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Coriolan (anglais : Coriolanus) est une tragédie de William Shakespeare, créée en 1607 et publiée pour la première fois en 1623. Elle s'inspire de la vie de Coriolan, figure légendaire des débuts de la république romaine. Elle fait partie d'une série d'oeuvres dont le sujet est tiré de l'histoire romaine comme Le Viol de Lucrèce, Titus Andronicus, Jules César et Antoine et Cléopâtre. Caius Marcius Coriolanus soit Coriolan est une figure de la République romaine archaïque. Il appartient à la gens romaine patricienne des Marcii, descendants d'Ancus Marcius, quatrième roi de Rome.
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Seitenzahl: 146
Veröffentlichungsjahr: 2022
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PERSONNAGES
SCÈNE I
SCÈNE II
SCÈNE III
SCÈNE IV
SCÈNE V
SCÈNE VI
SCÈNE VII
SCÈNE VIII
SCÈNE IX
SCÈNE X
SCÈNE XI
SCÈNE XII
SCÈNE XIII
SCÈNE XIV
SCÈNE XV
SCÈNE XVI
SCÈNE XVII
SCÈNE XVIII
SCÈNE XIX
SCÈNE XXI
SCÈNE XXII
SCÈNE XXIII
SCÈNE XXIV
SCÈNE XXV
SCÈNE XXVI
SCÈNE XXVII
SCÈNE XXVIII
SCÈNE XXIX
CAIUS MARCIUS CORIOLAN, patricien romain.
TITUS LARTIUS, généraux dans la guerre contre les Volsques.
COMINIUS, généraux dans la guerre contre les Volsques.
MÉNÉNIUS AGRIPPA, ami de Coriolan.
SICINIUS VELUTUS, tribuns du peuple.
JUNIUS BRUTUS, tribuns du peuple.
LE JEUNE MARCIUS, fils de Coriolan.
UN HÉRAUT ROMAIN.
TULLUS AUFIDIUS, général des Volsques.
UN LIEUTENANT D’AUFIDIUS.
VOLUMNIE, mère de Coriolan.
VIRGILIE, femme de Coriolan.
VALÉRIE, amie de Virgilie.
UNE SUIVANTE DE VIRGILIE.
SÉNATEURS ROMAINS ET VOLSQUES, PATRICIENS, ÉDILES,
LICTEURS, SOLDATS, CITOYENS, CONJURÉS, MESSAGERS, SERVITEURS.
La scène est tantôt à Rome, tantôt à Corioles et à Antium.
[ Rome. Une rue. ]
Entre une foule de CITOYENS mutinés, armés de bâtons, de massues et d’autres armes.
PREMIER CITOYEN
Avant que nous allions plus loin, écoutez-moi.
PLUSIEURS CITOYENS, à la fois
Parlez, parlez.
PREMIER CITOYEN
Vous êtes tous résolus à mourir plutôt qu’à subir la famine ?
TOUS
Résolus, résolus.
PREMIER CITOYEN
Et d’abord vous savez que Caïus Marcius est le principal ennemi du peuple.
TOUS
Nous le savons, nous le savons.
PREMIER CITOYEN
Tuons-le, et nous aurons le blé au prix que nous voudrons. Est-ce là votre verdict ?
TOUS
Assez de paroles ! À l’œuvre. En avant, en avant !
DEUXIÈME CITOYEN
Un mot, dignes citoyens.
PREMIER CITOYEN
On nous appelle pauvres citoyens ; il n’y a de dignité que pour les patriciens. Le superflu de nos gouvernants suffirait à nous soulager. Si seulement ils nous cédaient des restes sains encore, nous pourrions nous figurer qu’ils nous secourent par humanité ; mais ils nous trouvent déjà trop coûteux. La maigreur qui nous afflige, effet de notre misère, est comme un inventaire détaillé de leur opulence ; notre détresse est profit pour eux. Vengeons-nous à coups de pique, avant de devenir des squelettes. Car, les dieux le savent, ce qui me fait parler, c’est la faim du pain et non la soif de la vengeance.
DEUXIÈME CITOYEN
Prétendez-vous agir spécialement contre Caïus Marcius ?
PLUSIEURS CITOYENS
Contre lui d’abord : il est le limier du peuple.
DEUXIÈME CITOYEN
Mais considérez-vous les services qu’il a rendus à son pays ?
PREMIER CITOYEN
Certainement, et c’est avec plaisir qu’on lui en tiendrait compte, s’il ne se payait pas lui-même en orgueil.
DEUXIÈME CITOYEN
Allons, parlez sans malveillance.
PREMIER CITOYEN
Je vous dis que ce qu’il a fait d’illustre, il l’a fait dans ce but : les gens de conscience timorée ont beau dire volontiers qu’il a tout fait pour son pays, il a tout fait pour plaire à sa mère et pour servir son orgueil qui, certes, est à la hauteur de son mérite !
DEUXIÈME CITOYEN
Vous lui faites un crime d’une irrémédiable disposition de nature. Du moins vous ne pouvez pas dire qu’il est cupide.
PREMIER CITOYEN
Si je ne le puis, je ne suis pas pour cela à court d’accusations. Il a plus de vices qu’il n’en faut pour lasser les récriminations.
Cris au loin.
Quels sont ces cris ? L’autre côté de la ville est en mouvement. Pourquoi restons-nous ici à bavarder ? Au Capitole !
TOUS
Allons, allons !
PREMIER CITOYEN
Doucement !… Qui vient là ?
Entre MÉNÉNIUS AGRIPPA.
DEUXIÈME CITOYEN
Le digne Ménénius Agrippa ! En voilà un qui a toujours aimé le peuple.
PREMIER CITOYEN
Il est assez honnête. Si tous les autres étaient comme lui !
MÉNÉNIUS
– Que voulez-vous donc faire, mes concitoyens ? Où allez-vous – avec des bâtons et des massues ? Qu’y a-t-il ? Parlez, je vous prie. –
DEUXIÈME CITOYEN
Notre projet n’est pas ignoré des sénateurs : depuis quinze jours ils ont eu vent de nos intentions, nous allons les leur signifier par des actes. Ils disent que les pauvres solliciteurs ont la voix forte : ils sauront que nous avons aussi le bras fort.
MÉNÉNIUS
– Quoi ! mes maîtres, mes bons amis, mes honnêtes voisins, – vous voulez donc votre ruine ! –
DEUXIÈME CITOYEN
C’est impossible, monsieur : nous sommes déjà ruinés.
MÉNÉNIUS
– Amis, croyez-moi, les patriciens ont pour vous – la plus charitable sollicitude. Pour vos besoins, – pour vos souffrances au milieu de cette disette, autant vaudrait frapper – le ciel de vos bâtons que les lever – contre le gouvernement romain : il poursuivra – sa course en broyant dix mille freins – plus solides que celui que vous pourrez jamais – vraisemblablement lui opposer. Quant à la disette, – ce ne sont pas les patriciens, ce sont les dieux qui la font ; et près – d’eux vos genoux vous serviront mieux que vos bras. Hélas ! – vous êtes entraînés par la calamité – à une calamité plus grande. Vous calomniez – les nautoniers de l’État : ils veillent sur vous en pères, – et vous les maudissez comme des ennemis ! –
DEUXIÈME CITOYEN
Eux, veiller sur nous !… Oui, vraiment !… Ils n’ont jamais veillé sur nous. Ils nous laissent mourir de faim, quand leurs magasins regorgent de grain, font des édits en faveur de l’usure pour soutenir les usuriers, rappellent chaque jour quelque acte salutaire établi contre les riches, et promulguent des statuts chaque jour plus vexatoires pour enchaîner et opprimer le pauvre ! Si les guerres ne nous dévorent, ce seront eux ; et voilà tout l’amour qu’ils nous portent !
MÉNÉNIUS
– De deux choses l’une : – ne vous défendez pas d’une étrange malveillance, – ou laissez-vous accuser de folie. Je vais vous conter – une jolie fable ; il se peut que vous l’ayez déjà entendue. – Mais, comme elle sert à mes fins, je me risquerai – à la débiter encore.
DEUXIÈME CITOYEN
Soit ! je l’entendrai, monsieur ; mais ne croyez pas leurrer notre misère avec une fable. N’importe ! si ça vous plaît, narrez toujours.
MÉNÉNIUS
– Un jour, tous les membres du corps humain – se mutinèrent contre le ventre, l’accusant et se plaignant – de ce que lui seul il demeurait – au milieu du corps, paresseux et inactif, – absorbant comme un gouffre la nourriture, sans jamais porter – sa part du labeur commun, là où tous les autres organes – s’occupaient de voir, d’entendre, de penser, de diriger, de marcher, de sentir – et de subvenir, par leur mutuel concours, – aux appétits et aux désirs communs – du corps entier. Le ventre répondit…
DEUXIÈME CITOYEN
– Voyons, monsieur, quelle réponse fit le ventre ?
MÉNÉNIUS
– Je vais vous le dire, monsieur. Avec une espèce de sourire – qui ne venait pas de la rate, mais de certaine région – (car, après tout, je puis aussi bien faire sourire le ventre – que le faire parler), il répondit dédaigneusement – aux membres mécontents, à ces mutins – qui se récriaient contre ses accaparements, exactement – comme vous récriminez contre nos sénateurs parce qu’ils – ne sont pas traités comme vous…
DEUXIÈME CITOYEN
Voyons la réponse du ventre… Quoi ! – si la tête portant couronne royale, l’œil vigilant, – le cœur, notre conseiller, le bras, notre soldat, – le pied, notre coursier, notre trompette, la langue, – et tant d’autres menus auxiliaires qui défendent – notre constitution, si tous…
MÉNÉNIUS
Eh bien, après ? – Ce gaillard-là veut-il pas me couper la parole ! Eh bien, après ? eh bien, après ?
DEUXIÈME CITOYEN
– Si tous étaient molestés par le ventre vorace – qui est la sentine du corps…
MÉNÉNIUS
Eh bien, après ?
DEUXIÈME CITOYEN
– Si tous ces organes se plaignaient, – que pouvait répondre le ventre ?
MÉNÉNIUS
Je vais vous le dire. – Si vous voulez m’accorder un peu de ce que vous n’avez guère, – un moment de patience, vous allez entendre la réponse du ventre.
DEUXIÈME CITOYEN
– Vous mettez le temps à la dire !
MÉNÉNIUS
Notez bien ceci, l’ami ! – Votre ventre, toujours fort grave, gardant son calme, – sans s’emporter comme ses accusateurs, répondit ainsi : – Il est bien vrai, mes chers conjoints, – que je reçois le premier toute la nourriture – qui vous fait vivre ; et c’est chose juste, – puisque je suis le grenier et le magasin – du corps entier. Mais, si vous vous souvenez, – je renvoie tout par les rivières du sang, – jusqu’au palais du cœur, jusqu’au trône de la raison ; – et, grâce aux conduits sinueux du corps humain, – les nerfs les plus forts et les moindres veines – reçoivent de moi ce simple nécessaire – qui les fait vivre. Et, bien que tous à la fois, – mes bons amis… C’est le ventre qui parle, remarquez bien.
DEUXIÈME CITOYEN
Oui, monsieur. Parfaitement, parfaitement !
MÉNÉNIUS
Bien que tous à la fois vous ne puissiez – voir ce que je fournis à chacun de vous, – je puis vous prouver, par un compte rigoureux, que – je vous transmets toute la farine – et ne garde pour moi que le son. Qu’en dites-vous ?
DEUXIÈME CITOYEN
– C’était une réponse. Quelle application en faites-vous ?
MÉNÉNIUS
– Le sénat de Rome est cet excellent ventre, – et vous êtes les membres révoltés. Car, ses conseils et ses mesures – étant bien examinés, les affaires étant dûment digérées – dans l’intérêt de la chose publique, vous reconnaîtrez – que les bienfaits généraux que vous recueillez – procèdent ou viennent de lui, – et nullement de vous-mêmes… Qu’en pensez-vous, – vous le gros orteil de cette assemblée ?
DEUXIÈME CITOYEN
– Moi, le gros orteil ! Pourquoi le gros orteil ?
MÉNÉNIUS
– Parce qu’étant l’un des plus infimes, des plus bas, des plus pauvres – de cette édifiante rébellion, tu marches le premier. – Mâtin de la plus triste race, tu cours, – en avant de la meute dans l’espoir de quelques reliefs. – Allons, préparez vos massues et vos bâtons les plus raides. Rome est sur le point de se battre avec ses rats. – Il faut qu’un des deux partis succombe… Salut, noble Marcius !
Entre CAÏUS MARCUS.
MARCUS
– Merci.
Aux citoyens.
De quoi s’agit-il, factieux vils – qui, à force de gratter la triste vanité qui vous démange, – avez fait de vous des galeux ?
DEUXIÈME CITOYEN
Nous n’avons jamais de vous que de bonnes paroles.
MARCIUS
– Celui qui l’accorderait une bonne parole serait un flatteur – au-dessous du dégoût… Que vous faut-il, aboyeurs, – à qui ne conviennent ni la paix ni la guerre ? L’une vous épouvante, – l’autre vous rend insolents. Celui qui compte sur vous – trouve, le moment venu, au lieu de lions, des lièvres, – au lieu de renards, des oies. Non, vous n’êtes pas plus sûrs – qu’un tison ardent sur la glace, – qu’un grêlon au soleil. Votre vertu consiste – à exalter celui que ses fautes ont abattu, – et à maudire la justice qui l’a frappé. Qui mérite la gloire – mérite votre haine, et vos affections sont – les appétits d’un malade qui désire surtout – ce qui peut augmenter son mal. S’appuyer – sur votre faveur, c’est nager avec des nageoires de plomb – et vouloir abattre un chêne avec un roseau. Se fier à vous ! Plutôt vous pendre ! – À chaque minute vous changez d’idée : – vous trouvez noble celui que vous haïssiez tout à l’heure, – infâme celui que vous couronniez. Qu’y a-t-il ? – Pourquoi, dans les divers quartiers de la cité, – criez-vous ainsi contre ce noble sénat qui, – sous l’égide des dieux, vous lient en respect et empêche – que vous ne vous dévoriez les uns les autres ?
À MÉNÉNIUS.
Que réclament-ils ?
MÉNÉNIUS
– Du blé au prix qui leur plaît : ils disent – que la ville en regorge.
MARCIUS
Les pendards ! ils parlent ! – Assis au coin du feu, ils prétendent juger – ce qui se fait au Capitole, qui a chance d’élévation, – qui prospère et qui décline, épousent telle faction, forment – des alliances conjecturales, fortifient leur parti, – et ravalent celui qu’ils n’aiment pas – au-dessous de leurs savates ! Ils disent que le blé ne manque pas ! – Ah ! si la noblesse mettait de côté ses scrupules – et me laissait tirer l’épée, je ferais – de ces milliers de manants une hécatombe de cadavres aussi haute – que ma lance !
MÉNÉNIUS
Ma foi, je crois ceux-ci presque complètement persuadés : – car, si ample que soit leur manque de sagesse, – ils sont d’une couardise démesurée. Mais, je vous prie, – que dit l’autre attroupement ?
MARCIUS
Il s’est dispersé. Ah ! les pendards ! – Ils disaient qu’ils étaient affamés, soupiraient des maximes, – que… la faim brise les murs de pierre, qu’il faut que les chiens mangent, – que… la nourriture est faite pour toutes les bouches ; que… les dieux n’ont pas envoyé – le blé pour les riches seulement… C’est en centons de cette sorte – qu’ils ont éventé leurs plaintes ; on leur a répondu – en leur accordant leur requête, étrange requête, – capable de frapper au cœur la noblesse, – et de faire pâlir le pouvoir le plus hardi ! Alors ils ont jeté leurs bonnets – en l’air comme pour les accrocher aux cornes de la lune, – et ont exhalé leur animosité en acclamations.
MÉNÉNIUS
Que leur a-t-on accordé ?
MARCIUS
– Cinq tribuns de leur choix pour défendre leur vulgaire politique : – ils ont élu Junius Brutus, – Sicinius Velutus, et je ne sais qui. Sangdieu ! – la canaille aurait démantelé la ville, – avant d’obtenir cela de moi. Cette concession – entamera peu à peu le pouvoir et fournira un thème de plus en plus fort – aux arguments de l’insurrection.
MÉNÉNIUS
C’est étrange.
MARCIUS, à la foule
– Allons, retournez chez vous, racaille.
Entre un MESSAGER.
LE MESSAGER
– Où est Caïus Marcius ?
MARCIUS
Ici. De quoi s’agit-il ?
LE MESSAGER
– La nouvelle, monsieur, c’est que les Volsques ont pris les armes.
MARCIUS
– J’en suis bien aise : nous allons avoir le moyen de dégorger – un superflu fétide… Voici l’élite de nos anciens.
Entrent COMINIUS, TITUS LARTIUS, vieillard en cheveux blancs, et d’autres SÉNATEURS ; puis JUNIUS BRUTUS et SICINIUS VELUTUS.
PREMIER SÉNATEUR
– Marcius, vous nous avez dit vrai : – les Volsques ont pris les armes.
MARCIUS
Ils ont un chef, – Tullus Aufidius, qui vous donnera de la besogne. – J’ai la faiblesse d’être jaloux de sa vaillance : – et si je n’étais moi, – c’est lui que je voudrais être.
COMINIUS
Vous vous êtes déjà mesurés.
MARCIUS
– Quand la moitié du monde serait aux prises avec l’autre, et quand il – serait de mon parti, je passerais à l’ennemi, rien que pour faire – la guerre contre lui : c’est un lion – que je suis fier de relancer.
PREMIER SÉNATEUR
Eh bien, digne Marcius, – accompagnez Cominius dans cette guerre.
COMINIUS, à Marcius
– C’est une promesse déjà faite.
MARCIUS
Oui, monsieur, – et je la tiendrai… Titus Lartius, tu – vas me voir encore une fois attaquer Tullus en face. – Quoi, serais-tu perclus ! Te récuserais-tu ?
TITUS
Non, Caïus Marcius, – je m’appuierai sur une béquille et je combattrai avec l’autre – plutôt que de renoncer à cette lutte.
MÉNÉNIUS
Ô vrai preux !
PREMIER SÉNATEUR
– Accompagnez-nous jusqu’au Capitole où je sais – que nos meilleurs amis nous attendent.
TITUS, au premier sénateur
Ouvrez la marche ; – suivez, Cominius, et nous autres nous viendrons après… – À vous le pas.
COMINIUS
Noble Lartius !
PREMIER SÉNATEUR, à la foule
– En route ! À vos logis ! partez.
MARCIUS
Non, qu’ils nous suivent ! – Les Volsques ont beaucoup de blé ; emmenons ces rats – pour ronger leurs provisions… Respectables mutins, – votre valeur donne de beaux fruits. De grâce, suivez-nous.
Sortent les sénateurs, Cominius, Titus Lartius, Marcius et Ménénius. Les citoyens se dispersent.
SICINIUS
– Vit-on jamais un homme aussi arrogant que ce Marcius ?
BRUTUS
Il n’a pas d’égal.
SICINIUS
– Quand nous avons été élus tribuns du peuple…
BRUTUS
– Avez-vous remarqué ses lèvres et ses yeux ?
SICINIUS
Non, mais ses sarcasmes.
BRUTUS
– Une fois emporté, il n’hésiterait pas à narguer les dieux !
SICINICS
– À bafouer la chaste lune !
BRUTUS
– La guerre le dévore ! il devient – trop fier de sa vaillance.
SICINIUS
Sa nature, – chatouillée par le succès, dédaigne jusqu’à l’ombre – qu’il foule en plein midi. Mais je m’étonne que – son insolence daigne se laisser commander – par Cominius.
BRUTUS
La renommée à laquelle il vise – et dont il est déjà paré ne saurait – s’acquérir et se conserver plus aisément – qu’au second rang. Car le moindre revers – passera pour être la faute du général, celui-ci eût-il accompli – tout ce qui est possible à un homme, et la censure étourdie – s’écriera alors : Oh ! si Marcius – avait conduit l’affaire !
SICINIUS
Et puis, si les choses vont bien, – l’opinion, qui est si entichée de Marcius, en – ravira tout le mérite à Cominius.
BRUTUS
Bref, – la moitié de la gloire de Cominius sera pour Marcius, – Marcius n’en fût-il pas digne, et toutes ses fautes – seront à la gloire de Marcius, ne l’eût-il – en rien mérité.
SICINIUS
Allons savoir – comment l’expédition s’effectue, et quelles forces, – outre son énergie personnelle, l’assisteront – dans cette campagne.
BRUTUS
Ils sortent.
Allons !
[ Corioles. Le sénat. ]
Entrent TULLUS AUFIDIUS et les SÉNATEURS.
PREMIER SÉNATEUR
Ainsi, Aufidius, votre opinion est – que ceux de Rome ont pénétré nos conseils, – et connaissent nos menées.
AUFIDIUS
N’est-ce pas votre avis ? – Quel projet a jamais été médité dans cet État – et mis matériellement à exécution avant que Rome – en eût été prévenue ? Il y a quatre jours à peine – que j’ai eu des nouvelles de là ; voici les paroles même : je crois – que j’ai la lettre ici ; oui, la voici !
Il lit.
« Ils ont levé des forces, mais on ne sait – si c’est pour l’est ou pour l’ouest. La disette est grande, – le peuple révolté. Le bruit court – que Cominius, Marcius, votre vieil ennemi, – plus haï de Rome que de vous, et Titus Lartius, un Romain très vaillant, – doivent tous trois diriger cette expédition – vers son but, très probablement contre vous. – Prenez-y garde. »
PREMIER SÉNATEUR
Notre armée est en campagne : – nous n’avons jamais douté que Rome ne fût prête – à nous tenir tête.
AUFIDIUS
Et vous avez cru sage – de tenir cachés vos grands desseins jusqu’au moment – où ils devront se révéler d’eux-mêmes ; mais il semble qu’avant d’éclore – ils aient été connus de Rome. Leur découverte – va circonscrire notre plan qui était – de surprendre plusieurs villes, avant même que Rome – sût que nous étions sur pied.
DEUXIÈME SÉNATEUR
Noble Aufidius, – prenez votre commission, courez à vos troupes, – et laissez-nous seuls garder Corioles. – S’ils viennent camper sous nos murs, amenez votre armée – pour les chasser ; mais vous reconnaîtrez, je crois, – que leurs préparatifs n’étaient pas contre nous.
AUFIDIUS
Oh ! n’en doutez pas ; – je parle sur des certitudes. Il y a plus : – quelques détachements de leurs forces sont déjà en marche, – et tout droit sur Corioles. Je laisse Vos Seigneuries. – Si nous venons à nous rencontrer, Caïus Marcius et moi, – nous nous sommes juré de ne cesser le combat – que quand l’un des deux ne pourrait plus agir.
TOUS LES SÉNATEURS
Que les dieux vous assistent !
AUFIDIUS
– Et gardent vos Seigneuries !
PREMIER SÉNATEUR
Adieu.
DEUXIÈME SÉNATEUR
Adieu.
TOUS
Adieu.
Ils sortent.
[ Rome. Dans la maison de Volumnie. ]
Entrent VOLUMNIE et VIRGILIE ; elles s’assoient sur deux petits tabourets et cousent.
VOLUMNIE