Dernières nouvelles de Montaubout - Thierry Moral - E-Book

Dernières nouvelles de Montaubout E-Book

Thierry Moral

0,0

Beschreibung

Mythe, légende, rumeur ? Non, la République Indépendante et Autonome de Montaubout existe bien, quelque part en Afrique. Les lecteurs sceptiques trouveront ici les réponses à toutes leurs questions et surtout à celles qu’ils ne se sont jamais posées. Comment une telle utopie absurdo-politique a-t-elle pu voir le jour ? Tout simplement en s’ouvrant à tout et n’importe quoi et en accueillant tout le monde, sans tri sélectif. Attention, chacun des propos tenus dans cet ouvrage s’appuie sur des études scientifiques sérieuses (établies par le Professeur Tout-de-Biais, lui-même) et sur des faits réels, dont les témoins ont souhaité garder l’anonymat. Si après cette lecture, les incrédules demeurent perplexes, il ne vous reste plus qu’une chose à faire. Rendez-vous à Montaubout !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Conteur, comédien et auteur, Thierry Moral a publié une vingtaine d’ouvrages chez différents éditeurs (Lys Bleu, Spinelle, IS Édition, Lunatique, Téètras Magic…) dans différents registres (poésie, nouvelle, théâtre, albums jeunesse). Son domaine de prédilection reste le roman social, mais rester dans une seule case ne semble pas vraiment lui convenir. Pour en savoir plus : www.thierrymoral.fr

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 75

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



 

 

Thierry Moral

DERNIÈRES NOUVELLES DE MONTAUBOUT

 

Note à l’attention des lecteurs

Le Montauboutois étant une langue qui est par définition exclusivement orale, sa transcription écrite contient nécessairement des fautes de syntaxes ou bien des règles de ponctuations peu courantes. Aussi, afin de vous immerger au mieux dans cet univers linguistique, je vous invite à lire ces nouvelles à voix haute, en vous assurant de l’accord préalable des personnes se trouvant à vos côtés.

 

Professeur Tout-de-Biais

 

Itinéraire d’un courrier égaré

Bob Marlou, la cabine au coin du lac, hiver 2017, Montaubout.

Certaines adresses griffonnées sur des enveloppes blanches mériteraient une place au panthéon des perles administratives. Avant d’incriminer cette pauvre personne ayant gribouillé un tel charabia, il convient de comprendre – ou du moins d’essayer de comprendre – comment tout ceci a-t-il pu arriver ?

Tout d’abord, il est important d’évoquer le premier grief, la première bévue, l’impair originel : côtoyer un habitant de la République Indépendante et Autonome de Montaubout. Cette personne ne l’a pas nécessairement rencontré sur place et d’ailleurs, cette adresse lui a sans doute été communiquée lors d’une conversation téléphonique hachée, faute de réseau. En définitive, ce n’est pas forcément la faute de l’expéditeur.

Ensuite, vient la question de l’objet de la missive, qui peut bien entendu être sujet à caution. En effet, si le malheureux messager se contente d’envoyer une carte postale contenant au recto un laconique message du genre : « Comment ça va ? Nous, on s’éclate en Bretagne ! » et au verso un photomontage exhibant des vaches affublées de coiffes bretonnes, chevauchées par des dames en bikini à forte poitrine ; la question de l’utilité de la correspondance devient nettement plus douteuse. Pour tout avis de décès, faire-part de naissance, de mariage, demande de divorce, convocation au tribunal, avis de recouvrement ou offre promotionnelle pour une nouvelle paire de lunettes, la question de l’utilité devient bien plus sérieuse.

Maintenant que l’affaire du pourquoi est à peu près résolue, car de toute façon aucun employé des postes ne pourrait décemment ouvrir un courrier afin d’en vérifier sa pertinence ; le temps est venu de se pencher sur le cas de ce pauvre (au sens figuré) employé des postes chargé de convoyer cette enveloppe. Dans un premier temps, le brave homme entre l’adresse dans l’ordinateur, telle qu’il peut la déchiffrer et la comprendre, en pestant sur le fait que ce fainéant de messager a oublié le code postal ! Ne trouvant aucun patelin de ce nom, il lance la recherche – telle une bouteille à la mer – dans l’océan du courrier international. À cet instant précis, il faut savoir qu’une simple mention (Afrique) ou même (A) aurait pu aider, voire sauver le vaillant fonctionnaire ! Celle-ci s’annonçant veine – au vu de la lenteur de moulinage de l’ordinateur connecté sur le réseau interne – l’employé glisse avec sa chaise à roulettes vers le poste de son collègue qui est en pause-café pour une durée indéterminée. Le chercheur dilettante se connecte à son moteur de recherche favori sur internet, entre le patronyme de l’État, et découvre un univers insoupçonné…

En effet, les premiers articles apparaissant au sujet de Montaubout peuvent surprendre, même faire penser que cette nation est un pur et simple canular administratif. Néanmoins, lorsque l’on pousse un peu plus loin sur le chemin virtuel, de clicks en clicks, on constate que contre toute attente, Montaubout existe réellement ! Notre serviable fonctionnaire se retrouve par conséquent dans l’obligation de suivre la procédure habituelle – pour les cas qui sortent du commun – en notant ce qu’il peut dans le but d’aider le confrère africain, tout en vérifiant bien entendu que l’affranchissement collé sur le pli soit réglementaire.

 

Les choses pourraient s’arrêter là, mais la curiosité – qualité ou défaut, allez savoir – ne saurait s’en satisfaire. De retour à son domicile, le postier repart donc à la pêche aux informations sur cette bien mystérieuse nation. En bon employé de la fonction publique cumulant trente ans d’expériences au compteur, notre héros anonyme tombe sur un cas d’école hors du commun. Certes, cette nation est bel et bien légale et réelle, néanmoins, la petitesse de sa superficie et surtout le manque d’organisation administrative de cette dernière, font de ce pays une véritable cour des miracles.

Étant donné que rien n’est fait dans les règles dans cette République, et que tout le monde se fiche de ce minuscule lopin de terre habité par une tripotée d’illuminés ; il y règne une joyeuse anarchie participative, fondamentalement positive. Sous couvert de théories antisystème, cette zone fait fi de tous les usages normalisés de la communauté internationale. Par ailleurs, certains expatriés ayant des comptes à régler – ou des casseroles aux fesses – ici ou ailleurs ; ont justement migré à Montaubout pour se retrouver dans une zone franche et libre. L’Eldorado n’est donc plus la Suisse, la Belgique ou la Russie, mais bel et bien Montaubout.

Les affaires fiscales ou judiciaires semblent toutes s’embourber dans une voie sans issue à Montaubout. Et pour cause, l’autre grande surprise de ce petit pays, est que cet état ne s’encombre aucunement avec la notion de sédentarité. Les différentes « jurisprudences » trouvées à ce sujet, font mention du fait que comme les gens bougent souvent à Montaubout, leur adresse est par conséquent toujours accompagnée d’une indication temporelle type « ad aeternam », ou « pour le moment », ou encore « été 2014, après on verra… ». Notre postier comprend donc mieux dès à présent la mention « hiver 2017 » notée sur l’enveloppe, qui n’a rien à voir avec le catalogue de prêt à porter favori de sa femme. Ravi d’avoir solutionné ce problème, le quidam se félicite d’avoir déniché une nouvelle bizarrerie administrative. Il s’accorde donc le droit de s’offrir une bonne bière belge bien fraîche, sortant tout droit du frigo. Le pchitt du décapsuleur le fait saliver. Il verse le liquide ambré dans son verre 33 cl de circonstance. Tout en regardant la mousse se tasser, une réflexion vient soudainement troubler sa quiétude : « Le postier de Montaubout a-t-il un vélo électrique ? »

Registre de naissance

Fanny Braillard, née le 26 décembre 1999 à Montaubout. L’agent de police lit les papiers de la conductrice de la clio mauve affublée d’un A rouge sur fond blanc, qu’il vient de faire mettre sur le côté. Il hausse les sourcils broussailleux d’un air sceptique.

– C’est où, Montaubout ?

– En Afrique.

Le policier regarde de haut en bas la petite blondinette filiforme ultra-stressée par ce contrôle routier éclairé à la lampe torche.

– Vous n’avez pas l’air très africaine.

– Je suis française, mais née à Montaubout.

L’agent attend, histoire de faire monter la pression, puis ouvre la bouche avant que la peau de la gamine n’atteigne le rouge écarlate ou blanc immaculé.

– Vous savez pourquoi je vous ai arrêtée ?

– Non.

– Et la priorité à droite, ça ne vous dit rien ?

– Où ?

– Juste là !

Il montre la rue en pliant le coude et le pouce en arrière. Fanny tend son cou de girafe en se hissant sur ses hauts talons.

– Désolée, c’est que je suis pressée…

– Et si une voiture était arrivée au même moment, pressée elle aussi, ça aurait donné quoi ?

La jeune adulte écarquille les yeux. Le policier claque vivement des mains sans prévenir.

– BOUM ! Voilà ce que ça aurait fait !

– Je suis désolée… S’il vous plaît, ne me retirez pas mon permis, sinon ma mère va me tuer.

– Votre mère est une meurtrière ?

– Non, non, mais…

– Ça va, je vous charrie.

Fanny souffle de soulagement.

– Donc, je peux partir ?

– Oui, mais promettez-moi de faire attention aux priorités à droite, à l’avenir !

– Promis !

Elle ouvre vivement sa porte et s’installe au volant. Le policier se penche à sa fenêtre, regarde encore une fois ses papiers, puis fronce les sourcils.

– Par contre, vos papiers ne m’ont pas l’air en règle.

– Quoi ?

– Montaubout, c’est pas un pays.

– Si. C’est un pays d’Afrique.

– Mais où en Afrique ?

La blondinette soupire, le sujet doit manifestement souvent lui poser problème.

– C’est-à-dire, que là, je suis pressée…

– Oh mademoiselle, je ne voudrais pas vous retenir, mais si vous ne m’expliquez pas clairement, je vais devoir prendre vos papiers afin d’aller vérifier tout cela au poste avec vous, donc immobiliser le véhicule…

– Non, non, s’il vous plaît, si j’arrive en retard ce soir, ma mère va me…

– Tuer, encore ?

Elle sourit, puis débite à vitesse grand V son discours qu’elle connaît par coeur.

– Mon père est grand reporter et ma mère travaille dans l’humanitaire. Quelque temps avant ma naissance, mon papa a été appelé pour un reportage qu’il ne pouvait pas refuser. Ma maman l’a suivi et forcément, ça a duré plus longtemps que prévu, donc je suis née là-bas.

– C’est bien beau votre histoire, mais c’est où, Montaubout ?

– Au Togo.

– Mais le Togo, c’est un pays ! Ne me prenez pas pour un imbécile, ma belle-fille vient du Bénin, alors je connais un peu l’Afrique et Montaubout, connais pas !

– C’est normal, c’est une République Indépendante et Autonome.

– Au Togo ?

– Oui, disons que sur un petit terrain qui va du pied du mont Kplime (au Togo) jusqu’à quelques kilomètres en bordure du Ghana, des gens ont créé un État : la République Indépendante et Autonome de Montobout.

– Un État ? Et c’est légal, ça ?