Beaucoup de bruit pour rien - William Shakespeare - E-Book

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William Shakespeare

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Beschreibung

Cette comédie suit l'évolution de deux couples: la romance entre Claudio et Hero, et la relation d'amour et de haine entre Benedick et Beatrice. Claudio et Benedick reviennent d'une campagne militaire victorieuse, commandés par don Pedro, contre son demi-frère bâtard don John. Ils sont accueillis par Leonato, gouverneur de Messine, dans sa ville. Claudio s'éprend de la fille de Leonato, Hero, dont il veut obtenir la main, pendant que la nièce de Leonato, Beatrice, retrouve son vieil adversaire en parole, Benedick.

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Seitenzahl: 132

Veröffentlichungsjahr: 2020

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Beaucoup de bruit pour rien

Beaucoup de bruit pour rienNOTICE SUR BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIENPERSONNAGESACTE PREMIERSCÈNE ISCÈNE IISCÈNE IIIACTE DEUXIÈMESCÈNE I. 2SCÈNE II. 2SCÈNE III. 2ACTE TROISIÈMESCÈNE I. 3SCÈNE II. 3SCÈNE III. 3SCÈNE IV. 3SCÈNE V. 3ACTE QUATRIÈMESCÈNE I. 4SCÈNE II. 4ACTE CINQUIÈMESCÈNE I. 5SCÈNE II. 5SCÈNE III. 5SCÈNE IV. 5Page de copyright

Beaucoup de bruit pour rien

 William Shakespeare

NOTICE SUR BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN

L’histoire de Ginévra, dans le cinquième chant de l’Arioste, a quelque rapport avec la fiction romanesque de cette pièce ; plusieurs critiques, et entre autres Pope, ont cru que le Roland Furieux avait été la source où Shakspeare avait puisé. On remarque aussi dans plusieurs anciens romans de chevalerie des épisodes qui rappellent la calomnie de don Juan, et la mort supposée d’Héro ; mais c’est dans les histoires tragiques que Belleforest a empruntées à Bandello qu’on trouve la nouvelle qui a évidemment fourni à Shakspeare l’idée de Beaucoup de bruit pour rien.

« Pendant que Pierre d’Aragon tenait sa cour à Messine, un certain baron, Timbrée de Cardone, favori du prince, devint amoureux de Fénicia, fille de Léonato, gentilhomme de la ville : sa fortune, la faveur du roi, et ses qualités personnelles plaidèrent si bien sa cause, que Timbrée fut en peu de temps l’amant préféré de Fénicia, et obtint l’agrément de Léonato pour l’épouser.

« La nouvelle en vint aux oreilles d’un jeune gentilhomme appelé Girondo-Olerio-Valentiano, qui depuis longtemps cherchait vainement à faire impression sur le cœur de Fénicia. Jaloux du bonheur de Timbrée, il ne songe plus qu’à le traverser, et met dans ses intérêts un autre jeune homme qui, affectant pour Timbrée un zèle officieux, va le prévenir qu’un de ses amis faisait de fréquentes visites nocturnes à sa fiancée, et offre de lui donner le soir même les preuves de sa perfidie.

« Timbrée accepte ; il suit son guide qui lui fait voir en effet son prétendu rival, qui n’était qu’un valet travesti, montant par une échelle de corde dans l’appartement de Fénicia. Timbrée ne veut pas d’autre éclaircissement, et dès le lendemain il va retirer sa parole, et révèle à Léonato la trahison de sa fille.

« Fénicia, accablée de cet affront, s’évanouit et ne reprend ses sens qu’au bout de sept heures. Tout Messine la croit morte, car elle-même, résolue de renoncer au monde, se fait transporter secrètement à la campagne, chez un de ses oncles, pendant qu’on célèbre ses funérailles.

« Le remords poursuit partout Girondo ; il se décide à faire à Timbrée l’aveu de sa coupable calomnie ; il le mène à l’église, auprès du tombeau de Fénicia, se met à genoux, offre un poignard à son rival, et, lui présentant son sein, le conjure de frapper le meurtrier de la fille de Léonato.

« Timbrée lui pardonne, et court lui-même chez Léonato lui offrir toute sa fortune en réparation de sa crédule jalousie ; le vieillard refuse, et n’exige de Timbrée que la promesse d’accepter une autre épouse de sa main.

« Quelque temps après il le conduit à sa campagne et lui présente Fénicia sous le nom de Lucile, et comme sa nièce. Fénicia était tellement changée, qu’elle ne fut reconnue qu’à la fin de la noce, et lorsqu’une tante de la mariée ne put garder plus longtemps le secret ; » tel est l’extrait succinct de la nouvelle du prolixe Bandello.

On verra quel intérêt dramatique le poëte a ajouté à ce récit déjà intéressant. La scène de l’église, où Claudio accuse hautement Héro, est vraiment tragique. Combien est touchant l’appel que fait la fille de Léonato à son innocence ! Quelle profonde connaissance du cœur humain décèle le caractère de ce don Juan, cet homme essentiellement insociable, pour qui faire le mal est un besoin, et qui s’irrite contre les bienfaits de son propre frère !

Mais les personnages les plus brillants et les plus animés de la pièce sont Bénédick et Béatrice. Que d’originalité dans leurs dialogues, où l’on trouve quelquefois, il est vrai, un peu trop de liberté ! Leur aversion pour le mariage, leur conversion subite, fournissent une foule de situations des plus comiques. Les deux constables, Dogberry et Verges, avec leur suffisance, leurs graves niaiseries et leurs lourdes bévues, sont des modèles de naturel.

Il y a dans cette pièce un heureux mélange de sérieux et de gaieté qui en fait une des plus charmantes productions de Shakspeare : c’est encore une de celles que l’on revoit avec le plus de plaisir sur le théâtre de Londres. Bénédick était un des rôles favoris de Garrick, qui y faisait admirer toute la souplesse de son talent.

Selon le docteur Malone, la comédie de Beaucoup de bruit pour rien aurait été composée en 1600, et imprimée la même année.

PERSONNAGES

DON PÈDRE, prince d’Aragon.

LÉONATO, gouverneur de Messine.

DON JUAN, frère naturel de don Pèdre.

CLAUDIO, jeune seigneur de Florence, favori de don Pèdre.

BÉNÉDICK, jeune seigneur de Padoue, autre favori de don Pèdre.

BALTHAZAR, domestique de don Pèdre.

ANTONIO, frère de Léonato.

BORACHIO, CONRAD, attachés à don Juan.

DOGBERRY, VERGES, deux constables.

UN SACRISTAIN.

UN MOINE.

UN VALET.

HÉRO, fille de Léonato.

BÉATRICE, nièce de Léonato.

MARGUERITE, URSULE, dames attachées à HÉRO.

MESSAGERS, GARDES ET VALETS.

La scène est à Messine.

ACTE PREMIER

SCÈNE I

Terrasse devant le palais de Léonato.

Entrent Léonato, Héro, Béatrice et autres, avec un messager.

LÉONATO. – J’apprends par cette lettre que don Pèdre d’Aragon arrive ce soir à Messine.

LE MESSAGER. – À l’heure qu’il est, il doit en être fort près. Nous n’étions pas à trois lieues lorsque je l’ai quitté.

LÉONATO. – Combien avez-vous perdu de soldats dans cette affaire ?

LE MESSAGER. – Très-peu d’aucun genre et aucun de connu.

LÉONATO. – C’est une double victoire, quand le vainqueur ramène au camp ses bataillons entiers. Je lis ici que don Pèdre a comblé d’honneurs un jeune Florentin nommé Claudio.

LE MESSAGER. – Bien mérités de sa part et bien reconnus par don Pèdre. – Claudio a surpassé les promesses de son âge ; avec les traits d’un agneau, il a fait les exploits d’un lion. Il a vraiment trop dépassé toutes les espérances pour que je puisse espérer de vous les raconter.

LÉONATO. – Il a ici dans Messine un oncle qui en sera bien content.

LE MESSAGER. – Je lui ai déjà remis des lettres, et il a paru éprouver beaucoup de joie, et même à un tel excès, que cette joie n’aurait pas témoigné assez de modestie sans quelque signe d’amertume.

LÉONATO. – Il a fondu en larmes ?

LE MESSAGER. – Complètement.

LÉONATO. – Doux épanchements de tendresse ! Il n’est pas de visages plus francs que ceux qui sont ainsi baignés de larmes. Ah ! qu’il vaut bien mieux pleurer de joie que de rire de ceux qui pleurent !

BÉATRICE. – Je vous supplierai de m’apprendre si le signor Montanto[1] revient de la guerre ici ou non.

LE MESSAGER. – Je ne connais point ce nom, madame. Nous n’avions à l’armée aucun officier d’un certain rang portant ce nom.

LÉONATO. – De qui vous informez-vous, ma nièce ?

HÉRO. – Ma cousine veut parler du seigneur Bénédick de Padoue.

LE MESSAGER. – Oh ! il est revenu ; et tout aussi plaisant que jamais.

BÉATRICE. – Il mit un jour des affiches[2] dans Messine, et défia Cupidon dans l’art de tirer de longues flèches ; le fou de mon oncle qui lut ce défi répondit pour Cupidon, et le défia à la flèche ronde. – De grâce, combien a-t-il exterminé, dévoré d’ennemis dans cette guerre ? Dites-moi simplement combien il en a tué, car j’ai promis de manger tous les morts de sa façon.

LÉONATO. – En vérité, ma nièce, vous provoquez trop le seigneur Bénédick ; mais il est bon pour se défendre, n’en doutez pas.

LE MESSAGER. – Il a bien servi, madame, dans cette campagne.

BÉATRICE. – Vous aviez des vivres gâtés, et il vous a aidé à les consommer. C’est un très-vaillant mangeur ; il a un excellent estomac.

LE MESSAGER. – Il est aussi bon soldat, madame.

BÉATRICE. – Bon soldat près d’une dame ; mais en face d’un homme, qu’est-il ?

LE MESSAGER. – C’est un brave devant un brave, un homme en face d’un homme. Il y a en lui l’étoffe de toutes les vertus honorables.

BÉATRICE. – C’est cela en effet ; Bénédick n’est rien moins qu’un homme étoffé[3], mais quant à l’étoffe ; – eh bien ! nous sommes tous mortels.

LÉONATO. – Il ne faut pas, monsieur, mal juger de ma nièce. Il règne une espèce de guerre enjouée entre elle et le seigneur Bénédick. Jamais ils ne se rencontrent sans qu’il y ait entre eux quelque escarmouche d’esprit.

BÉATRICE. – Hélas ! il ne gagne rien à cela. Dans notre dernier combat, quatre de ses cinq sens s’en allèrent tout éclopés, et maintenant tout l’homme est gouverné par un seul. Pourvu qu’il lui reste assez d’instinct pour se tenir chaudement, laissons-le-lui comme l’unique différence qui le distingue de son cheval : car c’est le seul bien qui lui reste pour avoir quelque droit au nom de créature raisonnable. – Et quel est son compagnon maintenant ? car chaque mois il se donne un nouveau frère d’armes.

LE MESSAGER. – Est-il possible ?

BÉATRICE. – Très-possible. Il garde ses amitiés comme la forme de son chapeau, qui change à chaque nouveau moule.

LE MESSAGER. – Madame, je le vois bien, ce gentilhomme n’est pas sur vos tablettes.

BÉATRICE. – Oh ! non ; si j’y trouvais jamais son nom, je brûlerais toute la bibliothèque. – Mais dites-moi donc, je vous prie, quel est son frère d’armes ? N’avez-vous pas quelque jeune écervelé qui veuille faire avec lui un voyage chez le diable ?

LE MESSAGER. – Il vit surtout dans la compagnie du noble Claudio.

BÉATRICE. – Bonté du ciel ! il s’attachera à lui comme une maladie. On le gagne plus promptement que la peste ; et quiconque en est pris extravague à l’instant. Que Dieu protège le noble Claudio ! Si par malheur il est pris du Bénédick, il lui en coûtera mille livres pour s’en guérir.

LE MESSAGER. – Je veux, madame, être de vos amis.

BÉATRICE. – Je vous y engage, mon bon ami !

LÉONATO. – Vous ne deviendrez jamais folle, ma nièce.

BÉATRICE. – Non, jusqu’à ce que le mois de janvier soit chaud.

LE MESSAGER. – Voici don Pèdre qui s’approche.

(Entrent don Pèdre, accompagné de Balthazar et autres domestiques, Claudio, Bénédick, don Juan.)

DON PÈDRE. – Don seigneur Léonato, vous venez vous-même chercher les embarras. Le monde est dans l’usage d’éviter la dépense ; mais vous courez au-devant.

LÉONATO. – Jamais les embarras n’entrèrent chez moi sous la forme de Votre Altesse ; car, l’embarras parti, le contentement resterait. Mais quand vous me quittez, le chagrin reste et le bonheur s’en va.

DON PÈDRE. – Vous acceptez votre fardeau de trop bonne grâce. Je crois que c’est là votre fille.

LÉONATO. – Sa mère me l’a dit bien des fois.

BÉNÉDICK. – En doutiez-vous, seigneur, pour lui faire si souvent cette demande ?

LÉONATO. – Nullement, seigneur Bénédick ; car alors vous étiez un enfant.

DON PÈDRE. – Ah ! la botte a porté, Bénédick. Nous pouvons juger par là de ce que vous valez, à présent que vous êtes un homme. – En vérité, ses traits nomment son père. Soyez heureuse, madame, vous ressemblez à un digne père.

(Don Pèdre s’éloigne avec Léonato.)

BÉNÉDICK. – Si le seigneur Léonato est son père, elle ne voudrait pas pour tout Messine avoir sa tête sur les épaules tout en lui ressemblant comme elle fait.

BÉATRICE. – Je m’étonne que le seigneur Bénédick ne se rebute point de parler. Personne ne prend garde à lui.

BÉNÉDICK. – Ah ! ma chère madame Dédaigneuse ! vous vivez encore ?

BÉATRICE. – Et comment la Dédaigneuse mourrait-elle, lorsqu’elle trouve à ses dédains un aliment aussi inépuisable que le seigneur Bénédick ? La courtoisie même ne peut tenir en votre présence ; il faut qu’elle se change en dédain.

BÉNÉDICK. – La courtoisie est donc un renégat ? – Mais tenez pour certain que, vous seule exceptée, je suis aimé de toutes les dames, et je voudrais que mon cœur se laissât persuader d’être un peu moins dur ; car franchement je n’en aime aucune.

BÉATRICE. – Grand bonheur pour les femmes ! Sans cela, elles seraient importunées par un pernicieux soupirant. Je remercie Dieu et la froideur de mon sang ; je suis là-dessus de votre humeur. J’aime mieux entendre mon chien japper aux corneilles, qu’un homme me jurer qu’il m’adore.

BÉNÉDICK. – Que Dieu vous maintienne toujours dans ces sentiments ! Ce seront quelques honnêtes gens de plus dont le visage échappera aux égratignures qui les attendent.

BÉATRICE. – Si c’étaient des visages comme le vôtre, une égratignure ne pourrait les rendre pires.

BÉNÉDICK. – Eh bien ! vous êtes une excellente institutrice de perroquets.

BÉATRICE. – Un oiseau de mon babil vaut mieux qu’un animal du vôtre.

BÉNÉDICK. – Je voudrais bien que mon cheval eût la vitesse de votre langue et votre longue haleine. – Allons, au nom de Dieu, allez votre train ; moi j’ai fini.

BÉATRICE. – Vous finissez toujours par quelque algarade de rosse ; je vous connais de loin.

DON PÈDRE. – Voici le résumé de notre entretien. – Seigneur Claudio et seigneur Bénédick, mon digne ami Léonato vous a tous invités. Je lui dis que nous resterons ici au moins un mois ; il prie le sort d’amener quelque événement qui puisse nous y retenir davantage. Je jurerais qu’il n’est point hypocrite et qu’il le désire du fond de son cœur.

LÉONATO. – Si vous le jurez, monseigneur, vous ne serez point parjure. (À don Juan.) – Souffrez que je vous félicite, seigneur : puisque vous êtes réconcilié au prince votre frère, je vous dois tous mes hommages.

DON JUAN. – Je vous remercie : je ne suis point un homme à longs discours ; je vous remercie.

LÉONATO. – Plaît-il à Votre Altesse d’ouvrir la marche ?

DON PÈDRE. – Léonato, donnez-moi la main ; nous irons ensemble.

(Tous entrent dans la maison, excepté Bénédick et Claudio.)

CLAUDIO. – Bénédick, avez-vous remarqué la fille du seigneur Léonato ?

BÉNÉDICK. – Je ne l’ai pas remarquée, mais je l’ai regardée.

CLAUDIO. – N’est-ce pas une jeune personne modeste ?

BÉNÉDICK. – Me questionnez-vous sur son compte, en honnête homme, pour savoir tout simplement ce que je pense, ou bien voudriez-vous m’entendre parler, suivant ma coutume, comme le tyran déclaré de son sexe ?

CLAUDIO. – Non : je vous prie, parlez sérieusement.

BÉNÉDICK. – Eh bien ! en conscience, elle me paraît trop petite pour un grand éloge, trop brune pour un bel éloge[4]. Toute la louange que je peux lui accorder, c’est de dire que si elle était tout autre qu’elle est, elle ne serait pas belle ; étant ce qu’elle est, elle ne me plait pas.

CLAUDIO. – Vous croyez que je veux rire. Je vous en prie, dites-moi sincèrement comment vous la trouvez.

BÉNÉDICK. – Voulez-vous en faire emplette, que vous preniez des informations sur elle ?

CLAUDIO. – Le monde entier suffirait-il à payer un pareil bijou ?

BÉNÉDICK. – Oh ! sûrement, et même encore un étui pour le mettre. – Mais parlez-vous sérieusement, ou prétendez-vous faire le mauvais plaisant pour nous dire que l’amour sait très-bien trouver des lièvres, et que Vulcain est un habile charpentier ? Allons, dites-nous sur quelle gamme il faut chanter pour être d’accord avec vous ?

CLAUDIO. – Elle est à mes yeux la plus aimable personne que j’aie jamais vue.

BÉNÉDICK. – Je vois encore très-bien sans lunettes, et je ne vois rien de cela : il y a sa cousine qui, si elle n’était pas possédée d’une furie, la surpasserait en beauté autant que le premier jour de mai l’emporte sur le dernier jour de décembre ; mais j’espère que vous n’avez pas dans l’idée de vous faire mari ? Serait-ce votre intention ?

CLAUDIO. – Quand j’aurais juré le contraire, je me méfierais de moi-même, si Héro voulait être ma femme.

BÉNÉDICK. – En êtes-vous là ? d’honneur ? Quoi ! n’est-il donc pas un homme au monde qui veuille porter son bonnet sans inquiétude ? Ne reverrai-je de ma vie un garçon de soixante ans ? Allez, puisque vous voulez absolument vous mettre sous le joug, portez-en la triste empreinte, et passez les dimanches à soupirer. – Mais voilà don Pèdre qui revient vous chercher lui-même.

(Don Pèdre rentre.)

DON PÈDRE. – Quel mystère vous arrêtait donc ici, que vous ne nous ayez pas suivis chez Léonato ?

BÉNÉDICK. – Je voudrais que Votre Altesse m’obligeât à le lui dire.

DON PÈDRE. – Je vous l’ordonne, sur votre fidélité.

BÉNÉDICK. – Vous entendez, comte Claudio. Je puis être aussi discret qu’un muet de naissance, et c’est là l’idée que je voudrais vous donner de moi. – Mais sur ma fidélité : remarquez-vous ces mots : Sur ma fidélité. – Il est amoureux. De qui ? Ce serait maintenant à Votre Altesse à me faire la question. Observez comme la réponse est courte. – D’Héro, la courte fille de Léonato.

CLAUDIO. Si la chose était, il vous l’aurait bientôt dit.

BÉNÉDICK. – C’est comme le vieux conte, monseigneur : « Cela n’est pas, cela n’était pas. » Mais en vérité, à Dieu ne plaise que cela arrive !

CLAUDIO. – Si ma passion ne change pas bientôt, à Dieu ne plaise qu’il en soit autrement !

DON PÈDRE. – Ainsi soit-il ! si vous l’aimez ; car la jeune personne en est bien digne.

CLAUDIO. – Vous parlez ainsi pour me sonder, seigneur.

DON PÈDRE. – Sur mon honneur, j’exprime ma pensée.

CLAUDIO. – Et sur ma parole, j’ai exprimé la mienne.

BÉNÉDICK. – Et moi, sur mon honneur et sur ma parole, j’ai dit ce que je pensais.