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Une fois les siens retrouvés et réunis, Jérémy pensait pouvoir profiter d’un moment de répit, mais la guerre ne dort jamais et le conflit entre les forces de l’Alliance de fer et les Humanistes s’envenime. Cette fois-ci, le chaos semble inévitable. Au milieu de cette atmosphère hostile, un ennemi plus redoutable encore prendra part à ce déchaînement de violence, dévoilant ainsi une vérité que jamais Jérémy n’aurait soupçonnée. Entre Humanistes, Pillards, Goules sauvages et l’Alliance de fer, le retour à une vie paisible n’est pas prêt de voir le jour…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jérémy Cohan a été membre d’un escadron spécialisé dans l’armement nucléaire au sein de l’armée de l’air. C’est de cette expérience que naît
Émergence, tome II, L'humanité redéfinie.
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Jérémy Cohan
Émergence
Tome ΙΙ
L’humanité redéfinie
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jérémy Cohan
ISBN :979-10-377-5930-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
J’ai peur que les I.A. remplacent toute l’humanité. Si quelqu’un peut créer des virus informatiques, alors un autre créera une I.A. qui peut s’améliorer et se multiplier toute seule. Ce sera ainsi une nouvelle forme de vie qui va totalement dépasser les humains…
Stephen Hawking
La vie s’éveilla doucement sur la ville de Cherbourg, la musique du bar Le Ragnarock’s s’était tue, après une nuit endiablée. Tandis que Jérémy passait en revue les nouvelles recrues de l’Alliance, Caith le regardait du haut de sa chambre, d’un air méprisant.
— Tu ne sais pas ce que tu perds… Gueule d’ange. Elle se retourna laissant tomber sa nuisette, dévoilant ses courbes avant de disparaître. Les soldats embarquèrent à bord des camions de l’ADF. Une recrue se tourna vers le capitaine tout en demandant :
— Que fait-on des corps ?
Six membres des Humanistes précédemment abattus gisaient dans les cabines. Des projections de sang avaient éclaboussé une partie du pare-brise, masquant les visages inexpressifs des UCG-H désormais criblés de balles.
— Mettez-les à l’arrière, on les ramène à la base. Toi et deux volontaires pour conduire.
Aussitôt, deux soldats s’exécutèrent en montant à bord, le moteur vrombit, ils crachèrent un épais nuage de fumée noire, laissant sur la neige une épaisse tache noire. Le convoi démarra, s’éloignant de la ville de l’Union des Civils Libre. Il profita du voyage pour faire plus ample connaissance avec les nouveaux venus. Son voisin de droite, un grand et solide gaillard du nom de Kitz engagea la conversation :
— Je m’appelle Kitz et vous ? Vous êtes notre capitaine, je présume ? dit-il en lui tendant une puissante main.
— Jérémy, enchanté. Eh oui, je suis votre capitaine. Une fois à la base vous suivrez les ordres du lieutenant Mills et passerez devant le médecin-chef.
— Capitaine, désolé de vous poser la question mais vous êtes une goule, non ?
Un silence dérangeant s’installa, tout le monde le dévisageait à présent, lui rappelant le désagréable souvenir de son recrutement… Il chassa ses sombres pensées et reprit son explication comme si de rien n’était.
— Non, j’ai été irradié lors des bombardements, j’ai également eu ce don de maîtriser les rayonnements ionisants.
— J’ai vu ça ! C’était de la folie ! Mais un instant vous avez parlé de bombardements ? Quels bombardements ?
— Ceux qui ont changé la face du monde… Je suis resté près de 40 ans dans un abri en ruine.
À présent tous les passagers buvaient ses paroles. Jérémy profita de ce moment d’attention pour leur faire une démonstration de ses talents. Il releva ses manches et concentra une charge de rayon gamma dans le creux de sa main. La sphère lumineuse flottait doucement, sa lueur illuminait l’habitacle d’un halo verdoyant. Il mit fin à la démonstration, la sphère radioactive s’estompa dans l’air.
— Et vous les gars, d’où venez-vous ? Vous n’êtes pas tous issus de la ville de l’Union ?
— Nan, capitaine, la plupart ont fui avec leurs familles.
— Fui d’où ?
— Nous vivions dans l’est avant, une bien belle ville, l’Arkandias. On n’était pas très loin d’un immense parc d’attractions : Europa-Park. Enfin, avant que les Pillards en fassent leur base.
— Une base de Pillards ? L’alliance a déjà écrasé une base plus au sud, vous auriez vu ça, une explosion nucléaire, aujourd’hui il ne reste plus rien. L’Alliance de fer ne fait pas dans la demi-mesure avec ces gens-là.
Une des recrues alluma une cigarette et ajouta :
— L’ancienne base nucléaire ? Ce n’était qu’un avant-poste des Pillards, leur reine voulait étendre leur territoire.
— Leur reine ?
— Akab… Une fille, aussi belle que mortelle… Rares sont ceux qui lui ont survécu, elle dirigeait la base principale des Pillards avec ses quatre lurons. Une base qui dépasse l’entendement, on raconte qu’elle aurait une armée d’au moins 10 000 hommes sous ses ordres.
À la lumière de ces précieuses informations, il lui fallait sans tarder prévenir sa fille et son fils de cette potentielle future menace. Une sueur froide coula le long de son échine, l’ombre de cette pensée lui glaça le sang, Akab aurait-elle pu survivre ? Non… personne ne peut survivre à une telle explosion… Le convoi dépassa le premier poste de contrôle de l’Alliance, une fine couche de neige recouvrait les barbelés, les rendant presque inoffensifs. Le lieutenant attendait les troupes de pied ferme. Dans un couinement de freins, les camions s’arrêtèrent. Les rampes arrière s’ouvrirent avec fracas, ils descendirent un à un avant de se rassembler en une section droite, alignée, parfaite. Jérémy remit son béret en place avant de saluer le lieutenant.
— Mes respects, mon capitaine.
— Lieutenant Mills, les nouvelles recrues. Vous n’aurez pas de soucis à vous faire avec ceux-là. L’Union les a bien formés, ils sont prêts pour une opération sur le terrain.
— Merci, mon capitaine, le commandant Krains a demandé à vous voir dès votre retour, elle est à l’héliport.
La neige craquait mollement sous ses rangers, un pâle soleil tentait de percer à travers un ciel couvert. L’ancien parking avait été reconverti en une place de déploiement militaire, une dizaine d’hélicoptères lourdement armés attendaient leurs pilotes respectifs, trois colonnes de cinq véhicules de l’avant blindés prenaient place dans une organisation parfaite. Quatre divisions des soldats les plus aguerris patientaient, Louise à leur tête scrutait minutieusement chaque manœuvre. D’une puissante voix elle ordonna le garde à vous. Le claquement des bottes et des mains sur les cuisses resonna dans les airs. Elle se retourna et aperçut son père.
— Capitaine ! Cap… Papa ! Elle ne pouvait s’empêcher de sourire, l’idée de mener l’opération de sa vie aux côtés de son père lui emplissait le cœur de joie.
— Louise, ma fille comment vas-tu ?
— Regarde, aujourd’hui nous affirmons notre supériorité face à l’ennemi. Nous partons au sud en direction de l’abri Bravo.
— Où ça dans le sud ?
Louise lui indiqua un repère sur la carte. Leur destination se trouvait du côté de la ville de Bordeaux, un cercle rouge entourait également une autre cible.
— Si loin que ça ? Qu’y a-t-il par là-bas ?
— Selon nos recherches, l’abri Bravo détient un agitateur de Béryllium probablement le dernier encore en état de marche. Nous partons dans une heure et je veux que tu mènes cette opération.
— Mais avons-nous besoin d’une telle puissance de feu juste pour récupérer votre truc ?
— Une de nos équipes nous est revenue en piteux état. L’abri est toujours fonctionnel depuis les bombardements et ses occupants tirent à vue.
— OK, alors allons-y. Pour l’Alliance.
— Pour l’Alliance.
Louise grimpa la première, suivie de son père. Les fusils en bandoulière, ils s’assirent au fond de la carlingue. Le bruit du rotor s’intensifia, les pales tranchaient l’air glacé dans un sifflement strident. L’énorme machine s’éleva dans les airs, suivis du reste de l’escadron aérien. Le pilote donna ses instructions et regarda la commandante, attendant son feu vert. Louise acquiesça d’un signe de tête. L’opération commençait. Le long du voyage, pendant les cinq heures qui les séparaient de leur objectif, Jérémy découvrit un passe-temps dont l’Alliance raffolait, survoler les groupes de Goules sauvages et tirer dans le tas. Les balles de calibres 5,56 mm déchiquetaient les monstres comme du papier, après leur passage il ne restait plus que des dépouilles fumantes, des tronçons de bras et de jambes éparpillés sur le sol poussiéreux. Un véhicule blindé fut attaqué au cours du voyage, un groupe de Pillards suffisamment courageux ou complètement défoncé pour s’attaquer à l’Alliance de fer, résultat, un véhicule d’avant blindé éventré au lance-roquette, trois soldats blessés légèrement et six Pillards massacrés. La température de l’air avait pris quelques degrés, le camp s’était établi à une dizaine de kilomètres de l’abri Bravo, l’hélicoptère se posa lourdement, projetant des bourrasques de poussière dans toutes les directions. Les toiles des tentes fouettaient l’air sous l’effet de souffle du rotor. Le commandant débarqua et arma son fusil, suivi de Jérémy. Un véhicule léger les attendait, un caporal au volant de la jeep lui tendit un gilet pare-balle et ajouta :
— Ils tirent à vue mon capitaine, on vous dépose près de l’entrée et on vous couvre depuis les collines à 200 mètres.
— Comment rentre-t-on dans l’abri ? Louise se retourna et répondit :
— Le système qui permet l’ouverture se trouve à l’intérieur, derrière une porte en acier trempé de 120 centimètres d’épaisseur.
— OK, mais ça ne répond pas à la question.
— Caporal expliquez le plan à mon père, je pars en reconnaissance.
La jeep freina brusquement, Louise accompagnée de deux soldats s’engagea dans les broussailles qui entouraient l’abri. Le caporal sortit un plan du complexe et indiqua l’emplacement d’un système de filtration d’air.
— L’abri utilise ce conduit pour filtrer l’air des radiations environnantes, l’idée c’est d’utiliser vos dons pour les obliger à nous ouvrir et nous donner l’agitateur de béryllium.
— Ça ne va pas les tuer ?
— Non, je vous donnerais les instructions par transpondeur, vous serez en position près de la grille d’aération ici et la commandante se postera au niveau de l’entrée pour récupérer l’agitateur.
Des coups de feu résonnèrent, Louise avançait sous les tirs ennemis, une giclée de sang sur sa joue, un de ses hommes venait de prendre une balle en pleine tête, l’œil en dehors de son orbite, un liquide rouge s’écoulait abondamment du trou béant qui défigurait son crâne. Le transpondeur du caporal grésilla :
— Ils sont sur nous ! Mettez-vous en place ! Le caporal démarra en trombe et fit le tour de l’abri. La jeep fit une embardée, Jérémy sauta et se plaqua contre la paroi de l’abri. Le caporal disparut dans un épais nuage de poussière, il regarda autour de lui, rien pas de grille d’aération.
— Caporal ! Je ne vois pas de grille dans le coin ! Je dois avancer ou reculer ?
— Capitaine avancé sur cinquante mètres il y a un renfoncement en hauteur, mais prudence à la mitrailleuse…
— La quoi ?
Jérémy longea l’abri, dégageant les ronces et les branches sur son passage. Là ! Le renfoncement, surmonté d’un dispositif de défense. Il arma son fusil et prit une longue inspiration. Furtivement Jérémy jeta un rapide coup d’œil mais le dispositif était plus rapide, une lourde rafale le projeta au sol, la terre se fissurait sous chaque impact. Il se jeta contre le mur, évitant ainsi une mort rapide. La mitrailleuse cessa le feu et reprit sa position initiale. Le temps jouait contre lui, plus le choix, il se concentra. Un puissant faisceau quitta la paume de sa main et pulvérisa le dispositif ainsi que le conduit d’aération.
— Caporal, je suis en place ! Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ?
— Il faut que vous fassiez grimper le taux de radioactivité dans l’abri, ça déclenchera l’ouverture automatique de l’abri ! Faites vite, le commandant est seule face à eux !
Sa chair le démangea, son compteur Geiger s’emballa dans un grésillement incontrôlable. Un halo verdâtre l’entourait, les plantes aux alentours mouraient, dans l’abri des cris s’élevèrent. De violentes quintes de toux, des cris étouffés par d’immondes gargouillis, les bruits lourds des corps qui s’effondrent sur le sol. Jérémy perçoit des pleurs d’enfants, certains cherchent à fuir tandis que d’autres meurent dans d’effroyables sanglots… Au bout de quelques minutes, les coups de feu cessèrent, sa radio grésilla avant d’émettre :
— Papa ! Stop, les portes sont ouvertes, ils se rendent ! Papa ?
Pas de réponse.
— Capitaine ! Ici le caporal Rhys, ils vont abattre la commandante ! Augmentez le taux de radioactivité !
Louise changea de canal :
— Caporal Rhys ! C’est quoi ce bordel ? Mon père ne répond plus, dites-lui d’arrêter, ils vont tous mourir là-dedans !
— Non, commandant, avec tout le respect que je vous dois, je ne transmettrais pas cet ordre. Cet abri nous a coûté trois frères d’armes !
— Il y a des familles, des femmes et des enfants ! Stoppez tout ! Je vous l’ordonne !
Le caporal jeta son transpondeur au sol et tira une balle dessus, le réduisant en un amas de pièces détachées. Jérémy ne relâchait pas sa concentration. La radioactivité envahit l’abri tout entier, les hurlements laissèrent place à des râles d’agonie, des centaines de corps gisaient dans les couloirs du complexe, les cadavres à la peau rougie par les rayonnements semblaient avoir fondu à même le sol, ils avaient cuit de l’intérieur… La lourde porte s’ouvra lentement dans un grincement terrible, Louise découvrit un véritable carnage, dans l’entrée de l’abri une enfant escalada l’amoncellement de corps fumant. Le reste de l’équipe s’engagea dans l’abri, des coups de feu claquèrent, il n’y aurait pas de survivants ce jour-là. Louise réceptionna l’enfant gravement brûlé par les radiations. Elle approcha tant bien que mal sa petite bouche boursouflée près de l’oreille du commandant :
« Les petits vous tueront pour ça… »
Louise sentit une profonde colère monter en elle, ses larmes inondèrent ses yeux et tombèrent sur les joues de l’innocente enfant qui n’était plus que l’ombre d’elle-même.
— Je suis désolée… tellement désolée…
Jérémy surgit des fourrés dans lesquels avait sauté lors de l’assaut, son regard se décomposa face à l’ampleur du massacre. Il s’agenouilla près de sa fille :
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Ça ne devait pas se passer ainsi… J’ai demandé à Rhys de te dire d’arrêter mais il a refusé…
Les coups de feu cessèrent, quelques minutes plus tard, une équipe vêtue de tenue radiologique ressortit avec l’agitateur. Jérémy l’aida à se relever et ajouta :
— Nous devrions partir, rentrons à la base avec les hélicos, le camp nous rejoindra d’ici une semaine, autant profiter de ce désastre pour récupérer un maximum d’infos et de matériel.
— Oui, rentrons et que l’on amène le caporal Rhys dès mon arrivée. Il va voir ce qu’il en coûte de me trahir.
Son transpondeur vibra, un signal d’appel. Jérémy s’éloigna discrètement et se plaça au fond de l’appareil. Il fit glisser son doigt sur l’écran du transpondeur, la voix de 23-23 semblait étouffée :
« Papa ! Où est ce que tu es ? L’opération que tu étais censé mener à bien était un véritable fiasco ! La Très-Haute est folle de rage !
— Je me dirige vers le camp de l’Alliance, retrouve-moi aux ruines de l’abri Alpha. Je t’expliquerai tout. »
Il coupa la conversation. Il ne pouvait plus jouer sur les deux tableaux, il était temps de réunir ses enfants.
Une flotte d’hélicoptères passa au-dessus de sa tête, Lum multipliait les allers-retours entre les deux camps, sa connaissance du terrain était un atout pour les forces de l’Alliance de fer et avait conclu un accord avec eux, des informations sur l’ennemi contre un accès à leurs installations et la promesse de ne pas lui tirer dessus. Elle se dirigea vers l’héliport, son rapport sur l’activité des Humanistes en tête, elle ne pouvait s’empêcher de penser à Jérémy… Sa peau avait pris des reflets bleutés à cause du froid, les regards comme à son habitude la dévisageaient comme une bête curieuse, mais avec le temps elle avait appris à relativiser et aussi à se faire respecter, la semaine dernière un soldat trop confiant lui avait mis une main au cul, résultat : 17 points de suture, mais le médecin-chef dit qu’il survivrait. Elle aperçut le commandant dans tous ses états, que s’était-il passé là-bas ? Jérémy sauta de l’appareil, Lum se jeta dans ses bras.
— Tu m’as tellement manqué !
Comme s’il nageait dans l’irréel, son cerveau ne transmettait plus aucun ordre, comme si l’on avait débranché chacune de ses connexions neuronales et mis son esprit à nu. Il refusait de croire les informations transmises, l’hémisphère gauche ne traitait plus aucune donnée, après un long silence gênant il ajouta d’une voix tremblante :
— Lum ? Mais comment ? C’est impossible ! Je t’ai enter…
— Enterrée, oui mais je n’étais pas morte. J’étais coincée dans mes souvenirs, dans mon ancienne vie. Elle relâcha son étreinte et lui vola un baiser.
— Ton ancienne vie ?
— Oui, avant tout ça. Avant l’abri dans notre maison avec nos enfants Maël, Louise et même notre chien Milka… Jérémy resta sans voix…
Elle était devant lui depuis tous ce temps et il n’avait rien vu… Sa femme, la mère de ces enfants…
— As-tu retrouvé nos enfants ? J’ai cherché pendant si longtemps sans avoir la moindre trace… J’ai peur d’avoir oublié leurs visages…
— Il faut que tu saches, j’ai retrouvé nos enfants mais écoute jusqu’au bout s’il te plaît. Lum le dévorait du regard, son impatience était justifiée en même temps…
— J’ai retrouvé Maël, il travaille avec les Humanistes. Tandis que Louise tu viens de la voir à l’instant… C’est le commandant de la base.
Lum resta muette à la lumière de ses informations.
— Oh mes petits… Il faut les réunir, il faut leur expliquer ! Louise !
Lum se lança à la poursuite du commandant, Jérémy lui emboîta le pas. Ils grimpèrent les escaliers du bureau quatre à quatre et déboulèrent en trombe dans la salle des opérations, le commandant les regarda, abasourdi par cette entrée. Louise referma son ordinateur et se leva :
— Capitaine, Lum ? Je peux vous aider ?
— Louise, on s’est retrouvé il y a peu mais il est à présent l’heure que notre famille soit réunie.
— Je ne comprends pas, comment ça réunie ? Jérémy s’écarta pour laisser Lum parler.
— Louise, je suis ta mère… Je t’ai cherchée depuis si longtemps…
Quand Louise accepta la vérité sur son passé et ses parents, elle sortit de sa déception que lui avait infligée le massacre de l’abri Bravo. La couleur de ses yeux gris terne avait viré au bleu turquoise. Jérémy lui expliqua la situation, où se trouvait son frère Maël. Louise perdue accepta la rencontre prévue à l’abri Alpha. Le rendez-vous n’eut pas lieu dans des conditions idéales. Jérémy conduisait la jeep, roulant à vive allure, il lui tardait de réunir sa famille au complet.
Lum profita pour échanger avec sa fille. Le courant passait entre les deux femmes. Quand Jérémy distingua la forme de l’abri en ruine, il écrasa brusquement le frein. Les roues se bloquèrent mais le sol poussiéreux n’assura pas de prise aux pneus qui se mirent à glisser. L’avant de la jeep cueillit une goule errante aux genoux. Il eut un bruit sec de bois cassé. La goule fut projetée dans les airs, retomba brutalement et rampa péniblement jusqu’à disparaître dans la végétation environnante. Le transpondeur s’alluma, illuminant la pluie qui s’abattait sur eux, Maël répondit aussitôt :
« Je suis dans l’abri, tu es en retard. Rejoins-moi dans la salle principale.
— On arrive. »
Ils poussèrent la lourde porte, la poussière qui s’y était accumulée chuta en une cascade de particules grisâtres. Louise enclencha la lumière de son transpondeur, une puissante lueur blanche inonda la pièce. Ils se dirigèrent vers la salle principale, contournant le morceau de plafond qui s’était effondré il y a 40 ans. Il ne restait rien de la dépouille du sergent qui fut écrasé lors du bombardement. Un feu crépitait de l’autre côté des portes battantes, Lum les poussa et entra, suivie de Jérémy et Louise.
23-23 se leva et dégaina son arme. Louise le braqua aussitôt.
« Un piège de l’Alliance ?! Alors, ainsi tu as choisi ton camp, papa ?
— Baisse ton arme, fiston. Je vais t’expliquer.
— Non ! Je vois que tu as amené du renfort, la peur de te salir les mains ?
Louise baissa son arme, la vérité venait d’être révélée.
— C’est lui ? Maël ? Lum s’approcha de sa fille, lui prit la main et doucement lui confirma les faits.
— Oui ma chérie, il s’agit de ton frère. Ton frère jumeau. »
Quelque part dans les bureaux des Humanistes…
La Très-Haute fixait son écran avec la plus grande attention, l’implant neuronal de 23-23 retranscrivait en direct toute la scène…
Maël ne relâcha pas son attention, ses yeux semblaient trembler comme s’ils recevaient des ordres à distance. L’ambiance était tendue, Lum se plaça devant la commandante. Pas question de se séparer de sa fille une nouvelle fois. Son doigt pressa la détente mais dans un effort surhumain il décala la mire de son arme de quelques centimètres.
BAM !
La directrice des Humanistes activa l’arrêt imminent de l’UCG-H 23-23 et enregistra les données récoltées par Aglaé.
La détonation résonna, jusqu’à se perdre dans les couloirs sombres et usés par le temps. Jérémy se retourna, le projectile avait fini sa course dans le mur. Maël lâcha son arme. Son regard semblait vide, figé et froid. Lum s’approcha de son fils désormais immobile. Elle passa sa main sur son visage, bizarrement Jérémy s’attendait à un sentiment de panique venant de sa femme, mais rien n’y fit. Lum continua de palper le visage puis le crâne de 23-23. Là. Elle sortit un couteau de ses haillons et incisa l’arrière de la tête. Son regard se posa sur sa fille :
« Approche, regarde. Un implant était fixé sur l’os crânien et s’enfonçait dans les terminaisons nerveuses.
— Un implant de contrôle ?
— Exact, j’ai observé leur laboratoire, leur centre de production… Chaque UCG-H est doté de ce genre de dispositif, ainsi ils ont un contrôle total sur leurs soldats.
— Ramenons-le à la base, notre équipe de chirurgiens va analyser ça. »
Le transpondeur du commandant émit une série de bips, un adjudant posté à l’abri Bravo demandait une évacuation de toute urgence, une attaque d’une violence sans précédent avait renversé les défenses de l’Alliance de fer en quelques heures. Il semblerait que des enfants et des Goules aient attaqué au petit matin. Le chaos s’estompa, le transpondeur grésilla, une voix fluette prit le relais :
— On les a tous tués ! Tous ! On a gagné et vous avez perdu ! Louise imperturbable lui répondit.
— Identifiez-vous.
Plusieurs voix se mêlèrent à la conversation :
— C’est quoi identifiez ? Laisse-moi lui parler ! Naaan ! Lâche c’est mon tour ! Le transpondeur émit un dernier grésillement puis s’éteignit.
Ils quittèrent l’abri, Maël allongé sur une civière de fortune. Louise et Lum le placèrent à l’arrière de la jeep, Jérémy démarra sur les chapeaux de roues, le véhicule fendait l’air à vive allure. La puissante sirène de la base retentit, Louise tapota l’épaule de son père :
— Accélère, on subit une attaque !
Au fur et à mesure qu’ils s’approchaient, l’attaque semblait venir de l’intérieur. Impuissant ils assistaient à un véritable carnage, les soldats s’entretuaient tandis que certains évacuaient la zone. Un groupe avançait vers les bureaux, tirant sur tout le monde avec une précision mortelle. Les sections retranchées subissaient de lourdes pertes humaines. Jérémy arrêta la jeep. Lum se plaça à couvert.
— Je vais vous couvrir, allez-y ! Louise sauta accompagné de son père, ils dévalèrent la pente, se plaquèrent contre le grillage. Louise sectionna les mailles une à une. Des UCG-H infiltrés se rassemblaient pour évaluer la situation. Le transpondeur de Jérémy vibra, le médecin-chef l’avait repéré et lui demandais assistance.
— Capitaine ! On a besoin de soutien ici !
Il aperçut au loin, le médecin en détresse, au dernier étage du bâtiment principal, un hélicoptère embarquait l’équipe médicale. Jérémy pianota rapidement sur l’interface de son transpondeur ses coordonnées, il envoya le tout à Lum en indiquant « Couvre-nous ».
Lum déplia le bipied de son fusil de précision, s’allongea dans l’herbe sèche et ôta le cache de la lunette. Elle déplaça le réticule sur la tête d’un infiltré, elle retient sa respiration, ses muscles s’immobilisèrent, son doigt pressa la détente. La balle fila droit dans le crâne d’une UCG-H pour ressortir et se loger dans la gorge d’une autre. Un tir parfait. Le groupe se dispersa, cherchant le tireur embusqué. Jérémy entraîna sa fille vers le bâtiment, ils échangèrent quelques tirs, toujours sous l’œil bienveillant de Lum. Chaque détonation résonnait comme un signal qui lui ordonnait d’avancer. Ils escaladèrent la barricade avant de s’enfoncer dans le bâtiment. Sa présence redonna un espoir au peu de survivants qui les accueillirent. Il leur fallait faire vite, le bâtiment commençait à se lézarder dangereusement. Soudain, les coups de feu cessèrent. Un coup d’œil furtif lui laissa voir les UCG-H se regrouper auprès d’un char, un épais nuage noir se souleva dans un terrible vrombissement de moteur. La tourelle se tourna lentement dans leur direction.
BAM !