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"L'Individu contre l'État, écrit par Herbert Spencer, est un ouvrage essentiel qui explore la relation complexe entre l'individu et l'État dans la société moderne. Publié pour la première fois en 1884, ce livre propose une analyse profonde et critique du rôle de l'État dans la vie des individus.
Spencer remet en question l'idée selon laquelle l'État devrait exercer un contrôle excessif sur les actions et les choix des individus. Il soutient que chaque individu possède des droits naturels et inaliénables qui doivent être respectés par l'État. Selon lui, l'État ne devrait intervenir que lorsque cela est absolument nécessaire pour protéger ces droits fondamentaux.
L'auteur explore également les conséquences néfastes d'un État trop puissant et intrusif. Il met en évidence les dangers de la centralisation excessive du pouvoir et de la bureaucratie, qui peuvent étouffer l'initiative individuelle et limiter la liberté de pensée et d'action.
L'Individu contre l'État est un ouvrage visionnaire qui continue de susciter des débats et des réflexions sur la place de l'individu dans la société moderne. Il offre une perspective unique sur les relations entre l'État et les individus, et invite les lecteurs à remettre en question les normes établies et à défendre la liberté individuelle.
Que vous soyez intéressé par la philosophie politique, les droits de l'homme ou simplement curieux de comprendre les enjeux de la relation entre l'individu et l'État, ce livre vous offrira une lecture stimulante et enrichissante.
Extrait : ""La plupart de ceux qui passent à présent pour des libéraux, sont des torys d'un nouveau type. Voila le paradoxe que je me propose de justifier. Pour faire cette preuve, je suis obligé de montrer d'abord ce qu'étaient ces deux partis politiques à l'origine, et de prier ensuite le lecteur de m'excuser si je lui rappelle des faits qui lui sont familiers, ne pouvant autrement lui bien faire comprendre la nature intrinsèque du vrai torysme et du vrai libéralisme..."""
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Dans la revue de Westminster du mois d’avril 1860 j’ai publié un article intitulé : Réforme parlementaire : les dangers et les sauvegardes. Dans cet article j’ai osé prédire quelques-uns des résultats des changements politiques proposés à cette époque.
Voici, réduite à sa plus simple expression, la thèse que je soutenais : à moins que des précautions convenables ne soient prises, l’accroissement de la liberté apparente sera suivi d’une diminution de la liberté réelle. Aucun fait n’est survenu qui ait pu changer l’opinion exprimée alors. Depuis cette époque la législation a suivi le cours que j’indiquais. Des mesures dictatoriales, se multipliant rapidement, ont continuellement tendu à restreindre les libertés individuelles, et cela de deux manières : des réglementations ont été établies, chaque année en plus grand nombre, qui imposent une contrainte au citoyen là où ses actes étaient auparavant complètement libres, et le forcent à accomplir des actes qu’il pouvait auparavant accomplir ou ne pas accomplir, à volonté. En même temps des charges publiques, de plus en plus lourdes, surtout locales, ont restreint davantage sa liberté en diminuant cette portion de ses profits qu’il peut dépenser à sa guise, et en augmentant la portion qui lui est enlevée pour être dépensée selon le bon plaisir des agents publics.
Les causes de ces effets prédits, qui agissaient alors, agissent encore maintenant ; en vérité, leur puissance grandira probablement. Voyant donc que les conclusions tirées relativement à ces causes et à ces effets se sont vérifiées, je me suis décidé à exposer des conclusions analogues relativement à l’avenir, à y insister même, et à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour éveiller l’attention sur les maux dont nous sommes menacés.
Dans ce but j’ai écrit les quatre articles suivants, publiés d’abord dans la Contemporary Review de cette année (avril, mai, juin, juillet 1884). Pour répondre à certaines critiques et pour écarter certaines objections que, l’on ne manquera pas de faire, j’ai ajouté un post-scriptum.
La plupart de ceux qui passent à présent pour des libéraux, sont des torys d’un nouveau type. Voilà le paradoxe que je me propose de justifier. Pour faire cette preuve, je suis obligé de montrer d’abord ce qu’étaient ces deux partis politiques à l’origine, et de prier ensuite le lecteur de m’excuser si je lui rappelle des faits qui lui sont familiers, ne pouvant autrement lui faire bien comprendre la nature intrinsèque du vrai torysme et du vrai libéralisme.
Si nous remontons à une époque antérieure à l’existence de leur nom, les deux partis politiques représentaient originairement deux types opposés de l’organisation sociale, le type militant et le type industriel, le premier caractérisé par le régime de l’État, presque universel dans les temps anciens, le second par le régime du contrat, qui s’est généralisé de nos jours, principalement parmi les nations occidentales, et surtout chez nous et chez les Américains. Si, au lieu d’employer le mot « coopération » dans un sens restreint, nous l’employons dans son sens le plus large pour désigner les activités combinées des citoyens sous n’importe quel système de gouvernement, ces deux régimes peuvent être définis : l’un le système de la coopération forcée, et l’autre le système de la coopération volontaire. La structure typique de l’un nous est présentée par une armée régulière dont les unités, dans les différents grades, doivent exécuter des ordres sous peine de mort, et reçoivent la nourriture, l’habillement et la solde selon une proportion arbitraire ; celle de l’autre est représentée par un corps de producteurs et de distributeurs qui conviennent entre eux de se rendre en retour d’un paiement spécifié des services spécifiés et qui peuvent, à leur gré, après avis préalable, quitter l’organisation si elle leur déplaît.
Pendant l’évolution sociale en Angleterre, la distinction entre ces deux formes de coopération, forcément opposées, a apparu graduellement ; mais longtemps avant que les noms de tory et de whig fussent en usage, on pouvait remarquer l’existence de ces deux partis et apercevoir vaguement leurs rapports avec le militarisme et l’industrialisme. Tout le monde sait que, dans notre pays comme dans les autres, ce furent ordinairement les populations des villes, composées d’artisans et de marchands habitués à coopérer sous le régime du contrat, qui résistèrent à cette réglementation coercitive qui caractérise la coopération sous le régime de l’État. Au contraire, la coopération sous le régime de l’État, qui doit son origine et sa constitution aux guerres chroniques, se maintint dans les districts ruraux, originairement habités par les chefs militaires et leurs subordonnés, chez lesquels survivaient les idées et les traditions primitives. Bien plus, ce contraste dans les tendances politiques, qui apparut avant que les principes des whigs et des torys fussent nettement distingués, continua de se montrer dans la suite. À l’époque de la Révolution « tandis que les villages et les petites villes étaient entre les mains des torys, les grandes villes, les districts manufacturiers et les ports de commerce, étaient les forteresses des whigs ». Et il est inutile de prouver que, malgré certaines exceptions, la même situation existe encore aujourd’hui.
Tel était, d’après leur origine, le caractère des deux partis. Observons maintenant comment ce caractère se manifestait également dans leurs premières doctrines et leurs premiers actes. Le whiggisme commença par la résistance à Charles II et à sa cabale qui s’efforçaient de rétablir le pouvoir monarchique absolu. Les whigs « regardaient la monarchie comme une institution civile, établie par la nation pour le bien de tous ses membres », tandis que pour les torys « le monarque était le délégué du Ciel ». L’une de ces doctrines impliquait la croyance que la soumission au roi était conditionnelle, l’autre, que cette soumission devait être absolue. En parlant du whig et du tory, tels qu’on les concevait à la fin du XVIIe siècle, c’est-à-dire à peu près cinquante ans avant qu’il écrivît sa Dissertation sur les partis, Bolingbroke dit :
Pouvoir et majesté du peuple, contrat originel, autorité et indépendance des parlements, liberté, résistance, exclusion, abdication, déposition, telles étaient, à cette époque, les idées associées à celle qu’on se faisait d’un whig, et que tout whig supposait être incompatibles avec celle qu’on se faisait d’un tory.
Droit divin héréditaire, incommutable, succession en ligne directe, obéissance passive, prérogative, non-résistance, esclavage, et quelquefois aussi papisme, voilà quelles idées étaient associées dans beaucoup d’esprits à celle qu’on se faisait d’un tory, et qu’on regardait comme étant, de la même manière, incompatibles avec celle qu’on se faisait d’un whig. (Dissertation sur les partis, p. 5.)
Et, si nous comparons ces descriptions, nous voyons que dans un parti il y avait le désir de résister au pouvoir coercitif du roi sur les sujets et de le diminuer, tandis que l’autre parti voulait maintenir ou augmenter ce pouvoir coercitif. Cette différence dans leurs aspirations, différence dont la signification et l’importance dépassent toutes les autres différences politiques, se montre dès l’abord dans leurs actes. Les principes des whigs apparaissent dans l’acte de l’habeas corpus et dans la mesure qui rendit les juges indépendants de la couronne ; dans le rejet du bill dans lequel on demandait que les législateurs et les fonctionnaires fussent obligés de s’engager par serment à ne résister en aucun cas au roi par les armes, et plus tard, dans le bill ayant pour but de protéger les sujets contre les agressions monarchiques. Ces actes avaient le même caractère intrinsèque. Ils affaiblissaient le principe de coopération obligatoire dans la vie sociale, et ils fortifiaient le principe de la coopération volontaire. Une remarque faite par M. Green au sujet de la période pendant laquelle les whigs exercèrent le pouvoir après la mort d’Anne, montre bien que la politique du parti avait la même tendance générale à une époque postérieure.
Avant que les cinquante années de leur pouvoir se fussent écoulées, les Anglais avaient oublié qu’il fût possible de persécuter pour des dissentiments religieux, ou de supprimer la liberté de la presse, ou d’intervenir dans l’administration de la justice, ou de gouverner sans parlement. (Abrégé d’histoire, p. 705.)
Et maintenant, laissant de côté la période de guerre à la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci, pendant laquelle la liberté individuelle perdit une grande partie du terrain conquis, et où le mouvement rétrograde vers le type social du militarisme se manifesta par toute sorte de mesures coercitives, depuis celles qui enlevèrent de force les personnes et les propriétés des citoyens pour les besoins de la guerre jusqu’à celles qui supprimèrent les réunions publiques et essayèrent de bâillonner la presse, – rappelons le caractère général des changements effectués par les whigs ou les libéraux quand le rétablissement de la paix permit de faire revivre le régime industriel avec la structure qui lui est particulière. Sous l’influence croissante des whigs, les lois qui défendaient les coalitions d’ouvriers furent abrogées aussi bien que celles qui restreignaient leur liberté d’aller et venir. Citons également la loi d’après laquelle les dissidents purent croire ce qu’ils voulaient sans s’exposer à certaines pénalités civiles, et celle qui permit aux catholiques de professer leur religion sans perdre une partie de leur liberté. Le champ de la liberté fut élargi par des actes qui défendirent d’acheter des nègres et de les tenir en esclavage. Le monopole de la compagnie des Indes Orientales fut aboli et le commerce avec l’Orient déclaré libre pour tout le monde. Grâce au Reform Bill et au Municipal Reform Bill, le nombre des citoyens non représentés fut diminué, de sorte qu’au point de vue général aussi bien qu’au point de vue local, la masse fut moins sous la domination des privilégiés. Les dissidents, affranchis de la soumission à la forme ecclésiastique du mariage, furent libres de se marier d’après un rite purement civil. Plus tard, vinrent la diminution et l’abolition des restrictions apportées à l’achat des marchandises étrangères et à l’emploi de vaisseaux et de marins étrangers, et plus tard encore l’abolition des entraves à la liberté de la presse imposées originairement pour empêcher la diffusion des opinions. Il est incontestable que tous ces changements, qu’ils aient été faits par les libéraux ou non, ont eu lieu conformément aux principes professés et soutenus par eux.
Mais pourquoi énumérer des faits si bien connus de tout le monde ? Uniquement parce qu’il semble nécessaire, comme nous l’avons dit au début, de rappeler au lecteur ce qu’était le libéralisme dans les temps passés afin qu’il pût voir combien il diffère du prétendu libéralisme de l’époque actuelle. Nous aurions cru inutile d’indiquer une à une ces différentes mesures pour montrer leur caractère commun, si de nos jours on n’avait pas oublié ce caractère commun. On ne se rappelle pas que d’une manière ou d’une autre tous ces changements vraiment libéraux ont diminué la coopération obligatoire dans la vie sociale et ont augmenté la coopération volontaire. On a oublié que, dans un sens ou dans un autre, ils ont diminué l’étendue de l’autorité gouvernementale et agrandi le champ d’action où tout citoyen peut agir en liberté. On a perdu de vue cette vérité qu’autrefois le libéralisme défendait habituellement la liberté individuelle contre la coercition de l’État.
Et maintenant viennent les questions : – Comment se fait-il que les libéraux aient perdu de vue cette vérité ? Comment se fait-il que le parti libéral, ayant une part de plus en plus grande au pouvoir, soit devenu de plus en plus coercitif dans ses mesures législatives ? Comment se fait-il que, soit directement par ses propres majorités, soit indirectement par le concours prêté dans certains cas aux majorités de ses adversaires, le parti libéral ait, dans une large mesure, adopté la politique de dicter les actions des citoyens et, par conséquent, de diminuer le domaine dans lequel ces actions restaient libres ? Comment pouvons-nous expliquer cette confusion d’idées qui l’a amené, dans la recherche de ce qui semble être le bien public, à renverser la méthode qui l’a aidé dans les temps passés à accomplir le bien public.
Quoiqu’à première vue il paraisse impossible de rendre compte de ce changement politique inconscient, nous trouverons qu’il s’est produit tout naturellement. Étant donnée la pensée concrète, qui ordinairement prévaut dans les questions politiques, et considérant les circonstances actuelles, on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il en fût autrement. Pour montrer la vérité de cette assertion, il est nécessaire d’entrer dans quelques explications préliminaires.
Depuis les animaux inférieurs jusqu’aux animaux supérieurs, l’intelligence progresse par des actes de différenciation ; et elle continue à progresser de la même manière chez les hommes, depuis les plus ignorants jusqu’aux plus savants. Classer exactement, mettre dans le même groupe les choses qui sont essentiellement de même nature et dans d’autres groupes les choses d’une nature essentiellement différente – voilà la condition fondamentale pour bien diriger les actions. Commençant par la vision rudimentaire qui nous avertit du passage de quelque grand corps opaque dans notre voisinage (de même que des yeux fermés, tournés vers la fenêtre et percevant l’ombre produite par une main posée devant eux, nous préviennent que quelque chose se meut devant nous) nous arrivons peu à peu à la vision développée qui, par une appréciation exacte de la combinaison des formes, des couleurs et des mouvements, reconnaît au loin des objets pour être une proie ou un ennemi, et nous met ainsi dans la possibilité de perfectionner notre manière de nous conduire pour assurer notre nourriture ou échapper à la mort. Cette perception progressive des différences et les classements plus exacts qui en résultent, constituent, sous un de ses principaux aspects, le développement de l’intelligence, et s’observent également quand nous passons de la vision physique relativement simple à la vision intellectuelle relativement complexe, qui nous permet de grouper, d’une manière plus juste et plus conforme à leur structure et à leur nature intrinsèque, les objets groupés auparavant d’après certaines ressemblances extérieures ou d’après certaines circonstances extrinsèques. La vision intellectuelle qui n’a pas été développée discerne aussi mal et se trompe autant dans ses classements que la vision physique « non développée » Nous pouvons citer comme exemple la classification primitive des plantes en arbres, arbrisseaux et herbes, la grandeur, c’est-à-dire le caractère le plus saillant, étant le fondement de la distinction, et les groupes étant formés de façon à réunir beaucoup de plantes d’une nature essentiellement différente et à en séparer d’autres qui sont de la même famille. Ou encore mieux, prenez la classification populaire qui réunit sous la même dénomination générale les poissons et les coquillages (fish and shell fish) et qui comprend dans les coquillages les crustacés et les mollusques ; elle va même plus loin, elle range parmi des poissons les mammifères cétacés. Soit à cause de la similitude dans leur manière de vivre comme habitants de l’eau, soit à cause de quelque ressemblance générale dans leur goût, on a réuni dans la même division et la même sous-division des créatures d’une nature bien plus différente que ne le sont un poisson et un oiseau.
Or la vérité générale, démontrée par ces exemples, se manifeste également dans les sphères supérieures de la vision intellectuelle concernant les objets inaccessibles aux sens, tels que les institutions et les mesures politiques. Car, dans ces questions aussi, les produits d’une faculté intellectuelle inadéquate ou d’une culture intellectuelle inadéquate ou de l’une et de l’autre réunies sont des classements erronés qui conduisent à des conclusions erronées. En vérité, ici les chances d’erreurs sont bien plus nombreuses, puisque les objets, qui sont du domaine de l’intelligence, ne peuvent être examinés avec la même facilité. Vous ne pouvez ni toucher ni voir une institution politique ; celle-ci peut seulement être connue par un effort de l’imagination créatrice. Vous ne pouvez pas non plus saisir par une perception physique une mesure politique : celle-ci exige également un processus de la représentation mentale qui en combine les éléments dans une pensée et nous amène à concevoir l’essence de la combinaison. Ici, donc, plus encore que dans les cas susnommés, une vision intellectuelle défectueuse apparaît dans le groupement d’après des caractères externes ou des circonstances extrinsèques. La preuve que cette cause produit des erreurs dans le classement des institutions, c’est l’opinion générale que la République romaine était une forme de gouvernement démocratique. Examinez les idées des anciens révolutionnaires français et vous trouverez qu’ils prenaient pour modèles les formes et les actes politiques des Romains, et on pourrait même nommer un historien qui cite la corruption romaine pour montrer où conduit un gouvernement démocratique. Cependant il y a encore moins de ressemblance entre les institutions des Romains et les véritables institutions libres qu’entre un requin et un marsouin, ces institutions présentant à côté d’une forme extérieure semblable des structures internes très différentes. Une société dans laquelle les hommes relativement peu nombreux, qui possédaient le pouvoir politique et jouissaient d’une certaine liberté, étaient autant de petits despotes maintenant non seulement leurs esclaves et leurs inférieurs mais même leurs enfants dans une servitude aussi absolue que leur bétail, une telle société peut être considérée plutôt comme ayant été sous le joug d’un despotisme ordinaire que comme une société de citoyens politiquement égaux.
Si nous passons maintenant à notre question spéciale, nous pouvons comprendre l’espèce de confusion dans laquelle le libéralisme s’est perdu, et l’origine de ces classements erronés des mesures politiques qui ont amené ses erreurs-classements faits, comme nous le verrons, d’après des caractères externes saillants et non d’après la nature interne des choses. Quel était, aux yeux du peuple et de leurs auteurs, le but des changements opérés par les libéraux dans les temps passés ? Ils devaient faire cesser les griefs du peuple ou d’une partie du peuple : tel était leur caractère commun qui s’est le plus fortement imprimé dans l’esprit des hommes. Ils devaient mitiger les maux qui avaient été sentis directement ou indirectement par de grandes classes de citoyens, diminuer les causes de misère ou briser les obstacles au bonheur. Et puisque, dans l’esprit de la plupart des gens, un mal redressé équivaut à un bien accompli, ces mesures vinrent à être regardées comme autant de bienfaits positifs ; et le bien-être de la masse fut considéré comme le but du libéralisme aussi bien par les hommes d’État libéraux que par les électeurs libéraux. De là est venue la confusion. L’acquisition d’un bien pour le peuple étant le trait externe saillant, commun aux mesures libérales dans les temps anciens (et ce bien consistait alors essentiellement dans une diminution de la contrainte), il est arrivé que les libéraux ont vu dans le bien du peuple non pas un but qu’il fallait atteindre indirectement par la diminution de la contrainte, mais le but qu’il fallait atteindre directement. Et, cherchant à l’atteindre directement, ils ont employé des méthodes intrinsèquement contraires à celles qui avaient été employées originairement.
Et maintenant, ayant vu comment ce changement dans la politique s’est produit (ou mieux ce changement partiel, car les lois récentes sur les enterrements et les efforts faits pour abolir toutes les inégalités religieuses encore existantes montrent la continuation de la politique primitive dans certaines directions), examinons jusqu’à quel point ce changement est allé dans les derniers temps et jusqu’à quel point encore plus éloigné il ira dans l’avenir, si les idées et les sentiments courants continuent à prévaloir.
Avant de continuer, il est peut-être bon de dire que nous n’avons pas l’intention de blâmer les motifs qui ont provoqué successivement telle restriction ou telle mesure. Ces motifs étaient sans doute louables dans presque tous les cas. Il faut admettre que les restrictions apportées par une loi de 1870 à l’emploi des femmes et des enfants dans les manufactures où l’on teint en rouge d’Andrinople étaient, dans l’intention du législateur, aussi philanthropiques que celles d’Édouard IV prescrivant le temps minimum pour lequel un ouvrier pouvait être engagé. Certainement l’acte du parlement relatif à la fourniture de semences (Irlande), permettant aux administrateurs communaux d’acheter des semences pour les tenanciers pauvres et de voir si elles étaient convenablement mises en terre, était dicté par un désir du bien public aussi grand que l’acte de 1533 prescrivant le nombre de moutons qu’un tenancier pouvait élever, ou celui de 1597 ordonnant de rebâtir les fermes délabrées. Personne ne contestera que les différentes mesures prises dans ces dernières années pour restreindre la vente des liqueurs enivrantes, n’aient eu en vue la morale publique aussi bien que les mesures prises anciennement pour arrêter les maux causés par le luxe, comme par exemple au XIVe siècle, quand on apporta des restrictions aux dépenses de la table et de l’habillement. Chacun doit voir que les édits publiés par Henri VIII pour empêcher les classes inférieures de jouer aux dés, aux cartes, aux quilles, etc. n’étaient pas inspirés par un désir plus grand de contribuer au bien public que les lois récentes défendant les jeux d’argent.
En outre, je n’ai pas l’intention de mettre en question la sagesse de ces ingérences modernes que les conservateurs et les libéraux multiplient à l’envi les uns des autres, pas plus que je ne veux mettre en question la sagesse de ces ingérences anciennes auxquelles elles ressemblent en beaucoup de cas. Nous n’examinerons pas si les plans adoptés récemment pour préserver la vie des matelots sont ou ne sont pas plus judicieux que cette mesure radicale écossaise qui, au milieu du XVe siècle, défendait aux capitaines de quitter le port pendant l’hiver. Pour le moment, nous ne discuterons pas la question de savoir s’il y a des raisons plus fortes pour donner à certains inspecteurs le droit de visiter certaines maisons afin de voir s’il s’y trouve des aliments malsains qu’il n’y en avait pour la loi d’Édouard III enjoignant aux aubergistes des ports de prêter serment qu’ils fouilleront leurs clients afin d’empêcher l’exportation de l’argent monnayé ou travaillé. Nous voulons admettre qu’il y a autant de sens dans la clause de l’acte relatif à la batellerie des canaux, d’après laquelle il est défendu à un propriétaire de donner la pension gratuite aux enfants des bateliers, qu’il y en avait dans les actes relatifs aux Spitafields d’après lesquels il était défendu jusqu’en 1824 aux manufacturiers, dans l’intérêt des artisans, d’établir leurs manufactures à plus de dix milles de la Bourse royale.
Nous ne demanderons donc pas si les législateurs ont été guidés par la philanthropie et la sagesse ; nous admettons qu’ils l’ont été par l’une et par l’autre ; ce qui nous occupe uniquement, c’est la nature obligatoire de ces lois qui, bonnes ou mauvaises selon les circonstances, ont été mises en vigueur durant les périodes où les libéraux avaient le pouvoir.
Pour ne pas chercher trop loin nos exemples, remontons seulement jusqu’en 1860, au second ministère de lord Palmerston. En cette année les restrictions contenues dans la loi relative aux manufactures furent étendues aux blanchisseries et aux teintureries ; on donna le droit de faire analyser les aliments et les boissons et de faire payer ces analyses par les communes ; on créa des inspecteurs d’usines à gaz et on fixa la qualité et le prix maximum du gaz ; une loi renforçant celle qui concerne l’inspection des mines édicte des peines contre ceux qui emploieraient des garçons au-dessous de douze ans ne fréquentant pas l’école et ne sachant ni lire ni écrire. En 1861 les obligations inscrites dans la loi relative aux manufactures furent étendues aux fabriques de dentelles ; les administrateurs du bien des pauvres, etc., reçurent le droit d’imposer la vaccination ; les conseils locaux furent autorisés à fixer un tarif pour le louage des chevaux, des mulets, des ânes et des bateaux, et on donna à certains comités locaux le pouvoir d’imposer les localités pour le drainage, l’irrigation des champs et pour fournir de l’eau au bétail. En 1862 une loi fut promulguée pour restreindre l’emploi des femmes et des enfants dans les blanchisseries en plein air ; une autre, pour défendre les mines de charbon avec un seul puits ou avec des puits séparés par un intervalle inférieur à celui qui était spécifié ; une troisième enfin, donnant au conseil de l’instruction médicale le droit exclusif de publier une pharmacopée dont le prix sera fixé par l’administration des finances. En 1863 la vaccination devint obligatoire en Écosse et en Irlande ; certains conseils furent autorisés à faire des emprunts remboursables par des contributions locales ; on donna aux autorités des villes le droit de prendre possession des places abandonnées pouvant servir d’ornement et d’imposer les habitants pour leur entretien ; ensuite vint la loi concernant les boulangeries, qui spécifia l’âge minimum pour les employés occupés à certaines heures, prescrivit le badigeonnage périodique, trois couches de couleur, et le nettoyage à l’eau chaude et au savon au moins une fois tous les six mois ; enfin une autre loi autorisant le magistrat à décider si un aliment apporté devant lui par un inspecteur était sain ou malsain. Parmi les mesures de contrainte datant de 1864 on peut citer une extension de la loi concernant les manufactures à différents métiers, certains règlements pour le nettoyage et la ventilation, et la défense faite à certains employés dans les fabriques d’allumettes de prendre leur repas ailleurs que dans les ateliers à découper le bois. Il y eut aussi une loi sur le ramonage, une loi sur la vente de la bière en Irlande, une loi pour l’essayage forcé des câbles et des ancres, une loi donnant plus d’extension à celle de 1863 concernant les travaux publics, une loi sur les maladies contagieuses ; cette dernière a donné à la police, en certains endroits spécifiés, des pouvoirs annulant, pour certaines classes de femmes, différentes garanties de la liberté individuelle établies dans les temps passés. L’année 1865 fut témoin de nouvelles mesures prises pour héberger et soulager temporairement certains voyageurs aux frais des contribuables ; on rendit encore une loi sur la fermeture des cabarets et une autre réglementant l’extinction des incendies à Londres. Sous le ministère de lord John Russel, en 1866, nous devons citer une loi concernant les étables des fermes, etc., en Écosse, qui donne aux autorités locales le droit d’inspecter les conditions sanitaires et de fixer le nombre du bétail ; une loi forçant les planteurs de houblon à indiquer sur les balles l’année de la récolte, le lieu d’origine, le poids vrai, et donnant à la police le droit de vérification ; une loi facilitant la construction d’hôtels garnis en Irlande et réglant le nombre des habitants ; une loi d’hygiène publique ordonnant l’enregistrement des hôtels garnis, leur inspection, la limitation du nombre des locataires et contenant des instructions sur le badigeonnage, etc., et une loi sur les bibliothèques publiques conférant à des autorités locales des droits d’après lesquels une majorité peut faire contribuer une minorité à l’achat de ses livres.
Si nous passons maintenant à la législation sous le premier ministère de M. Gladstone, nous avons, en 1869, l’établissement de bureaux télégraphiques par l’État et l’interdiction d’envoyer des dépêches par un autre intermédiaire ; nous avons le pouvoir donné à un ministre de réglementer les moyens de transport dans Londres ; nous avons une réglementation plus stricte pour empêcher la propagation des épizooties, une autre loi sur les débits de bière, et une loi sur la conservation des oiseaux de mer (dont l’effet sera une plus grande mortalité des poissons). En 1870, nous avons une loi autorisant le conseil des travaux publics à faire des avances aux propriétaires pour l’amélioration de leurs propriétés et aux tenanciers pour acheter ces propriétés ; nous avons la loi conférant au département de l’éducation le droit de former des comités scolaires qui achèteront des emplacements pour les écoles et pourront créer des écoles entretenues par des contributions locales, et permettant aux comités scolaires de payer la rétribution scolaire d’un enfant, de forcer les parents à envoyer leurs enfants à l’école etc. etc. ; nous avons une autre loi sur les manufactures et les ateliers créant de nouvelles restrictions, entre autres, celle relative à l’emploi des femmes et des enfants dans les ateliers de conserves de fruits et de salaison des poissons. En 1871, nous trouvons une loi sur la marine marchande qui ordonne aux employés du conseil de commerce d’inscrire le tirant d’eau des vaisseaux quittant les ports ; il y a une autre loi sur les manufactures et les ateliers, qui crée de nouvelles restrictions ; il y a une loi sur le colportage, qui édicte des peines contre le colportage sans permis, et qui limite le rayon dans l’étendue duquel le permis est valable, en même temps qu’elle donne à la police le droit de visiter les ballots des colporteurs ; et il y a encore de nouvelles mesures concernant la vaccination obligatoire. Parmi les lois de l’année 1872 citons celle qui défend de prendre en nourrice plus d’un enfant, à moins que ce ne soit dans une maison enregistrée par les autorités, qui prescrivent le nombre d’enfants à recevoir ; citons encore une loi sur les débits qui interdit de vendre des spiritueux à des personnes au-dessous de seize ans ; une autre sur la marine marchande qui établit une inspection annuelle des vapeurs transportant des passagers. Ensuite, en 1873, fut édictée la loi sur l’emploi des enfants dans l’agriculture, et d’après laquelle il est défendu à un fermier d’employer un enfant qui n’a point le certificat d’instruction élémentaire ; il y eut aussi la loi sur la marine marchande qui exige, sur chaque vaisseau, une échelle indiquant le tirant d’eau et qui donne au conseil du commerce le droit de fixer le nombre des canots et des appareils de sauvetage à emporter.