Four as love - Coralie Houters - E-Book

Four as love E-Book

Coralie Houters

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Beschreibung

CHLOE
Timide et pas très sûre d’elle, elle surprend par sa persévérance et n’est jamais là où on l’attend. Elle sort avec le meilleur ami de Lou, mais un évènement rendra cette relation impossible. Elle devra alors trouver en elle les ressources nécessaires pour affronter les défis qui se présenteront à elle et se faire une place dans ce monde.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Coralie Houters est d’origine belge. Elle s’installe à l’étranger pour étudier la gestion internationale à SciencesPo Paris et la gestion de crise - continuité des affaires au Massachusetts Institute of Technology à Boston. Après avoir vécu à l’étranger, elle réside actuellement à Bruxelles et travaille en tant que Manager de gestion de crises. Son temps libre, elle le passe à voyager, écrire et faire du sport.

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Coralie Houters

Four as Love

 

 

Coralie Houters est d’origine belge. Elle s’installe à l’étranger pour étudier la gestion internationale à SciencesPo Paris et la gestion de crise – continuité des affaires au Massachusetts Institute of Technology à Boston. Après avoir vécu à l’étranger, elle réside actuellement à Bruxelles et travaille en tant que Manager de gestion de crises. Son temps libre, elle le passe à voyager, écrire et faire du sport.

Prologue

La lampe rouge de la ceinture s’est allumée, l’hôtesse n’allait pas tarder à lui demander d’éteindre son téléphone avec lequel Lou écoutait de la musique – elle ne sait pas pourquoi, même avec le mode avion, ils n’acceptent pas qu’elle laisse son portable allumé lors de l’atterrissage. Pourtant elle adore écouter de la musique mais bon, ça dépend des compagnies aériennes et elle se doutait bien que son casque ne passerait pas inaperçu. Parfois elle cache des écouteurs sous ses longs cheveux mais le casque est plus confortable et l’isole complètement des bruits de l’avion. Elle cherche dans sa playlist une chanson qui la mettra dans l’ambiance de sa destination et elle s’arrête sur We come running d’un groupe californien dont le son lui évoquait un sentiment de liberté comme lorsqu’elle surfe.

Pourtant, ce ne sont pas des vacances qui l’attendaient, elles se terminaient en fait tout juste. Néanmoins, elle était impatiente d’entamer sa cinquième et dernière année d’étude. Ça faisait environ trois mois, depuis le 20 mai, qu’elle n’avait pas vu ses colocataires, qui sont devenues ses meilleures amies au fil de ces quatre dernières années. Elles étaient si différentes et si inséparables à la fois. Elles venaient toutes d’États lointains et avaient donc toutes dû quitter leurs familles. Elles avaient recréé leur propre ambiance familiale avec leurs propres codes. Parfois, elle pensait qu’elles devaient paraitre bizarres de l’extérieur. Elle avait retrouvé une photo d’elles quatre lors de la Saint-Sylvestre de l’année passée, elle portait une robe blanche ajustée au corps avec des voiles aux manches, Chloe avait une robe bleue à motifs, Nora portait une robe noire cintrée par une ceinture rouge et Taïna était en robe vert foncé avec un reflet scintillant. Elles prenaient la pose devant la cheminée du salon de chez ses parents dans l’État du Rhode Island. Son unique frère aîné de quatre ans avait pris la photo. Elles portaient toutes leur pendentif. C’était l’une de leurs particularités ce pendentif.

C’était au mois de décembre lors de leur première année, elles zappaient devant la télé et elles sont tombées sur un vieux dessin animé – Capitaine Planète. Lou leur avait expliqué que, dans son enfance, son frère, ses deux cousins et elle se prenaient pour les personnages et jouaient dans le jardin de leurs grands-parents, en imaginant voir Capitaine Planète surgir. Ça leur avait sauté aux yeux comme une évidence. Leurs différences de cultures et de parcours étaient leur force. Après Noël, Nora avait ramené de son pays d’origine – la Colombie – des pendentifs aux couleurs des quatre éléments.

La pierre transparente allait pour Taïna, qui était le vent, enfin plutôt une vraie tornade. Elle ne s’arrêtait jamais, elle était partout et sur tous les fronts. Elle arrivait à peine à dormir et pourtant restait concentrée durant toute l’année. Elle m’avait toujours impressionnée. Aux dernières nouvelles, elle avait passé l’été dans un cabinet d’avocats pour mieux relier la théorie de ses cours de droits à la pratique, dans l’État de New-York et pour être proche de sa maman. Elle prenait très peu de temps pour elle, et quand elle le faisait, c’était que la fièvre la clouait au lit, ou qu’elle était presque à l’agonie.

La pierre verte allait pour Chloe. Elle était la terre, plus proche de la nature et surtout elle avait les pieds sur terre. Elle pouvait marcher des heures sans s’arrêter. Elle était comme la terre, elle avait besoin de s’enraciner et de temps pour réfléchir, se poser et rester calme. Elle était prévisible et surprenante à la fois. On croyait la connaitre mais sa curiosité l’emmenait toujours plus loin. En ce moment, elle s’était mise à la tendance indienne depuis qu’elle sortait avec mon meilleur pote.

La pierre bleue allait pour Nora. C’est celle qui arrivait toujours à s’adapter. Elle était comme l’eau, elle était fluide et retournait toujours aux sources. Elle passait la plupart de ses vacances en Colombie avec tous les membres de sa famille dans sa ville d’origine. Comme l’eau, elle était abondante en générosité et empathique. Elle se dévouait beaucoup aux autres, quitte à s’oublier. Pas étonnant qu’elle étudie la médecine, sa vie passait toujours après celle des autres.

La pierre couleur miel était pour Lou, représentant le feu. Ça lui convenait, son signe astrologique était le feu, ça lui semblait donc logique. Elles disaient d’elle qu’elle était volontaire, franche, voire sarcastique comme disait Taïna, passionnée et vive dans ses actions. On lui avait souvent dit que son passage faisait toujours des ravages. Parfois c’était flatteur, et bien souvent, ça lui semblait plutôt désastreux.

Elle ressentit une légère secousse, l’avion venait de toucher le tarmac. Elle mit son portable sur le mode réseau, l’heure s’était réglée automatiquement. S’il n’y avait pas trop d’attente à l’immigration et aux bagages, elle devrait pouvoir prendre le bus qui partait dans quarante minutes.

CHAPITRE 1

C’est pour cela que les humains résistent à la vie. Être vivant est leur plus grande peur. Ce n’est pas la mort, mais le risque d’être vivant et d’exprimer qui l’on est vraiment qui suscite la peur la plus importante. Être simplement soi-même, voilà ce que l’on redoute le plus. Nous avons appris à vivre en nous efforçant de satisfaire les besoins d’autrui, à vivre en fonction du point de vue des autres, de peur de ne pas être accepté et de ne pas être assez bien à leurs yeux.

 

Miguel Ruiz

 

Mardi, 30 août, 19 h 42

– Elle devrait déjà être arrivée ! dit Chloe qui regardait l’horloge au-dessus de la porte d’entrée.

– Mon Dieu, j’ai trop faim ! J’ai l’impression de faire le Carême puissance mille, dit Nora avec un sourire crispé en se touchant l’estomac.

– Et quand je pense que c’est moi que le frère de Lou a surnommé « trou sans fond ». C’est tellement injuste ! conclut Taïna en riant.

Les filles étaient toutes assises dans la pièce commune de l’appartement. Un appartement situé sur le campus universitaire de Pensciesco, qu’elles occupaient depuis bientôt cinq ans. Le campus était énorme et ressemblait à une petite ville. Leur appartement était situé au rez-de-chaussée et faisait partie de ces blocs en briques rouges qu’on retrouvait typiquement dans le nord-est du pays, alors qu’elles étaient en Californie.

C’était la fin de l’été. Un jour avant la reprise de l’année académique qui allait durer deux semestres de quatre mois. Elles allaient entamer leur cinquième et dernière année d’étude, mais aussi leur cinquième année comme colocataires.

– Toc Toc Toc ! entendirent les filles.

Taïna, qui s’étirait sur le sol, juste à côté du divan où Nora et Chloe étaient affalées de part et d’autre, se remit debout en une fraction de seconde et se dépêcha d’ouvrir la porte.

– Ooooh ça me fait trop trop plaisir de vous revoir ! dit Lou en les serrant dans ses bras. Je suis désolée de mon retard, mon vol de Mexico a été retardé.

– Attends… Quoi, tu as bien dit Mexico ? s’étonna Taïna qui prenait une pose les bras croisés avec un déhanché sur la droite.

– J’ai vraiment mentionné Mexico ? dit-elle en piquant un fard.

– Oui, tu l’as dit ! rétorqua Taïna en levant le sourcil.

– Bah, il s’est avéré que le seul vol qui allait en Birmanie passait par Mexico City. Donc même les dieux de l’aviation m’ont obligée à aller voir mis amigos, se justifia-t-elle à moitié.

– « Mis amigos » hein ? Ou bien devrais-je dire « amigovio1 » !

– Si tu insistes, mon « amigovio » se porte bien.

– Lou ! Ce n’est pas bien ce que tu fais.

– Bon, tu me sermonneras demain si tu veux, mais pour l’instant, c’est notre dernier jour de vacances. Épargne-moi. Les choses ne sont pas toujours black or white.

– But, if you’re thinkin’ about my baby, It don’t matter if you’re black or white… Taïna commença à chanter et à danser dans toute la pièce.

– Michael Jackson, ça marche toujours, murmura Lou avec un grand sourire. Je vais prendre une douche, je sens une odeur indescriptible, dit-elle en reniflant ses aisselles et grimaçant.

– Pssss, tu me raconteras exactement ce qui s’est passé hein, dit Nora en lui faisant un clin d’œil et un grand sourire alors qu’elle était repartie s’allonger sur le divan.

– Promis !

Elle lui tira la langue pour la taquiner.

Chloe partit à la cuisine qui se trouvait juste derrière le salon. C’était une petite cuisine ouverte avec un plan de travail qui servait de table à manger. Elle mit le plus possible de sachets de popcorn dans le micro-ondes. Entre-temps, elle regarda rapidement son téléphone. « Toujours pas de nouvelle d’Adi », se dit-elle déçue.

Elle prit le plus grand bol dans le placard et le remplit de popcorn jusqu’à son maximum et elle y jeta une amande.

C’était une vieille tradition que les colocataires avaient mise en place dès qu’elles se chamaillaient pour choisir la nourriture à commander lors des occasions spéciales. Chloe avait anticipé cette fois-ci, sachant que vu l’état bien vide du frigo, ça serait obligatoire de commander pour ce soir. Étant toutes différentes, elles avaient aussi des goûts distincts : Lou était une grande adepte de sushis, alors que Taïna ne jurait que par les pizzas au salami, Chloe était à fond sur les falafels et Nora se contentait de tout tant qu’il n’y avait pas de viande ni de fromage de chèvre. Elles étaient presque toutes végétariennes, ce qui facilitait les choses, sauf Taïna qui ne disait pas non à du saucisson ou du salami. Un détail que Lou n’oubliait pas, puisque durant les trois premières années d’études, elles suivaient le cours d’allemand ensemble et l’odeur des sandwichs au salami émanaient toujours du sac de Taïna, ce qui lui donnait des haut-le-cœur. Mais depuis, qu’elles étaient rentrées en master, elles n’avaient plus eu de cours en commun, aucune d’entre elles d’ailleurs.

*

« 3-2-1 go », dit Chloe.

Les quatre filles plongèrent leur visage dans l’énorme bol de popcorn pour s’affronter à qui trouvera en premier l’amande. Nora fut la première à sortir sa tête du bol, elle n’avait pas trouvé l’amande, mais avait respiré un morceau de popcorn qui la faisait tousser.

– Je l’ai ! dit Taïna qui recracha l’amande dans sa main. Ah non… c’était un morceau de maïs, dit-elle à moitié gênée.

Quelques secondes plus tard, c’est Chloe qui trouva l’amande. Elle décida donc du repas du soir et sonna à Papa Johns, pour faire plaisir à tout le monde, et chaque fille put commander une pizza à leur goût.

Une fois les pizzas dévorées, avec quelques morceaux de croûtes laissés de côté par Taïna qui n’aimait pas tout ce qui était trop dur à mâcher. Les filles s’étaient affalées devant la télé pour regarder de vieux films de leur enfance. Elles en profitèrent pour s’empiffrer de popcorns. Taïna les analysait minutieusement pour être certaine qu’ils n’aient pas été en contact avec de la salive lors du concours. Elle était plutôt nareuse, mais faisait tout pour que ça ne soit pas trop évident. Vers minuit, la télé allumée en fond, les filles étaient déjà dans les bras de Morphée, Taïna et Nora sur le sofa alors que Lou et Chloe dormaient sur le sol. Chloe était à même le tapis et Lou avait quand même mis un maximum de coussins et de couverture par terre.

*

Mercredi, 31 août, 09 h 30

La musique du réveil de Lou la fit émerger de son sommeil. Une musique avec de bonnes ondes donnait tout de suite la pêche et l’envie d’émancipation. Elle se leva directement et courut vers la cuisine pour l’éteindre et se mettre en route.

– Les filles ! Debout ! L’inscription des cours commence dans une demi-heure.

Taïna se leva d’un coup, alors que Nora s’était glissée sous la couverture pour se cacher du soleil. Chloe, qui était matinale, était déjà le nez dans le frigo. Lou, qui baillait, cherchait après son huile essentielle de menthe poivrée, encore un peu sous le coup du décalage horaire, quelques gouttes l’aideraient à s’activer et lui donner un peu de punch pour commencer la journée.

Vers 10 h 50, les filles s’enfermèrent dans leur chambre respective et allumèrent leur ordinateur pour accéder à leur système interne et commencer l’enregistrement en ligne des cours. Depuis des années, l’université avait mis en place ce système, ce qui simplifiait énormément le travail administratif, mais tous les cours, sauf ceux en auditoires, avaient un certain nombre de places limitées. Les filles avaient reçu mi-août par email la grille horaire et la description de chaque cours. À chaque début de semestre, le téléphone du secrétariat et les emails explosaient de mécontentement. Le système du « premier arrivé premier servi » n’était pas toujours vu d’un bon œil, certains accusaient un débit d’internet plus lent que les autres, d’autres un blocage du système ou simplement étaient de mauvaise foi.

Entamant leur cinquième année, les filles étaient habituées et connaissaient parfaitement les méthodes pour obtenir les cours qu’elles désiraient. Au vu de leur année de spécialisation, il était plus simple d’obtenir ce qu’elles voulaient. Nora, elle, n’avait pas de grande difficulté, elle devait simplement s’inscrire à son internat à l’hôpital du Campus, mais devait quand même choisir des spécialités, car une année n’était pas assez pour faire le tour de manière approfondie de certains départements. L’hôpital universitaire se trouvait à 4 km du campus pour faciliter l’accès aux urgences.

Bien que les cours ne commencèrent que le lundi 7 septembre, les filles avaient déjà un programme chargé et pour cause, la semaine d’intégration débutait. Une centaine d’activités, tant académiques que ludiques, étaient organisées tout au long des cinq jours. Cinq jours nécessaires aussi pour que les filles dépoussièrent l’appartement, remplissent le frigo et reprennent une certaine routine.

Taïna allait être sur plusieurs fronts, étant fondatrice d’une chorale acoustique ainsi que de la compagnie de danse et de pom pom girls universitaire. Deux projets qui avaient pour objectif de placer l’art plus au cœur des compétitions universitaires, et de mieux encadrer la composition artistique. Un manque que l’université avait constaté suite aux échecs lors des classements des médailles dans ces domaines. Taïna était une passionnée et ne voyait jamais les obstacles comme une difficulté. Elle avait introduit ces deux projets lors d’un meeting avec le Recteur. Suite à la soumission des votes pour soutenir des associations, ces deux projets avaient obtenu assez de voix. Elle pouvait recevoir les finances nécessaires et les mener à bien. Lou n’était plus trop investie depuis l’année dernière. Ayant été nommée responsable du pôle sportif, elle n’était plus que dans une position consultative pour la danse. Taïna allait devoir monter d’un cran pour mettre en place des agencements artistiques qui allaient défendre les couleurs de Pensciesco lors des prochains championnats universitaires. Lou allait aussi être fortement occupée. En charge de l’association sportive, elle avait en plus l’organisation du championnat national universitaire. Leur université avait été choisie par le conseil de la Fédération Nationale. Bien qu’elle ne fût pas seule aux commandes, elle supervisait la mise en place des tâches. Une pression supplémentaire qui s’ajoutait à beaucoup de responsabilités tout au long de l’année. Elle ne savait pas trop si elle avait les épaules pour tout gérer. Elle était consciente que la direction lui faisait confiance, et c’était un apprentissage énorme. Elle se savait accompagnée dès qu’elle en avait besoin mais Lou avait aussi beaucoup de fierté. Demander de l’aide ne faisait donc pas partie de ses points forts.

*

Lou sortait tout juste de l’allée centrale de la librairie universitaire, où elle venait d’imprimer une série de brochures supplémentaires pour les déposer sur le stand de l’association sportive. Elle vit au loin Nora adossée au stand des syndicats.

– Des muffins au chocolat, trop bon !

Sans le demander, Lou se servit et l’engouffra.

– Tu vois que cette technique fonctionne pour attirer les gens ! dit Nora à sa collègue.

– Ça marche bien, en effet, mais toujours pas assez pour me convaincre de me convertir à la politique estudiantine, répondit-elle d’un air sarcastique à Nora, qui lui sourit en retour.

Une cause de militantisme de gauche que Nora avait toujours exprimée pour aider ceux dans le besoin.

– Tu t’es inscrite à un sport ? On a vraiment besoin de toi dans l’équipe de volley !

Nora lui rétorqua un sourire :

– Hum, je dois voir, avec mes horaires d’internat, ça me semble compliqué d’être présente aux entrainements.

– Ça n’a pas d’importance, tu es notre meilleure attaquante, tu n’as pas besoin de beaucoup d’entrainements. Alllleeeeeeezzzz ! Si tu t’inscris, je cuisine mes super-crêpes ce soir !

– Tu me corromps ? !

– Je m’inspire de tes techniques.

– Bon, d’accord, je vais y réfléchir.

Lui lançant un clin d’œil, elle ajouta :

– Ok maybe !

– Super ! Top ! Bon je dois y aller.

Lou savait que Nora ne s’inscrirait pas mais elle aimait bien jouer avec sa culpabilité. Nora n’osait jamais dire non.

Lou se dirigeait désormais vers son stand, quand elle sentit dans ses mains son téléphone vibrer. Un numéro privé. D’habitude, elle ne décrochait pas, bien souvent c’était le service après-vente de son abonnement téléphonique qui voulait vendre leurs nouveaux produits. Elle décrocha tout de même, juste par intuition :

– Allô ? !

– Lou Vandervelde ?

– Oui, c’est bien moi.

– Bonjour, Francis Laval au téléphone.

– Oh ! dit-elle surprise. Bonjour Monsieur le Recteur.

– Pensez-vous qu’il serait possible que vous passiez à mon bureau entre 11 heures et midi aujourd’hui ?

– Oui, aujourd’hui vers 11 h 00, je peux sans problème.

– Très bien. À tout de suite.

Alors qu’il venait juste de raccrocher, elle regarda l’heure sur son portable. Il était déjà presque l’heure. Elle s’empressa de passer par son stand pour y déposer les brochures et donna rapidement quelques explications à un étudiant s’intéressant aux arts martiaux et les différences entre les disciplines. Elle promit aux deux collègues qui tenaient le stand qu’elle repasserait au plus vite pour voir l’état des inscriptions et pour prendre la relève.

CHAPITRE 2

Tout ce que vous avez toujours voulu se trouve de l’autre côté de la peur.

 

George Addair

 

Mercredi 31 août, 11 h 03

Lou entra dans le bâtiment central du campus, d’architecture ancienne. Il avait un peu des airs d’Harry Potter, mais avec la pluie en moins. Elle n’y mettait pas souvent les pieds, sauf en cas de démarches administratives. Les bureaux occupaient l’ensemble des lieux dans ce bâtiment classé. Il y avait aussi cet énorme amphithéâtre en bois également classé, qui accueillait surtout les conférences d’invités prestigieux. Elle y aurait bien jeté un œil, il y régnait une atmosphère intemporelle, beaucoup de grands leaders y avaient foulé les bancs, très inconfortables, ce qui rendait le lieu mythique. Elle monta directement au premier étage par les larges escaliers en spirale de style renaissance, avec bien sûr ce tapis rouge qui était toujours impeccable – sûrement à cause du peu d’étudiants qui osaient emprunter ces marches, pensa-t-elle. Lou frappa à la porte d’entrée qui lui fut ouverte par une dame d’une trentaine d’années, bien vêtue, les cheveux tirés par un chignon.

– Bonjour, pardon de vous importuner, j’ai reçu un appel de monsieur le Rec…

Elle n’eut pas le temps de terminer qu’elle fut interrompue par le Recteur qui avait dû l’entendre.

– Oui, Mademoiselle Vandervelde, entrez s’il vous plait.

Sa secrétaire lui fit signe d’entrer. Lou fut directement attirée, à sa grande surprise, par un Labrador noir qui se trouvait allongé sous le bureau de la secrétaire. Elle en avait entendu parler mais ne l’avait jamais vu. Rudy, n’était pas une légende, il était bien réel et était devenu une vraie mascotte.

– Salut toi !

Elle ne put résister de vite aller le caresser en passant à côté pour se diriger vers le bureau du Recteur. Elle fut surprise de voir la simplicité de son bureau : une grande pièce illuminée d’une grande fenêtre, avec son bureau au fond, un mur faisant office de bibliothèque, une cheminée de style renaissance et un siège noir italien qui faisait face à une table ovale de réunion.

– S’il vous plait, prenez place Mademoiselle Vandervelde, lui indiquant la table ovale.

Lou s’installa sur la chaise la plus proche, à moitié assise dessus et à moitié dans le vide, les jambes croisées qu’elle tenait avec les mains.

– Je vous ai convoquée, car, comme vous le savez, nous accueillons en mai prochain le championnat national universitaire. Nous avons notre titre à défendre qui a été gagné de justesse, à quelques points près, l’année passée par nos rivaux historiques de la côte Est.

– Oui, je m’en rappelle très bien. Le match de rugby avait été décisif.

Elles y avaient participé intensément. Lou et Nora y étaient pour défendre les couleurs du Campus en volley, Taïna et Lou sur scène pour la danse et Chloe en théâtre. La pression avait été difficile et beaucoup s’étaient blessés.

– Bon, suite à l’assemblée générale, la Fédération Nationale du Sport Universitaire a décidé d’intégrer deux nouveaux sports au championnat national universitaire. Il s’agit du triathlon et du surf.

– Ok, je suppose que je dois contacter la Fédération Nationale pour qu’un comité technique définisse les infrastructures à valider étant donné que c’est nouveau. Il faut aussi que je passe à la mairie pour les nouvelles autorisations. Il faudrait aussi prévoir plus de logements et les tran…

– Oui, en effet, ce sont des choses à prendre en compte, vous avez entièrement raison, Mademoiselle Vandervelde. Enfin, nous avons un défi de plus grande taille à relever.

– Ah ! s’exprima Lou.

Pour l’organisation supplémentaire pour deux sports, c’est déjà beaucoup de pression et responsabilité, pensa-t-elle. Que voulait-il dire de plus ?

– Il nous faut absolument remporter les deux nouvelles disciplines afin de garder le cap dans l’accumulation des points.

Ne laissant pas de temps à Lou d’intégrer la nouvelle, il enchaina :

– Notre système a relevé que votre CV comportait une expérience en surf.

– Oui, en effet, je le pratique assez souvent… enfin pour le plaisir.

– J’aimerais que vous soyez accréditée en tant qu’athlète pour représenter l’université.

– OK, très bien, répondit-elle intimidée sur un coup de tête, et surtout par orgueil.

Comment aurait-elle pu refuser la demande de son Recteur d’université ? Il l’avait toujours appréciée pour son engagement dans les compétitions sportives et elle le savait. Étant une étudiante moyenne, elle savait que lorsqu’on se rappellerait d’elle, ce serait pour sa contribution au rayonnement sportif de l’université. Après avoir quitté le bureau, Lou commença peu à peu à se rendre compte du poids de son engagement. Sa peur a toujours été sa source de motivation. En pensant à tout le challenge qui l’attendait, cette pression lui serrait un peu la poitrine mais elle avait quelques mois devant elle et s’habituerait à l’idée. Du moins, c’est ce qu’elle espérait. Lou décida d’aller chercher sa planche de surf et de descendre sur la plage. Elle avait déjà l’impression qu’elle devait revoir toute sa technique, comme si d’un coup tout s’était évanoui, n’ayant plus la moindre idée de comment s’y prendre et par où commencer.

*

Chloe s’était rendue à la journée des associations pour se décider sur quoi elle allait se concentrer cette année. Les années précédentes, elle s’était plutôt engagée dans des causes diverses. Elle était passionnée et intéressée par tous les domaines. Elle aime l’art, la littérature, le Moyen-Orient dont la culture la fascine, le contemporain, le théâtre, le sport, les voyages, la politique, l’histoire, les faits divers. Tout l’intéressait ! Elle était considérée comme l’encyclopédie des filles. C’est pour cela qu’elle s’était dirigée vers le journalisme pour son master. Chaque année, elle changeait de projet pour continuer à explorer. L’année passée, elle s’était mise dans un projet de start-up d’une jeune designer et avait pour mission d’établir son plan de communication sur le web. Elle arrivait toujours à trouver ce que les autres ne voyaient pas ou à être au courant de nouveaux endroits tendances.

Elle était partie au petit matin pour avoir le temps de consulter chaque brochure en profondeur de chaque stand. Elle remplissait son sac au fur et à mesure que les projets l’intéressaient. La politique universitaire l’obligeait cependant à ne s’inscrire que dans un seul projet afin de laisser à chacun une place pour s’impliquer.

Alors qu’elle était au stand d’un projet humanitaire qui aidait les enfants du Guatemala, elle sentit son portable vibrer dans la poche avant gauche de son jean.

Elle ouvrit le SMS – c’était Lou. Elle ressentit un léger pincement au cœur, elle aurait aimé y voir écrit le nom d’Adi.

« J’ai un contre-temps, peux-tu aller chercher la liste des inscrits sports pour moi ? Merciii @+ XOXO L. »

Chloe mit le prospectus de l’association des enfants du Guatemala dans la poche arrière de son jean et fila vers le stand de l’association sportive pour récupérer la liste. Elle traversa le bâtiment de l’administration centrale qui séparait la grande pelouse du campus en deux sur laquelle tous les stands se trouvaient.

Alors qu’elle traversait le couloir principal du bâtiment, elle chercha son GSM qui n’était pas là où elle le mettait d’habitude, sa poche avant. Elle se mit à fouiller dans son sac tout en marchant. Soudain, elle ressentit une douleur, son épaule heurta celle d’un étudiant, qui ne prêtait pas non plus attention et qui était en train de compter le tas de feuilles qu’il tenait dans ses mains. Le choc épaule à épaule les déstabilisa tous les deux.

– Oh, pardon, je suis désolée, je n’ai pas fait attention ! dit Chloe avec un petit sourire en rougissant.

L’étudiant, de première ou deuxième année, s’empressa de ramasser les quelques feuilles tombées par terre.

Soudain Chloe aperçut au loin une feuille qui avait glissé sur quelques mètres. Elle la récupéra mais l’étudiant était déjà parti. Tout en avançant vers une poubelle, elle y jeta un œil :

 

~ ANNONCE INTERNE AUX MEMBRES DU

PENSCIESCO HERALD ~

À l’occasion de notre partenariat historique, le National Times relance sa campagne de recrutement.

Une procédure de sélection sera mise en place par le comité directeur dès réception d’une lettre de motivation et d’un article sur l’actualité internationale dont vous êtes le seul investigateur et critique. Les documents sont à envoyer à [email protected] avec pour référence : PENSCIESCO HERALD + Nom Prénom.

La date butoir est le 31 décembre à minuit. Aucune candidature a posteriori ne sera acceptée.

 

Chloe se mit à rêver. Intégrer le journal national qui avait mis en lumière de nombreuses affaires étouffées par des pressions diverses était une consécration pour une carrière de journaliste et une porte pour beaucoup d’autres accès. Elle laissa très vite tomber l’idée, elle connaissait le talent de certains dans le Pensciesco Herald, elle ne ferait jamais le poids. Elle repartit à la recherche d’un projet après avoir récupéré le dossier pour Lou et mangé avec Nora au restaurant universitaire.

*

Nora avait passé son après-midi à l’hôpital universitaire. Elle avait dû passer une visite médicale pour valider son inscription pour l’internat.

En sortant de l’hôpital universitaire, Nora tourna sur la gauche vers le parking pour rejoindre son vélo attaché à un lampadaire. « Ce n’est pas possible, la poisse ! », pensa-t-elle, sa roue de vélo était complètement voilée. Une voiture ou quelqu’un avait dû l’accrocher. Elle essaya de remettre sa roue la plus droite possible en mettant tout le poids de son corps, mais elle était si tordue qu’elle frottait de part et d’autre à la fois. Impossible de retourner chez elle, elle n’arrivait même pas à ouvrir le cadenas arrière attaché à la roue, le système interne avait dû être abîmé. Elle se redirigea vers l’entrée de l’hôpital où l’arrêt de bus se trouvait.

 

Après une attente sous un soleil de plomb, ce qui ne dérangeait absolument pas Nora, elle se remémora, le temps du trajet, une des premières soirées universitaires où Taïna et elle-même étaient reparties ensemble à vélo. Taïna s’était assise sur le porte-bagages et lui avait avoué ne pas savoir faire du vélo. Nora en avait parlé le lendemain à Lou qui avait tenté de la faire remonter sur le vélo. Vu l’insistance des filles, Taïna avait fini par accepter d’essayer. Elle avait même réussi à tenir quarante mètres en équilibre sans le savoir, pensant être toujours maintenue par Lou, comme une enfant, elle s’était retournée et avait perdu l’équilibre. Elle avait trébuché sur le tarmac et s’était éraflé le dessus de la main. Le vélo de Nora en avait même gardé un souvenir, sa sonnette en plastique s’était fissurée et ne faisait plus qu’un bruit qui ressemblait à un oiseau enrhumé. Nora et Lou n’avaient plus jamais su la faire monter sur un vélo. Par contre, Taïna connaissait les yeux fermés tout le système d’autobus de la ville.

*

Après avoir passé l’après-midi sur des vagues assez faibles, Lou sorti de la douche avec juste une serviette autour du corps, elle aperçut Chloe et Nora qui étaient dans la cuisine en train de discuter du gala annuel de charité. Un gala qui permettait de récolter des fonds pour une cause charitable.

– Je vous aide de suite, proposa Lou.

– OK, répondit Nora.

En marchant vers sa chambre, elle aperçut le sac de Chloe avec une tonne de prospectus et de papiers. Sans attendre l’autorisation de Chloe, Lou prit les devants.

– Chloe, je prends mes papiers de l’asso sportive, ok ? !

– Vas-y, vas-y ! répondit Chloe avec un morceau de camembert dans la bouche.

Lou, encore trempée de la douche, tourna les pages pour faire une première estimation des inscriptions. Elle tomba sur un papier différent des autres et en lut le contenu.

– Chloe ! Tu vas postuler pour un poste au National Times ?

– Non, je ne crois pas.

– Ben, pourquoi pas ? interrogea Lou de manière un peu ferme.

– C’est trop cool Chloe, vas-y ! s’exclama Nora.

– Je ne réponds pas aux critères, puis je suis certaine qu’en interne, ils ont déjà leur profil choisi. C’est toujours de la politique à papa, tu sais ! dit-elle en ouvrant le frigo pour prendre la vinaigrette.

– Ne déconne pas, tu as un super CV. Prouve-leur le contraire !

Comme à son habitude, Lou ne mâcha pas ses mots quand il s’agissait de donner de la motivation.

– Puis, tu n’as rien à perdre. De toute façon, j’enverrai une lettre de motivation à ton nom et je fais un copier/coller d’un super texte d’un magazine super-hipster et hop c’est dans la poche.

– Non, mais Lou, ça va. Je vais le faire ! dit-elle à moitié gênée, à moitié morte de rire.

– Demande à Adi, la prochaine fois que tu l’as au téléphone. Le journalisme, c’est aussi son dada. Il s’est complètement trompé de carrière le mec !

– Oui… répondit-elle en se raclant la gorge.

– Non mais c’est vrai, Lou a raison, surenchérit Nora. En plus, Adi pourrait revoir ton article avant que tu leur soumettes.

Lou s’éloigna vers sa chambre alors qu’elle entendait Nora continuer de motiver Chloe qui avait tendance à souvent basculer dans le doute et la sous-estimation. La forte personnalité de certains pouvait assez vite la déstabiliser. Lors de sa première année, son expérience au Pensciesco Herald ne l’avait pas aidée à s’affirmer. Beaucoup avaient pris les postes stratégiques pour faire jouer leurs noms dans le futur. Très talentueuse mais souvent effacée, elle n’avait pas pu en retirer une expérience assez valable que pour se faire un nom et décrocher un stage dans les grands journaux nationaux qu’elle avait désiré rejoindre. Elle a toujours su que le monde du journalisme était compliqué et que la reconnaissance ne tombait pas du ciel. Sur ce point, Adi l’avait beaucoup soutenue et sa confiance s’était construite peu à peu. Taïna lui reprochait souvent sa peur de prendre les devants alors qu’au fond, elles savaient toutes les trois qu’elle avait une petite voix et une grande plume qui ne demandaient qu’à être entendues et lues.

*

Samedi 3 septembre, 19 h 50

C’était la soirée de la rentrée, celle où les seniors devenaient les mentors de juniors. Les étudiants de 4e et 5e année étaient amenés à devenir des parrains et marraines d’élèves de première année. Lou était toujours impatiente à l’idée d’avoir un ou une filleule venant d’un pays étranger, comme ça elle pourrait se trouver un nouveau pied à terre pour ses prochaines vacances.

C’était à l’initiative du bureau des élèves. La soirée commençait par un speed dating qui aidait à briser la glace tout de suite et à aller à l’essentiel.

– Certains ne sont pas mal non ?

– Lou ! s’exprima Chloe qui roula les yeux au ciel.

Lou scruta les étudiants, ils étaient nombreux, et elle savait qu’elle n’en croiserait que soixante durant le speed dating. L’année passée, certains ne lui semblaient vraiment pas mal mais c’était l’instant de la soirée, car en réalité les juniors rencontraient très peu les seniors sauf dans des activités extra-académiques. Elle les trouvait mignons, mais en réalité, ça ne l’attirait pas. Elle aimait qu’un homme soit plus brut, moins lisse et plus mature.

Chloe se rappela que lors de son speed dating en première année, elle n’avait pas arrêté de raconter la même chose. Une grande industrie du cinéma avait sorti un film au titre de Cléo et depuis lors, les gens l’appelaient plus vite Cléo que Chloe. Encore aujourd’hui, elle se posait la question de pourquoi elle avait décidé de se présenter en soixante secondes sous ce format-là. Elle évitait toujours de parler d’elle mais utilisait plutôt des anecdotes à son sujet. Elle était plus à l’aise maintenant qu’il fallait juste écouter les nouveaux. C’est pour cela que le journalisme l’intéressait, pour développer des histoires et mettre en valeur l’autre. L’heure du speed dating venait de se terminer.

– Alors ? questionna Chloe qui était assise à deux chaises de Lou.

– Pas concluant. Quoique, il y avait ce Canadien qui avait un certain charme.

– Allez viens !

Les filles se dirigeaient vers un des pots contenant des boules numérotées. Elles prirent chacune qu’une seule boule car Nora et Taïna ne pouvaient pas assurer le parrainage cette année, à cause de l’internat pour la première et du job d’étudiant à la bibliothèque pour la seconde. La soirée se poursuivit par une course contre la montre, il fallait chercher la personne qui avait pioché le même numéro et une fois trouvé, monter sur le podium au centre de la salle et prendre la pose la plus improbable, qui sera soumise au vote sur les réseaux sociaux pour tenter de gagner des tickets restaurants. Lou trouva son buddy, une allemande qui avait presque son âge, assez indépendante et sachant déjà comment aborder les choses. Finalement, Lou fut soulagée mais déçue à la fois de ne pas avoir à accompagner quelqu’un pour l’aider dans ses études. D’un autre côté, elle se sentait soulagée de ne pas avoir cette charge en plus. Lou se rendait compte qu’elle était souvent dans une dualité de sentiment. À sa surprise, Chloe était déjà sur scène en train de prendre une pose proche d’une grenouille avec sa buddy.

– C’est génial, elle adore autant le théâtre que moi, dit-elle à Lou avant d’aller retrouver sa filleule.

Lou s’éclipsa, elle était fatiguée de la frénésie de cette première semaine. Elle aimait toutes ces initiatives, mais elle aimait sa bulle et Nora l’admirait car elle se moquait de ce que les autres pensaient. Si elle n’avait pas envie de quelque chose, elle l’exprimait. Elle partait souvent d’une soirée de façon discrète, elle n’aimait pas qu’on la retienne. Quand elle avait décidé quelque chose, rien ne l’empêchait de suivre son idée.

CHAPITRE 3

Même les rencontres du hasard sont dues à des liens noués dans des vies antérieures… Tout est déterminé par le karma. Même pour des choses insignifiantes, le hasard n’existe pas.

 

Haruki Murakami

 

Après les festivités du début d’année, l’euphorie des retrouvailles, la surprise et la déception des cours choisis, les étudiants étaient désormais entrés dans une routine. La bibliothèque n’était plus aussi vide, il devenait de jour en jour plus compliqué de trouver une place. Seuls les élèves matinaux ou les couche-tard avaient des places assurées. Lou n’avait pas ce problème, elle était toujours cloitrée dans sa chambre pour travailler, mais elle avait une certaine quantité de cours à suivre et n’avait réellement que les week-ends pour se pencher sur ses matières. L’organisation de la vie sportive et du championnat lui prenait deux soirées par semaine, afin d’assurer avec l’équipe une bonne coordination des tâches et un tableau d’avancement précis. La plupart d’entre eux étaient des étudiants qui agissaient sous la responsabilité de professeurs de l’université. Les filles se voyaient désormais peu. Taïna fréquentait la bibliothèque pour travailler et étudier. Nora faisait son internat à l’hôpital avec des horaires de jour et de nuit. Chloe, elle, avait plutôt des cours compactés sur des masterclass. Elle avait des semaines intenses de cours et puis d’autres qui étaient très light. La majorité de son année était consacrée à des travaux d’investigation et à la préparation de la rédaction de sa thèse, un minimum de soixante pages était requis pour être validée.

Les jeudis étaient, comme toujours, des moments où les étudiants se retrouvaient dans les bars aux quatre coins de la ville mais ça ne voulait plus rien dire pour les filles. C’étaient bien souvent les jeunes étudiants qui se retrouvaient pour se soutenir dans des moments plus difficiles, une période qui commençait à se marquer avec les journées plus courtes et l’arrivée des partiels. Les premiers abandons se faisaient connaitre. Cette année était bien différente en termes de vie sociale. Lou ne prenait pas souvent part à ces pots, elle avait toujours entrainement de volley, son sport d’équipe par excellence qu’elle avait pratiqué jusqu’à l’année passée avec Nora. Nora avait finalement opté pour une accréditation libre et passait occasionnellement quand elle n’était pas de garde la nuit. Malheureusement, ça n’arrivait pas souvent, les médecins aimaient compter sur l’aide des stagiaires pour faire les nuits. Nora n’avait pas eu trop de mal à s’acclimater. Elle pouvait facilement faire les nuits. Dans sa culture, on mangeait tard le soir et on ne se couchait pas avant 2 heures du matin. Cependant les matins étaient toujours une torture.