD : Le mercato n’est pas un marché facile. Je ne vous apprends rien. Vous le savez bien. En ce moment même, les prix ne cessent de s’affoler pour les meilleurs talents de cette planète. Difficile de se les arracher. C’est un vrai casse-tête. L’espoir fait vivre !

JACK(calibrant tant bien que mal son appareil auditif avec succès) : Ne soyez donc pas si pessimiste. Attendez donc les prochaines pluies ! Mère nature, en ce moment, est un peu capricieuse. C’est probablement dû au réchauffement climatique. Qu’en pensez-vous ?

BERNARD