Des vers - Guy de Maupassant - E-Book

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Guy de Maupassant

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Beschreibung

Si Maupassant est, tel qu'il se définit, l'écrivain qui a " ramené en France le goût violent du conte et de la nouvelle ", on ignore trop souvent qu'il a consacré environ dix années de sa vie à la poésie (1869-1880), soit autant qu'à la prose. Sa mère, Laure de Maupassant, avait espéré que son fils réussirait là où Alfred Le Poittevin, l'oncle maternel de Guy, n'avait pas eu le temps d'exprimer tout son génie. De ses nombreux écrits de jeunesse, Maupassant n'a pourtant tiré la matière que d'un seul et unique volume : Des Vers (1880). A la sortie de ce dernier, la critique a salué le " poète de race à l'écriture mâle ". Il aurait même pu ouvrir la voie à une poésie nouvelle, comme le pensait Zola, si le succès inattendu de Boule de suif ne l'avait orienté vers un autre genre, la prose. Cette première édition critique, avec des notices et le relevé des variantes, permet de relire Des Vers et de découvrir des pages oubliées, pour certaines inédites, regroupées sous une section " Autres poèmes ". Depuis les poèmes imités des auteurs à la mode jusqu'aux productions originales de la veine érotique ou naturaliste, en passant par les vers philosophiques, c'est tout un itinéraire poétique qui se trouve ici retranscrit pour la première fois. Ce volume contient : Des Vers (1880) ; Autres poèmes (1863-1889).

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Seitenzahl: 81

Veröffentlichungsjahr: 2018

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Des vers

Pages de titreGustave FlaubertLe murUn coup de soleilTerreurUne conquêteNuit de neigeEnvoi d’amour dans le Jardin des TuileriesAu bord de l’eauLes oies sauvagesDécouverteL’oiseleurL’aïeulDésirsLa dernière escapadePromenade à seize ansSommation sans respectLa chanson du Rayon de LuneFin d’amourPropos des ruesVénus rustiquePage de copyright

Guy de Maupassant

Des vers

Gustave Flaubert

à l’illustre et paternel ami

que j’aime de toute ma tendresse,

à l’irréprochable maître

que j’admire avant tous.

Depuis que ce livre a paru (il y a un mois à peine, le merveilleux écrivain à qui il était dédié, Gustave Flaubert, est mort.

Je ne veux point ici parler de cet homme de génie que j’aimai si ardemment, que j’admire avec passion, et dont je dirai plus tard la vie quotidienne, et la pensée familière, et le cœur exquis, et l’admirable grandeur.

Mais, en tête de la nouvelle édition de ce volume dont la dédicace l’a fait pleurer, m’écrivait-il, car il m’aimait aussi, je veux reproduire la superbe lettre qu’il m’adressa pour défendre un de mes poèmes : « Au bord de l’eau » contre le parquet d’Étampes qui m’attaquait.

Je fais cela comme un suprême hommage à ce Mort qui a emporté assurément la plus vive tendresse que j’aurai pour un homme, la plus grande admiration que je vouerai à un écrivain, la vénération la plus absolue que m’inspirera jamais un être quel qu’il soit.

Et, par là, je place encore une fois mon livre sous sa protection qui m’a déjà couvert, quand il vivait, comme un bouclier magique contre lequel n’ont point osé frapper les arrêts des magistrats.

Paris, le 1erjuin 1880.

Guy de Maupassant.

Croisset, le 19 février 1880.

Mon cher bonhomme,

C’est donc vrai ? J’avais cru d’abord àune farce !Mais non, je m’incline.

Eh bien, ils sont délicieux à Étampes ! Allons-nous relever de tous les tribunaux du territoire français, les colonies y comprises ? Et comment se fait-il qu’une pièce de vers, insérée autrefois à Paris dans un journal qui n’existe plus, soit criminelle du moment qu’elle est reproduite par un journal de province ? À quoi sommes-nous obligés maintenant ? Que faut-il écrire ? Dans quelle Béotie vivons-nous !

« Prévenu pour outrages aux mœursetà la morale publique » : deux synonymes, formant deux chefs d’accusation. Moi, j’avais à mon compte un troisième chef, un troisième outrage « età la morale religieuse », quand j’ai comparu devant la 8echambre avec maBovary :procès qui m’a fait une réclame gigantesque, à laquelle j’attribue les deux tiers de mon succès.

Bref, je n’y comprends goutte ! Es-tu la victime détournée de quelque vengeance ? Il y a du louche là-dessous. Veulent-ils démonétiser la République ? Oui, peut-être !

Qu’on vous poursuive pour un article politique, soit ; bien que je défie tous les tribunaux de me prouver à quoi jamais cela ait servi ! Mais pour de la littérature, pour des vers, hon ! C’est trop fort !

Ils vont te répondre que ta poésie a des « tendances » obscènes. Avec la théorie des tendances on va loin, et il faudrait s’entendre sur cette question : « La moralité dans l’art. » Ce qui est beau est moral ; voilà tout, selon moi. La poésie, comme le soleil, met de l’or sur le fumier. Tant pis pour ceux qui ne le voient pas.

Tu as traité un lieu commun parfaitement ; donc tu mérites des éloges, loin de mériter l’amende ou la prison. « Tout l’esprit d’un auteur, a dit La Bruyère, consiste à bien définir et à bien peindre. » Tu as bien défini et bien peint. Que veut-on de plus ?

Mais « le sujet », objectera Prudhomme, le sujet, Monsieur ? Deux amants, une lessivière, le bord de l’eau ! Il fallait traiter cela plus délicatement, plus finement, stigmatiser en passant avec une pointe d’élégance et faire intervenir à la fin unvénérable ecclésiastiqueou unbon docteur, débitant une conférence sur les dangers de l’amour. En un mot, votre histoire pousse à « la conjonction des sexes. »

« D’abord ça n’y pousse pas ! Et quand cela serait, où donc est le crime de prêcher le culte de la femme ? Mais je ne prêche rien. Mes pauvres amants ne commettent même pas un adultère ! Ils sont libres l’un et l’autre, sans engagement envers personne. » – Ah ! tu auras beau te débattre,le grand parti de l’ordretrouvera des arguments. Résigne-toi.

Dénonce-lui (afin qu’il les supprime)tousles classiques grecs et romains sans exemption, depuis Aristophane jusqu’au bon Horace et au tendre Virgile ; ensuite parmi les étrangers : Shakespeare, Goethe, Byron, Cervantès ; chez nous, Rabelais « d’où découlent les lettres françaises », suivant Châteaubriand dont le chef-d’œuvre roule sur un inceste, et puis Molière, (voir la fureur de Bossuet contre lui), et le grand Corneille, sonThéodorea pour motif la prostitution, et le père Lafontaine, et Voltaire et Jean-Jacques ! Et les contes de Fées de Perrault. De quoi s’agit-il dansPeau-d’Âne ? Où se passe le quatrième acte duRoi s’amuse, etc. ? Après quoi il faudra supprimer les livres d’histoire quisouillent l’imagination.

Ah ! triples...............................................................

J’en suffoque !

Et cet excellentVoltaire, (pas le grand homme, le journal) qui l’autre jour me plaisantait sur la toquade que j’ai de croire à la haine de la Littérature ! C’est leVoltairequi se trompe, et plus que jamais je crois à l’exécration inconsciente dustyle. Quand on écrit bien, on a contre soi deux ennemis : 1° le public parce que le style le contraint à penser, l’oblige à un travail ; et 2° le gouvernement, parce qu’il sent en vous une force, et que le Pouvoir n’aime pas un autre Pouvoir.

Les gouvernements ont beau changer, Monarchie, Empire, République, peu importe !L’esthétique officiellene change pas ! De par la vertu de leur place, les administrateurs et les magistrats ont le monopole du goût (exemple : les considérants de mon acquittement). Ils savent comment ondoitécrire, leur rhétorique est infaillible, et ils possèdent les moyens de vous en convaincre.

On montait vers l’Olympe, la face inondée de rayons, le cœur plein d’espoir, aspirant au beau, au divin, à demi dans le ciel déjà ; une patte de garde-chiourme vous ravale dans l’égout ! Vous conversiez avec la muse ; on vous prend pour ceux qui corrompent les petites filles. Embaumé des ondes du Permesse, tu seras confondu avec les messieurs hantant par luxure les pissotières.

Et tu t’assoiras, mon petit, sur le banc des voleurs ; et tu entendras un particulier lire tes vers (non sans faute de prosodie), et les relire, en appuyant sur certains mots auxquels il donnera un sens perfide ; il en répétera quelques-uns plusieurs fois, tel que le citoyen Pinard, « le jarret, Messieurs, le jarret ». Et, pendant que ton avocat te fera signe de te contenir, (un mot pouvant te perdre), tu sentiras derrière toi, vaguement, toute la gendarmerie, toute l’armée, toute la force publique, pesant sur ton cerveau d’un poids incalculable. Alors il te montera au cœur une haine que tu ne soupçonnes pas, avec des projets de vengeance, de suite arrêtés par l’orgueil.

Mais, encore une fois, ce n’est pas possible ! tu ne seras pas poursuivi ! tu ne seras pas condamné ! il y a malentendu, erreur, je ne sais quoi ? Le garde des sceaux va intervenir. On n’est plus aux beaux jours de la Restauration !

Cependant, qui sait ? La terre a des limites, mais la bêtise humaine est infinie !

Je t’embrasse.

Ton vieux,

Gustave Flaubert.

Le mur

Les fenêtres étaient ouvertes. Le salon

Illuminé jetait des lueurs d’incendies,

Et de grandes clartés couraient sur le gazon.

Le parc, là-bas, semblait répondre aux mélodies

De l’orchestre, et faisait une rumeur au loin.

Tout chargé des senteurs des feuilles et du foin,

L’air tiède de la nuit, comme une molle haleine,

S’en venait caresser les épaules, mêlant

Les émanations des bois et de la plaine

À celles de la chair parfumée, et troublant

D’une oscillation la flamme des bougies.

On respirait les fleurs des champs et des cheveux.

Quelquefois, traversant les ombres élargies,

Un souffle froid, tombé du ciel criblé de feux,

Apportait jusqu’à nous comme une odeur d’étoiles.

Les femmes regardaient, assises mollement,

Muettes, l’œil noyé, de moment en moment

Les rideaux se gonfler ainsi que font des voiles ;

Et rêvaient d’un départ à travers ce ciel d’or,

Par ce grand océan d’astres. Une tendresse

Douce les oppressait, comme un besoin plus fort

D’aimer, de dire, avec une voix qui caresse,

Tous ces vagues secrets qu’un cœur peut enfermer.

La musique chantait et semblait parfumée ;

La nuit embaumant l’air en paraissait rythmée ;

Et l’on croyait entendre au loin les cerfs bramer.

Mais un frisson passa parmi les robes blanches ;

Chacun quitta sa place et l’orchestre se tut ;

Car derrière un bois noir, sur un coteau pointu,

On voyait s’élever, comme un feu dans les branches,

La lune énorme et rouge à travers les sapins.

Et puis elle surgit au faîte, toute ronde,

Et monta, solitaire, au fond des cieux lointains,

Comme une face pâle errant autour du monde.

Chacun se dispersa par les chemins ombreux

Où, sur le sable blond, ainsi qu’une eau dormante,

La lune clairsemait sa lumière charmante.

La nuit douce rendait les hommes amoureux,

Au fond de leurs regards allumant une flamme.

Et les femmes allaient, graves, le front penché,

Ayant toutes un peu de clair de lune à l’âme !

Les brises charriaient des langueurs de péché.

J’errais, et sans savoir pourquoi, le cœur en fête.

Un petit rire aigu me fit tourner la tête,

Et j’aperçus soudain la dame que j’aimais,

Hélas ! d’une façon discrète, car jamais

Elle n’avait cessé d’être à mes vœux rebelle :

« Votre bras, et faisons un tour de parc », dit-elle.

Elle était gaie et folle et se moquait de tout,

Prétendait que la lune avait l’air d’une veuve :

« Le chemin est trop long pour aller jusqu’au bout ;

« Car j’ai des souliers fins et ma toilette est neuve ;

« Retournons. » Je lui pris le bras et l’entraînai.