Regards - Roberto Pereira - E-Book

Regards E-Book

Roberto Pereira

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Beschreibung

Recueil de nouvelles, dont le thème général , avec le titre, correspond à l'observation dans différentes situations au cours de la vie, et où les personnages décrits dans une pure fiction se trouvent mêlés à des événements parfois réalistes, et à d'autres moments, liés au domaine du fantasme.

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Sommaire

Les murmures de Chaplin

Fantasmes obscurs

L’élue de Venise

Les passages de la Dame en noir

Les Tomates au sucre

La Rencontre

Regards

Sur le Reste du Temps

Les murmures de Chaplin

L’homme arriva l’allure décidée, proche de la décontraction.

Chaque pas qu’il avançait aux abords des pontons, révélait une perceptible forme physique.

D’autant plus que l’homme en question, en s’approchant d’eux, présentait un âge certain comme l’on dit, que pouvait envier quelques jeunes hommes d’allure moins athlétique.

Occupés à leur repas improvisé, sur un banc de la promenade au bord du lac, Edith et Roland, aperçurent l’homme qui dans leur direction les saluait d’un geste large.

-Bonjour, Messieurs- Dames, bon appétit !

-Merci beaucoup, répondirent –ils, à la fois surpris par cette marque courtoise et sympathique.

A partir de ce moment, leur regard cibla davantage les préparatifs de l’homme sur son bateau, tout en poursuivant leur repas improvisé.

Puis vint le départ du hors bord à la coque bleu foncée, qui se faufila à travers les rangées d’autres bateaux appontés.

Au bout du bassin, juste avant la sortie, l’homme ralentit quelque peu, discuta avec des gens de connaissance, installés à l’arrière du bateau pour déjeuner, leurs voix résonnèrent mêlés aux éclats de rire qui attestait le profit des plaisirs de la vie.

Le soleil se cachait derrière les nuages, la couleur du ciel annonçait la menace de l’orage.

L’homme remit les gaz de son hors bord, et se dirigea vers la sortie du port de plaisance, sans doute avec le visage heureux du solitaire, le cœur enthousiaste pour ces moments précieux de liberté.

Edith et Roland le suivirent des yeux un long instant, puis l’abandonnèrent comme par respect au gré de sa solitude.

_Qui pouvait-il être ? S’interrogea Roland.

Quant à Edith, elle ne se posait aucune question, ayant apprécié la simplicité, la courtoisie, de l’homme inconnu.

Persuadée, qu’habitant Vevey, il s’agissait d’une personne fortunée, et que la richesse rend souvent dédaigneuses les personnes issues de ce milieu.

La preuve était établie, qu’existait dans ce milieu, qualifié de nanti, aussi des exceptions.

Plus audacieux, qui sait si l’homme n’aurait pas accepté de les prendre à bord, pour une courte promenade le long des rives du Léman ?

Peut-être, que de son coté il n’avait osé faire la proposition, déplacée à son goût, ne connaissant pas ce couple affiché dans sa quiétude.

Leur repas impromptu terminé, ils quittèrent l’endroit face au port ; derrière eux la ballade bordée d’arbres s’offrait au paradis des piétons et des cyclistes.

Roland pensif, restait sur sa faim, il aurait aimé en savoir plus sur l’homme au charme discret.

Quant à Edith, sa vive curiosité semblait éteinte, le sourire de l’homme lui suffisait comme marque de séduction.

Chaque jour dans son métier, elle ne manquait pas d’éloges intéressés, ce qui finissait par créer une attitude à la fois de méfiance et d’indifférence.

Le mensonge des hommes bien connu des femmes anéantissait parfois leur rapport, obstruait leur état d’esprit vers un horizon où l’image adulé du mâle apparaissait restrictive.

L’homme à ses cotés ayant démontré une attitude de séduction naturelle, elle en préservait le souvenir comme un moment de rare privilège.

Une chose, peut-être, qui n’arrivait qu’une fois dans la vie, qu’il fallait saisir au vol, animé d’une opportunité saine, d’un élan d’amour.

-Nous allons rentrer, beaucoup plus tard, dit Roland.

-C’est probable, nous ne pouvons y échapper, répondit Edith.

Tout près de là, la statue de Chaplin au centre d’un parterre de roses érigée face au Léman, immortalisait le génie du cinéma muet, le visionnaire des temps modernes.

Par un clin d’œil malicieux du grand acteur qu’il fut, Roland y décela un signe, une sensation de probable révélation.

Ne serait-ce pas sur l’identité de l’homme, qu’Edith et lui, avaient rencontré par le pur des hasards ?

Roland, époustouflé, s’approcha de la statue de l’acteur, y vit un balbutiement, un murmure des lèvres, qui dans un souffle confia : << Cet homme qui demeure pour vous une énigme, s’appelle Hugo Kubler, sa femme se prénomme Greta >>

<< Mais comment le savez-vous, chuchota Roland, sous les yeux de témoins, interloqués.

<< C’était mon voisin, sur les hauteurs de Vevey, un très grand producteur de films à Hollywood, sa propriété se nomme « le Septième Art » Ami aussi de David Niven, autre grand acteur inhumé au cimetière local >>.

Les gens de passage s’éloignèrent de la statue, regardèrent Roland avec mépris, croyant être victimes, d’un fou, d’hallucinations, de choses surnaturelles, pour lesquelles l’esprit a du mal à concevoir la possibilité.

A quelques pas de là, Edith s’étonnait de l’absence prolongée de son mari, que pouvait-il avoir découvert ?

-Alors, inspecteur, votre enquête avance ? Lança telle avec ironie.

-Tu ne vas pas me croire, ou me prendre pour un fou toi aussi, Chaplin m’a susurré quelque chose !

-Quoi ? Chaplin !

-Je trouvais drôle, nous venions juste de faire des photos, tu ne me suivais plus.

-Tu es sûr que ça va bien, Roland ?

-Oui, je vais bien, rassure toi, je connais l’identité de l’homme qui nous a salués.

-Tu m’excuses, j’ai du mal à te croire, ce n’est pas un truc d’auteur ?

-Je sais, cela parait incroyable, pourtant…

-Si la police t’interroge, tu ne vas pas révéler la connaissance de son nom ?

-J’en sais rien, surtout pas venant de Chaplin, non sans doute.

Leur regard se fit davantage interrogateur, le visage d’Edith masquait à peine son inquiétude, son scepticisme devant la situation rocambolesque.

Pendant ce temps-là sur les hauteurs de Vevey, perdue dans les vignes à flancs de coteaux, surplombant le lac et se hissant vers les Alpes côté Suisse, la propriété baptisée « « le Septième Art » » s’imposait de plein pied.

Cernée par un gazon d’un vert digne du pays basque, le terrain qui l’entourait dans sa superficie offrait la vraisemblance d’un green, au centre duquel une vaste piscine attendait l’émulation des nageurs et autres plongeons d’enfants égayés.

De la terrasse, l’intérieur s’ouvrait sur une immense pièce salon au design contemporain, aux murs les rayonnages tapissés de livres de collection, aux reliures de différentes couleurs encadraient la pièce.

Au milieu du salon, assise sur une banquette de cuir blanc, Greta Hugo, en pleine conversation, recevait deux fois par semaine ses amies, réparties autour d’elle pour prendre le thé à l’heure convenue, et entamer une partie de bridge.

La rencontre bi- hebdomadaire, en dehors du jeu, leur permettait de parler mondanités, d’évoquer les soucis financiers des riches, et parfois d’égratigner au passage le comportement des hommes.

Greta très individuelle, accompagnait peu son mari, leur vie jusqu’ici fut une sorte de compromis, d’opposition, adjointe à quelques points d’affinités.

Le sexe les séparait, depuis longtemps elle ne cachait pas sa désapprobation pour l’acte sexuel, la rumeur filtrée par les amis intimes, clarifiait qu’Hugo en homme discret épanchait ses besoins avec quelque jeunesse.

Etait-ce l’origine de sa condition physique actuelle ?

Certains l’affirmaient, quant à Greta, son état d’esprit considérait qu’arrivé à un certain âge, ce genre de chose devenait futile.

Pour Hugo Kubler, l’importance de la déraison aura guidé par épisodes sa vie.

Rien disait-il, n’est plus misérable que de vouloir toujours être raisonnable.

Fier de ses succès cinématographiques, il se félicitait d’avoir souvent agi en franc-tireur, pour n’écouter que les élans de son cœur.

La vie clamait-il, est un risque, la rendre morne par précaution ou prudence, enlève tout intérêt à son vécu.

Pourquoi changerait-il, à l’aube de sa condition de septuagénaire ?

La police locale de Vevey arrivait à grand renfort de sirène, sur le toit du véhicule tournoyait la lumière bleutée qui indiquait l’urgence, juste après l’intervention des sapeurs pompiers partis à bord du zodiac.

De loin, au milieu du lac, le hors bord paraissait immobilisé comme ballotté par le courant qui formait des vagues à l’assaut de la coque.

Les interrogatoires commencèrent sur les pontons, notamment celui du couple qui avait été le dernier à parler à Hugo Kubler avant sa sortie du port, alors qu’ils déjeunaient à bord de leur bateau.

Ils devaient le connaître depuis longtemps, à moins qu’il s’agisse d’une sympathie spontanée, rencontre dû au hasard des vacances ?

Les regards et gestes se dirigèrent vers la promenade du lac, à la recherche selon toute vraisemblance d’autres témoins.

Sur le sol ferme, deux hommes et une femme dans leur tenue officielle, arpentèrent à pas modérés le halage jusqu’à la statue de Chaplin.

Prés d’eux, sur la piste cyclable les deux roues se croisaient, au dernier moment la vue des uniformes de police, les incitaient à ralentir leur vitesse, dans un réflexe qui évoquait plus la crainte qu’une réelle prudence.

Roland assis sur une des pierres qui bordait le lac, se laissait photographier par Edith occupée à cadrer son profil gauche où le sourire en coin formait un rictus aux commissures de la lèvre.

Un instant paisible, comme il les aimait tous les deux.

L’arrivée des trois agents de police perturba ces minutes privilégiées.

Par un salut respectable, le chef d’entre eux les interpella avec son accent vaudois.

-Bonjour, madame, bonjour monsieur, police municipale de Vevey, nous aimerions vous poser quelques questions ?

-A quel sujet, s’il vous plait ? Firent Edith et Roland.

-D’après quelques témoins, vous mangiez sur un banc face au port de plaisance.

-Ce midi, en effet, c’était interdit ? Dit Roland.

-Non, bien sûr, je vous rassure, le problème n’est pas là, monsieur.

-Quel est-il, alors ?

-Il y a eu un meurtre, presque sous vos yeux, à l’heure supposée de votre présence, nous tentons d’en élucider les circonstances exactes.

Edith et Roland se regardèrent foudroyés par la nouvelle.

-Mais de qui s’agit-il, vous pouvez nous le dire ?

-Assurément, un homme vous a salués à son arrivée au port, vers quatorze heures, semble t-il !

-Tout a fait, il nous a même souhaité bon appétit. Dirent-ils ensemble.

-C’est l’homme, que nous venons de retrouver assassiné à bord de son bateau.

_Vous nous glacez, fit Edith angoissée.

-Il y a de quoi, sans doute, madame, soupira le policier.

-Avec son sourire, son attention délicate à notre égard, nous l’avions trouvé sympathique, simple pour un homme sûrement aisé.

-Si le moindre détail concernant une autre personne, aperçue à la même heure sur le ponton vous revient, voici le numéro de téléphone du commissariat.

-Nous ne manquerons pas de vous le signaler…Nous repartons coté français ce soir, nous sommes venus pour la journée.

-Rendre une visite à Chaplin ? Souligna le policier.

-Oui, ma femme ne connaissait pas Vevey, ni l’endroit du mémorial Chaplin.

-Je comprend, fit le chef, excusez-nous pour le dérangement, n’hésitez pas à appeler, un infime détail à son importance pour l’enquête.

Les trois policiers repartirent le long de la promenade, jetant un regard suspicieux vis-à-vis de toute personne qu’ils croisèrent.

La chaleur envahit l’atmosphère, le ciel lourd portait le poids du drame qui à l’écart du monde inconscient alanguissait le suspense.

Une Jaguar noire stationna le long de l’avenue, à l’ombre des arbres.

Le chauffeur en costume cravate sombre ouvrit la portière à l’arrière du véhicule, et en descendit une femme élancée, le visage atterré, vêtu d’un tailleur mauve, le pas incertain en posant ses jambes sur le sol.

Greta Kubler, avec dignité, donna quelques ordres à son chauffeur, qui demeura près de la voiture le regard circonspect.

A l’entrée du port, le zodiac des pompiers amorça avec prudence le virage qui permettait l’accès au ponton, à l’emplacement réservé.

Le corps de l’homme apparut, protégé par un linceul en plastic sur le quai du port, quelques promeneurs s’arrêtèrent, intrigués par la présence des interventionnistes.

A quelques mètres de là, les murmures de Chaplin interpellèrent le couple.

<<Vous savez, je connaissais bien Hugo, nos propriétés se confondaient au coucher du soleil !

-Quel rapport avec sa mort ? S’étonna Roland.

Edith, muette de stupéfaction, resta sans voix devant le dialogue surréaliste.

<< Le rapport, fit Chaplin, simple, Hugo avait une maîtresse, belle actrice italienne.

-Pourquoi l’avoir assassiné pour autant ?

<< Il avait promis de quitter sa femme, et de l’épouser.

-Vous croyez qu’elle a commis cet acte ?

<< De l’endroit où je suis, il m’a semblé qu’un couple montait à bord du zodiac d’Hugo.

-La police pourrait être intéressée par ce nouvel indice !

<< Inutile, monsieur, un conseil, laissez-les agir, leur efficacité va les mettre sur la piste…Repartez tranquilles vers Evian.

-Vous croyez ? Dit Roland.

<< Ecoutez-moi, je vous assure, merci à tous les deux d’avoir posé dans mon jardin secret.

-Mais, s’il y avait un autre homme, le connaissiez-vous ?

<< Je pense qu’il s’agit de Massimo, un industriel milanais !

-Par jalousie, sans doute ?

<< On peut supposer, il a sa suite au Palace de Montreux.

-Et Greta, l’épouse d’Hugo, savait ?

<< Disons qu’elle n’était pas dupe, son train de vie comptait avant tout pour elle.

-Elle l’aimait tout de même ?

<< Vous êtes encore jeune tous les deux, avec les années un couple s’attache porté par la sagesse ou l’intelligence, dans la crainte de la solitude implacable >>

A ces mots, il eut un sourire retenu, le complot contre Hugo lui parut prévisible, la statue de Chaplin redevint figée dans son costume de grand acteur.

Aucun souffle de sa bouche ne réapparut, l’éternel chapeau sur sa tête, sa canne, le bras gauche replié tenant dans sa main une rose contre sa poitrine, il se réjouissait de son immortalité.

Lui, que le monde avait encensé pour son talent visionnaire, admiré pour sa vie familiale exemplaire, au-delà de quelque agitation.

Dans la direction du port de plaisance, les sirènes des pompiers et de la police résonnèrent de nouveau, leur bruit cumulé déchirait l’atmosphère.

Figés sur place, les promeneurs eurent un frisson qui fit froid dans le dos.

On entendit : << Que s’est-il passé, qui est-ce, un accident ?>>

Au volant de la Jaguar noire, le chauffeur imperturbable attendait l’ordre de démarrer pour suivre le véhicule de secours, encadré par la police.

A l’arrière Greta Kubler, pâle d’émotion, digne dans la douleur, baissa la tête comme pour mieux s’imprégner du souvenir.

En même temps, elle revit le film de sa vie interrompu par l’inexplicable.

A ce moment précis, pensa t-elle à la trahison ?

La mort d’Hugo revêtait-elle son indulgence, ou une vengeance tenue secrète ?

Roland songea : << tout homme est un mystère >>

Sur la route du retour, Edith photographia le Château de Chillon, célèbre dans le monde, dans le cadre du paysage vaudois et des richesses culturelles de la Suisse.

Dans une heure à peine, ils franchiraient la frontière à Saint Gingolph, sous les yeux avertis des douaniers.

Une journée promise de détente, qui fut riche en étonnements, en rebondissements dont le couple n’adhéra que par imprévu et obligation.

Soudain, Edith suggéra à Roland : << Si le tueur n’avait rien à voir avec la maîtresse d’Hugo, ni avec l’industriel milanais ?

Possible, non, nous ne saurons peut-être jamais ! >>

Pourquoi Chaplin aurait-il menti, par crédulité ? >>

C’est vrai que depuis longtemps il avait quitté ce monde de prédateurs.

Pendant ce temps, au milieu des jardins colorés du Palace de Montreux, Lucia et Massimo allongés face à face prenaient un rafraîchissement qu’un serveur en tenue blanche déposait devant eux.

Au téléphone, l’homme d’affaires italien parut intransigeant, insistant sur la qualité, le marché, les difficultés d’écoulement.

Et si le crime profitait à certaines filières ?

Quant à Massimo, lunettes noires et panama lui donnait une allure particulière qui seyait aux hommes d’un milieu bien circonstanciel.

Lucia, les jambes étendues, s’occupait de sa personne, soucieuse de repérer la moindre anomalie disgracieuse qui concernait son bronzage de latine, son prestige d’actrice en vogue.

En admiration devant Massimo, forme de béatitude, elle fermait les yeux sur ce qu’elle croyait être un privilège de la vie.

A quelques mètres de là, Claudia, amie intime d’Hugo Kubler, semblait ignorer sa disparition ou feignait de connaître la réalité morbide.

Nerveuse, elle tournait les pages d’un roman avec une certaine rapidité.

Bien qu’en apparence détendue, l’expression du visage trahissait une forme d’inquiétude.

Et si à cet instant, le remords traversait l’esprit de Claudia ?

Elle parcourait « Lolita » de Nabokov, hôte notoire de Montreux dans le passé, en compagnie de sa charmante épouse.

Massimo, les lunettes noires baissées sur le nez, souriait dans sa direction.

Un regard teinté à la fois, d’ironie, de satisfaction d’une mission accomplie.

Lucia, se montrait indifférente aux agissements silencieux, qui se déroulaient derrière son dos.

Que pouvait-elle cachée derrière cette indifférence trop visible ?

Elle fut à l’origine de la rencontre, entre Hugo et Massimo, et de Claudia présente, un producteur génial disait-elle, qui savait mettre en valeur ses goûts d’actrice et sa beauté pour des rôles faits sur mesure, au regard de sa personnalité.

Elle « crevait » l’écran, répétait-il, ces simples mots firent d’elle une maîtresse dévouée.

Elle répondit à beaucoup de ses exigences, attitude de reconnaissance qui n’eut rien à voir avec l’amour passion.

Claudia, restera l’amie supposée, la maîtresse soumise, alliant les deux appartenances à ce qu’il convient de nommer, une amitié sincère.

La femme, au passé trouble, au présent soupçonneux, qu’Hugo rencontra un jour pendant un tournage, dans un pub anglais.

Elle vivait en Suisse six mois de l’année, le reste du temps son lieu de résidence demeurait une énigme, les Etats-Unis, l’Italie, la Grèce ?

Evian apparut sous le soleil de fin de journée avec sa foule hétéroclite.

L’exposition au Palais Lumière présentait les œuvres de Jules Chéret « L’esprit et la Grâce »

Une visite pour oublier les médiocrités, bassesses de l’existence.

De quoi s’élever, revivre la beauté de l’art, que le regard attise, s’empare, pour suppléer à la mémoire défaillante.

-Regarde comme c’est superbe ! Dit Edith enthousiaste.

-Magnifique cette recherche de couleurs, quel talent d’artiste ! Affirma Roland

A la sortie de l’exposition au Palais Lumière, ils allèrent dîner en terrasse, ne pensant qu’au bonheur qu’offre la création.

L’art relevait le défi face au crime du jour, dont ils resteraient les témoins involontaires sur le chemin scabreux de la vérité.

A la fin de leur séjour, Edith et Roland prirent par hasard le quotidien 24 Heures de Lausanne.

Ils purent lire que Massimo et Lucia, faisait l’objet d’une garde à vue dans le cadre du meurtre d’Hugo Kubler.

Un témoin capital, resté anonyme, pêcheur sur le lac, certifiait les avoir vus sur le lieu du drame.

Quarante huit heures après, le même journal annonçait les aveux du couple et leur arrestation par la police.

Le lendemain, rebondissement en première page du journal, Greta Kubler l’épouse, relançait l’affaire par une déclaration inattendue.

Dans les jours qui suivirent, Maître Schaer, son avocat, apaisa les médias à l’affût, en proclamant qu’il assurerait sa défense sur des preuves irréfutables.

Un journaliste parmi d’autres, osa la question brutale : Maître, ne prenez vous pas un risque énorme, en voulant démanteler un réseau international ?

Un autre, s’exprima dans la foulée : Greta Kubler, veut-elle protéger la mémoire de son mari, en avouant sa complicité ?

-Maître ! S’agit-il d’un règlement de compte interne, dont Greta Kubler suspectait l’existence et les risques ?

L’avocat rétorqua à la presse, qu’il était prématuré d’en parler, que toute la lumière serait faite, qu’il croyait en toute sérénité à l’innocence de sa cliente.

La vérité, ce vain mot souvent galvaudé, apparaîtra-t-elle dans la clarté du jour ?

Roland s’accorda la permission, non dénué de bon sens, de ne pas y croire.

Soudain, la brume enveloppa le lac, recouvrant ses interrogations.

Tournant cette fois le dos au lac, il comprit que le temps trop court de son passage, laisserait planer le mystère de façon définitive.

Ou alors, qu’un jour lointain, n’y songeant plus, peut-être que par la presse ?

Suite à l’audace opiniâtre d’un journaliste, un fait inattendu, ressurgirait des fouilles de l’homme de presse en mal de notoriété, négligé au moment de l’enquête à tort ou à raison, et permettrait peut-être de retrouver le véritable coupable.