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Cet adaptateur d'Hamlet est-il fou ou fait-il seulement semblant de l'être ? En 2020, Imago des Framboisiers s'est lancé le défi de traduire et d'adapter le chef d'oeuvre de Shakespeare en alexandrins français. Au bout de quatre ans, il est parvenu à atteindre la dernière ligne. Être ou bien ne pas être, c'est toute la question. Supporter l'écorchure et la persécution D'une fortune infâme, en quoi est-ce plus noble Que de tirer l'épée contre le flot ignoble Des troubles de la vie pour l'achever enfin ? Mourir, dormir, c'est tout. Car ce sommeil met fin Aux peines infinies, aux milliers de douleurs Dont hérite la chair, ô ces dernières heures, On les doit désirer. Mourir... dormir... dormir ! Rêver aussi peut-être ! Voilà qui fait frémir !
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Seitenzahl: 340
Veröffentlichungsjahr: 2024
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à Arwen K. et Delphine Thelliez
Préface
Note sur la versification
LISTE DES PERSONNAGES
ACT 1
Scene 1: Elsinore. A platform before the castle
ACTE 1
Scène 1: Elseneur – une plate-forme devant le château
Scene 2 : A room of state in the castle
Scène 2 : La salle du trône
Scene 3: A room in Polonius' house.
Scène 3: Une salle dans la maison de Polonius
Scene 4: The Platform
Scène 4: La Plateforme
Scene 5: Another part of the platform
Scène 5: Plus loin sur la plateforme
ACT II
Scene 1: A room in Polonius'house
ACTE II
Scène 1: Une chambre dans la maison de Lord Polonius
Scene 2: A room in the castle
Scène 2: Une pièce dans le château
ACTE III
Scene 1: A room in the castle
ACTE III
Scène 1: Elseneur, une pièce du château
Scene 2: A hall in the castle
Scène 2: Elseneur, une grande salle du château
Scene 3: A room in the castle
Scène 3: Une chambre dans le château
Scene 4: The Queen's closet
Scène 4: Le cabinet de la reine
ACT IV
Scene 1: A room in the castle
ACTE IV
Scène 1: Elseneur, une pièce du château, la nuit
Scene 2: Another room in the castle
Scène 2: Une autre pièce du château
Scene 3: Another room in the castle
Scène 3: Une autre pièce du château
Scene 4: A plain in Denmark
Scène 4: Une plaine au Danemark
Scene 5: Elsinore. A room in the castle
Scène 5: Elsneur, une pièce du château
Scene 6: Another room in the castle
Scène 6: Une autre pièce du château
Scene 7: Another room in the castle
Scène 7: Une autre pièce du château
ACT V
Scene 1: A churchyard
ACTE V
Scène 1: Un cimetière
Scene 2: A hall in the castle
Scene 2: Une grande salle dans le château
On se lance parfois dans des défis si étranges qu'on a peine à croire qu'on arriverait un jour jusqu'au bout. Cet Hamlet est de ceux-là. Notre époque de vitesse tolère mal le travail minutieux, acharné et parfois ingrat qu'est la composition en alexandrins, et je ne crois pas avoir encore fait assez preuve de patience ; m'étant imposé des règles assez souples en comparaison de mon modèle, Alfred de Vigny. C'est ce dernier qui m'a donné l'idée, assez folle à vrai dire, de vouloir traduire tout un Shakespeare en alexandrins français. Son More de Venise (Othello) et son Marchand de Venise sont là pour témoigner de la persévérance de ce grand poète, qui se cassa les dents sur Roméo et Juliette et brûla ses deux premiers actes après les avoir composés. Plus d'une fois j'ai cru ne pas pouvoir terminer cet Hamlet. J'ai me suis laissé croire que cette entreprise avait eu fort peu d'imitateurs, bien que j'aie trouvé un texte composé par Alexandre Dumas et Paul Meurice reprenant Hamlet en alexandrins également mais ce texte n'est que parcellaire, il visait une représentation au théâtre qui supprimait presque la moitié de la pièce originale. Je ne sais donc encore si quelqu'autre est parvenu à réaliser cette entreprise, mais si c'est le cas, je me sens aujourd'hui très proche de cette personne, qui qu'elle puisse être. Une telle expérience ne laisse pas de marbre.
Lire Hamlet, c'est ce qu'on peut faire et encore faire sans jamais réussir à en percer toutes les subtilités, il nous plonge dans les abîmes de l'esprit humain, en passant par les sciences, la justice, la guerre, la philosophie, la satire, la médecine et tant d'autres domaines qu'un traducteur a besoin lui-même de dizaines de notes de chercheurs bien mieux informés que lui pour en saisir ne serait-ce que le sens. Si la pièce est érudite, elle n'en est pas moins pleine d'émotion pure. Comment retenir ses larmes en lisant cette ultime réplique de ce grand bavard qu'est Hamlet « Tout le reste est silence » ? Hier, j'ai écrit ces mots et j'ai su que ce compagnon si plaisant, cet amuseur de mes journées, ce si subtil blagueur était à présent plus loin, prisonnier du papier, et qu'il allait terriblement me manquer maintenant que cette traduction est achevée. Comme acteur, je le retrouverai, quand une partie de la pièce sera adaptée pour rentrer dans le format que ma petite compagnie de théâtre doit suivre pour être programmée et je revivrai les sensations qu'il m'a transmises.
J'aurai bientôt la joie de transformer une partie de ce texte en une oeuvre scénique, avec Delphine Thelliez et Arwen Kimara, dont le soutien m'a été si précieux pour parvenir au bout de ce travail de longue haleine.
J'espère que ce travail que j'ai fait éclairera cette oeuvre de Shakespeare si complexe, pour, sans trop fâcher les érudits, transmettre l'esprit de ce génie à des spectateurs et des lecteurs qui n'ont pas une agrégation de lettres. Tout au long de cette versification, je me suis attaché à choisir la clarté, sans toujours y parvenir autant que j'aurais voulu, mais elle était ma première boussole. Ma seconde boussole, c'était la sensation. Je voulais que le texte français transmette une émotion proche du texte anglais. Que le plaisir que l'esprit trouve en lisant les jeux de mots, les formules lourdes de sens, les métaphores filées, les expressions complexes qui veulent tout englober en quelques mots, que ce plaisir-là se retrouve en français. L'alexandrin est un magnifique outil pour cela. Boileau écrivait ainsi : « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. », en douze syllabes avec une césure.
J'ai fait cela tout seul, et cette solitude pourra se ressentir à la lecture, certaines erreurs peut-être, ou choses inhabituelles que vous pourriez trouver dans la découpe du vers, sont parfois du fait de ma fantaisie pour qui le vers est d'abord du son avant d'être des lettres, parfois du fait de n'avoir pas derrière moi un parterre d'érudits prêts à tirer sur la moindre brindille qui dépasserait de ce champ de fleurs. Pardonnez donc ces imperfections, et si vous en avez le temps, contactez-moi pour les relever et me permettre ainsi de lustrer cette statue shakespearienne, pour que son original continue de briller, espérons-le, pour des siècles et des siècles.
Imago des Framboisiers
Le 4 janvier 2024
Pour cette traduction-composition, j'ai choisi un alexandrin affranchi de certaines règles qu'on trouve habituellement dans les compositions classiques. Je veux en donner les clés au lecteur afin qu'il ne s'offusque pas ne pas retrouver dans certains vers la musique à laquelle il est habitué, s'il fréquente ce genre d'ouvrage.
J'ai choisi d'appliquer systématiquement la césure épique. Ainsi, en syllabe 6, le « e » sera systématiquement élidé comme si nous étions à la fin du vers, et ce, même si la réplique est coupée entre plusieurs personnages, et y compris si la syllabe 7 commence avec une consonne.
« Mais regarde l'aurore, sous sa rousse capuche » comporte ainsi douze syllabes. « Aurore » ne compte que pour deux. Par contre les « e » muets internes suivent les règles habituelles : « regarde » compte pour deux syllabes, ainsi que « rousse ».
2 . L'abandon de l'alternance des rimes masculines et féminines
Afin de me laisser plus de choix pour traduire la pièce en m'approchant du vocabulaire anglais et mettre à la rime certains mots-clés percutants sans renoncer trop souvent à d'autres, j'ai choisi de ne pas faire s'alterner les rimes féminines et les rimes masculines. Après tout, notre vingtet-unième siècle n'a t-il pas dépassé cette binarité ?
3. Les diérèses sont libres
Les règles concernant les diérèses sont nombreuses et complexes et cette rigidité est un désavantage lorsqu'on essaie de concilier proximité avec le texte anglais et respect de la forme finale en français. J'ai voulu au contraire en faire une variable d'ajustement lorsqu'elle me semblait, bien sûr, plus jolie à l'oreille que son absence. La diérèse est marquée dans le texte avec le « i » ou le « ou » en gras.
4. Plus rarement, une syllabe obligatoire est élidée
Dans quelques rares cas seulement, j'ai utilisé l'apostrophe pour indiquer la disparition d'une syllabe obligatoire, cela peut à l'écrit sembler un peu baroque mais c'est encore un abandon que j'ai fait pour l'oreille ou lorsqu'il s'agit de montrer le parler plus populaire d'un personnage.
5. Certains poèmes et chansons ne sont pas en alexandrins
On trouve dans de rares cas d'autres types de vers, parfois impairs, parfois pairs, dans les poèmes et chansons intégrés au récit.
Si après tout cela, il demeure des fautes, qu'on me les reproche et j'en ferai la chasse jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une !
LE SPECTRE,ancien roi de Danemark
CLAUDIUS,actuel roi de Danemark, frère du précédent
GERTRUDE, reine de Danemark, épouse de Claudius
HAMLET, prince du Danemark, fils de Gertrude et de l'ancien roi
FORTINBRAS,prince de Norvège
POLONIUS,grand chambellan
LAERTES, fils de Polonius
OPHÉLIE,fille de Polonius
HORATIO, ami d'Hamlet
Les courtisans :
ROSENCRANTZ
GUILDENSTERN
VOLTIMAND
CORNÉLIUS
OSRIC
Un autre courtisan
Les soldats et officier :
MARCELUS, officier
BERNARDO, officier
FRANCISCO, soldat
REYNALDO, serviteur de Polonius
Un capitaine
Autres :
Un ambassadeur
Un prêtre
Deux fossoyeurs
Elsinore. A platform before the castle
(FRANCISCO at his post. Enter to him BERNARDO)
BERNARDO
Who's there?
FRANCISCO
Nay, answer me: stand, and unfold yourself.
BERNARDO
Long live the king!
FRANCISCO
Bernardo?
BERNARDO
He.
FRANCISCO
You come most carefully upon your hour.
BERNARDO
'Tis now struck twelve; get thee to bed, Francisco.
FRANCISCO
For this relief much thanks: 'tis bitter cold,
And I am sick at heart.
BERNARDO
Have you had quiet guard?
FRANCISCO
Not a mouse stirring.
Elseneur – une plate-forme devant le château
(Francisco est à son poste. Entre Bernardo.)
BERNARDO
Qui est là ?
FRANCISCO
Non, réponds ! Halte ! Fais-toi connaître !
BERNARDO
Longtemps vive le roi !
FRANCISCO
Bernardo ?
BERNARDO
À deux mètres.
FRANCISCO
Tu viens à la bonne heure.
BERNARDO
À présent c'est minuit.
Va dormir, Francisco.
FRANCISCO
Merci pour cet appui,
J'attendais la relève, elle vient, grand merci !
J'ai l'intérieur gelé tant il fait froid ici.
BERNARDO
Ta garde fut-elle calme ?
FRANCISCO
On entend pas un rat.
BERNARDO
Well, good night.
If you do meet Horatio and Marcellus,
The rivals of my watch, bid them make haste.
FRANCISCO
I think I hear them. Stand, ho! Who's there?
(Enter HORATIO and MARCELLUS)
HORATIO
Friends to this ground.
MARCELLUS
And liegemen to the Dane.
FRANCISCO
Give you good night.
MARCELLUS
O, farewell, honest soldier:
Who hath relieved you?
FRANCISCO
Bernardo has my place.
Give you good night.
(Exit)
MARCELLUS
Holla! Bernardo!
BERNARDO
Say,
What, is Horatio there?
HORATIO
A piece of him.
BERNARDO
Welcome, Horatio: welcome, good Marcellus.
MARCELLUS
What, has this thing appear'd again to-night?
Dans ce cas, bonne nuit. En partant tu verras
Horatio, Marcellus, mes compagnons de garde,
Dis-leur de se hâter.
FRANCISCO
Je les entends. Regarde !
(Entrent Horatio et Marcellus.)
FRANCISCO
Oh ! Halte ! Qui va là ?
HORATIO
Des amis du château.
MARCELLUS
Hommes-liges du roi, pour toujours ses vassaux.
FRANCISCO
Bonne nuit à vous deux.
MARCELLUS
Adieu, honnête garde.
Après vous ?
FRANCISCO
Bernardo a pris ma hallebarde.
Dormez bien mes seigneurs. (Sort Francisco.)
MARCELLUS
Bernardo, c'est bien toi ?
BERNARDO
Est-ce bien Horatio ?
HORATIO
Un bout de lui, je crois.
BERNARDO
Bienvenue Horatio, vous aussi Marcellus.
MARCELLUS
A t-on revu cette ombre au lever de Vénus ?
I have seen nothing.
MARCELLUS
Horatio says 'tis but our fantasy,
And will not let belief take hold of him
Touching this dreaded sight, twice seen of us:
Therefore I have entreated him along
With us to watch the minutes of this night;
That if again this apparition come,
He may approve our eyes and speak to it.
HORATIO
Tush, tush, 'twill not appear.
BERNARDO
Sit down awhile;
And let us once again assail your ears,
That are so fortified against our story
What we have two nights seen.
HORATIO
Well, sit we down,
And let us hear Bernardo speak of this.
BERNARDO
Last night of all,
When yond same star that's westward from the pole
Had made his course to illume that part of heaven
Where now it burns, Marcellus and myself,
The bell then beating one,--
(Enter Ghost)
MARCELLUS
Peace, break thee off; look, where it comes again!
BERNARDO
In the same figure, like the king that's dead.
MARCELLUS
Thou art a scholar; speak to it, Horatio.
La nuit est bien tombée sans que je n'aie rien vu.
MARCELLUS
Horatio pense que nous avons la berlue
Et par cette raison refuse de nous croire
Quoique nous soyons deux, nous serions péremptoires,
Nous aurions inventé cette vision terrible
Ou nous l'aurions rêvée ; si la chose est possible,
En étant attentif, avec ses yeux de loup,
Horatio la verra et parlera pour nous.
HORATIO
Oui... rien ne va apparaître.
BERNARDO
Mais asseyons-nous tous.
Écoutez ce récit que vos pensées repoussent,
Votre oreille assaillie en veut à cette histoire
Mais nous l'avons vécue, et cela fait deux soirs.
HORATIO
Eh bien asseyons-nous. Écoutons Bernardo.
(Ils s'assoient)
BERNARDO
Hier soir, lorsque la nuit, de son épais rideau
Enveloppait le ciel, cette étoile de l'ouest
Qui arrivait du nord dans sa course céleste
Marcellus et moi-même, un peu après une heure...
(Entre le fantôme.)
MARCELLUS
Paix, ne dis plus un mot, il est à l'extérieur !
BERNARDO
Semblable exactement à ce roi qui est mort !
MARCELLUS
Toi, savant Horatio, parle-lui donc d'abord.
BERNARDO
Looks it not like the king? mark it, Horatio.
HORATIO
Most like: it harrows me with fear and wonder.
BERNARDO
It would be spoke to.
MARCELLUS
Question it, Horatio.
HORATIO
What art thou that usurp'st this time of night,
Together with that fair and warlike form
In which the majesty of buried Denmark
Did sometimes march? by heaven I charge thee, speak!
MARCELLUS
It is offended.
BERNARDO
See, it stalks away!
HORATIO
Stay! speak, speak! I charge thee, speak!
(Exit Ghost)
MARCELLUS
'Tis gone, and will not answer.
BERNARDO
How now, Horatio! you tremble and look pale:
Is not this something more than fantasy?
What think you on't?
HORATIO
Before my God, I might not this believe
Without the sensible and true avouch
Of mine own eyes.
MARCELLUS
Is it not like the king?
N'est-ce pas notre roi au milieu de la nuit ?
HORATIO
C'est bien lui. Mes cheveux se dressent.
MARCELLUS
Parle-lui.
HORATIO
Qui es-tu, esprit qui, dans la nuit tracassière
Promène sans parler l'attitude princière
De feu le souverain du pays de Danemark ?
Par le ciel, réponds-nous ! Es-tu notre monarque ?
Parle, je te l'ordonne !
MARCELLUS
Pour lui c'est une offense.
BERNARDO
Il va se détourner. Regardez, il avance !
HORATIO
Reste et réponds, réponds ! Parle, je te l'ordonne ! (Sort le fantôme.)
MARCELLUS
Il est parti ; et sans un mot ! Dieu nous pardonne !
BERNARDO
À présent que dis-tu, Horatio ? Tu es pâle,
Un peu tremblant aussi. Tout était donc mental ?
Ceci n'est-il qu'un songe ?
HORATIO
Je le dis devant Dieu,
Je ne l'aurais pas cru sans le voir de mes yeux !
MARCELLUS
Ressemble t-il au roi ?
HORATIO
As thou art to thyself:
Such was the very armour he had on
When he the ambitious Norway combated;
So frown'd he once, when, in an angry parle,
He smote the sledded Polacks on the ice.
'Tis strange.
MARCELLUS
Thus twice before, and jump at this dead hour,
With martial stalk hath he gone by our watch.
HORATIO
In what particular thought to work I know not;
But in the gross and scope of my opinion,
This bodes some strange eruption to our state.
MARCELLUS
Good now, sit down, and tell me, he that knows,
Why this same strict and most observant watch
So nightly toils the subject of the land,
And why such daily cast of brazen cannon,
And foreign mart for implements of war;
Why such impress of shipwrights, whose sore task
Does not divide the Sunday from the week;
What might be toward, that this sweaty haste
Doth make the night joint-labourer with the day:
Who is't that can inform me?
HORATIO
That can I;
At least, the whisper goes so. Our last king,
Whose image even but now appear'd to us,
Was, as you know, by Fortinbras of Norway,
Thereto prick'd on by a most emulate pride,
Dared to the combat; in which our valiant Hamlet--
For so this side of our known world esteem'd him--
Did slay this Fortinbras; who by a seal'd compact,
HORATIO
Autant que toi à toi !
Et jusqu'à cette armure adorée des norrois !
Celle qu'il arborait quand l'ambitieux Norvège
Combattit contre lui – et lorsque dans la neige
Les traîneaux polonais furent à sa merci,
Il avait ce même air, il fronçait le sourcil,
Il était sans pitié, furieux comme l'archange
Combattant le démon ! Tout cela est étrange.
MARCELLUS
Il est venu deux fois, en ce temps mortuaire
Promener devant nous sa marche somptuaire.
HORATIO
Je ne sais pas au fait comment l'interpréter,
Mais moi, ce que je dis, et l'on peut contester,
C'est que cela présage un drame dans l'Etat.
MARCELLUS
Justement ! Seyons-nous. (ils s'assoient) Si l'on sait, qu'on me dise
Pourquoi toutes les nuits il faut que l'on s'épuise
Avec ces tours de garde ? Pourquoi ces arbalètes,
Ces canons que l'on fait, ces armes qu'on achète ?
Pourquoi ces munitions venues de l'étranger ?
Pourquoi oppresse t-on nos vaillants charpentiers
Avec tant de travail qu'ils n'ont plus de dimanches ?
Que nous vaut tant de hâte et autant de nuits blanches ?
Peut-on me l'expliquer ?
HORATIO
Je puis vous révéler
Ce que dit la rumeur. Notre roi décédé
Dont vous vîtes l'image, fut défié en duel
Par ce roi norvégien à l'orgueil si cruel,
Fortinbras au sang chaud, mais son faible squelette,
Au cours de ce combat trouva l'épée d'Hamlet
Qui le brisa tout vif – notre prince vaillant,
Car on l'appelle ainsi, même chez l'assaillant,
Avait tué Fortinbras. Un pacte fatidique,
Well ratified by law and heraldry,
Did forfeit, with his life, all those his lands
Which he stood seized of, to the conqueror:
Against the which, a moiety competent
Was gaged by our king; which had return'd
To the inheritance of Fortinbras,
Had he been vanquisher; as, by the same covenant,
And carriage of the article design'd,
His fell to Hamlet. Now, sir, young Fortinbras,
Of unimproved mettle hot and full,
Hath in the skirts of Norway here and there
Shark'd up a list of lawless resolutes,
For food and diet, to some enterprise
That hath a stomach in't; which is no other--
As it doth well appear unto our state--
But to recover of us, by strong hand
And terms compulsatory, those foresaid lands
So by his father lost: and this, I take it,
Is the main motive of our preparations,
The source of this our watch and the chief head
Of this post-haste and romage in the land.
BERNARDO
I think it be no other but e'en so:
Well may it sort that this portentous figure
Comes armed through our watch; so like the king
That was and is the question of these wars.
HORATIO
A mote it is to trouble the mind's eye.
In the most high and palmy state of Rome,
A little ere the mightiest Julius fell,
The graves stood tenantless and the sheeted dead
Did squeak and gibber in the Roman streets:
As stars with trains of fire and dews of blood,
Disasters in the sun; and the moist star
Upon whose influence Neptune's empire stands
Was sick almost to doomsday with eclipse:
And even the like precurse of fierce events,
Conclu selon la loi seigneuriale héraldique,
Disait que le vaincu perdait ses serviteurs
Ses terres et son royaume au profit du vainqueur :
Notre roi avait donc mis son pays en gage ;
Fortinbras victorieux eût régné sans partage,
Mais étant le vaincu, par ce même traité
Hamlet en héritait. Cela fut décrété.
Là le fils de ce roi, le jeune Fortinbras
Rempli d'un feu brûlant, et malgré sa disgrâce,
Rassemble peu à peu, non loin de la frontière
Des bandes sans scrupule aux âmes mercenaires
Venus pour les repas et pour la paie qu'il donne.
Ce grand ambitieux-là veut servir sa personne
Et tenter de reprendre, à ce qu'on m'a pu dire
Ces terres arrachées du paternel empire.
C'est pour cela je crois, que nous nous préparons,
Et qu'il y a tant d'effort et tant d'agitation.
BERNARDO
C'est sans doute cela, et pour quoi ce visage
Dont la face blanchie porte un mauvais présage
Vient troubler notre garde en imitant le roi
Par la faute de qui son successeur guerroie.
HORATIO
Ce signe vient troubler nos vérités acquises,
Préparant nos esprits à de futures crises,
Quand Rome à son sommet, au temps du grand César
Vit ramper sur les rocs les morts, tels des lézards,
Criant dans leurs linceuls et errant dans les rues,
Neptune fît paraître une étoile à charrue
Qui traînait des rayons aux flammes diamantines,
Des incendies volants et des rosées sanguines ;
Cet humide soleil se fondit en éclipse
Comme pour annoncer que vient l'apocalypse.
Comme le messager précède le destin,
As harbingers preceding still the fates
And prologue to the omen coming on,
Have heaven and earth together demonstrated
Unto our climatures and countrymen.--
But soft, behold! lo, where it comes again!
(Re-enter Ghost)
I'll cross it, though it blast me. Stay, illusion!
If thou hast any sound, or use of voice,
Speak to me:
If there be any good thing to be done,
That may to thee do ease and grace to me,
Speak to me:
(Cock crows)
If thou art privy to thy country's fate,
Which, happily, foreknowing may avoid, O, speak!
Or if thou hast uphoarded in thy life
Extorted treasure in the womb of earth,
For which, they say, you spirits oft walk in death,
Speak of it: stay, and speak! Stop it, Marcellus.
MARCELLUS
Shall I strike at it with my partisan?
HORATIO
Do, if it will not stand.
BERNARDO
'Tis here!
HORATIO
'Tis here!
MARCELLUS
'Tis gone!
(Exit Ghost)
We do it wrong, being so majestical,
To offer it the show of violence;
For it is, as the air, invulnerable,
And our vain blows malicious mockery.
Et couvre de sa voix le présage incertain,
Ainsi terre et ciel disséminent des signes,
Mais il faut, pour les voir, que l'âme se résigne
Et... - Chut ! Chut ! Pas un mot ! Le voici qui revient !
(Entre le fantôme.)
HORATIO
J'irai sur son chemin, dussé-je être brûlé !
(Il se met sur sa route)
Si tu as une voix que tu peux contrôler,
Un chant venu des cieux, quelque signe sonore,
Parle-moi je t'en prie ! Sache que tu m'honores,
Et que je ferai tout pour que tu sois en paix !
(le chant du coq se fait entendre)
Si tu sais un secret à propos du royaume,
Enfoui durant ta vie sous ton glorieux heaume,
Dis-le nous ! Si tu as enterré un trésor
Extorqué à quelqu'un, comme souvent les morts
Reviennent pour cela, dis-le nous ! Reste et parle !
Stoppe-le, Marcellus !
MARCELLUS
Faut-il que je l'empale ?
HORATIO
S'il ne s'arrête pas, oui, fais-le !
BERNARDO
Le voici !
HORATIO
Le voici !
(Sort le fantôme.)
MARCELLUS
Disparu. L'esprit n'est plus ici.
Nous avons mal agi, de sa magnificence
Nos brutales ferveurs heurtaient la bienséance ;
Il appartient à l'air, qui le rend invincible,
Et tous nos coups à blanc sont vanité risible.
BERNARDO
It was about to speak, when the cock crew.
HORATIO
And then it started like a guilty thing
Upon a fearful summons. I have heard,
The cock, that is the trumpet to the morn,
Doth with his lofty and shrill-sounding throat
Awake the god of day; and, at his warning,
Whether in sea or fire, in earth or air,
The extravagant and erring spirit hies
To his confine: and of the truth herein
This present object made probation.
MARCELLUS
It faded on the crowing of the cock.
Some say that ever 'gainst that season comes
Wherein our Saviour's birth is celebrated,
The bird of dawning singeth all night long:
And then, they say, no spirit dares stir abroad;
The nights are wholesome; then no planets strike,
No fairy takes, nor witch hath power to charm,
So hallow'd and so gracious is the time.
HORATIO
So have I heard and do in part believe it.
But, look, the morn, in russet mantle clad,
Walks o'er the dew of yon high eastward hill:
Break we our watch up; and by my advice,
Let us impart what we have seen to-night
Unto young Hamlet; for, upon my life,
This spirit, dumb to us, will speak to him.
Do you consent we shall acquaint him with it,
As needful in our loves, fitting our duty?
MARCELLUS
Let's do't, I pray; and I this morning know
Where we shall find him most conveniently.
(Exeunt)
BERNARDO
Il allait nous parler quand le coq a chanté.
HORATIO
Je l'ai vu tressaillir comme le condamné
Quand il entend son nom. J'ai ouï-dire à certains
Que le coq enchanteur, clairon de nos matins,
Atteint le dieu du jour, ordonnant son réveil,
Sa haute voix perçante lui ôte le sommeil ;
Dans le feu et la mer, aussitôt qu'on l'entend,
De la terre et du ciel, surgit l'esprit errant
Qui cherche sa prison ! De ce conte de veuve,
Cet objet inconnu vient d'apporter la preuve.
MARCELLUS
Il s'est évanoui avec le chant du coq.
Certains racontent que, au seuil de cette époque
De l'année où du Fils on fête la naissance,
Cet oiseau de l'aurore chante toute la nuit
Et les esprits dit-on, disparaissent ou s'enfuient ;
Saines sont les nuitées, calmes sont les planètes,
Les fées sont silencieuses et les sorcières honnêtes,
Dans cette époque sainte, Sa grâce en est la cause.
HORATIO
On me l'a dit aussi et j'en crois quelque chose.
Mais regarde l'aurore, sous sa rousse capuche
Marcher sur la rosée où la lune trébuche.
Achevons notre garde et si vous m'en croyez,
Ce que nous avons vu, il nous faut le conter
Au jeune prince Hamlet ; l'esprit, sourd cette nuit
Sur ma vie je l'assure, lui parlera, à lui.
Voulez-vous avec moi faire votre devoir
Et avec dévotion dire toute l'histoire ?
MARCELLUS
Faisons-le, je vous prie ; et ce matin je sais
Où nous le pourrons voir pour confier nos secrets.
(Ils sortent.)
(Enter KING CLAUDIUS, QUEEN GERTRUDE, HAMLET, POLONIUS, LAERTES, VOLTIMAND, CORNELIUS, Lords, and Attendants)
KING CLAUDIUS
Though yet of Hamlet our dear brother's death
The memory be green, and that it us befitted
To bear our hearts in grief and our whole kingdom
To be contracted in one brow of woe,
Yet so far hath discretion fought with nature
That we with wisest sorrow think on him,
Together with remembrance of ourselves.
Therefore our sometime sister, now our queen,
The imperial jointress to this warlike state,
Have we, as 'twere with a defeated joy,--
With an auspicious and a dropping eye,
With mirth in funeral and with dirge in marriage,
In equal scale weighing delight and dole,--
Taken to wife: nor have we herein barr'd
Your better wisdoms, which have freely gone
With this affair along. For all, our thanks.
Now follows, that you know, young Fortinbras,
Holding a weak supposal of our worth,
Or thinking by our late dear brother's death
Our state to be disjoint and out of frame,
Colleagued with the dream of his advantage,
He hath not fail'd to pester us with message,
Importing the surrender of those lands
Lost by his father, with all bonds of law,
To our most valiant brother. So much for him.
Now for ourself and for this time of meeting:
Thus much the business is: we have here writ
To Norway, uncle of young Fortinbras,--
Who, impotent and bed-rid, scarcely hears
Of this his nephew's purpose,--to suppress
(Entrent le Le roi Claudius, la reine Gertrude, Hamlet, Lord Polonius, Laertes, Voltimand, Cornélius, Des seigneurs et leurs suites.)
LE ROI CLAUDIUS
Quoiqu'il demeure encore dans toutes les mémoires
Et qu'il faille pour lui garder nos mines noires,
Que pour tous ses sujets, notre bien-aimé frère
Reste en leurs coeurs blessés comme un souvenir vert,
Nature et jugement, dont la lutte fait rage,
Doivent se réunir dans un chagrin plus sage,
Pour que, sans l'oublier, nous pensions à nous-mêmes.
Dans cet Etat martial, notre alliée suprême,
Notre reine aujourd'hui fut la femme d'un frère,
Notre épouse ce jour fut notre soeur hier.
Nous l'épousons, c'est vrai, d'une joie déchirante
Le regard satisfait mais la larme pendante,
Tels les pleurs aux idylles et les rires aux ruptures
Du délice et du deuil les égales fractures ;
Tous vos sages conseils, que nous avons suivis,
S'exprimaient librement, et pour cela : merci.
Le sujet étant clos, songez que Fortinbras,
Nous tenant pour vaincus, croyant qu'il nous surpasse,
Ou que la mort du roi, dont il faisait grand cas,
Fragilise nos rangs et brise notre Etat,
Se dessine déjà d'illusoires lauriers
Nous harcèle à présent d'odieux messagers,
Exigeant sans délai qu'on lui livre les terres
Qui furent justement concédées par son père
À feu notre vaillant Hamlet. Voilà pour lui.
Revenons maintenant au sujet d'aujourd'hui,
L'oncle de Fortinbras est le roi de Norvège,
D'arrêter son neveu, il a le privilège.
Mais il est impotent et doit garder le lit ;
Pour lui faire savoir, nous lui avons écrit.
Des complots du neveu, il est fort peu au fait,
His further gait herein; in that the levies,
The lists and full proportions, are all made
Out of his subject: and we here dispatch
You, good Cornelius, and you, Voltimand,
For bearers of this greeting to old Norway;
Giving to you no further personal power
To business with the king, more than the scope
Of these delated articles allow.
Farewell, and let your haste commend your duty.
CORNELIUS and VOLTIMAND
In that and all things will we show our duty.
KING CLAUDIUS
We doubt it nothing: heartily farewell.
(Exeunt VOLTIMAND and CORNELIUS)
And now, Laertes, what's the news with you?
You told us of some suit; what is't, Laertes?
You cannot speak of reason to the Dane,
And loose your voice: what wouldst thou beg, Laertes,
That shall not be my offer, not thy asking?
The head is not more native to the heart,
The hand more instrumental to the mouth,
Than is the throne of Denmark to thy father.
What wouldst thou have, Laertes?
LAERTES
My dread lord,
Your leave and favour to return to France;
From whence though willingly I came to Denmark,
To show my duty in your coronation,
Yet now, I must confess, that duty done,
My thoughts and wishes bend again toward France
And bow them to your gracious leave and pardon.
KING CLAUDIUS
Have you your father's leave? What says Polonius?
L'armée ne peut bouger sans que ce roi l'accepte,
Car ce sont ses sujets qui partiront en guerre.
Et pour cette mission, sous notre ministère
Notre bon Cornélius, et toi, cher Voltimand
Avez été choisis ; portez ces compliments
Au vieux roi de Norvège. Pour vos négociations,
Vous devrez en tous points, suivre les instructions
Que voici. (Il leur donne un papier) Ces mots-là sont tout votre
pouvoir.
Adieu, que rien ne freine votre entrain au devoir !
CORNELIUS et VOLTIMAND
Faire notre devoir est notre bien précieux.
LE ROI CLAUDIUS
Nous n'en doutons en rien : recevez mes adieux.
(Sortent Voltimand et Cornélius)
LE ROI CLAUDIUS
Et maintenant, Laertes, que voulais-tu nous dire ?
D'une requête enfin, tu voulais avertir.
Tu ne peux hésiter parlant à ton Seigneur,
Qui, quoi que tu désires, sera ton bienfaiteur.
Que demanderais-tu qui ne soit accordé ?
La tête pour le coeur n'est pas plus dévouée
Et la main au gosier n'est pas plus serviable
Que le trône à ton père ! Demande-lui, que diable !
LAERTES
Mon redouté Seigneur, sauf votre permission
Pour retourner en France, votre bénédiction
Est ce que je demande. Vous étant dévoué,
Je revins en Danemark pour vous voir couronné.
Mon devoir accompli, je vous en fait l'aveu
Du côté de la France sont maintenant mes voeux.
LE ROI CLAUDIUS
Ton père est-il d'accord ? Polonius, qu'en dis-tu ?
LORD POLONIUS
He hath, my lord, wrung from me my slow leave
By laboursome petition, and at last
Upon his will I seal'd my hard consent:
I do beseech you, give him leave to go.
KING CLAUDIUS
Take thy fair hour, Laertes; time be thine,
And thy best graces spend it at thy will!
But now, my cousin Hamlet, and my son,--
HAMLET
[Aside] A little more than kin, and less than kind.
KING CLAUDIUS
How is it that the clouds still hang on you?
HAMLET
Not so, my lord; I am too much i' the sun.
QUEEN GERTRUDE
Good Hamlet, cast thy nighted colour off,
And let thine eye look like a friend on Denmark.
Do not for ever with thy vailed lids
Seek for thy noble father in the dust:
Thou know'st 'tis common; all that lives must die,
Passing through nature to eternity.
HAMLET
Ay, madam, it is common.
QUEEN GERTRUDE
If it be,
Why seems it so particular with thee?
HAMLET
Seems, madam! nay it is; I know not 'seems.'
'Tis not alone my inky cloak, good mother,
Nor customary suits of solemn black,
Nor windy suspiration of forced breath,
No, nor the fruitful river in the eye,
Nor the dejected 'havior of the visage,
LORD POLONIUS
Il a fait monseigneur, un travail assidu
Requête après requête, pour que finalement
Il arrache après tout mon solide agrément ;
Et si vous l'acceptez, plus rien ne le retient.
LE ROI CLAUDIUS
Pars sitôt que tu veux, car le temps t'appartient !
Dépense-le, Laertes, au gré de tes délices !
Viens à présent, Hamlet, mon neveu et mon fils...
HAMLET
[à part] Un peu plus que neveu, mais un peu moins que fils.
LE ROI CLAUDIUS
Mais que sont ces nuages qui parsèment ton ciel ?
HAMLET
Je ne vois rien, Seigneur, car trop près du soleil.
LA REINE GERTRUDE
Abandonne, veux-tu, ces couleurs trop nocturnes,
D'un regard plus ami, sans méfiance aucune,
Gratifie Claudius. N'use pas tes paupières
À chercher sans arrêt ton roi dans la poussière.
Ton père n'est plus là, ainsi veut la nature,
Pour chacun doit venir la fin de l'aventure.
HAMLET
Ainsi veut la nature, madame, oui.
LA REINE GERTRUDE
Dans ce cas,
Pourquoi cette fois-ci montrer tant de tracas ?
HAMLET
Je le montre, madame ? Un autre montrerait.
Ce n'est pas seulement mon manteau noir de jais,
Ces vêtements de deuil, d'un noir trop solennel,
Ces soupirs infinis, ce ton impersonnel,
Ces rivières fournies qui m'assaillent les yeux,
Ni la mine abattue sur mon front orgueilleux,
Together with all forms, moods, shapes of grief,
That can denote me truly: these indeed seem,
For they are actions that a man might play:
But I have that within which passeth show;
These but the trappings and the suits of woe.
KING CLAUDIUS
'Tis sweet and commendable in your nature, Hamlet,
To give these mourning duties to your father:
But, you must know, your father lost a father;
That father lost, lost his, and the survivor bound
In filial obligation for some term
To do obsequious sorrow: but to persever
In obstinate condolement is a course
Of impious stubbornness; 'tis unmanly grief;
It shows a will most incorrect to heaven,
A heart unfortified, a mind impatient,
An understanding simple and unschool'd:
For what we know must be and is as common
As any the most vulgar thing to sense,
Why should we in our peevish opposition
Take it to heart? Fie! 'tis a fault to heaven,
A fault against the dead, a fault to nature,
To reason most absurd: whose common theme
Is death of fathers, and who still hath cried,
From the first corse till he that died to-day,
'This must be so.' We pray you, throw to earth
This unprevailing woe, and think of us
As of a father: for let the world take note,
You are the most immediate to our throne;
And with no less nobility of love
Than that which dearest father bears his son,
Do I impart toward you. For your intent
In going back to school in Wittenberg,
It is most retrograde to our desire:
And we beseech you, bend you to remain
Here, in the cheer and comfort of our eye,
Envahie par les ombres, les formes et les masques
Qui vont aux vraies douleurs, comme aux douleurs fantasques !
Toutes ces choses-là ne sont que pour montrer.
Ce sont des émotions qu'un acteur pourrait jouer.
Ces ornements du deuil ne sont là que pour feindre.
Ce que j'ai en moi-même, on ne peut pas le peindre.
LE ROI CLAUDIUS
Ces respects pour ton père te font honneur, Hamlet,
Ton attitude est louable, ton caractère honnête :
Mais n'oublie pas, ton père perdit aussi son père
Et son père avant lui perdit son propre père.
Selon la tradition, il est vrai qu'un fils pieux
Doit garder quelque temps un chagrin obséquieux.
Mais d'être inconsolable et s'exposer au blâme
En s'entêtant ainsi dans un chagrin de femme,
C'est vouloir, en impie, ce que ne veut pas Dieu,
Qui veut qu'en l'Eternel reposent nos aïeux,
Et montrer un coeur faible, un esprit obstiné,
Une raison trop simple et trop mal éduquée.
Pour ce que nous savons être des plus communs
Une règle ordinaire, un fait que trop humain,
Pourquoi donc s'obstiner à refuser la mort ?
Si les cieux l'ont voulu, c'est que nous avons tort !
C'est une offense à Dieu, une offense aux défunts,
Une offense au cosmos, et même au sens commun !
Les pères vont mourir. Tous ensemble ils l'ont dit !
Dès le premier défunt, jusqu'aux morts d'aujourd'hui :
Cela doit être ainsi! Et nous te demandons,
D'abandonner céans ce chagrin moribond
Et de nous regarder comme ton nouveau père ;
Toi qui es le plus proche héritier de nos terres,
Que chacun le retienne ! j'aime ce nouveau fils,
D'un amour aussi noble que son père jadis.
Quant à ton intention d'aller dans les écoles
Là-bas à Winttenberg, voilà qui nous désole.
Nous ne le voulons pas. Et en te demandant
De rester près de nous, sous notre oeil bienveillant
Our chiefest courtier, cousin, and our son.
QUEEN GERTRUDE
Let not thy mother lose her prayers, Hamlet:
I pray thee, stay with us; go not to Wittenberg.
HAMLET
I shall in all my best obey you, madam.
KING CLAUDIUS
Why, 'tis a loving and a fair reply:
Be as ourself in Denmark. Madam, come;
This gentle and unforced accord of Hamlet
Sits smiling to my heart: in grace whereof,
No jocund health that Denmark drinks to-day,
But the great cannon to the clouds shall tell,
And the king's rouse the heavens all bruit again,
Re-speaking earthly thunder. Come away.
(Exeunt all but HAMLET)
HAMLET
O, that this too too solid flesh would melt
Thaw and resolve itself into a dew!
Or that the Everlasting had not fix'd
His canon 'gainst self-slaughter! O God! God!
How weary, stale, flat and unprofitable,
Seem to me all the uses of this world!
Fie on't! ah fie! 'tis an unweeded garden,
That grows to seed; things rank and gross in nature
Possess it merely. That it should come to this!
But two months dead: nay, not so much, not two:
So excellent a king; that was, to this,
Hyperion to a satyr; so loving to my mother
That he might not beteem the winds of heaven
Visit her face too roughly. Heaven and earth!
Must I remember? why, she would hang on him,
As if increase of appetite had grown
By what it fed on: and yet, within a month--
Let me not think on't--Frailty, thy name is woman!--
Nous t'appelons seigneur, notre neveu et fils.
LA REINE GERTRUDE
Ne laisse pas mes voeux être un vain sacrifice,
Oublie donc Wittenberg, ta mère t'en conjure !
HAMLET
Mère, je tâcherai d'obéir, je le jure.
LE ROI CLAUDIUS
Voici bien la réponse d'une juste et belle âme,
Demeurez en Danemark. Allons, venez, madame ;
Car cette déférence, gracieuse et spontanée,
Installe dans mon coeur une félicité
Que les canons danois, sous mon hymne officiel,
Par leurs détonations, doivent chanter au ciel,
Tandis que le Danemark, en buvant à sa joie,
Observera serein qu'on célèbre sa loi.
(Tous sortent sauf Hamlet)
HAMLET
Oh, comme cette chair, trop solide et trop dure
Devrait pouvoir se fondre en humide froidure... !
Si le ciel éternel, dans sa loi intrépide,
N'avait pas condamné le bienheureux suicide...
Oh, dieu, dieu ! Si pesants, plats, usés et stériles
Me semblent les plaisirs de ce monde imbécile.
Fi de la vie, ah fi ! Jardin de mauvaise herbe,
Qu'on plante tout exprès pour qu'elle y soit superbe !