Une enfance exilée - Herrera - E-Book

Une enfance exilée E-Book

Herrera

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Beschreibung

Une histoire d’immigration à la fin des années 50. Un chemin de vie, souvent difficile, parfois heureux, qui vous conduit des Pyrénées catalanes à la ville de Valence en Espagne, en faisant une halte sur l’île d’Ibiza, pour arriver enfin jusqu’à la petite ville d’Uzès, dans le sud de la France…au début des années 60.

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Marie Herrera

Une enfance exilée

À mon fils Théo

Ce qui importe, ce n’est pas la vie qu’on a vécue, mais celle dont on se souvient, et de comment on s’en souvient pour la raconter.

–Gabriel Garcia Marquez

Nous sommes au printemps 1959, en Espagne, sous la dictature du Général Franco.

J’ai sept ans. Je me revois avec ma mère, devant la porte de notre maison.

Nous regardons mon père, une petite valise à la main, s’éloigner sans se retourner. Sa silhouette diminue lentement, jusqu’à ce qu’elle disparaisse tout en haut de la rue. Il part pour la France… On ne se parle pas, on est tristes, on sait que ce départ est important, mais à cet instant-là, je ne sais pas encore que ce moment est le début d’une histoire qui changera mavie.

« On est de son enfance comme on est d’un pays », cette phrase de St Exupéry résonne doublement en moi, car mon enfance, plus exactement ma petite enfance, est d’un pays, appartient à un pays, l’Espagne.

I. Les Pyrénées

Je suis née un mois de novembre particulièrement froid, à Puigcerda, une petite ville frontalière très animée des Pyrénées-Orientales, côté espagnol.

La rivière « El Raür » marque la frontière, et quand on enjambe le pont, on se retrouve côté français, à Bourg-Madame.

Vingt kilomètres plus au nord par la route sinueuse, domine Font-Romeu à 1800 m d’altitude, mais en s’élançant à vol d’oiseau, on atteindrait Puigcerda en quelques battements d’ailes, sept cents mètres plusbas.

Puigcerda est une petite ville commerçante très agréable avec ses rues pentues, son lac, situé dans la partie la plus haute de la ville, bordé d’un parc et de jolies maisons de style art nouveau. Une allée en fait le tour, et c’est une belle promenade qui permet de faire une halte sur un des bancs, afin d’observer les cygnes et canards évoluer.

Certains hivers rigoureux, le lac se transforme alors en patinoire et devient l’animation de la ville, attirant et faisant la joie des familles.

Ma maison natale se trouve au sud de la ville et en contrebas, après la gare. C’est là qu’habitaient ma grand-mère maternelle et mon oncle au moment de ma naissance. Une rue en lacets y mène. Mais depuis quelques années, un ascenseur permet d’accéder rapidement à lagare.

La famille de ma mère n’est pas originaire de Puigcerda, mais du sud de l’Aragon, d’un village perdu entouré de montagnes quelque peu arides où poussent pins et genévriers. Son nom est Rubielos de Mora. Il est connu pour être un lieu de villégiature, mais la terre est pauvre et le travail rare. C’est pour cette raison que mes grands-parents avaient migré vers le nord afin de s’y établir. D’abord à Barcelone où leurs enfants étaientnés.

Puis, son mari étant décédé, ma grand-mère s’était retrouvée seule avec quatre enfants à charge. C’était le début de la guerre civile, et elle avait dû retourner dans son village d’Aragon, où sa famille vivait. Elle avait trouvé du travail afin de subvenir tant bien que mal aux besoins de ses enfants. Ils avaient grandi là. Une fois en âge de travailler, ils avaient fait comme leurs parents quelques années plus tôt, étaient repartis dans le nord accompagnés de leur mère, où ils s’étaient définitivement installés.

Ma mère ne les avait pas suivis. Elle avait fait la connaissance de mon père, et était allée travailler dans la ville de Valence où il résidait.

Une fois mariés, mes parents avaient décidé de rejoindre la famille de ma mère à Puigcerda. Ils avaient loué un appartement attenant à celui qu’habitaient ma grand-mère et mon oncle, dans une grande bâtisse au bord de la route.

C’est dans cette maison que je suisnée.

Ma naissance a duré longtemps.

Un feu de bois a été allumé dans la cheminée de la chambre, les vitres de la fenêtre sont recouvertes de givre.

Ma mère a souffert pendant de longues heures. Je suis un gros bébé de 4,8kgs et il a fallu utiliser le forceps. Le cordon ombilical est enroulé deux fois autour de moncou.

Je peux dire maintenant que la vie m’a fait un beau cadeau et je dois la remercier.

Mon père, très émotif, s’est évanoui, ils ont décidé qu’ils n’auraient pas d’autre enfant.

Je crois que ma mère, inconsciemment, m’a toujours rendue responsable de sa souffrance. Plus tard, dans les conversations avec ses voisines, amies ou connaissances, je l’ai écoutée raconter son accouchement, et elle m’a transmis cette peur, si bien qu’à mon tour, j’ai grandi avec la crainte qu’un jour viendrait où j’aurais moi-même à vivre ce traumatisme.

Et puis, j’aime la vie… Quand le moment s’est présenté à moi, la joie d’être maman et l’impatience de la naissance d’ un enfant a effacé mes peurs, et j’ai accouché sans péridurale d’un bébé de 3,8kgs.

Ce n’est que vers l’âge de neuf ans, pendant les vacances d’été, que je suis revenue dans cette maison qui m’a vue naître, et que j’ai fait la connaissance de ma grand-mère et de mon oncle qui habitaient encorelà.

Je me souviens des pièces froides, austères, du parquet qui craquait sous mespas.

Au rez-de-chaussée se trouvait une petite fabrique artisanale de cordes de guitare en boyaux naturels qu’on suspendait pour les faire sécher au soleil. Derrière la maison coulait le petit torrent où ma mère et ma grand-mère étaient venues autrefois laver leur linge.

Pendant ces vacances-là, nous avons accompagné mon oncle dans la montagne. Il avait une grande dextérité pour pêcher les truites dans les torrents, à même lamain.

En famille, nous allions faire des promenades en forêt, parcourant les abords de Puigcerda. Je découvrais mon pays natal.

Le temps a passé et je n’y ai plus de famille, ma grand-mère n’est plus là depuis bien longtemps, mon oncle vit près de Barcelone, mais j’aime revenir de temps en temps, m’y arrêter quand je suis de passage ou pour un court séjour.

Je me remémore ces moments, et je passe chaque fois devant la maison, dont la façade est maintenant rénovée.

II. Une ville au bord de la Méditerranée

Il faisait froid dans cette petite ville des Pyrénées Catalanes, et lorsque j’ai eu quelques mois, mes parents ont décidé de la quitter pour aller vers le sud, dans le pays de monpère.

Sa famille habitait tout près de la ville de Valence, au bord de la Méditerranée. Le climat y est sec et chaud.

Mon père possédait une maison qu’il avait construite lui-même en bordure de campagne.

Lentement, la ville avançait, elle avait déployé ses tentacules de rues poussiéreuses en terre battue, bordées de maisons basses, avait peu à peu grignoté les terres plantées d’amandiers et d’orangers.

Il avait bâti sa maison avec ses maigres économies, sur un terrain que lui avaient cédé ses parents, tout contre leur propre maison. Ils avaient fait de même pour leurs autres enfants, qui habitaient aussi dans la mêmerue.