Stand 86 - Laurent Guichard - E-Book

Stand 86 E-Book

Laurent Guichard

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Beschreibung

En juin 2017, Cédric Thibault, passionné d'automobile, accompagne une équipe Qatarie qui occupe, au sein du célèbre circuit de la Vienne, le Stand 86. Elle souhaite rivaliser avec les meilleurs grâce à un prototype novateur !

56e édition des deux tours d’horloge de Poitiers, juin 2017. Cédric Thibault réalise des ouvrages dédiés à sa grande passion, la compétition automobile. Une équipe Qatarie inconnue, Future Spirit, occupe cette année, au sein du célèbre circuit de la Vienne, le Stand 86. Ses moyens sont illimités et elle compte rivaliser avec les meilleurs grâce à son prototype novateur, la 1st Green Sport Machine.
Mais lorsque les pilotes sont présentés au public, Cédric est intrigué par le visage du plus jeune, Jason Bearn. Ses traits lui rappellent une ombre du passé, qu’il a tenté de faire disparaître de sa mémoire. Hanté par de vieux souvenirs, l’écrivain va se mettre en quête de la vérité, quitte à dévoiler de lourds secrets.

Qui est donc le jeune Jason Bearn ? Suivez Cédric dans ce roman palpitant où de lourds secrets seront dévoilés pendant la 56e édition des deux tours d'horloge à Poitiers.

EXTRAIT

Le moment était venu. Quitter le discret Qatar où sa carrière professionnelle était à son apogée. C’était pour cela d’ailleurs qu’il prenait congé de son pays d’adoption. Pour montrer au monde entier la merveille technologique à laquelle il avait consacré ses dernières années. David Daoudi, que l’on nommait toujours Dave, était le designer en titre de l’écurie Future Spirit. Il était en quelque sorte le géniteur de la 1st Green Sport Machine, prototype voué aux courses automobiles d’endurance. Elle allait donc prendre la direction de la France pour prétendre remporter la 56ème édition des « deux tours d’horloge de Poitiers »!
Cinq jours auparavant un avion-cargo transportant tout le matériel de l’équipe avait rejoint l’aéroport Roissy Charles De Gaulle. Un déplacement hors-norme ! Vingt semi-remorques prenaient ensuite en charge ce fret. Il n’y avait pour autant pas de superflu. Mais la technologie de ce prototype exigeait une exceptionnelle débauche d’équipement. Une seule voiture de l’écurie Future Spirit prendrait part à la course ! En cas extrême, des pièces spécifiques pourraient être acheminées en express depuis le Qatar.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Laurent Guichard né à Sens au nord de l’Yonne en 1973. Passionné par la compétition automobile, il fréquente depuis plus de vingt ans les circuits en particulier celui de Nevers Magny-Cours et Le Bugatti au Mans. Il suit assidûment les épreuves sur la piste et apprécie les échanges avec les pilotes, mécaniciens et d’autres passionnés rencontrés au fil du temps.

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Laurent Guichard

STAND 86

Préface

J’ai accepté de préfacer le roman de Laurent car c’est un passionné qui a mené son projet à terme.

J’ai fait sa connaissance par le biais d’une lettre qu’il m’avait adressée. Il travaillait dans le village où je réside. Mon portrait de pilote automobile en championnat de France de Grand Tourisme paraissait dans le journal communal. Il m’a ainsi fait part de son intérêt pour la compétition automobile mais en la vivant au plus près : dans les tribunes des circuits !

À trois reprises j’ai accueilli Laurent et son fils Martin au sein de l’écurie Larbre Compétition pour laquelle je courais en championnat de France GT et en championnat d’endurance international, le WEC. Laurent était indéniablement fasciné et émerveillé d’être au cœur d’une équipe de course ! Je sais qu’il en garde des souvenirs intacts. Martin garde fièrement le trophée et la casquette de ma victoire à Magny-Cours en championnat de France GT de 2011.

Chaque édition des 24 heures du Mans reflète l’exigence de cette mythique course d’endurance. Qu’ils soient pilotes, mécaniciens, team-managers ou commissaires, ils partagent avec l’immense public présent, des événements procurant des émotions intenses ! Cela commence dès la journée-test.

Laurent l’a vécu en compagnie de Martin et son épouse Stéphanie à mes côtés lors de l’édition 2012.

Cette fameuse journée d’essais préliminaires qu’il décrit dans son roman où naît cette intrigue prenante !

Laurent réussit à transmettre sa passion aux lecteurs grâce à cette histoire dont il a ménagé le suspense jusqu’à la fin !

Je lui souhaite de vivre encore de nombreuses compétitions et de rencontres. Il en enrichira son imagination pour en écrire de nouvelles aventures !

Patrick Bornhauser

1er partie

Chapitre 1 Retour au pays

Doha, Qatar, 30 avril 2017 : 20h00 :

Assis dans un fauteuil au style épuré mais d’un confort incroyable, Dave semblait méditer derrière son bureau. Les paupières fermées, ses mains se rejoignaient uniquement par les dernières phalanges de ses doigts écartés. Excepté celles de l’auriculaire gauche qui avaient été sectionnées lors d’un accident domestique survenu dans sa prime jeunesse. Ses avant-bras formaient ainsi une pyramide. Son menton reposait sur les index et les deux pouces touchaient son sternum. Il respirait profondément, régulièrement. Peu à peu l’intensité diminua. Il était dans un parfait état de relaxation. Il aurait apprécié rester dans cette posture mais il était bientôt obligé de la quitter. Le moment était venu. Quitter le discret Qatar où sa carrière professionnelle était à son apogée. C’était pour cela d’ailleurs qu’il prenait congé de son pays d’adoption. Pour montrer au monde entier la merveille technologique à laquelle il avait consacré ses dernières années. David Daoudi, que l’on nommait toujours Dave, était le designer en titre de l’écurie Future Spirit. Il était en quelque sorte le géniteur de la 1st Green Sport Machine, prototype voué aux courses automobiles d’endurance. Elle allait donc prendre la direction de la France pour prétendre remporter la 56ème édition des « deux tours d’horloge de Poitiers »!

Cinq jours auparavant un avion-cargo transportant tout le matériel de l’équipe avait rejoint l’aéroport Roissy Charles De Gaulle. Un déplacement hors-norme ! Vingt semi-remorques prenaient ensuite en charge ce fret. Il n’y avait pour autant pas de superflu. Mais la technologie de ce prototype exigeait une exceptionnelle débauche d’équipement. Une seule voiture de l’écurie Future Spirit prendrait part à la course ! En cas extrême, des pièces spécifiques pourraient être acheminées en express depuis le Qatar. Un avion pourrait être affrété rapidement. L’équipe ne voulait pas recourir à cette solution. Elle était dotée d’une unité mobile pouvant usiner des pièces en matériaux composites. Plusieurs kits aérodynamiques étaient disponibles afin de correspondre au tracé viennois. Future Spirit s’était donné tous les moyens pour défier les grands favoris aux prototypes hybrides comme Ultra Works et Super Tech. Rien n’était laissé au hasard.

Si le départ pour la France était si tôt avant l’épreuve du mois de juin, c’était pour mieux appréhender cette compétition. L’équipe s’installait sur le circuit de Magny-Cours, dans la Nièvre pour s’acclimater mais surtout affiner au mieux le prototype et aguerrir toujours plus les pilotes. Plusieurs simulations des deux tours d’horloges seraient réalisées.

Dave interrompait son temps de relaxation. Il sortit de cette quasi-somnolence. Il rouvrit les paupières et fixait au mur une esquisse du célèbre designer italien, Pininfarina. Un speeder nommé Ethos. Il ne s’y attarda pas longtemps. Il repoussait son fauteuil en arrière pour se dégager de son bureau. Il se redressait et faisait quelques pas, pieds nus, sur le parquet d’ébène en se dirigeant vers la bibliothèque faite du même bois. Le quadragénaire se tenait bien droit. Ses traits n’étaient pas du tout marqués. Son implantation capillaire encore généreuse et son ton de peau, mat, venaient conforter l’idée que les années passantes, n’agissaient pas sur son physique entretenu. Il n’était pas indifférent aux regards féminins flattant son ego. Pourtant il était l’homme d’une seule femme depuis 1996. La belle anglaise Kate.

Dave regardait fixement sur une étagère, au niveau de ses yeux, toute une collection d’ouvrages du même auteur. Une vingtaine. Des livres de différentes tailles. Certains avaient un format à l’italienne et bénéficiaient même d’un fourreau. Ces ouvrages étaient d’une esthétique irréprochable. Certains étaient plutôt des albums de photos exceptionnelles légendées au contraire d’autres plutôt très fournis en informations et richement documentés selon les sujets traités. Bien entendu, ils avaient tous en commun le sport automobile. Il prit un album au hasard et le retourna aussitôt. Cette 4e de couverture interrogeait régulièrement Dave. Le nom de la maison d’édition n’avait pas de connotation automobile. Elle se nommait « Mésanges Éditions ». Un logo représentait les silhouettes de deux oiseaux donnant l’impression de danser dans les airs en se touchant le bout des ailes. Dave, toujours interrogatif, fixait le portrait de l’auteur, Cédric Thibault.

Dis-moi, Cédric, que cela représente-t-il ? Ce nom a forcément une signification.

Dave était toujours pensif :

Tu seras là toi, n’est-ce pas ? Les mythiques tours d’horloges de Poitiers ne peuvent que t’attirer ! Surtout si une équipe inconnue présente un prototype inédit ! Pour réaliser des livres comme les tiens, il faut être au cœur de l’événement. Sentir la quintessence de la compétition. L’engagement des équipes et des pilotes !

Dave s’entendait à voix haute. Il était persuadé pourtant qu’il pensait seulement. Il sentait l’étau se resserrer. Cet homme ne devait surtout pas apprendre l’existence de Dave. Heureusement depuis fort longtemps il maîtrisait la discrétion mais sur le circuit viennois, il lui faudrait être invisible ! Paradoxalement on pouvait dire qu’il avait malgré lui le don d’ubiquité !

L’heure était venue de rejoindre l’aéroport pour le grand départ. Son épouse, Kate, profitait que Dave quitte le Qatar pour rejoindre leur fille cadette à Londres où elle étudiait. Comme l’Angleterre était sa terre natale, elle y retrouverait également sa famille. Ils se quittèrent devant leur villa car ils ne se rendaient pas dans les mêmes terminaux. Dave et tous les membres de l’équipe, dont les pilotes, étaient attendus dans un salon privé, par leur grand patron, Walid Ali Adda Mactoum. Il savourait les dernières minutes passées avec Kate en la tenant tendrement dans ses bras. Il attendrait patiemment qu’elle puisse le rejoindre pour le week-end de l’épreuve.

Chapitre 2 Le départ

5 juin 2017 : 7h00 du matin.

La douceur matinale était parfaite pour une sortie à V.T.T. Cédric avait quitté le sous-bois de la forêt d’Othe et pédalait maintenant à travers la plaine. Les champs offraient toute une palette de vert, plus ou moins foncés, suivant la maturité des différentes cultures. Cédric dévalait les chemins agricoles à un rythme soutenu. À 45 ans, il avait une bonne forme physique, il avait le goût de l’effort. En courant à pied ou à vélo. Il avait quitté le hameau des prunelles pour rejoindre Brienon sur Armançon. Alix, son épouse, et lui-même avaient acquis leur première maison dans le bourg de cette ville, vingt ans plus tôt. Aujourd’hui, il ne comptait pas traverser la ville. Il s’arrêtait à l’enceinte du cimetière.

Il appuya son vélo contre un séquoia, arbre majestueux qui dominait l’entrée. Il enlevait son casque. Bien qu’il n’ait pas la tenue appropriée, il ne voulait pas paraître négligé. Il sortit une serviette de son sac à dos et s’essuya lentement le visage. Il avait déjà les traits marqués. Son front dégagé était poli comme une falaise érodée par les tempêtes. Seule une fine couronne de cheveux courts subsistait. De petits sourcils blonds entouraient des yeux d’un bleu intense. Son visage avait subi des épreuves.

Il ouvrit le portail grinçant et avança au pas dans ce lieu de recueillement. Il prit dans son sac à dos, deux petites roses blanches. Il approcha du caveau familial. Sa gorge se noua. Il soupira. L’émotion était intense. Depuis dix-sept ans qu’il venait se recueillir ici, il ressentait toujours autant de douleur. Il s’agenouilla. De sa main gauche, il caressa sur la pierre les gravures dorées. Le marbrier avait martelé la roche pour y écrire les prénoms de ses deux petites filles disparues. Marion et Éloïse. Elles avaient eu tout juste dix-huit mois le 1er janvier 2000. Il déposa délicatement les deux fleurs. Il ferma les yeux. Il ne put retenir des larmes. Il se recueillit un instant. Il était venu les saluer. Avant chaque déplacement, il ne dérogeait pas à ce rituel. Il se releva et envoya un baiser à la sépulture. Il était temps de rejoindre Alix pour la saluer. Il enfourcha à nouveau son vélo et il repartit à vive allure en direction de la forêt.

Alix fit encore quelques brassées et profitait des rayons du soleil à travers les grandes baies vitrées. Enfin elle rejoignit le siège motorisé qui permettait de s’extraire de la piscine. Arrivée sur la margelle, elle le fit pivoter. Sortie de l’eau, elle frictionna ses longs cheveux bruns puis se séchait le corps. Elle rapprocha son fauteuil roulant afin de s’y asseoir. Elle aida vigoureusement ses grandes jambes maigres pour bien installer ses pieds dans les cales. Elle rejoignit sa chambre pour se changer. Devant un miroir, elle se coiffa. Son teint mat était hâlé. Son visage rayonnait étonnamment de bonheur. Elle semblait ne pas subir les années. Elle aussi avait 45 ans. Pourtant, le chagrin et la douleur avaient été immenses. La perte de ses fillettes et son handicap, liés à l’accident étaient deux lourdes épreuves. D’emblée, elle avait conjuré le sort. Elle était devenue une combattante surmontant ses peines mais elle avait aussi ramené à la vie son mari devenu taciturne.

Alix profitait que les portes-fenêtres du séjour soient ouvertes pour accéder directement à la terrasse. En ce début de matinée, le soleil rayonnait déjà au-dessus de la forêt. L’été semblait être en avance. La température agréable permettait de petit déjeuner à l’extérieur. Elle entendit le moteur de l’imposant motor-home, s’approcher. Stanislas, à son volant, se gara aisément dans la grande cour de l’ancien corps de ferme, magnifiquement rénové. Stanislas quitta son poste de conduite et contournait la terrasse qui dominait l’étendue gravillonnée. Il emprunta l’escalier de gauche et vint saluer Alix. Enfin Cédric, rafraîchi lui aussi, les rejoignait. Ils se retrouvaient tous les trois devant la table copieusement garnie de viennoiseries et de fruits frais.

Cédric se pencha, il embrassa son épouse tendrement. Alix leur servit à chacun un café.

–Alors les garçons tout est prêt pour votre séjour ?

–Tout est ok madame Alix. Le palace de votre homme est paré.

Stanislas souriait à sa patronne et s’installait à table.

Le quinquagénaire était un grand gaillard. Un colosse que l’on aurait aisément retrouvé devant les portes des discothèques à filtrer les entrées. Cheveux noirs coupés en brosse américaine, fine moustache. Doc Martens, jeans et tee-shirt moulant noir lui donnaient un look de biker.

–Je n’en doute pas une seconde, dit-elle. Te connaissant, la logistique est sans faille.

–Oh oui ! Tu as raison Alix ! Et il n’a surtout pas oublié de garnir le garde-manger pour nous mitonner de bons petits plats !

Cédric était heureux de repartir à nouveau accompagné de Stanislas. Ses talents de cordon-bleu ne pouvaient que ravir son patron. Cédric commençait à montrer des signes d’agitation. Il restait debout, attrapait sa tasse de café et une viennoiserie sans prendre le temps de petit déjeuner posément.

–Bien, ma chérie nous n’allons pas traîner. Nous avons plus de cinq heures de route. J’aimerais que nous soyons au camping du « Petit bois » en début d’après-midi.

–Tu pourrais quand même prendre le temps de t’asseoir pour déjeuner calmement. À te voir engloutir ton croissant tu vas finir par t’étouffer !

Alix détestait voir son mari se comporter ainsi. Mais Cédric était impatient. Il le préparait depuis plusieurs semaines ce déplacement pour assister à la 56e édition des « Deux tours d’horloges de Poitiers ». Il comptait vivre l’intégralité de l’événement. Tout d’abord pour profiter de cette course mythique. Mais aussi il pensait bien trouver l’inspiration pour un futur ouvrage.

–Bien, Alix, nous allons te laisser. Prends bien soin de toi. Comme d’habitude je t’appellerai chaque soir.

Cédric contourna la table et fit pivoter le fauteuil roulant d’Alix. Il s’agenouilla, lui prit les mains et l’embrassa tendrement.

–Bien sûr. Comme toi, je ne suis jamais seule, Il y a Catherine pour veiller sur moi.

Alix et Cédric Thibault avaient chacun leur ange gardien. Alix pouvait compter sur Catherine pour lui assurer les soins quotidiens dus à son immobilisation dans son fauteuil. Depuis dix-sept ans Catherine était là chaque jour. Elles partageaient beaucoup ensemble. Pauline, également, venait pour s’occuper des tâches ménagères de la demeure.

Cédric, lui, était constamment accompagné de Stanislas Grange.

Chapitre 3 Le bonheur

Mai 1994 :

Depuis son service militaire achevé, Cédric travaillait chez un horticulteur installé à une cinquantaine de kilomètres de sa ville natale.

Il s’épanouissait dans son travail. Il était satisfait de s’impliquer dans la production de plantes de qualité et appréciait conseiller et servir la clientèle. Sa patronne lui avait appris l’art de réaliser des compositions florales et mettre en valeur les plantes dans des emballages soignés. Très à l’aise, il se proposait auprès des clients pour sublimer les fleurs qu’ils comptaient offrir. Depuis le mois de mars Cédric avait remarqué qu’une jeune femme, d’abord accompagnée de sa mère, puis venant seule par la suite appréciait offrir les potées fleuries de l’établissement. Elle faisait comprendre au personnel voulant lui rendre service, qu’elle préférait, sans les offenser, bénéficier des conseils de Cédric. Lors des pauses déjeuner, toujours décontractées, ses collègues ne manquaient pas de le taquiner sans équivoque. En particulier Alexandre :

–Cédric ! on sait tous que tu sais parfaitement emballer, un bégonia, un hortensia ou un gloxinia, mais la belle brunette, quand est-ce que tu l’emballes ?

Cédric rougissait au grand bonheur de ses collègues masculins qui riaient comme des gamins dans une cour d’école. Alexandre qui n’avait pas sa langue dans sa poche surenchérit :

–Cédric, toi qui connais à peine les environs, faut que tu saches que la jeune femme en question est un beau parti ! Mademoiselle Alix Bénéteau. Fille des propriétaires du centre équestre du même nom. Tu ne peux pas le manquer sur ta droite à la sortie de Seignelay quand tu vas sur Auxerre.

Alexandre, l’apprenti dégourdi qui avait toujours vécu dans le village, était intarissable sur les personnes publiques des environs.

–C’est une championne internationale en saut d’obstacles ! Elle prépare les jeux olympiques !

Justine l’unique jeune femme de l’entreprise et doyenne de l’équipe du haut de ses 27 ans prit la défense de Cédric :

–Alexandre, laisse Cédric tranquille !

Elle lui jeta un regard noir qui fit perdre au boute-en-train son sourire malicieux.

–Dis donc, tu ne serais pas un peu jaloux finalement ?

Elle argumenta sa réflexion de sorte qu’Alexandre ne savait plus si c’était du lard ou du cochon.

–Tu vois Alexandre, toi qui as toujours refusé d’apprendre le b.a.-ba de la fleuristerie eh bien voilà à côté de quoi tu passes ! Emballer une composition florale pour une jeune femme, ça a plus de classe que d’emmener des sacs de terreaux dans les coffres de voitures des papis et des mamies !

Fou rire général ! Justine était contente d’elle. Cédric avait apprécié sans pour autant fanfaronner, mais lança un regard approbateur à la justicière. Alexandre recula sa chaise et sortit de table en marmonnant :

–Ah, Justine, Justine, t’as toujours la bonne réflexion qui fait mouche ! Allez, profitez de rigoler dans mon dos l’instant que je me fume une clope. N’empêche que vous allez moins rigoler avec toutes les commandes qui nous restent à préparer pour la fête des mères !

Le jeune homme quitta le réfectoire en sifflotant et en toisant d’un air goguenard ses collègues.

Dimanche 29 Mai 1994 :

Toute l’équipe était sur le pied de guerre pour le dernier rush. Le dimanche de la fête des mères ponctuait quasiment le commerce printanier des végétaux ornementaux. Mais il était crucial de répondre à l’attente des clients qui affluaient en cette matinée dans l’établissement horticole. Justine avait bénéficié de la complicité de sa patronne, Jacqueline pour faire enrager Alexandre. Elle l’avait convaincu d’apprendre les rudiments de la fleuristerie pour ainsi assurer la prise en compte des clients et éviter trop d’attente de ceux-ci. À 9h30 la clientèle ne se bousculait pas encore. Le soleil lui était bien au rendez-vous. Ses rayons dardaient derrière les verrières inclinées de la serre. La porte latérale donnant l’accès au hall de vente s’ouvrit. Une jeune femme habituée des lieux y entra. Elle était seule au milieu de toutes ces fleurs aux couleurs vives ou pastel et leurs feuillages brillants, lisses, dentelés, panachés ou bien duveteux. La mise en valeur de tous ces végétaux faisait effet. Elle avait l’embarras du choix. Elle prit le temps de trouver la potée qui ferait plaisir à sa mère. Dans l’air, flottait une odeur caractéristique d’une serre de production. Ce n’était pas celle des fleurs. Toutes ces potées fleuries ne dégageaient aucune note parfumée. Sur une tablette dédiée aux plants maraîchers, quelques plants de tomates qui avaient reçu un bassinage matinal développaient à eux seuls cette odeur savoureuse du fruit rouge tant apprécié. Mais une odeur plus prononcée s’insinuait dans les narines de la jeune femme. Le terreau humide ! C’était l’empreinte olfactive de ces serres. Elle était relevée par une touche minérale. L’argile des pots contenant les plantes. La demoiselle, Alix, se signala à voix haute :

–Bonjour ! il y a quelqu’un ?

Chacun était affairé par une tâche ô combien importante, l’arrosage et l’entretien des cultures.

La voix reconnaissable fit lever les têtes et les commentaires allaient fuser mais soudain :

–Les gars ! ne soyez pas lourds, Ok ? discrets ! c’est compris ?

Justine était droite comme un i dans l’allée centrale de la serre et fixait ses trois collègues dont le fameux farceur, Alexandre. Le message était clair et bien reçu car la jeune femme frappait dans sa main gauche à plusieurs reprises la lance d’arrosage qui aurait pu être une trique menaçante.

Alix, patiente, attendait que l’on vienne la servir. Par talkie-walkie, Justine avait habilement prévenu Cédric de la présence de la charmante jeune femme. Stoppant son arrosage, il arriva près d’elle. Resplendissante ! Elle portait une magnifique robe fleurie ! Lui était en bottes, pantalon vert foncé élimé et un tee-shirt qui n’avait plus d’âge, ni même de couleurs ! Il s’excusa de son accoutrement mais elle ne lui en tenait pas rigueur. Au contraire, elle lui confirma qu’elle faisait du saut d’obstacles en haute compétition mais qu’elle aidait parfois ses parents à entretenir les écuries. Ce matin elle avait déjà porté ses bottes pour curer les box des chevaux ! Cédric se sentait alors plus à l’aise.

La fleur choisie, il se mit en scène pour le plus grand plaisir d’Alix. D’un geste sûr il bascula la potée fleurie afin de recouvrir le pot de terre d’un cache-pot plissé rose comme la couleur du bégonia aux fleurs doubles. Au comptoir d’emballage, sur le portant à rouleaux, il choisit une cellophane transparente aux motifs discrets mais aux couleurs coordonnées. Il tira précisément une feuille transparente de la longueur voulue puis instantanément Cédric fit glisser de gauche à droite la lame de rasoir dans le rail de découpe. La maîtrise d’exécution était évidente ! Quelques plis, des agrafes bien placées, un cordon de bolduc, mais il fallait choisir l’étiquette.

Le travail se terminait donc par une question rituelle mais aujourd’hui la réponse semblait évidente.

–C’est pour quelle occasion ?

Cédric ne put s’empêcher de rire car habituellement il aurait proposé les possibilités : plaisir d’offrir, anniversaire...

–La fête des mères je crois !

Alix se mit à rire également.

La connexion entre les deux jeunes gens devenait évidente. Avant qu’Alix ne quitte la serre pour retrouver son véhicule sur le parking, Cédric prit son courage à deux mains. Poliment il se présenta au-devant d’elle car elle avait les mains encombrées pour ouvrir la grande porte latérale de la serre. Personne aux alentours. C’était le moment :

–Mademoiselle, serait-il possible que nous rencontrions dans un autre contexte. J’aime bien mon boulot mais je préfère être mieux habillé pour discuter avec une jeune femme !

La belle brune éclata de rire à nouveau. Elle s’approcha et lui fit une bise sur la joue droite.

–Bien sûr jeune homme. Tu viens de me souffler l’idée ! J’étais à deux secondes de te faire la demande ! Je te propose 17h00 au centre équestre. Monter à cheval ne t’effraie pas ?

Cédric se sentit testé d’entrée de jeu, mais s’il fallait passer par des épreuves, il les assumerait.

–La bonde n’est pas ce qui me va le mieux, mais j’ai eu l’occasion de monter à plusieurs reprises. Bien, je dois retourner travailler.

La jeune femme s’approcha de lui et lui fit une bise sur la joue gauche !

–À tout à l’heure, jeune homme !

Alix monta à bord de son véhicule utilitaire et démarra le moteur. Cédric resta comme deux ronds de flan à regarder partir celle qui ne le laissait plus indifférent. Il regagna la serre, l’esprit vaporeux.

Cette fête des mères restera un souvenir inoubliable pour Cédric et Alix qui se déclaraient l’un à l’autre au détour d’une balade dans la campagne environnante.

Très vite Alix emménagea chez Cédric. Leur amour transparaissait chaque jour. En 1996, suite à une préparation sans faille, Alix participa aux Jeux olympiques d’Atlanta. La réussite ne fut pas au rendez-vous. Elle pouvait dans quatre ans à nouveau prétendre à monter sur le podium de Sydney. Au retour des États-Unis, Cédric lui demanda sa main. La joie du mariage avait effacé sa déception sportive. Ils devenaient aussi propriétaires d’une maison dans le centre-ville de Brienon sur Armançon. En 1997, en fin d’année, les jeunes mariés annonçaient fièrement l’arrivée d’un heureux événement ! Ce fut une surprise car Alix devait aborder sa préparation olympique. Elle allait donner naissance à des jumelles !

En juin 1998 arrivèrent dans la famille Thibault, Marion et Eloïse. En septembre, Alix reprenait l’entraînement encore plus combative, pour représenter le saut d’obstacles français en Australie !

Les fillettes et les objectifs sportifs comblaient de bonheur le jeune couple.

Chapitre 4 Tristesse et richesse

Le 31 décembre 1999, au matin, Cédric profitait d’un feu de cheminée aux côtés de ses fillettes qui jouaient près de lui. Il se remettait des journées éprouvantes auxquelles il avait participé à remettre de l’ordre aussi bien dans l’entreprise de son patron qu’au haras de ses beaux-parents. Les dégâts causés par la forte tempête du 26 décembre étaient impressionnants.

Le téléphone sonna. Alix se saisit du combiné du bout des doigts car ses mains étaient bien farinées !

Elle était en pleine confection d’amuse-bouche pour le festif dîner de ce soir.

–Allô ? oui bonjour ! vous allez bien ? Trente secondes, je vous le passe il est dans le salon avec les filles. Au revoir Suzanne à bientôt !

Alix donna le combiné à Cédric et lui fit signe de rester dans le salon pour garder un œil sur les enfants.

–Allô ? Suzanne ? bonjour ! Vous allez-bien ?

Ah… Cédric sentit de suite que la fête de ce soir allait tourner court. Suzanne était dans le désarroi le plus total. Elle pleurait, elle avait besoin de soutien.

Suzanne était la mère de François El Roui, le meilleur ami de Cédric lorsqu’il effectuait son service militaire sur le plateau d’Albion en 1993. Ils étaient inséparables et rien ne pouvait détruire cette amitié. La force des choses en avait décidé autrement. François avait trop tôt disparu à l’âge de 22 ans, dans un terrible accident de la route. Cédric était le seul soutien de cette femme dont le mari était décédé d’un cancer deux ans avant son fils. Suzanne n’avait pas encore cinquante ans mais elle avait déjà perdu les siens !

Elle vivait à Bron près de Lyon.

Alix voyait le visage de son mari changer au fur et à mesure de la conversation qu’il entretenait avec Suzanne. Il raccrocha, dépité.

–Fait chier ! Merde !

Cédric exprima clairement son mécontentement.

Alix le reprit immédiatement :

–Bravo chéri ! devant les petites ! C’est bien comme modèle d’éducation !

–Oui, ben je m’excuse pour les filles mais je peux te dire que ce soir je n’attendrai pas le passage à l’an 2000 avec vous ! Elle me demande encore mon soutien !

Alix comprenait mieux la déception de son époux. Cédric lui expliqua la situation : Suzanne était effondrée. Elle avait découvert ce matin dans le cimetière où reposaient son fils et son époux, la tombe de François partiellement saccagée ! Elle demandait donc de l’aide à Cédric. Elle le voulait près d’elle pour qu’il lui apporte du réconfort.

Cédric n’était guère enchanté de se rendre à Bron aujourd’hui. Il s’y était déjà rendu le 15 novembre, comme chaque année, à la date anniversaire du décès de François et cela était bien suffisant. Aller soutenir Suzanne était un véritable supplice. Chaque année, le même rituel. Chaque année le même mensonge. L’amitié de Cédric et François s’était consumée bien avant que le jeune homme ne périsse prisonnier de sa voiture en feu.

Cédric, abattu, accepta la demande de Suzanne. Trop gentil, il ne pouvait pas refuser un appel à l’aide. Il encourageait Alix à se rendre chez leurs amis pour le réveillon. Il allait faire un aller-retour express. Quoi qu’il arrive, il serait présent pour le déjeuner familial du 1er janvier 2000 chez les parents d’Alix. Ses parents et son frère étaient également conviés.

Aussitôt, Alix habillait les fillettes pour accompagner Cédric à la gare de Laroche-Migennes, située à 11 kilomètres de leur domicile. Ce train direct pour Lyon, partait à 10h45. La famille Thibaut arriva juste avant le départ ! Cédric eut à peine le temps d’embrasser sa femme et ses filles. Il sauta dans un wagon de seconde classe et envoya des baisers à travers la porte vitrée qui venait de se refermer. Il profitait des trois heures et demie de voyage pour se reposer.

La grisaille et la pluie l’avaient accompagné tout le long de ce voyage. Depuis la gare de la Part Dieu, Cédric prit le bus pour se rendre chez Suzanne.

Jusqu’à la mort François, elle vivait encore dans la grande et très confortable maison qu’elle avait fait construire avec Hakim, son époux. Sans moyens suffisants pour l’entretenir, elle s’était résignée à la vendre.

Dans un autre quartier, Suzanne vivait dans une maison en location. Modeste mais pas dénuée de charme, elle l’avait sublimée par son jardinet dans lequel elle avait exprimé sa main verte avec talent.

En cette fin d’année, il en était tout autre.

Cédric arriva à 15h30. Suzanne l’accueillit tendrement comme toujours. Elle était heureuse de le revoir. Il percevait une réelle détresse chez Suzanne. Il devait la rassurer. Elle s’apaisait peu à peu.