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« Il était une fois, une petite fille, une toute petite fille de trois ans. C’est "Moi". Un jour, dans la cuisine familiale, debout au milieu de la pièce, elle va vivre une drôle de sensation. Son père, assis à la table, est absorbé par la lecture de son journal. Sa mère, occupée à laver du linge à l’évier, lui tourne le dos. Un silence écrasant remplit la pièce. La petite fille est saisie de la DRÔLE DE SENSATION, un grand vide. Elle ne bouge plus, comme sidérée. "Ils ne me voient pas, ne m’entendent pas, ne me regardent pas, j’ai peur !" Cette drôle de sensation, ce moment de sidération, elle les a enfermés au fond de son petit cœur de petite fille, comme un secret… »
À PROPOS DE L'AUTRICE
Ayant travaillé de nombreuses années en généalogie,
Aurore Marie écrit pour remettre de la couleur et de l’amour dans son histoire et la vie de ses aïeules.
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Seitenzahl: 400
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Aurore Marie
Femme
Roman
© Lys Bleu Éditions – Aurore Marie
ISBN : 979-10-422-1882-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Pour des raisons d’éthique dues aux descendants, je ne mentionnerai plus les noms à partir de ma grand-mère maternelle. Seulement des initiales et des âges.
Il était une fois, une petite fille, une toute petite fille de trois ans. C’est « Moi ».
Un jour, dans la cuisine familiale, debout au milieu de la pièce, elle va vivre une drôle de sensation.
Son père, assis à la table, est absorbé par la lecture de son journal.
Sa mère, occupée à laver du linge à l’évier, lui tourne le dos.
Un silence écrasant remplit la pièce. La petite fille est saisie de la « DRÔLE DE SENSATION », un grand vide. Elle ne bouge plus comme sidérée.
« Ils ne me voient pas, ne m’entendent pas, ne me regardent pas, j’ai peur ! »
Cette drôle de sensation, ce moment de sidération, elle les a enfermés au fond de son petit cœur de petite fille, comme un secret…
Les années de maternelle, ont été éprouvantes pour la petite fille, elle se sentait abandonnée, seule… pleurait souvent sur le chemin de l’école.
À la communale, son caractère s’exprimait. Elle devint le sauveur des élèves malmenés dans la cour de récréation. Cela va continuer jusqu’au collège…
Au fil des jours, des mois, des années, elle voyait bien qu’elle ne partageait pas les mêmes idées, les mêmes goûts que le reste de sa famille, elle se sentait seule, étrangère dans sa tête…
Elle grandit avec son secret. Mieux vaut ne rien dire, ne rien montrer. Rester cachée au fond de soi.
Le temps passe et me voilà préadolescente.
Malgré le cadenas fermé à double tour, mes ressentis suintaient, transpiraient à travers la musique, le goût pour la danse classique. D’autant qu’une de mes meilleures amies était danseuse à l’opéra de Marseille, elle s’appelait Michèle. Souvent j’allais dormir chez elle, mon plus grand plaisir c’était lorsque sa mère me proposait de les accompagner aux répétitions sur la scène de l’opéra.
Sa maman cousait ses tutus, ses costumes de scène à la main, le soir après son travail.
Elle était secrétaire d’un avocat, très élégante, toujours gantée et coiffée d’un chignon romantique sur la nuque.
Lorsque j’avais le droit d’aller dormir chez cette amie, pour nous endormir, la maman se mettait au piano et jouait des morceaux de musique classique, Chopin et d’autres grands musiciens dont je ne me souviens plus les noms… Nous nous endormions au son de ce piano merveilleux.
Ce sont des moments inoubliables, ils seront révélateurs dans le futur.
En effet, vers quinze ans, j’ai acheté mon premier quarante-cinq tours (microsillon), « L’Adagio d’Albinoni », bien sûr cela détonna dans les goûts de la famille.
J’ai senti de l’indifférence, comme si cette musique était inaudible, donc aucun intérêt à comprendre pourquoi je l’ai préférée. Et surtout, comment pouvais-je connaître cette musique ?
Une différence s’installait, s’affirmait dans la famille.
Plus tard ce sera la musique sacrée, avec Bach, les orgues… cette musique me transportait ailleurs, dans un bien-être que je ne n’aurais pu décrire. Puis ce fut le piano avec Chopin.
Décidément, mieux valait-il se taire, garder cette part magique, cet imaginaire qui grandissait ? Je sentais bien que je ne pouvais pas exprimer mes ressentis.
C’était comme un secret, un immense secret.
Surtout que personne ne voit ni ne sache ce secret.
Voilà comment la petite fille de trois ans était devenue au fil des années une poupée sage, obéissante, aimante selon les vœux de sa famille. Sans vraiment le comprendre, elle va s’installer dans une dépendance affective.
Les rares occasions à la maison, où on ouvrait la boîte à souvenirs, je regardais les vieilles photos avec grand intérêt ; j’étais comme aimantée par ces visages que je ne connaissais pas. Les photos des anciens. Je ressentais comme une vibration au regard de ces personnes, comme si quelque chose était vivant, sans paroles.
Dans la famille on ne parlait pas du passé, du temps d’avant, des anciens ! Secret !
Le temps passe, la petite fille a bien grandi et elle s’est adaptée à cette famille-là.
Elle savait que ce qu’elle vivait n’était pas audible par les siens et sûrement aussi à l’extérieur…
Le cadenas, toujours bien fermé, laisse filtrer, émerger lentement ses ressentis. L’attirance pour le silence des églises, la grande musique, les opéras, la dance, son intérêt pour l’histoire de France, le dessin, la peinture…
Mais le secret est bien gardé. Son imaginaire grandit, se peaufine. Son émotivité est plus subtile. Tout doit demeurer au fond de son cœur. Silence !
À dix-huit ans, je suis amoureuse, je me marie, fonde une famille.
La vie est tracée, parsemée d’épreuves douloureuses, de très bons moments aussi. Mais, je suis toujours incolore, inaudible, invisible et pas comprise… Toujours aussi seule dans ma tête, et dans mon cœur.
Les années passent…
À quarante-six ans, c’est le grand fracas. L’accident de voiture.
Le choc brutal qui va stopper ma vie. Physiquement, émotionnellement, matériellement et surtout affectivement. Je suis devenue « LA POUPÉE CASSÉE, BRISÉE » remise au fond du placard, abandonnée, car plus conforme aux désirs de sa famille.
Une fois la croûte cassée, que reste-t-il ? Que va-t-il se passer ?
Une porte s’est ouverte, la toute petite fille de trois ans resurgit du passé :
« Je n’existe plus, personne ne me voit, ne m’entend, ne me comprend, ne m’écoute, je suis transparente, inodore, ça recommence ! »
Où sont les liens porteurs ? L’aide et la présence de ma famille de sang et de mon compagnon ? Je suis seule, rejetée, abandonnée. Pour survivre à ce fracas, je ne peux compter que sur moi. Alors je vais m’adopter, me nommer, oui, je vais me reconnaître, me considérer ; je m’appellerai « AURORE ».
Moi, je la vois Aurore, je l’entends, je la comprends, elle, si secrète toutes ces années passées, lève la tête et ose le « SOI ». Elle qui, tout au long de sa vie, répétait sans en connaître le sens profond :
« Mais, ce n’est pas possible, je suis invisible, inodore, incolore ; personne ne m’entend, ne me comprend ? »
Le silence, elle connaissait, elle avait appris à se taire, ne rien demander, ne jamais livrer ses ressentis au risque d’être raillée, rejetée et souvent abandonnée.
La poupée, la marionnette qu’elle était devenue jusqu’à ce fracas a disparu. Elle n’existait plus, elle est restée dans la carcasse de la voiture et mise à la casse.
Aurore a pris sa place. Maintenant, la petite fille est libre de vivre ses ressentis, maintenant elle peut commencer son histoire.
Voici mon histoire…
« Il était une fois mon histoire. L’histoire d’une FEMME, l’histoire de la FEMME, l’histoire de toutes les FEMMES. »
Je m’appelle Aurore. Ce livret vous est destiné. À vous les FEMMES du monde, les FEMMES de tous les temps.
En 1992, je suis victime d’un accident de voiture qui va me laisser handicapée durant sept années.
SEPT ANS DE SOUFFRANCES PHYSIQUES ET PSYCHOLOGIQUES.
Avec des. Périodes entrecoupées d’hospitalisations, d’opérations, et j’en passe…
Pour occuper mes pensées et oublier mes douleurs, et sûrement réaliser un besoin enfoui ; je me lançais dans les recherches généalogiques de mon arbre (mon clan), je contactais les mairies en expliquant ma situation et j’avoue que j’ai toujours eu affaire à des personnes compréhensives et serviables. Donc, je recevais par courrier les informations que je demandais.
J’avais le temps, je ne sortais pas de la maison, sauf pour des raisons médicales !
J’ai pu remonter le temps jusqu’en 1700. Je découvrais avec étonnement et joie mes origines.
Des noms, des prénoms, des lieux de vie, des professions et bien plus encore…
Je fus tout de suite attirée par la lignée maternelle, mes « Aïeules ».
Des prénoms comme Léontine, Catherine, Jeanne, Louise, Bernarde, Bertrande et bien d’autres encore. Ma curiosité grandissait. Il fallait que je continue, je voulais les connaître.
Comment avaient-elles vécu, à quoi elles ressemblaient, avaient-elles des rêves ? Des milliers de questions se bousculaient dans ma tête. Il fallait que je sache, j’avais bien du temps, clouée au fond de mon lit ! Ne dit-on pas : « Qui cherche trouve ! » alors, pourquoi pas moi… Je ne vous cache pas que cela a pris plus de sept ans de recherches et d’analyses.
Ce n’est qu’en 2002 après ma guérison que j’ai pu partir sur les traces de mes Aïeules, la lignée maternelle. Une belle région que je ne connaissais pas ; Les Pyrénées, dans la vallée d’Aure.
Mes recherches étaient autour de Hèches, Arrau, Lannemezan, et Jezeau. Dans la vallée d’Aure, pas très loin de l’Espagne.
Comme je suis très curieuse de connaître mes origines, je vais approfondir au maximum mes recherches, analyser tout ce que je trouverai.
Hèches est le fief des Barbazan.
Mais que veux dire HÈCHES : Ce nom signifie GRADIN herbeux en GASCON, comme un replat (la Hèche) dans une pente accidentée.
Au XVIIIe siècle, de grandes familles de verriers y étaient installées, les vastes forêts produisaient le combustible pour leurs fours.
Le charbon de bois, provenant des grandes forêts de hêtres, y était aussi fabriqué pour la forge de REBOUC, petite commune rattachée à HECHES en 1790.
Que veut dire AURE (vallée d’AURE) : Étymologie.
Aure provient du latin aura qui signifie « brise » ou « souffle » et qui est à rapprocher de l’ancien français Aure qui signifiait « brise » ou « vent doux ».
En latin, l’adjectif « aureus » se traduit par « or » ou « semblable à l’or ». On accorde parfois également des origines grecques au prénom Aure avec le terme « AURIOS » qui signifie « matinée ».
Signification du prénom Aurore/féminin (c’est mon surnom).
Prénom dérivé de Aure. Du latin « AURUM », signifie « OR », se fête le 4 octobre. Latine : de AURORA.
Dans la mythologie grecque, Aurore est aussi le nom de la déesse du jour. Par ailleurs, on trouve le prénom Aurore dans le dessin animé de Walt Disney, La belle au Bois au bois dormant. La princesse qui attend le Prince charmant qui la délivrera… (Source internet)
Je crois que toutes les femmes de mon clan ont attendu « LE PRINCE CHARMANT toute leur vie en vain. » J’en fait aussi partie…
AURE, Aurore expriment de la douceur, de l’OR, cela me plaît bien, me fait du bien !
Curieux cette coïncidence entre la vallée d’Aure et mon surnom Aurore ?
Après les Pyrénées, plus près de moi Marseille la ville où je suis née.
Mais que se passait-il dans les Pyrénées à cette époque-là ?
Un peu d’histoire est toujours bon à savoir, alors je plante le décor.
Au printemps 1831, c’est toute l’Ex-Baronnie de HECHES, en Vallée d’Aure, qui se solidarise violemment contre la famille détentrice du domaine forestier. Les pouvoirs publics, peu à l’aise dans ces actions de self-justice n’interviennent que lorsqu’elles ne peuvent vraiment pas faire autrement.
Au cours de cette « guerre des Demoiselles », qui se déroule en Ariège du printemps 1829 à 1832, avec des soubresauts jusqu’en 1872, on découvre face à face, d’un côté, des « bandes » de paysans de 20 à 30 hommes déguisés en femmes, enragés de se voir soudain privés de l’accès aux forêts, et, de l’autre, des charbonniers furieux et sans travail, des gardes forestiers et des gendarmes. Les premiers harcèlent et rossent les seconds qui ont bien du mal à les identifier :
Ces récits romancés ont contribué à propager deux idées contestables sur la société pyrénéenne de cette époque : celle du brigand sympathique et loyal, se bornant à prendre poliment la bourse du voyageur, mais n’attentant pas à sa vie ; et celle, tout aussi fausse, confondant les figures du contrebandier et du déserteur avec celle du brigand. En réalité, les actes de ces hors-la-loi obéissaient à des logiques très différentes. Le contrebandier et le déserteur se refusaient à respecter des lois jugées nocives pour la survie d’une population, alors que le brigand, lui, bafouait, à son seul profit, des principes de la morale universelle. (Source internet)
La violence, l’injustice étaient donc bien présentes en ce temps-là. Je pense aussi que la misère en était pour quelque chose !
La Seconde Restauration est le régime politique de la France de 1815 à 1830. Elle succède aux Cent-Jours, qui avaient vu Napoléon revenir brièvement au pouvoir. Après une période de confusion, Louis XVIII revient sur le trône. (Source internet)
Une époque quand même bien mouvementée.
Ce périple dans cette région que je ne connaissais pas m’a beaucoup touché. J’étais chez elles, sur leur terre, dans leurs villages. J’ai même retrouvé les ruines de la maison où Louise mon (arrière-arrière-grand-mère maternelle) avait vécue. Une très belle région, au relief très doux, verdoyante, car bien arrosée par les rivières, je m’y sentais bien.
De retour de ce voyage à remonter le temps, je m’affairai à retracer leurs parcours de vie.
J’étalais toutes mes recherches d’état civil faites dans les mairies des petits villages, quel plaisir de toucher ces vieux livres. À chaque nom, une histoire.
C’était comme un vieux livre que je feuilletais à la recherche de mes racines. Qu’allais-je découvrir ? Un monde inconnu de moi, peut être des secrets ? Peu importe, je voulais savoir, tout savoir d’elles.
Les mœurs de leurs époques, leurs conditions de vie en fonction des lieux et des métiers.
Une chose était sûre, je ne descendais pas d’un « Roi », pas plus que d’un noble.
Non, moi, mes ascendants étaient Charbonnier dans la montagne, Tailleur de pierres, Agriculteurs.
Qu’importe, ce qui m’intéressait c’étaient les « FEMMES » de mon clan.
Comment m’en approcher, comment les sentir ? Avaient-elles des rêves ? Est-ce que je leur ressemble ? Quelles étaient leurs vies de tous les jours ? Quelle était la société dans laquelle elles vivaient ? Quel lien chacune d’elles avait avec leur mari, leurs enfants, leur famille, la société ?
Des milliers d’interrogations auxquelles il fallait que je trouve des réponses. Une chose était certaine, « Une montagne de recherches m’attendait ».
Ma curiosité grandissait de jour en jour.
Par quoi, par qui, vais-je commencer ? Moi ? Quelle FEMME de mon Arbre généalogique ?
Après toutes ces enquêtes, j’avais une tonne de documents, beaucoup de matière pour écrire. Il fallait simplement que je dessine mon Arbre, que je positionne les personnes le composant et surtout que tout soit bien clair dans ma tête, et sur le papier.
Comment vous présenter ces FEMMES, leurs vies, mais surtout comment savoir leurs ressentis, leurs émotions, leurs pensées ? J’avais bien trouvé quelques photos jaunies, je possédais les documents administratifs officiels des mairies, j’avais même réussi à faire parler les derniers ascendants en vie pour me raconter les histoires connues de la famille, mais plus important encore, les petits secrets, certains non-dits…
Oui, tout cela était bien, mais moi je voulais encore plus. Il fallait que je rentre en résonance avec elles. Pourquoi ? Je ne sais pas, cependant au fond de moi j’étais sûre que je trouverai la solution pour accéder à cet autre espace-temps.
Les jours passant, je m’installais dans le silence de mes pensées, avec la certitude que cela arriverait. Petit à petit, de nouvelles et profondes émotions naissaient en moi. Étaient-elles le fruit de mon imagination ? M’appartenaient-elles ? Avais-je établi sans le savoir, un lien avec ces FEMMES ?
Je ressentais de l’Empathie, de l’Amour, du Respect pour elles que je n’ai pas connues ; mais que je pouvais nommer. C’était comme si elles étaient à côté de moi.
Puis, vint le moment où des images se sont formées sur mon écran mental, assorties de leurs émotions qui, sans aucun doute, leur appartenaient.
Ces émotions, ces ressentis me parlaient, pour certains je les reconnaissais pour les avoir vécus.
Pourtant je ne suis pas ces FEMMES ? Je ne suis que leur descendante ! Se pourrait-il que nous ayons vécu les mêmes choses ? Dans un autre temps, un autre espace, un autre décor, d’autres costumes ?
Qu’étais-je en train de faire ? Ces ressentis étaient forts, je ne pouvais pas les inventer ?
C’est drôle, les pensées, les mots, les ressentis se présentaient à moi, simplement, clairement avec fluidité. Cela devenait presque normal, comme une plume qui glisse toute seule sur le papier. Tout cela s’écrivait dans mon esprit, mon être.
J’aurais pu me croire au théâtre, assise confortablement, devant moi sur la scène vaquer ces FEMMES dans des moments précis de leurs vies. Elles se croisaient sans se voir ni s’entendre.
Quelle expérience je vivais là ! Je n’étais pas plus surprise que ça, j’étais bien. Je ne comprenais pas tout, mais peu importe. Je me remplissais de ce spectacle rien que pour moi.
L’important c’était de le vivre, l’accepter et certainement que tout cela avait un sens même si je ne le connaissais pas. Pour l’heure je me contentais de le vivre sans question.
Je décidais donc de commencer par « Catherine » Sajous-Frojouan, septième génération au-dessus de moi.
Je trouvais ce nom magnifique, mais que voulait-il dire ?
Je n’ai pas trouvé l’origine de » Frojouan », perdu au fil du temps sûrement.
Elle est née en 1791, décédée en 1837 à l’âge de 46 ans (curieux, hasard ? j’avais 46 ans quand cet accident de voiture est venu fracasser ma vie).
Son père était cultivateur et avait disparu depuis quatre ans en ESPAGNE, présumé mort victime de la FUREUR DES INSURGÉS ESPAGNOLS (note écrite sur le registre de la mairie).
Elle a épousé François Borde-Fouran décédé à 48 ans en 1835 (mort à l’orée d’une forêt victime d’un coup de fusil mortel), les archives de l’époque parlent d’une mauvaise rencontre. (Meurtre ?)
Encore un joli nom, allons voir ce qu’il veut dire.
BORDES : Nom qui désigne l’habitant d’une ferme, d’une métairie, ou le possesseur d’une grange. Le mot vient du francique *borda (cabane de planches), lui-même formé sur *bord (= planche). Le nom de famille est surtout porté dans le Sud-Ouest et en Limousin, tout comme sa variante Borde.
Décidément ce nom était bien représentatif de la famille.
Mais mourir d’un coup de fusil est moins rigolo.
(Curieux, coïncidence ? c’est exactement la même histoire, qui se répétera, mais beaucoup plus près de moi).
Catherine et François ont eu trois filles. Marguerite (aveugle) née le 9/8/1829, décédée le 27/5/1862 à 33 ans ; Raymonde (sourde) née le 1/8/1823, décédée après 1881 à l’âge de 58 ans, et mon aïeule Bernarde née en 1814.
OUF ! Ça commence mal. Le couple décède très jeune, François à 48 ans et Catherine à 46 ans ; laissant trois filles, dont deux handicapées !
Qu’en était-il des enfants handicapés durant cette période ?
Voyons ce que l’histoire nous raconte.
Sous la Constituante, la loi du 21 et 29 juillet 1791 crée l’Institution des sourds de naissance. Celle-ci, installée le 4 avril 1794 dans l’ancien séminaire Saint-Magloire, devait poursuivre l’œuvre de l’abbé de l’Épée. L’école se nomme désormais Institut National des Jeunes Sourds et se trouve au 254 rue Saint-Jacques. Des écoles spécialisées, d’abord religieuses puis laïques, sont ensuite ouvertes dans les différentes régions françaises, souvent par des disciples de l’abbé de l’Épée, parmi lesquels René Dunan à Nantes.
En 1829, Ferdinand Berthier et Alphonse Lenoir sont les premiers sourds devenus professeurs à l’Institut National des Jeunes Sourds. Jusqu’à 1880, l’éducation des enfants sourds en langue des signes française a continué de croître. On note les répéteurs sourds : Laurent Clerc, Jean Massieu, René Dunan, Ferdinand Berthier, Ernest Dusuzeau, Claudius Forestier, etc.
Je ne pense pas que Raymonde ait pu en bénéficier, au fin fond des Pyrénées !
Et sa sœur Marguerite, aveugle ?
Première école pour les aveugles à Paris
En 1784, Valentin Haüy ouvre l’Institut Royal des Jeunes Aveugles, l’actuel Institut national des jeunes aveugles (INJA). C’est la première école pour les aveugles. … L’INJA est placé sous la protection de l’État en 1791.
Louis Braille (1809-1852)
Il est l’inventeur du braille, ce système d’écriture tactile à points saillants à l’usage des personnes aveugles ou malvoyantes.
Louis Braille est devenu aveugle accidentellement à l’âge de 3 ans, alors qu’il manipulait une alène (outil qui sert à faire des trous dans le cuir) dans l’atelier de son père.
En 1827, âgé de 18 ans, il présenta son propre système. En 1829 parut Procédé pour écrire les paroles, la musique et le plain-chant au moyen de points, à l’usage des aveugles et disposés pour eux. Cet ouvrage est le véritable acte de naissance du système braille.
Si le système mis au point par Louis Braille a évolué jusqu’à nos jours, il est encore celui utilisé par les personnes aveugles ou malvoyantes notamment pour tout ce qui relève de l’apprentissage, de l’éducation, de la formation.
(Recherche internet)
Pas de mal à penser la vie de Catherine, brassière de profession, en fait elle se louait à la journée pour travailler dans les champs, ou à diverses taches.
Le métier de brassier peut être celui qui loue ses bras pour le travail de la terre (il n’a pas de charrue, pas d’animal)
Ce terme est employé par exemple en Midi-Pyrénées, mais certainement aussi dans d’autres régions.
D’après le site de « les métiers de nos ancêtres », le brassier peut aussi être un bûcheron qui fait du bois de chauffage et empile des brasses, la brasse étant une mesure, qui apparemment variait selon les régions ! (Recherche internet)
Dur métier… Mais bien de la région.
En ce temps-là, comment se nourrissaient les paysans :
Dans certains villages reculés, en 1830, on ne connaît même pas la viande de boucherie ! Elle est totalement inconnue et l’on ne se contente que du porc salé ou frais. La principale nourriture reste le légume avec le pain, un oignon et la soupe au pain ou au lait le soir. Les jours de fête, on mange le cochon ! Dès 1850, le bœuf fait son apparition sur quelques tables privilégiées. La boisson habituelle étant là aussi le cidre, on ne commencera à acheter du vin qu’à partir de 1870. (Recherche internet)
Jeune veuve à 44 ans avec trois enfants, dont deux handicapés. Sûrement dans la pauvreté, pas étonnant qu’elle meure deux ans après son Mari tué, laissant ces trois enfants orphelins. Les parents et les enfants étaient illettrés. À cette époque-là, la France est une immense paysannerie. Son mari décédé, comment pouvait-elle cultiver la terre à sa place, nourrir sa famille ? Comment s’en sortir ? Si c’était aujourd’hui, elle bénéficierait d’aide de l’état, des associations comme le secours populaire, Coluche, et bien d’autres encore. Mais dans ces années-là, il en était autrement. Combien de larmes, de souffrances, de cris sont restés sans réponses, prisonniers de leurs corps, de leurs pensées ? Qui pouvait les entendre ?
En marge des extraits de naissance était marqué « INCULTE ». Est-ce qu’à cette époque on entendait les incultes ?
L’histoire ne me dit pas ce que sont devenues Marguerite et Raymonde. (Je vais encore pousser les recherches)
Bernarde (mon aïeule) était l’aînée des trois filles, elle est née en 1814 et décédée en 1888 à l’âge de 74 ans (curieux, c’est l’âge que j’ai aujourd’hui), le moment où je décide d’écrire l’histoire.
Elle a épousé un Jean Barbazan, né en 1814 décédé en 1864 à l’âge de 50 ans, Il était tailleur de pierres, son propre père faisait du charbon de bois dans la montagne.
Voyons ce que veut dire Barbazan.
Origine du nom Barbazan.
Étymologie
BARBAZAN : Le nom est surtout porté dans l’Aude. Tout comme Barbazan (65, 66, 31), il désigne celui qui est originaire de Barbazan, nom de communes dans les Hautes-Pyrénées et la Haute-Garonne. Signification probable du toponyme : le domaine de BARBATIUS, nom d’homme latin. À noter que Barbazan et sa variante BARBASAN ont été utilisés comme prénoms, puis noms de famille, en Artois et en Belgique : peut-être faut-il y voir un lien avec le personnage nommé BARBASAN qui apparaît dans les balades de Christine de Pisan, et qui correspond à Arnauld GUILLEM de Barbazan, gouverneur de Champagne, de Brie et de LAONNAIS au début du XVe siècle.
Étymologie du nom de famille BARBAZAN
Origine : Barbazan est un nom de famille, nom ethnique désignant l’originaire de Barbazan, nom de localité de la HAUTE-GARONNE et de Hautes-Pyrénées ancien nom de domaine, issu d’un nom d’homme latin BARBATIUS
(Recherche internet)
Encore un nom bien de la région.
Bernarde et Jean ont eu six enfants, dont Louise, mon A. A. Grand-mère maternelle. Elle est née en 1848 décédée en 1911 à 63 ans.
Quelle était la vie de Bernarde à ce moment-là ?
La famille vivait à Hèches, petit village des Pyrénées. Ce petit village a gardé son authenticité, très accueillant. J’ai aimé marcher dans ses rues. Au-dessus de chaque porte de maison était gravée la date de construction, 1640, 1710, etc.
Mais dans les années 1840 ! La vie devait être dure comme le climat. Avec six enfants, deux sont morts en bas âge, fréquent à cette époque-là. Les épidémies, la dysenterie, la malnutrition, la fièvre typhoïde.
L’aînée, Bertrande aura un enfant naturel à l’âge de vingt ans, ce petit garçon Antoine sera reconnu à l’âge de six ans. À 24 ans, Bertrande épouse un avocat.
La quatrième de la fratrie, c’est mon aïeule Louise.
Comme sa mère, Catherine, la vie devait être difficile pour Bernarde.
Elle va se retrouver jeune veuve à 50 ans. Comment vivre ? Y a-t-il la place pour les rêves, les envies, la douceur ? La survie efface tout le reste. Pas la peine de parler, de demander ; on doit faire avec ce que nous avons et ce que nous savons !
La société n’avait pas le « regard bienveillant » sur les pauvres, pouvait-elle espérer une aide ? Ses parents étaient morts très jeunes, donc elle était seule avec ses enfants… Je peux à peine imaginer la vie quotidienne, peu de confort, seulement penser à avoir de quoi nourrir la famille, allumer un feu dans la cheminée pour se réchauffer… La tristesse d’avoir perdu de jeunes enfants, puis son mari. Souffrir en silence, une fois de plus ne rien dire, faire avec, comme on peut.
De quoi et comment est-elle morte ? Je n’ai pu le savoir.
Ce que je ressens c’est que Bernarde, était sûrement une femme de devoir, honnête.
Une question s’impose à moi : « et l’AMOUR dans tout ça ! Y en avait-il ?
J’essayais d’imaginer une journée de Bernarde. Un confort rudimentaire dans la maison, un travail épuisant à l’extérieur pour quelques pièces, et le soir en rentrant s’occuper de la famille. C’est sûr, pas de machine à laver, non, au lavoir ou à la rivière, pas de frigo, non on achetait peu et on ne stockait pas, c’était au jour le jour. Encore moins d’aspirateur, le sol était souvent en terre battue et un simple balai de brindilles de bouleau faisait l’affaire… Pas de cocote minute, non une cheminée avec la corvée de bois à rentrer, les cendres à vider. De quoi plomber le moral et venir à bout des forces et de la volonté.
C’est à partir de cette lignée, dont Louise mon aïeule fait partie, que commence une drôle d’histoire. Une histoire qui va se répéter comme un papier calque aux femmes des générations suivantes.
Louise à 31 ans aura un enfant naturel qui s’appellera Jeanne ; mon A.G. Mère maternelle. Elle ne la reconnaîtra qu’à l’âge de deux mois.
L’histoire se répète et continue.
Que s’est-il passé pour ses deux sœurs, Bertrande et Louise ? Ont-elles été abusées ? Abandonnées ? Trompées ?
En ce temps-là, être fille-mère était considéré comme « DES FILLES PERDUES », des « MOINS QUE RIEN », c’était la honte et le déshonneur.
L’histoire de mon clan me rapprochait de deux grands auteurs incontournables, George Sand et Victor Hugo qui ont milité pour le droit des femmes, des enfants, de la famille.
George Sand et son livre inachevé « Albine » et Victor Hugo « Les Misérables ».
George Sand et Victor Hugo, chacun à leur façon s’insurgeront contre l’ordre social, la guerre des classes, l’aliénation de la femme, les droits de l’enfant, le droit des peuples, les convenances sociales bourgeoises rigides et hypocrites. Pour le divorce et bien d’autres idées révolutionnaires pour l’époque.
Une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité ; il faudrait l’y faire entrer : donner pour contrepoids au droit de l’homme le droit de la femme. » Victor Hugo
Autres féministes de 1848 :
JEANNE DEROIN, qui tente de se présenter aux élections.
Désirée Gay, George Sand qui participent activement au gouvernement de la République. Jeanne DEROIN, Louise Colet et Adèle Esquiros sont à l’origine de deux journaux féministes : La Voix des Femmes puis L’Opinion des Femmes. Le journal lance la candidature surprise, et illégale, de George Sand. Cette dernière qui découvre sa candidature dans le journal s’en prend aux « suffragistes », car elle considère l’égalité politique comme secondaire.
Les Vésuviennes, femmes parisiennes qui avaient pris les armes lors de la révolution de 1848, revendiquent une Constitution politique des femmes, le port du pantalon l’accès à tous les emplois publics, civils, religieux et militaires. Ultra radicale, les Vésuviennes desservent toutefois la cause féministe en réclamant des réformes comme l’obligation du mariage féminin à 21 ans, la mise en place d’un service militaire obligatoire féminin et le doublement du service militaire masculin pour les hommes qui refuseraient les tâches ménagères. La radicalité des Vésuviennes permet aux hommes hostiles à la cause féministe de s’en servir comme repoussoir.
1849 – France : Jeanne DEROIN tente de se présenter aux élections législatives. Le socialiste Proudhon est l’un des plus virulents opposants à cette candidature féminine : « L’humanité ne doit aux femmes aucune idée morale, politique, philosophique. L’homme invente, perfectionne, travaille, produit et nourrit la femme. Celle-ci n’a même pas inventé son fuseau et sa quenouille ».
Si elle a toujours milité farouchement en faveur de ses paires, c’est qu’elle prit conscience très tôt de la sujétion féminine. Elle ne cessa de se battre contre l’iniquité du code Napoléon, revendiquant le droit au divorce et l’égalité civile, préalable
indispensable à la citoyenneté politique des femmes ; d’où son différend avec les féministes de 1848 qui pensaient le contraire. » (Michelle Perrot)
Femme d’idéal, utopiste parfois, c’est cet idéal d’amour, d’égalité et de fraternité qui la poussait aussi à changer la condition des femmes. Changer la condition des femmes, c’était changer la société. (Recherche internet)
Je ne sais si les paysannes des hautes Pyrénées étaient au courant de ces mouvements naissants pour la cause féminine !
On voit bien à travers l’histoire, la place de la Femme dans la société et surtout la considération des hommes à leur égard !
George Sand bien que de naissance bourgeoise aimait la terre et les gens humbles. Les valeurs simples et vertueuses. Elle était très attachée à l’importance de la paternité, qu’elle soit biologique, adoptive ou de parrainage de circonstance.
Tiens, au passage, je remarque que George Sand s’appelait Aurore Dupin ! Un petit clin d’œil à la vallée d’Aure et à mon surnom Aurore.
Elle commencera vers la fin de sa vie le livre « Albine ». Ce livre m’intrigue, car l’histoire n’est pas finie. Les débuts ressemblent un peu à mon arbre généalogique.
L’histoire des trois personnages principaux parle d’un père absent.
Albine FIORI, Juste Odouard et le Duc Flaminien d’Autremont.
Ce livre fait état de deux enfants bâtards au devenir différent. Lors de sa lecture, ce livre inachevé m’a interpellé. Quel avenir George Sand réservait à ses personnages ? Que voulait-elle dire à travers ce livre ?
La porte de mon imagination était grande ouverte.
Je comprends maintenant, pourquoi ma mère ne pouvait entendre le mot « BÂTARD »
Bien sûr que ce mot résonnait fort dans son inconscient. C’était sa réalité aussi.
Dans le livre Albine de George Sand, ses personnages reflétaient la société de ce temps-là.
ALBINE, fille de rien, trouvée et maltraitée jusqu’à l’âge de dix ans. Sans éducation, puis achetée pour quelques pièces, par un vieux danseur italien nommé FIORI, pour devenir danseuse, elle était sa chose. « Elle sentait la misère, mais aussi la vertu » (dixit JUSTE ODOARD).
Puis Juste Odouard trouvé, mais recueilli par une demoiselle qui le poussera dans les études pour devenir architecte. Lui ne sentait pas la misère et encore moins la vertu. Plutôt arriviste et dans le jugement. Pour Albine et Juste les pères sont absents totalement disparus de leur vie. Cependant leur devenir est différent.
Pour le duc Flaminien D’Autremont, c’est différent. Il perd sa mère très tôt le privant de son affection, son père dans sa rigidité aristocratique, le privera, à travers son éducation basée sur l’hypocrisie et le despotisme religieux de l’essentiel. L’Affect, l’AMOUR.
Cette éducation ira jusqu’au mariage imposé à Flaminien pour convenances, statut social, par conformisme. Un mariage raté, car sans Amour.
Je ne sais pourquoi, mais ces trois personnages m’interpellent. Je pense bien revenir à leur histoire quand j’aurais fini la mienne.
Victor Hugo. Tout le monde se souvient des Misérables. La petite Cosette confiée aux Thénardier. Sa mère Fantine, elle aussi abandonnée, qui mourra victime de sa condition, dans la plus grande misère… De grandes ressemblances entre les histoires de mes aïeules, ainsi qu’Albine et Cosette.
Cosette, comme beaucoup d’enfants pauvres de cette époque, est placée en pension chez les Thénardier. La fillette est alors exploitée et maltraitée par le couple d’aubergistes.
Victor Hugo dénonce l’obligation faite à des enfants de travailler et s’insurge contre la maltraitance dont ils sont victimes. À travers Cosette, l’auteur donne à voir les conséquences de l’absence d’éducation et d’instruction sur les enfants. Fantine, une femme dans la misère confrontée à une société dure et inhumaine Emblématique de la femme courageuse, mais impuissante, Fantine est l’exemple type de la femme dont les efforts et les sacrifices sont réduits à néant. En effet, pour gagner sa vie et parvenir à élever seule sa fille, elle devient ouvrière. Obligée de confier Cosette aux Thénardier, elle devient la victime d’un odieux chantage. Ruinée et opprimée, elle endure le froid, la faim, la prostitution, l’isolement et la maladie dans une société indifférente à son sort, y compris lorsqu’elle meurt.
À cette époque-là, « UNE FEMME QUI N’EST PAS MARIÉE, AVEC UN ENFANT, NE PEUT PAS SURVIVRE ».
On peut donc comprendre que souvent les mariages étaient des mariages arrangés, pour laver la faute, avoir un toit et de quoi manger. Mais surtout « Sauver l’honneur ».
Et l’AMOUR dans ce fatras ! Le bonheur ! La joie ! Le respect !
Dire qu’aujourd’hui, ce sont les femmes qui veulent un enfant toute seule ! Nous sommes loin de ce temps-là où rester célibataire avec un enfant était le pire ! Nous avons renversé les idées, les coutumes, l’ordre et le sens de la famille.
Quel était le regard posé sur le « BÂTARD » dans les années 1830 ? Aujourd’hui, est-ce que ce mot a le même sens ? Je ne l’ai que rarement entendu, et pas toujours dans ce sens-là.
Historiquement, le mot bâtard (au féminin bâtarde) était employé pour désigner un enfant adultérin ou illégitime, c’est-à-dire conçu hors des normes sociales (mariage, célibat des prêtres), également appelé « enfant de l’amour, synonyme de vil, de faux, d’infâme et de bas. »
Je n’imagine pas ce que Bertrande et Louise ont dû vivre ! Comment se sont passées ces grossesses qui souvent étaient cachées, les filles étaient rejetées moralement et physiquement par l’entourage ? Qui voudrait d’elles pour le mariage ? Que ressentaient-elles ? À quoi pensaient-elles ? Quel avenir ?
À nouveau, il fallait se cacher, se taire jusqu’à peut-être se terrer ! Ne rien demander, car personne n’aurait entendu !
En ce qui concerne Bertrande, l’honneur était sauf. En épousant un avocat, elle sortait de la pauvreté et acquérait un statut social. Son petit Antoine était reconnu. Pas mal en ce temps-là. Je n’ai pas cherché à savoir ce qu’elle et son fils sont devenus.
Qu’en était-il pour Louise ? Mon A. A Grand-mère ?
Louise est née en 1848, décédée en 1911 à 63 ans.
À 31 ans elle aura sa fille Jeanne, mon A.G.M ; née de père inconnu. C’est à l’âge de deux mois que Jeanne sera reconnue par Louise (sa mère).
À 37 ans, en 1885, Louise va se marier à un homme déjà veuf, plus âgé qu’elle, mais bien installé. Sa petite Jeanne a 6 ans.
Louise récupérera dans son nouveau foyer, sa mère Bernarde avec la sœur de celle-ci, Raymonde (sourde).
Son autre tante Marguerite (sœur de Bernarde et de Raymonde) qui était aveugle est morte à l’âge de 33 ans, avant le mariage de Louise. Voilà, maintenant je sais ce que sont devenues les deux filles handicapées.
Enfin, ces quatre femmes sont à l’abri sous le même toit, au chaud. La famille s’est serré les coudes devant la misère. L’essentiel est sauf, manger et un toit. J’ignore les conditions de ce mariage, mais un fait est sûr, c’est que cet homme a quand même accepté la fille mère avec son enfant, la mère et la tante de celle-ci.
Peut-être un cas isolé à cette époque. Quoi qu’il en soit, elles étaient réunies, et au chaud.
C’est cette maison (en ruines) que j’ai pu retrouver et photographier.
Maintenant je me rapproche de mon arrière-grand-mère maternelle Jeanne.
Elle est née en 1879, de père inconnu, et décédera en 1941 à 62 ans d’un cancer du sein. La petite histoire dit qu’elle aurait quitté la vallée d’Aure et ses montagnes des hautes Pyrénées pour venir à Marseille. Je n’ai pu en savoir plus.
Mais comment à cette époque a-t-elle fait pour voyager ? Pourquoi est-elle partie ? A-t-elle suivi l’exode des campagnes pour aller à la ville ? Pourquoi Marseille ?
Je ne sais pas. Toujours est-il qu’à Marseille elle faisait des ménages pour survivre. Sûrement la galère tous les jours. Peu d’instruction, étrangère à cette grande ville. Je n’ose penser à ce qu’elle a traversé pour survivre. Sûrement le mépris et le jugement des biens pensants. Les basses besognes qu’on devait lui offrir en travail, et qu’elle acceptait en silence…
L’histoire va se répéter. À 22 ans elle accouche d’un garçon Marius né en 1901 de père inconnu. Puis en 1906 naît une petite fille à Marseille (ma grand-mère maternelle) M-R elle aussi de père inconnu. Deux enfants sans père ! L’HISTOIRE DES FILLES MÈRES SE REPRODUIT FIDÈLEMENT ! Des enfants sans repères (sans heureux pères !)
Comment a-t-elle pu vivre seule avec deux enfants ? Où habitait-elle ? Voyait-elle encore sa mère ? Apparemment aucune trace de leurs échanges.
Ce n’est qu’en 1911, date de décès de sa mère Louise à l’âge de 63 ans, que Jeanne âgée alors de 32 ans va se marier à L. P né en 1866, et vivre chez lui à Marseille.
A cette date, ses enfants ; Marius a 10 ans et M – R a 5 ans.
Cet homme L.P de 13 ans son aîné est instruit, il a un bon travail. L’histoire me dira qu’il était très sévère et dur.
Il reconnaîtra les deux enfants de Jeanne lors de ce mariage. À ce moment de l’histoire, plus près de moi, j’ai des renseignements précis.
Jeanne mon arrière-grand-mère maternelle a eu son premier fils Marius en 1901 de père inconnu. Marius décédera en 1972 à 71 ans.
Marié à une Américaine du sud, on n’entendra jamais parler de lui dans la famille, je l’ai découvert lors de mes recherches, je sais qu’il a eu un fils…
Ensuite, Jeanne a eu ma grand-mère M-R, née en 1906 de père inconnu et décédée en 1978 à 72 ans.
J’ai bien connu ma grand-mère maternelle, mais j’ai surtout écouté son histoire.
Son enfance n’a pas été très heureuse. Le parâtre était sévère. C’était une petite fille très jolie avec de grands yeux verts ourlés de longs cils noirs comme ses cheveux, avec un visage d’une grande finesse. Une poupée de porcelaine.
Elle travaillait très bien à l’école, elle voulait être institutrice. Chaque fin d’année, elle recevait le prix d’excellence de la ville de Marseille à l’Opéra, comme cela se faisait en ce temps-là. D’ailleurs je possède le Certificat d’Études qu’elle avait obtenu avec mention. À cette époque cela était rare. Je l’ai placé dans un cadre d’OR.
Une année, elles étaient deux premières dans la classe, la maîtresse décida de donner le premier prix à l’autre petite fille en disant à ma grand-mère : « Toi tu l’as chaque année, alors pour cette fois on va le donner à ta camarade. »
En rentrant le soir à la maison sans le premier prix, elle eut beau expliquer la situation, le parâtre lui infligea des coups de baguettes fines sur les jambes la marquant profondément.
Le lendemain matin, la maîtresse en voyant ses jambes s’excusa en lui disant que si elle avait eu connaissance de cette violence elle lui aurait donné le prix.
L’histoire raconte aussi que Jeanne, devenue femme au foyer en se mariant, dépendait totalement de L. P.
C’était une femme soumise et silencieuse. Tous les matins avant de partir au travail, L. P glissait une pièce de monnaie sur le bord de la table pour la nourriture de la journée. Il parlait peu.
J’ai su plus tard par ma mère, que Jeanne qui était très belle, de grands yeux noirs et des cheveux noirs frisés naturellement. Elle cuisinait très bien. Mais aussi qu’elle buvait pour supporter sa triste vie… Elle menaçait souvent de se jeter par la fenêtre de la cuisine, ma mère alors âgée de trois ou quatre ans à l’époque se pendait à son grand tablier noir en criant « Non – mémé ! »
Cette scène se passait dans le même appartement où je suis née, dans la fameuse cuisine où au même âge que ma mère « j’ai vécu la drôle de sensation ».
Ma mère me raconta que Jeanne étendait ses draps la nuit, car elle avait honte. Ils étaient tout rapiécés ! La misère à tous les niveaux.
Il était évident que Jeanne souffrait. De même, elle cachait des harengs sous le matelas pour les manger en cachette… Oui, elle souffrait en silence. Les privations, le mépris et les insultes, aucune considération… Je pense qu’elle payait le prix d’avoir été une « FILLE-MÈRE » inculte, et née de père inconnu.
Que de tristesse, le passé de ses aïeules la rattrapait ! Quelle vie ! Que de silence imprimé dans leurs cellules à jamais !
La petite histoire me dit qu’il y a eu une autre petite fille après ma grand-mère, là est un grand secret, car je n’ai jamais pu la retrouver sur les registres de naissances et de décès à la mairie de Marseille.
Elle se prénommait Paulette, apparemment née entre 1908 et 1910, elle est décédée du croup à l’âge de deux ans… Curieux, car elle ne figure pas sur le livret de famille. Pourtant, ma mère a eu connaissance de son existence…
Elle est introuvable encore à ce jour.
Après une vie de rejet, d’abandon, de privations, mon arrière-grand-mère Jeanne est décédée à 62 ans d’un cancer du sein. Pratiquement au même âge que sa mère Louise.
Ma grand-mère, M – R a eu le même destin que ses aïeules.
À l’âge de 17 ans, elle mettra au monde ma mère, née de père inconnu !
La petite histoire dira que cet homme absent était un ouvrier miroitier d’origine bretonne et travaillant dans le quartier. Peut-être que pour ma grand-mère c’était un véritable Amour, peut-être qu’il a profité de son jeune âge ? Apprenant la grossesse, il l’a abandonnée !
Cependant je n’en ai aucune certitude, la porte de tous les possibles reste ouverte.
Cette grossesse créa un séisme dans la famille. Le parâtre entra en colère. Encore une fille-mère ! Il ordonna à ma grand-mère, M.R, de stopper ses études d’institutrice pour aller travailler en usine. Tous ses rêves disparaissaient, tout s’écroulait. La « BATARDE » serait élevée par Jeanne (la mère de M.R).
Je n’ose imaginer ce que Jeanne, mon A. Grand-mère a dû entendre et vivre à l’annonce de la grossesse de sa fille M.R, les souvenirs de sa propre jeunesse remontant à la surface devaient être plus que douloureux. Les reproches devaient pleuvoir, le nouveau prix à payer pour cette faute, sûrement très cher.
En effet, ma grand-mère stoppa les études et alla travailler en usine. Jeanne (sa mère) éleva sa petite fille (qui deviendra ma mère).
Durant trois ans, le parâtre ne regarda jamais ma mère. Quand elle était dans une pièce, il se débrouillait d’en partir. Il ne voulait pas la voir, ni lui parler. Comme si cet enfant de la faute n’existait pas pour lui.
Souvenez-vous de l’épisode où Jeanne (mon arrière-grand-mère) voulait se défenestrer ; ma mère pendue à son grand tablier noir !
Mon Dieu, quelle vie à la maison pour Jeanne (AG.M,) M-R (ma grand-mère), et ma mère ! Trois générations en manque d’Amour, de tendresse, de liens !
Ma mère m’a raconté ce qui suit :
Vers 3/4 ans ma mère se trouva surprise par l’arrivée du parâtre dans la même pièce (la fameuse cuisine dans laquelle, pratiquement au même âge qu’elle j’ai vécu « une drôle desensation). »
Elle le regarda, tout aussi surprise que lui, et l’appela spontanément PAPA !
À compter de ce jour, il l’a regardée un peu plus. En tout cas ma mère ne m’a jamais parlé de lui, au-delà de cet épisode.
C’est donc Jeanne (mon A.G.M) qui va se charger d’élever ma mère.
Ma mère avait de bons souvenirs de cette grand-mère. Cependant, elle n’a jamais occulté sa triste vie et son alcoolisme de souffrance.
En fait, le lien entre ma mère et sa mère (M.R) ne s’est pas fait correctement.
La dureté de la vie les a éloignées, l’AMOUR filial a eu trop de mal à se tisser. Pas de liens, pas d’affection, une mère absente par la force des choses.
Ma grand-mère M.R poursuivit sa vie comme elle a pu. Elle continua à travailler dans les Usines toute sa vie, sans perspective de mieux. Le rêve d’être institutrice avait complètement disparu.
Quand ma mère a eu onze ans, ma grand-mère rencontra un Italien du nord. Il l’épousa et reconnut par le mariage ma mère.
Cet homme habitait une petite ferme à Saint Loup, aux environs de Marseille, avec des volailles, canards, lapins et une vache
. De cette union naquit ma tante en 1934 et peu après un petit garçon Jean-Louis, qui à l’âge de dix-huit mois en 1938, décéda d’une piqûre de tique sur la tête (empoisonnement). Ma mère m’en a parlé, car elle allait le veiller à l’hôpital de La Conception juste avant qu’il ne meure.
Immédiatement, après le mariage de ma grand-mère, ma mère devint la petite « COSETTE », un petit peu d’école pour l’essentiel, et la charge de s’occuper des animaux.de la ferme.
Elle m’a raconté ce qui suit.
Un soir, j’étais assise à table, le parâtre en face de moi me servit dans le verre de l’eau sale, croupie en me disant : « Tiens, ça c’est l’eau des canards que tu n’as pas changée, bois-la ! »
Bien sûr elle refusa de boire cette eau croupie, alors il se saisit de son assiette et la lui lança au visage, ma mère leva le bras en parade et l’assiette lui coupa le coude. Elle en a gardé la cicatrice toute sa vie et une allergie au canard !
Comment ne pas faire de liens avec toutes ces histoires ?
Toujours la même situation qui se rejoue !
Je ne crois pas au « hasard ». L’explication est ailleurs.
Ma grand-mère M.R fut vite veuve, l’union ne dura que sept ans. Son mari décéda en 1939 à l’âge de 41 ans, deux mois après le décès de leur fils, le petit Jean-Louis âgé de dix-huit mois.
Le choc a dû être terrible pour ma grand-mère, décidément le sort s’acharne sur les femmes de mon clan. Les hommes meurent très jeunes.
La voilà seule, veuve à 33 ans avec ses deux filles.
Elle restera veuve toute sa vie. Une vie à mourir. Sans lendemain.
Deux ans après c’est sa mère, Jeanne (mon A.G.M) qui décédera d’un cancer du sein en 1941.
Je pense que la vie de ma grand-mère (M.R) s’est arrêtée lorsqu’elle est tombée enceinte de ma mère. Une vie brisée.
Elle restera plus proche de ma tante et de ses enfants. Sa vie a été triste, sans couleurs, sans AMOUR. Une vie de misère.
À l’âge de 68 ans, elle déclencha un cancer de l’utérus. Elle s’en est remise doucement.
Elle s’éteignit à l’âge de 72 ans, en 1978, comme elle avait vécu, en silence et seule.
En écrivant ces lignes, je ne peux que ressentir le vide et la tristesse de sa vie, partagée entre le travail et le devoir. Comme si elle n’avait pas droit à la joie, au bonheur, à l’Amour. Comme si elle était coupable de !
Ma mère a fait comme elle a pu avec ce qu’elle avait pour se construire. Elle était débrouillarde et brillante. Elle se maria à dix-neuf ans avec mon père.
Elle était très belle, de beaux yeux bleus, des cheveux toujours soignés.
Elle me disait : « Une femme bien coiffée et bien chaussée est toujours belle »