Antoine et Cleopatre, Antony and Cleopatra in French - William Shakespeare - E-Book

Antoine et Cleopatre, Antony and Cleopatra in French E-Book

William Shakespeare

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Beschreibung

Traduit par François Pierre Guillaume Guizot (1787 - 1874), historien français et homme d'État. Publié en 1862. Selon Wikipeia: "Antony et" Cléopâtre est une tragédie par William Shakespeare, qui aurait été écrit entre 1603 et 1607. Il a d'abord été imprimé dans le premier folio de 1623. L'intrigue est basée sur la traduction de Thomas North de la vie de Plutarque et suit la relation entre Cléopâtre et Marc Antoine depuis l'époque de la guerre des Parthes jusqu'au suicide de Cléopâtre. L'antagoniste majeur est Octavius Caesar, l'un des compagnons de triumviri d'Antony et le futur premier empereur de Rome. La tragédie est une pièce romaine caractérisée par des changements rapides et panoramiques dans les lieux géographiques et dans les registres, alternant entre Alexandrie sensuelle et imaginative et la Rome plus austère et plus pragmatique. Beaucoup considèrent le rôle de Cléopâtre dans ce jeu l'un des rôles féminins les plus complexes dans le travail de Shakespeare. "

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Seitenzahl: 160

Veröffentlichungsjahr: 2018

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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE, TRAGÉDIE PAR SHAKESPEARE, TRADUCTION DE M. GUIZOT

published by Samizdat Express, Orange, CT, USA

established in 1974, offering over 14,000 books

Other Shakespeare tragedies in French translation (by M. Guizot):

Coriolan

Hamlet

Jules César

Le Roi Lear

Macbeth

Othello ou le More de Venise

Roméo et Juliette

Timon d'Athènes

Titus Andronicus

Troïlus et Cressida

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Ce document est tiré de: OEUVRES COMPLÈTES DE SHAKSPEARE

NOUVELLE ÉDITION ENTIÈREMENT REVUE AVEC UNE ÉTUDE SUR SHAKSPEARE DES NOTICES SUR CHAQUE PIÈCE ET DES NOTES

PARIS

A LA LIBRAIRIE ACADÉMIQUE

DIDIER ET Ce, LIBRAIRES-ÉDITEURS

35, QUAI DES AUGUSTINS

1864

NOTICE SUR ANTOINE ET CLÉOPÂTRE

PERSONNAGES

ACTE PREMIER

SCÈNE I, Alexandrie.--Un appartement du palais de Cléopâtre.

SCÈNE II, Un autre appartement du palais.

SCÈNE III, CLÉOPATRE, CHARMIANE, ALEXAS, IRAS.

SCÈNE IV, Rome.--Un appartement dans la maison de César.

SCÈNE V,  Alexandrie.--Appartement du palais.

ACTE DEUXIÈME

SCÈNE I, Messine.--Appartement de la maison de Pompée.

SCÈNE II, Rome.--Appartement dans la maison de Lépide.

SCÈNE III,  Rome.--Appartement de la maison de César.

SCÈNE IV, Une rue de Rome. LÉPIDE, MÉCÈNE, AGRIPPA.

SCÈNE V, Alexandrie.--Appartement du palais. CLÉOPATRE, CHARMIANE, IRAS, ALEXAS.

SCÈNE VI, Les côtes d'Italie, près de Misène.

SCÈNE VII,  A bord de la galère de Pompée, près de Messine.

ACTE TROISIÈME

SCÈNE I,  Une plaine en Syrie.

SCÈNE II,  Rome.--Antichambre de la maison de César. Entrent AGRIPPA ET ÉNOBARBUS qui se rencontrent.

SCÈNE III,  Alexandrie.--Appartement du palais.

SCÈNE IV,  Athènes.--Appartement de la maison d'Antoine.

SCÈNE V, Athènes: un autre appartement de la maison d'Antoine.

SCÈNE VI,  Rome.--Appartement de César.

SCÈNE VII,  Le camp d'Antoine près du promontoire d'Actium.

SCÈNE VIII,  Une plaine près d'Actium. Entrent CÉSAR, TAURUS, officiers et autres.

SCÈNE IX, Alexandrie.--Appartement du palais.

SCÈNE X,  Le camp de César en Égypte.

SCENE XI,  Alexandrie.--Appartement du palais.

ACTE QUATRIÈME

SCÈNE I, Le camp de César près d'Alexandrie.

SCÈNE II,  Alexandrie.--Appartement du palais.

SCÈNE III,  Alexandrie.--Devant le palais. Entrent deux soldats qui vont monter la garde.

SCÈNE IV, Alexandrie.--Appartement du palais. ANTOINE, CLÉOPATRE, CHARMIANE, suite.

SCÈNE V, Le camp d'Antoine, près d'Alexandrie.

SCÈNE VI,  Le camp de César devant Alexandrie.

SCÈNE VII,  Champ de bataille entre les deux camps. (On sonne la marche. Bruits de tambours et de trompettes.)

SCÈNE VIII,  Sous les murs d'Alexandrie.

SCÈNE IX,  Le camp de César. Sentinelles à leur poste; entre ÉNOBARBUS.

SCÈNE X,  La scène se passe entre les deux camps.

SCÈNE XI,  Alexandrie.--Appartement du palais.

SCÈNE. XII,  Alexandrie.--Un autre appartement du palais.

SCÈNE XIII,  Alexandrie.--Un mausolée.

ACTE CINQUIÈME

SCÈNE I,  Le théâtre représente le camp de César.

SCÈNE II,  Alexandrie.--Intérieur du mausolée.

NOTICE SUR ANTOINE ET CLÉOPÂTRE

On critiquera sans doute, dans cette pièce, le peu de liaison des scènes entre elles, défaut qui tient à la difficulté de rassembler une succession rapide et variée d'évènements dans un même tableau; mais cette variété et ce désordre apparent tiennent la curiosité toujours éveillée, et un intérêt toujours plus vif émeut les passions du lecteur jusqu'au dernier acte. Il ne faut cependant commencer la lecture d'Antoine et Cléopâtre qu'après s'être pénétré de la Vie d'Antoine par Plutarque: c'est encore à cette source que le poëte a puisé son plan, ses caractères et ses détails.

Peut-être les caractères secondaires de cette pièce sont-ils plus légèrement esquissés que dans les autres grands drames de Shakspeare; mais tous sont vrais, et tous sont à leur place. L'attention en est moins distraite des personnages principaux qui ressortent fortement, et frappent l'imagination.

On voit dans Antoine un mélange de grandeur et de faiblesse; l'inconstance et la légèreté sont ses attributs; généreux, sensible, passionné, mais volage, il prouve qu'à l'amour extrême du plaisir, un homme de son tempérament peut joindre, quand les circonstances l'exigent, une âme élevée, capable d'embrasser les plus nobles résolutions, mais qui cède toujours aux séductions d'une femme.

Par opposition au caractère aimable d'Antoine, Shakspeare nous peint Octave César faux, sans courage, d'une âme étroite, hautaine et vindicative. Malgré les flatteries des poëtes et des historiens, Shakspeare nous semble avoir deviné le vrai caractère de ce prince, qui avoua lui-même, en mourant, qu'il avait porté un masque depuis son avènement à l'empire.

Lépide, le troisième triumvir, est l'ombre au tableau à côté d'Antoine et de César; son caractère faible, indécis et sans couleur, est tracé d'une manière très-comique dans la scène où Énobarbus et Agrippa s'amusent à singer son ton et ses discours. Son plus bel exploit est dans la dernière scène de l'acte précédent, où il tient bravement tête à ses collègues, le verre à la main, encore est-on oblige d'emporter ivre-mort ce TROISIÈME PILIER DE L'UNIVERS.

On regrette que le jeune Pompée ne paraisse qu'un instant sur la scène; peut-être oublie-t-il trop facilement sa mission sacrée, de venger un père, après la noble réponse qu'il adresse aux triumvirs; et l'on est presque tenté d'approuver le hardi projet de ce Ménécrate qui dit avec amertume: Ton père, ô Pompée, n'eût jamais fait un traité semblable. Mais Shakspeare a suivi ici l'histoire scrupuleusement. D'ailleurs l'art exige que l'intérêt ne soit pas trop dispersé dans une composition dramatique; voilà pourquoi l'aimable Octavie ne nous est aussi montrée qu'en passant; cette femme si douce, si pure, si vertueuse, dont les grâces modestes sont éclipsées par l'éclat trompeur et l'ostentation de son indigne rivale.

Cléopâtre est dans Shakspeare cette courtisane voluptueuse et rusée que nous peint l'histoire; comme Antoine, elle est remplie de contrastes: tour à tour vaniteuse comme une coquette et grande comme une reine, volage dans sa soif des voluptés, et sincère dans son attachement pour Antoine; elle semble créée pour lui et lui pour elle. Si sa passion manque de dignité tragique, comme le malheur l'ennoblit, comme elle s'élève à la hauteur de son rang par l'héroïsme qu'elle déploie à ses derniers instants! Elle se montre digne, en un mot, de partager la tombe d'Antoine.

Une scène qui nous a semblé d'un pathétique profond, c'est celle où Énobarbus, bourrelé de remords de sa trahison, adresse à la Nuit une protestation si touchante, et meurt de douleur en invoquant le nom d'Antoine, dont la générosité l'a rappelé au sentiment de ses devoirs.

Johnson prétend que cette pièce n'avait point été divisée en actes par l'auteur, ou par ses premiers éditeurs. On pourrait donc altérer arbitrairement la division que nous avons adoptée d'après le texte anglais; peut-être, d'après cette observation de Johnson, Letourneur s'était-il cru autorisé à renvoyer deux ou trois scènes à la fin, comme oiseuses ou trop longues; nous les avons scrupuleusement rétablies.

Selon le docteur Malone, la pièce d'Antoine et Cléopâtre a été composée en 1608, et après celle de Jules César dont elle est en quelque sorte une suite, puisqu'il existe entre ces deux tragédies la même connexion qu'entre les tragédies historiques de l'histoire anglaise.

PERSONNAGES

  MARC-ANTOINE,       }

  OCTAVE CÉSAR,       } triumvirs.

  M. EMILIUS LEPIDUS, }

  SEXTUS POMPEIUS.

  DOMITIUS ENOBARBUS, }

  VENTIDIUS,          }

  EROS,               } amis

  SCARUS,             } d'Antoine

  DERCÉTAS,           }

  DEMETRIUS,          }

  PHILON,             }

  MECENE,     }

  AGRIPPA,    }

  DOLABELLA,  } amis de César.

  PROCULÉIUS, }

  THYREUS,    }

  GALLUS,   }

  MENAS,    } amis de Pompée.

  MENECRATE,}

  VARIUS,   }

  TAURUS, lieutenant de César.

  CASSIDIUS, lieutenant d'Antoine.

  SILIUS, officier de l'armée de Ventidius.

  EUPHRODIUS, député d'Antoine à

  César.

  ALEXAS, MARDIAN, SELEUCUS et

  DIOMEDE, serviteurs de Cléopâtre

  UN DEVIN.

  UN PAYSAN.

  CLÉOPATRE, reine d'Égypte.

  OCTAVIE, soeur de César, femme

  d'Antoine.

  CHARMIANE, } femmes de Cléopâtre.

  IRAS,      }

  OFFICIERS.

  SOLDATS.

  MESSAGERS ET SERVITEURS.

La scène se passe dans diverses parties de l'empire romain.

ACTE PREMIER

SCÈNE I, Alexandrie.--Un appartement du palais de Cléopâtre.

Entrent DÉMÉTRIUS ET PHILON.

PHILON.--En vérité, ce fol amour de notre général passe la mesure. Ses beaux yeux, qu'on voyait, au milieu de ses légions rangées en bataille, étinceler, comme ceux de Mars armé, maintenant tournent leurs regards, fixent leur attention sur un front basané. Son coeur de guerrier, qui, plus d'une fois, dans la mêlée des grandes batailles, brisa sur son sein les boucles de sa cuirasse, dément sa trempe. Il est devenu le soufflet et l'éventail qui apaisent les impudiques désirs d'une Égyptienne[1]. Regarde, les voilà qui viennent. (Fanfares. Entrent Antoine et Cléopâtre avec leur suite. Des eunuques agitent des éventails devant Cléopâtre).--Observe-le bien, et tu verras en lui la troisième colonne de l'univers[2] devenue le jouet d'une prostituée. Regarde et vois.

[Note 1: Gipsy est ici employé dans ses deux sens d'Égyptienne et de Bohémienne.]

[Note 2: Allusion au Triumvirat.]

CLÉOPATRE.--Si c'est de l'amour, dites-moi, quel degré d'amour?

ANTOINE.--C'est un amour bien pauvre, celui que l'on peut calculer.

CLÉOPATRE.--Je veux établir, par une limite, jusqu'à quel point je puis être aimée.

ANTOINE.--Alors il te faudra découvrir un nouveau ciel et une nouvelle terre.

(Entre un serviteur.)

LE SERVITEUR.--Des nouvelles, mon bon seigneur, des nouvelles de Rome!

ANTOINE.--Ta présence m'importune: sois bref.

CLÉOPATRE.--Non; écoute ces nouvelles, Antoine, Fulvie peut-être est courroucée. Ou qui sait, si l'imberbe César ne vous envoie pas ses ordres suprêmes: Fais ceci ou fais cela; empare-toi de ce royaume et affranchis cet autre: obéis, ou nous te réprimanderons.

ANTOINE.--Comment, mon amour?

CLÉOPATRE.--Peut-être, et même cela est très-probable, peut-être que vous ne devez pas vous arrêter plus longtemps ici; César vous donne votre congé. Il faut donc l'entendre, Antoine.--Où sont les ordres de Fulvie? de César, veux-je dire? ou de tous deux?--Faites entrer les messagers.--Aussi vrai que je suis reine d'Égypte, tu rougis, Antoine: ce sang qui te monte au visage rend hommage à César; ou c'est la honte qui colore ton front, quand l'aigre voix de Fulvie te gronde.--Les messagers!

ANTOINE.--Que Rome se fonde dans le Tibre, que le vaste portique de l'empire s'écroule! C'est ici qu'est mon univers. Les royaumes ne sont qu'argile. Notre globe fangeux nourrit également la brute et l'homme. Le noble emploi de la vie, c'est ceci (il l'embrasse), quand un tendre couple, quand des amants comme nous peuvent le faire. Et j'invite le monde sous peine de châtiment à reconnaître que nous sommes incomparables!

CLÉOPATRE.--O rare imposture! Pourquoi a-t-il épousé Fulvie s'il ne l'aimait pas? Je semblerai dupe, mais je ne le suis pas.--Antoine sera toujours lui-même.

ANTOINE.--S'il est inspiré par Cléopâtre. Mais au nom de l'amour et de ses douces heures, ne perdons pas le temps en fâcheux entretiens. Nous ne devrions pas laisser écouler maintenant sans quelque plaisir une seule minute de notre vie... Quel sera l'amusement de ce soir?

CLÉOPATRE.--Entendez les ambassadeurs.

ANTOINE.--Fi donc! reine querelleuse, à qui tout sied: gronder, rire, pleurer: chaque passion brigue à l'envie l'honneur de paraître belle et de se faire admirer sur votre visage. Point de députés! Je suis à toi, et à toi seule, et ce soir, nous nous promènerons dans les rues d'Alexandrie, et nous observerons les moeurs du peuple... Venez, ma reine: hier au soir vous en aviez envie. (Au messager.) Ne nous parle pas.

(Ils sortent avec leur suite.)

DÉMÉTRIUS.--Antoine fait-il donc si peu de cas de César?

PHILON.--Oui, quelquefois, quand il n'est plus Antoine, il s'écarte trop de ce caractère qui devrait toujours accompagner Antoine.

DÉMÉTRIUS.--Je suis vraiment affligé de voir confirmer tout ce que répète de lui à Rome la renommée, si souvent menteuse: mais j'espère de plus nobles actions pour demain... Reposez doucement!

SCÈNE II, Un autre appartement du palais.

Entrent CHARMIANE, ALEXAS, IRAS ET UN DEVIN.

CHARMIANE.--Seigneur Alexas, cher Alexas, incomparable, presque tout-puissant Alexas, où est le devin que vous avez tant vanté à la reine? Oh! que je voudrais connaître cet époux, qui, dites-vous, doit couronner ses cornes de guirlandes[3]!

[Note 3: Être déshonoré en se faisant gloire de l'être, charge his horns with garlands; il y a des commentateurs qui lisent change au lieu de charge.]

ALEXAS.--Devin!

LE DEVIN.--Que désirez-vous?

CHARMIANE.--Est-ce cet homme?... Est-ce vous, monsieur, qui connaissez les choses?

LE DEVIN.--Je sais lire un peu dans le livre immense des secrets de la nature.

ALEXAS.--Montrez-lui votre main.

(Entre Énobarbus.)

ÉNOBARBUS.--Qu'on serve promptement le repas: et du vin en abondance, pour boire à la santé de Cléopâtre.

CHARMIANE.--Mon bon monsieur, donnez-moi une bonne fortune.

LE DEVIN.--Je ne la fais pas, mais je la devine.

CHARMIANE.--Eh bien! je vous prie, devinez-m'en une bonne.

LE DEVIN.--Vous serez encore plus belle que vous n'êtes.

CHARMIANE.--Il veut dire en embonpoint.

IRAS.--Non; il veut dire que vous vous farderez quand vous serez vieille.

CHARMIANE.--Que les rides m'en préservent!

ALEXAS.--Ne troublez point sa prescience, et soyez attentive.

CHARMIANE.--Chut!

LE DEVIN.--Vous aimerez plus que vous ne serez aimée.

CHARMIANE.--J'aimerais mieux m'échauffer le foie avec le vin.

ALEXAS.--Allons, écoutez.

CHARMIANE.--Voyons, maintenant, quelque bonne aventure; que j'épouse trois rois dans une matinée, que je devienne veuve de tous trois, que j'aie à cinquante ans un fils auquel Hérode[4] de Judée rende hommage. Trouve-moi un moyen de me marier avec Octave César, et de marcher l'égale de ma maîtresse.

[Note 4: Hérode rendit hommage aux Romains pour conserver le royaume de Judée. Steevens pense qu'il y a ici une allusion au personnage de ce monarque dans les Mystères de l'origine du théâtre. Hérode y était toujours représenté comme un tyran sombre et cruel, et son nom devint une expression proverbiale pour peindre la fureur dans ses excès.

C'est ainsi qu'Hamlet dit d'un comédien qu'il outre le caractère d'Hérode, out-Herods Herod.

Dans cette tragédie (Antoine et Cléopâtre), Alexas dit à la reine qu'Hérode de Judée lui-même n'ose pas la regarder quand elle est de mauvaise humeur. Charmiane désire donc un fils qui soit respecté d'Hérode, c'est-à-dire des monarques les plus fiers et les plus cruels.]

LE DEVIN.--Vous survivrez à la reine que vous servez.

CHARMIANE.--Oh! merveilleux! J'aime bien mieux une longue vie que des figues[5].

[Note 5: Expression proverbiale. Warburton croit qu'il y a ici un rapport mystérieux entre ce mot de figues prononcé sans intention, et la corbeille de figues, qui, au cinquième acte, renferme l'aspic dont la morsure abrège les jours de Cléopâtre.]

LE DEVIN.--Vous avez éprouvé dans le passé une meilleure fortune que celle qui vous attend.

CHARMIANE.--A ce compte, il y a toute apparence que mes enfants n'auront pas de nom[6]. Je vous prie, combien dois-je avoir de garçons et de filles?

[Note 6: C'est-à-dire je n'aurai point d'enfants.]

LE DEVIN.--Si chacun de vos désirs avait un sein fécond, vous auriez un million d'enfants.

CHARMIANE.--Tais-toi, insensé! Je te pardonne, parce que tu es un sorcier.

ALEXAS.--Vous croyez que votre couche est la seule confidente de vos désirs.

CHARMIANE.--Allons, viens. Dis aussi à Iras sa bonne aventure.

ALEXAS.--Nous voulons tous savoir notre destinée.

ÉNOBARBUS.--Ma destinée, comme celle de la plupart de vous, sera d'aller nous coucher ivres ce soir.

LE DEVIN.--Voilà une main qui présage la chasteté, si rien ne s'y oppose d'ailleurs.

CHARMIANE.--Oui, comme le Nil débordé présage la famine...

IRAS.--Allez, folâtre compagne de lit, vous ne savez pas prédire.

CHARMIANE.--Oui, si une main humide n'est pas un pronostic de fécondité, il n'est pas vrai que je puisse me gratter l'oreille.--Je t'en prie, dis-lui seulement une destinée tout ordinaire.

LE DEVIN.--Vos destinées se ressemblent.

IRAS.--Mais comment, comment? Citez quelques particularités.

LE DEVIN.--J'ai dit.

IRAS.--Quoi! n'aurai-je pas seulement un pouce de bonne fortune de plus qu'elle?

CHARMIANE.--Et si vous aviez un pouce de bonne fortune de plus que moi, où le choisiriez-vous?

IRAS.--Ce ne serait pas au nez de mon mari.

CHARMIANE.--Que le ciel corrige nos mauvaises pensées!--Alexas! allons, sa bonne aventure, à lui, sa bonne aventure. Oh! qu'il épouse une femme qui ne puisse pas marcher. Douce Isis[7], je t'en supplie, que cette femme meure! et alors donne-lui-en une pire encore, et après celle-là d'autres toujours plus méchantes, jusqu'à ce que la pire de toutes le conduise en riant à sa tombe, cinquante fois déshonoré. Bonne Isis, exauce ma prière, et, quand tu devrais me refuser dans des occasions plus importantes, accorde-moi cette grâce; bonne Isis, je t'en conjure!

[Note 7: Les Égyptiens adoraient la lune sous le nom d'Isis, qu'ils représentaient tenant dans sa main une sphère et une amphore pleine de blé.]

IRAS.--Ainsi soit-il; chère déesse, entends la prière que nous t'adressons toutes! car si c'est un crève-coeur de voir un bel homme avec une mauvaise femme, c'est un chagrin mortel de voir un laid malotru sans cornes: ainsi donc, chère Isis, par bienséance, donne-lui la destinée qui lui convient.

CHARMIANE.--Ainsi soit-il.

ALEXAS.--Voyez-vous; s'il dépendait d'elles de me déshonorer, elles se prostitueraient pour en venir à bout.

ÉNOBARBUS.--Silence: voici Antoine.

CHARMIANE.--Ce n'est pas lui; c'est la reine.

(Entre Cléopâtre.)

CLÉOPATRE.--Avez-vous vu mon seigneur?

ÉNOBARBUS.--Non, madame.

CLÉOPATRE.--Est-ce qu'il n'est pas venu ici?

CHARMIANE.--Non, madame.

CLÉOPATRE.--Il était d'une humeur gaie... Mais tout à coup un souvenir de Rome a saisi son âme.--Énobarbus!

ÉNOBARBUS.--Madame?

CLÉOPATRE.--Cherchez-le, et l'amenez ici...--Où est Alexas?

ALEXAS.--Me voici, madame, à votre service.--Mon seigneur s'avance.

(Antoine entre avec un messager et sa suite.)

CLÉOPATRE.--Nous ne le regarderons pas.--Suivez-moi.

(Sortent Cléopâtre, Énobarbus, Alexas, Iras, Charmiane, le devin et la suite.)

LE MESSAGER.--Fulvie, votre épouse, s'est avancée sur le champ de bataille...

ANTOINE.--Contre mon frère Lucius?

LE MESSAGER.--Oui: mais cette guerre a bientôt été terminée. Les circonstances les ont aussitôt réconciliés, et ils ont réuni leurs forces contre César. Mais, dès le premier choc, la fortune de César dans la guerre les a chassés tous deux de l'Italie.

ANTOINE.--Bien: qu'as-tu de plus funeste encore à m'apprendre?

LE MESSAGER.--Les mauvaises nouvelles sont fatales à celui qui les apporte.

ANTOINE.--Oui, quand elles s'adressent à un insensé, ou à un lâche; poursuis.--Avec moi, ce qui est passé est passé, voilà mon principe. Quiconque m'apprend une vérité, dût la mort être au bout de son récit, je l'écoute comme s'il me flattait.

LE MESSAGER.--Labiénus, et c'est une sinistre nouvelle, a envahi l'Asie Mineure depuis l'Euphrate avec son armée de Parthes; sa bannière triomphante a flotté depuis la Syrie, jusqu'à la Lydie et l'Ionie; tandis que...

ANTOINE.--Tandis qu'Antoine, voulais-tu dire...

LE MESSAGER.--Oh! mon maître!

ANTOINE.--Parle-moi sans détour: ne déguise point les bruits populaires: appelle Cléopâtre comme on l'appelle à Rome; prends le ton d'ironie avec lequel Fulvie parle de moi; reproche-moi mes fautes avec toute la licence de la malignité et de la vérité réunies.--Oh! nous ne portons que des ronces quand les vents violents demeurent immobiles; et le récit de nos torts est pour nous une culture.--Laisse-moi un moment.

LE MESSAGER.--Selon votre plaisir, seigneur.

(Il sort.)

ANTOINE.--Quelles nouvelles de Sicyone? Appelle le messager de Sicyone.

PREMIER SERVITEUR.--Le messager de Sicyone? y en a-t-il un?

SECOND SERVITEUR.--Seigneur, il attend vos ordres.

ANTOINE.--Qu'il vienne.--Il faut que je brise ces fortes chaînes égyptiennes, ou je me perds dans ma folle passion. (Entre un autre messager.) Qui êtes-vous?

LE SECOND MESSAGER.--Votre épouse Fulvie est morte.

ANTOINE.--Où est-elle morte?

LE MESSAGER.--A Sicyone: la longueur de sa maladie, et d'autres circonstances plus graves encore, qu'il vous importe de connaître, sont détaillées dans cette lettre.

(Il lui donne la lettre.)