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Extrait : "ORLANDO : Je me rappelle bien, Adam ; tel a été mon legs, une misérable somme de mille écus dans son testament ; et, comme tu dis, il a chargé mon frère, sous peine de sa malédiction, de me bien élever, et voilà la cause de mes chagrins. Il entretient mon frère Jacques à l'école, et la renommée parle magnifiquement de ses progrès. Pour moi, il m'entretient au logis en paysan, ou pour mieux dire, il me garde ici sans aucun entretien"
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Seitenzahl: 101
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335012156
©Ligaran 2014
FRÉDÉRIC, duc usurpateur.
LE DUC, son frère, exilé.
JACQUES, ami du duc exilé.
AMIENS, ami du duc exilé.
OLIVIER DES BOIS.
ROLAND, son frère.
ADAM, serviteur d’Olivier.
PIERRE TOUCHARD, dit PIERRE DE TOUCHE, bouffon.
GUILLAUME, paysan.
CHARLES, lutteur de Frédéric.
UN CHANTEUR.
UN SEIGNEUR.
UN SEIGNEUR.
VALET.
CÉLIA, fille de Frédéric.
ROSALINDE, fille du Duc exilé.
AUDREY, jeune paysanne.
Seigneurs et Dames de la cour de Frédéric.
Seigneurs et Serviteurs du Duc exilé.
La scène est au premier acte, à la résidence de Frédéric ; au deuxième, dans la forêt des Ardennes ; au troisième, dans une autre partie de la forêt.
Nota : Toutes les indications de gauche et de droite sont prises du public.
Une pelouse devant le palais ducal. Bancs et palissades. Étendards et banderoles. Des valets vont et viennent dans le fond. Sur le côté droit, une riche estrade avec le siège ducal et le dais, et dont les degrés font face au public ; à gauche, en avant, un banc en travers.
ADAM, ROLAND.
Oui, oui, mon cher Adam, je veux voir ! Je veux voir les jeux de la cour, les dames et les seigneurs de la cour ; je veux voir le souverain, ce redoutable Frédéric…
Y songez-vous, sire Roland ? vous, le fils d’un seigneur attaché…
Mon brave père est mort dans l’exil, mais son digne maître, le vieux duc vit encore.
Bien loin d’ici, bien pauvre, bien oublié…
Oublié, lui ?… Non ! (Il passe à gauche.)
Parlez plus bas, de grâce ! À quoi bon braver la colère des puissants…
Je ne veux rien braver ; je veux voir, te dis-je ! Voir, c’est vivre, et je n’ai pas encore vécu, moi ! Mon cruel frère… Ah ! est-il digne d’appartenir à la bonne cause, celui qui, à l’exemple du souverain ennemi de notre famille, exerce dans sa propre maison une méchanceté si grande ! Chaque jour, je l’entends maudire l’oppresseur qui a dépossédé et banni son propre frère, et pourtant que fait-il lui-même, et comment suis-je traité par lui ! (Il repasse à droite.)
Plus bas, plus bas, mon cher enfant ! Il pourrait être par ici, vous voir et vous entendre…
Soit ; mais promets-moi de me montrer la fille du duc exilé, la belle Rosalinde. On dit qu’elle sert d’otage… Crois-tu qu’elle paraisse aux divertissements de ce jour ?
Elle y paraîtra sans doute, car elle ne quitte pas plus que son ombre la princesse Célia, fille du duc régnant, et il paraît qu’en dépit des querelles de famille, ces deux bonnes filles s’aiment tendrement à la vue de tout le monde.
Je la verrai donc !… Je suis honteux d’être si mal vêtu ! L’avarice de mon frère Olivier…
Messire Olivier… Il vient justement par ici ! Ah ! pour vous y avoir amené, je serai repris et maltraité, moi !
Eh bien, éloigne-toi, mon ami ! Je dirai que je suis venu seul. Vite, vite ! avant qu’il ne te voie !…
Je crains sa colère contre vous… Je ne me tiendrai pas loin. (Il sort par la droite, au premier plan.)
Oh, moi ! je ne le crains pas, monsieur mon frère !
ROLAND, assis sur les degrés de l’estrade, puis OLIVIER, JACQUES et ADAM.
Eh bien ! monsieur, que faites-vous ici ?
Ce que vous m’avez enseigné : rien !
Ne rien faire, c’est faire le mal.
Oh ! vous avez raison ! Qui ne fait rien détruit quelque chose, et l’oisiveté à laquelle vous me condamnez vous aide à effacer en moi l’ouvrage de Dieu !
Monsieur, savez-vous où vous êtes ?
Oh, certainement ! Je suis sur la pelouse du palais ducal, et non plus dans vos écuries, où vous m’avez fait traiter beaucoup moins bien que vos chevaux ; car, non seulement ils sont mieux nourris que moi, mais encore ils ont des écuyers bien payés qui les dressent aux allures du manège ; tandis que moi, je n’ai acquis sous votre tutelle que de la croissance, avantage que vos troupeaux partagent avec moi. Vous m’avez fait manger avec les derniers de vos valets, espérant étouffer la noblesse de mes instincts… (Il se lève sur place.) Mais sachez que je porte en moi la fierté de mon père, et que je la sens aujourd’hui se révolter contre la servitude !
Fort bien ! Savez-vous, monsieur, à qui vous parlez ?
Beaucoup mieux, monsieur, que vous ne savez qui je suis. La coutume des nations vous accorde, par courtoisie, la supériorité sur moi, parce que vous êtes le premier-né ; mais, y eût-il vingt frères entre nous, nous n’en sommes pas moins le même sang, et, en cherchant à me ravaler, vous vous dégradez vous-même !
Comment donc, jeune drôle ?… (Jacques paraît au fond à gauche et regarde, appuyé sur la palissade.)
Allons, allons, mon frère aîné ! vous êtes trop jeune pour cela ! (Il arrache un fouet que tenait Olivier, et le jette.)
Tu portes la main sur moi, vilain ! Lâche-moi !
Je ne suis point un vilain, et, pour parler ainsi du fils d’un noble père, tu mériterais…
Messieurs… messieurs… par respect pour sa mémoire !…
Je le lâcherai quand je voudrai ; il faut qu’il m’entende ; car c’est au nom de sire Roland des Bois, notre père, que je lui veux reprocher sa félonie. (À Olivier, le secouant.) Qu’as-tu fait de la somme qu’il t’avait confiée pour me donner une bonne éducation ? Tu m’as élevé comme un rustre, tant pis pour toi ! Tu as voulu m’avilir, tu m’as refusé les nobles exercices du corps et de l’esprit qui conviennent à un gentilhomme… Rends-moi ma chétive part d’héritage que retiennent tes mains sordides, et j’oublierai tes outrages ; j’irai chercher fortune ailleurs !
Eh ! qu’en feriez-vous, de votre argent ? Vous le dépenseriez en un jour, et vous iriez ensuite… mendier sur les chemins… Laissez-moi, je vous prie… vous aurez ce que vous demandez !… Lâchez-moi !
Allez ! je ne vous veux point de mal. Faites-moi libre, je ne demande rien de plus ! (Il va à droite.)
C’est bien. On y songera. Retournez à la maison. (À Adam, qui lui remet le fouet, qu’il a ramassé.) Et toi, suis-le, vieux chien.
Vieux chien ! Il est vrai que j’ai perdu mes dents à votre service ! Votre père, – Dieu ait son âme ! – ne m’eût pas dit un pareil mot !
Silence ! et que je ne vous retrouve pas ici. (Il sort par le fond, à droite, derrière l’estrade.)
Eh bien ! à présent, vous pleurez ?
JACQUES, ADAM, ROLAND.
(Jacques est en dehors de l’enceinte, il s’est appuyé sur la barrière. Roland s’est assis pensif sur les marches de l’estrade. Adam, au milieu, suit des yeux la sortie d’Olivier.)
Dites-moi, mon ami, – je suis un étranger, – cette place palissadée et garnie de bancs, c’est une arène pour quelque joute ?
Oui, monsieur… C’est ici que le fameux Charles, lutteur de Son Altesse, doit se mesurer tout à l’heure contre quiconque osera le défier. (Il salue Jacques et se rapproche de Roland.)
Le fameux Charles, dis-tu ?
Alors, ce jeune homme assis là, et cet autre qui vient de sortir par ici, sont de vigoureux rustauds adonnés à la grossière profession de lutteurs ? (Roland se lève avec vivacité.)
Ne vous faites pas connaître… si c’était quelque espion…
Je me disais bien, en effet, – quoique celui-ci… (Il désigne Roland.) ait quelque fierté dans les yeux, – que ces drôles ne faisaient qu’essayer leurs poings en attendant l’heure de se donner en spectacle aux désœuvrés de la cour.
Monsieur…
Attendez ! ce gentilhomme… Laissez-moi lui parler. (À Jacques, montrant Roland.) Il est le fils de…
Je sais ! Mais l’autre ?…
L’autre est mon frère, et si vous nous connaissez, vous savez que nous sommes de noble famille.
Vous, des nobles ? Vous, des frères ? À d’autres, mon bon ami ! Vous êtes seigneurs comme les taureaux le sont de la prairie qu’ils broutent, et frères comme le sont les loups qui se mordent sans connaître de parenté.
Monsieur, si vous n’étiez plus âgé que moi, je vous apprendrais à parler.
Et vous m’apprendriez fort mal, si vos paroles répondent à vos actions !
Qui êtes-vous, pour le prendre sur ce ton là ?
C’est…
Qui je suis ? Hélas ! un homme bien las de l’être.
Si vous avez le spleen ; ne dégoûtez pas les jeunes gens de vivre.
Tu appelles vivre ce que tu fais, pauvre fou ?
Eh ! que peuvent faire ceux que l’on opprime ?
Et pourquoi se ferait-on faute d’opprimer ceux qui, comme toi, n’ont d’autre argument à leur service que la strangulation ? Qu’espères-tu en réclamant ton patrimoine et ta liberté à un frère injuste et pillard ? Lui serrer la gorge jusqu’à lui arracher une promesse dont il se rit l’instant d’après ? violence perdue ! La lui serrer jusqu’à ce que mort s’ensuive ? violence funeste ! Entre le crime et l’abaissement, il n’y a qu’un chemin à prendre ; mais l’homme a le pied trop large et trop lourd pour y marcher, et les oiseaux du ciel ou les biches des bois ont seuls le secret de la délivrance !
Je vous entends, tout ignorant et inculte que je suis. Mais vous qui parlez de liberté, avez-vous des ailes d’oiseau ou des pieds de biche ?
Pour fuir le monde insensé, la cité perverse, l’homme a quelquefois les ailes du désir ou les pieds de la crainte ; mais, en quelque désert qu’il se réfugie, il se retrouve toujours sous le joug de son pire ennemi, qui est lui-même.
L’ami, vous avez la sagesse orgueilleuse ou la raison chagrine.
Moi sage ? Non, certes ! Les plus insensés des hommes sont ceux qui se croient raisonnables.
Monsieur, à ses discours encore plus qu’à son visage, j’ai reconnu un ami du vieux duc. Laissez-moi l’interroger et savoir s’il peut vous porter secours dans vos peines.
Fais comme tu voudras. (Il remonte vers le fond.)
Vous vous en allez ?
Oui… j’ai un projet…
Quoi donc ?
Je souhaite parler à ce fameux lutteur dont tu me parlais tout à l’heure… et dont je viens ici admirer les prouesses. (Il sort par la droite, derrière l’estrade. Adam le suit des yeux ; Jacques passe à droite.)
Monsieur, puisque c’est vous… oh ! oui, c’est bien vous… dites-moi si, à la cour de notre cher duc exilé, il y aurait place pour ce pauvre enfant que je ne verrais pas sans crainte rentrer à la maison, après la querelle de tout à l’heure ?
Mon ami, s’il te plaît d’appeler une cour l’humble compagnie du vieux duc, tu peux y conduire ton jeune maître : mais je doute qu’il s’y plaise !
Parce que ?…
Parce que…
Les princesses viennent, car voici leurs pages, éloignons-nous un peu.
Tout à l’heure, je te parlerai ; j’ai à parler d’abord à l’une de ces jeunes filles.
Non, non, monsieur, le temps presse, si vous saviez… si je vous disais… Il y va, je le crains, de la vie de mon jeune maître.
Alors, viens de ce côté ! (Adam sort par le premier plan à gauche, avec Jacques ; Célia et Rosalinde viennent par la droite, derrière l’estrade.)