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L'oeuvre théâtrale de Maupassant E-Book

Guy de Maupassant

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Beschreibung

Ce livre numérique comprend les oeuvres théâtrale de Guy de Maupassant. L'édition est méticuleusement éditée et formatée. On compte dans l'immense oeuvre de Guy de Maupassant 6 pièces de théâtre dont deux qui ne furent jamais représentées et une qui fut restée inachevée. La pièce (érotique) "À la Feuille de rose, maison turque" fut représentée le 13 avril 1875, pour la première fois, chez les peintres Becker et Leloir, dans leur atelier de la rue de Fleurus. Cette pièce fut publiée pour la première fois en 1945. Guy de Maupassant (1850 - 1893) a marqué la littérature française par ses six romans, dont Une vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1887-1888, mais surtout par ses nouvelles, (parfois intitulées contes), comme Boule de suif en 1880, les Contes de la bécasse (1883) ou Le Horla (1887). Ces œuvres retiennent l'attention par leur force réaliste, la présence importante du fantastique et par le pessimisme qui s'en dégage le plus souvent mais aussi par la maîtrise stylistique. La carrière littéraire de Guy de Maupassant se limite à une décennie – de 1880 à 1890 – avant qu'il ne sombre peu à peu dans la folie et ne meure à quarante-trois ans. Reconnu de son vivant, Guy de Maupassant conserve un renom de premier plan, renouvelé encore par les nombreuses adaptations filmées de ses oeuvres. Contenu: HISTOIRE DU VIEUX TEMPS UNE REPETITION MUSOTTE LA PAIX DU MENAGE LA TRAHISON DE LA COMTESSE DE RHUNE A LA FEUILLE DE ROSE, MAISON TURQUE

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Veröffentlichungsjahr: 2019

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Guy De Maupassant

L'oeuvre théâtrale de Maupassant

e-artnow, 2019 Contact: [email protected]

Table des matières

HISTOIRE DU VIEUX TEMPS
UNE REPETITION
Personnages.
Scène Première
Scène 2
Scène 3
Scène 4
MUSOTTE
Personnages
Acte Premier
Scène Première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Scène X
Scène XI
Acte Deuxième
Scène Première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
ACTE TROISIÈME
Scène Première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
LA PAIX DU MENAGE
Personnages
Acte Premier
Scène Première
Scène II
Scène III
Acte Deuxième
Scène Première
Scène II
Scène III
Scène IV
LA TRAHISON DE LA COMTESSE DE RHUNE
Personnages
Acte Premier
Scène Première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Acte Deuxième
Scène Première
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Scène X
Scène XI
Acte Troisième
Scène Première
SCÈNE II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
‪À la Feuille de rose, maison turque‬
Personnages
Scène I
Scène II
Scène III
Scène IV
Scène V
Scène VI
Scène VII
Scène VIII
Scène IX
Scène X
Scène XI
Scène XII
Scène XIII
Scène XIV
Scène XV
Scène XVI
Scène XVII
Scène XVIII
Scène XIX
Scène XX
Scène XXI
Scène XXII
Scène XXIII
Scène XXIV
Scène XXV
Scène XXVI
Scène XXVII
Scène XXVIII
Scène XXIX
Scène XXX
Scène XXXI

HISTOIRE DU VIEUX TEMPS

Table des matières

(1879) Guy de Maupassant

A Madame Commanville

Madame, je vous ai offert, alors que vous seule la connaissiez, cette toute petite pièce qu’on devrait appeler plus simplement «dialogue». Maintenant qu’elle a été jouée devant le public et applaudie par quelques amis, permettez-moi de vous la dédier.

C’est ma première oeuvre dramatique. Elle vous appartient de toute façon, car après avoir été la compagne de mon enfance, vous êtes devenue une amie charmante et sérieuse; et, comme pour nous rapprocher encore, une affection commune, celle de votre oncle que j’aime tant, nous a, pour ainsi dire, faits de la même famille. Veuillez donc agréer, Madame, l’hommage de ces quelques vers comme témoignage des sentiments très dévoués, respectueux et fraternels de votre ami bien sincère et ancien camarade.

Je ne publierai point cette frêle comédie sans adresser mes bien vifs remerciements à l’homme éclairé et bienveillant qui l’a accueillie et aux artistes de talent qui l’ont fait applaudir.

Sans M. Ballande, qui ouvre si généreusement son théâtre aux inconnus repoussés ailleurs, elle n’aurait peut-être jamais été jouée. Sans Mme Daudoird, si fine comédienne, si attendrie et si charmante dans le rôle de la vieille marquise, et sans M. Leloir, qui porte avec tant de dignité les cheveux blancs du comte, personne ne l’eût, sans doute, remarquée.

Le succès, grâce à eux, a dépassé mes espérances: aussi je veux écrire leurs noms à la première page pour les assurer de ma profonde reconnaissance.

Guy de Maupassant

Paris, le 23 février 1879.

Chambre Louis XV. Grand feu dans la cheminée. On est en hiver. La vieille marquise est dans son fauteuil, un livre sur les genoux; elle paraît s’ennuyer. UN VALET, annonçant. Monsieur le comte. LA MARQUISEEnfin, cher comte, vous voici; Vous pensez donc toujours aux vieux amis, merci Je vous attendais presque avec inquiétude; De vous voir chaque jour on a pris l’habitude; Puis, je ne sais pourquoi, je suis triste ce soir. Venez, auprès du feu allons nous asseoir Et causer. LE COMTE, s’asseyant après lui avoir baisé la main. Moi, je suis tout triste aussi, marquise, Et lorsqu’on se fait vieux, cela démoralise. Les jeunes ont au coeur cargaison de gaieté; Un nuage en leur ciel est bien vite emporté, Et toujours tant de buts, tant d’amours à poursuivre! Nous autres, il nous faut de la gaieté pour vivre; La tristesse nous tue, elle s’attache à nous Comme la mousse à l’arbre épuisé. Voyez-vous, Contre ce mal terrible il faut bien se défendre. Et puis, tantôt, d’Armont est venu me surprendre Nous avons remué la cendre des vieux jours, Parlé des vieux amis et des vieilles amours; Et, depuis ce moment, comme une ombre incertaine, Je revois s’agiter ma jeunesse lointaine. Aussi je suis venu, tout triste et tout blessé, M’asseoir auprès de vous, et parler du passé. LA MARQUISE Moi, depuis le matin, l’horrible froid m’assiége; J’entends souffler le vent, je vois tomber la neige. A notre âge, l’hiver afflige et fait souffrir; Quand il gèle bien fort on croit qu’on va mourir. Oui, causons, car un bon souvenir de jeunesse Ravive par instants notre froide vieillesse. C’est un peu de soleil… LE COMTE Mais dans un jour d’hiver; Mon soleil est bien pâle et mon ciel bien couvert. LA MARQUISE Allons racontez-moi quelque folle équipée. Vous étiez, dit l’histoire, un grand traîneur d’épée, Jadis, monsieur le comte, insolent, beau garçon, Riche, bon gentilhomme et de fière façon; Vous avez fait scandale, et croisé votre lame Avec plus d’un mari; car une belle dame, Un soir que nous causions, m’a raconté, tout bas, Que tous les coeurs sauraient au seul bruit de vos pas. Si l’on ne m’a menti, vous avez été page, Grand coureur de ruelle et faiseur de tapage; Et vous avez dormi quatre mois en prison Pour un certain manant pendu dans sa maison, Lequel avait, dit-on, femme jeune et jolie. La femme d’un manant, comte, quelle folie! Quatre mois en prison pour cela! C’eût été Dame de haute race et de grande beauté, Soit… Voyons, prouvez-moi quelque galante histoire De grande dame; amour romanesque, et l’armoire Classique où le mari, dans ses retours subits, Surprend l’amant transi parmi les vieux habits. LE COMTE Et pourquoi donc toujours, toujours la grande dame? Les autres, cependant, plaisent aussi: la femme Est faite pour charmer, qu’elle soit noble ou non. La grâce est sans aïeux et la beauté sans nom. LA MARQUISE Merci! Je ne veux point de vos amours banales. Vous avez autre chose au fond de vos annales, Cher comte, et maintenant, je vous écoute. Allez! LE COMTE Il faut vous obéir, puisque vous le voulez. Ah! Certes, le proverbe est bien vrai, sur mon âme, Qui prétend que Dieu veut ce que veut une femme. Quand je vins â la Cour j’étais sentimental; J’ouvris bientôt les yeux; le réveil fut brutal Par exemple. J’aimai, j’aimai la toute belle Comtesse de Paulé. Je la croyais fidèle. Je la surpris, un soir, aux bras d’un autre amant; J’en eus le coeur brisé, marquise, et sottement Je la pleurai deux mois! Mais la Cour et la Ville Ont bien ri. Cette engeance est envieuse et vile, Siffle les malheureux, applaudit au succès; J’étais trompé, j’avais donc perdu mon procès. Pourtant, bientôt après, j’eus une autre maîtresse; Mais nous logions encore â deux dans sa tendresse. L’autre était un poète. Il lui tournait des vers, L’appelait fleur, étoile, astre de l’univers, Et je ne sais quels noms. Je provoquai le drôle; C’était un bel esprit, il resta dans son rôle; Trop lâche pour se battre, il fit un plat sonnet… Et l’on en rit encor, me traitant de benêt. La leçon, cette fois, mit un terme à mes doutes, Je cessai d’en voir une, et je les aimai toutes. Or je pris pour devise un dicton très ancien: «Bien fol est qui s’y fie» et je m’en trouvai bien. LA MARQUISE Mais, autrefois, quand vous déclariez votre flamme, Et soupiriez aux pieds de quelque belle dame, L’enveloppant d’amour, de respects et de soins, Parliez-vous ainsi? LE COMTE Non; mais avouez du moins, Entre nous, que la femme est une enfant gâtée. On l’a trop adulée, et surtout trop chantée. Ses flatteurs attitrés, les faiseurs de sonnets, Lui versant tout le jour, comme des robinets, Compliments distillés au suc de poésie, En ont fait un enfant gonflé de fantaisie. Aime-t-elle du moins? Point du tout; il lui faut, Non l’amour de vingt ans, et dont le seul défaut Est d’aimer saintement, comme on aime à cet âge, Mais un roué; celui qu’on regarde au passage Avec étonnement et presque avec respect, Toute femme s’émeut et tremble â son aspect, Parce qu’il est, mérite assurément fort rare, Le premier séducteur de France et de Navarre! Non qu’il soit jeune, non qu’il soit beau, non qu’il ait De grandes qualités… Rien; mais cet homme plait Parce qu’il a vécu. Voilà la chose étrange; Et c’est ainsi pourtant que l’on séduit cet ange! Mais quand un autre vient demander, par hasard, De quel tribut payer l’aumône d’un regard, Elle lui rit au nez et demande la lune! Et, vous le savez bien, je ne parle pas d’une, Mais de beaucoup. LA MARQUISE C’est très galant; encor merci! A mon tour, à présent, écoutez bien ceci: Un vieux renard perclus, mais de chair fraîche avide, Rôdait, certaine nuit, triste et le ventre vide; Il allait, ruminant ses festins d’autrefois, La poulette surprise un soir au coin d’un bois, Et le souple lapin qu’on prenait à la course. L’âge, de ces douceurs, avait tari la source; On était moins ingambe et l’on jeûnait souvent. Quand un parfum de chassé apporté par le vent Le frappe, un éclair brille en sa vieille prunelle. Il aperçoit, dormant et la tête sous l’aile, Quelques jeunes poulets perchés sur un vieux mur. Mais renard est bien lourd et le chemin peu sûr, Et malgré son envie, et sa faim, et son jeûne: «Ils sont trop verts, dit-il, et bons… Pour un plus jeune.» LE COMTE Marquise, c’est méchant, ce que vous dites là; Mais je vous répondrai: Samson et Dalila, Antoine et Cléopâtre, Hercule aux pieds d’Omphale. LA MARQUISE Vous avez en amour une triste morale! LE COMTE Non; l’homme est comme un fruit que Dieu sépare en deux. Il marche par le monde; et, pour qu’il soit heureux, Il faut qu’il ait trouvé, dans sa course incertaine, L’autre moitié de lui; mais le hasard le mène; Le hasard est aveugle et seul conduit ses pas; Aussi presque toujours, il ne la trouve pas. Pourtant, quand d’aventure il la rencontre…, il aime; Et vous étiez, je crois, la moitié de moi-même Que Dieu me destinait et que je cherchais, mais Je ne vous trouvai pas, et je n’aimai jamais. Puis voilé qu’aujourd’hui, nos routes terminées, Le sort unit, trop tard, nos vieilles destinées. LA MARQUISE Enfin, cela vaut mieux, mais vous avez péché, Et je ne vous tiens pas quitte à si bon marché. Savez-vous, mon cher comte, à quoi je vous compare? Votre coeur est fermé comme un logis d’avare: Vous êtes l’hôte; quand on vient pour visiter Vous vous imaginez qu’on va tout emporter, Et ne montrez aux gens qu’un tas de vieilleries. Voyons, plus de détours et trêve aux railleries! Tout avare, en un coin, cache un coffret plein d’or, Et le coeur le plus pauvre a son petit trésor. Qu’avez-vous tort au fond? Portrait de jeune fille De seize ans, qu’on aima jadis; légère idylle Dont on rougit peut-être et qu’on cache avec soin, N’est-ce pas? Mais, parfois, plus tard, on a besoin De venir contempler ces images, laissées Là-bas, derrière soi; ces histoires passées Dont on souffre et pourtant dont on aime souffrir. On s’enferme tout seul, une nuit, pour ouvrir Certain vieux livre et son vieux coeur; comme on regarde La pauvre fleur donnée un beau soir, et qui garde La lointaine senteur des printemps d’autrefois! On écoute, on écoute, et l’on entend sa voix Par les vieux souvenirs faiblement apportée. Et l’on baise la fleur, dont l’empreinte est restée Comme au feuillet du livre à la page du coeur. Hélas! Quand la vieillesse apporte la douleur, Vous embaumez encor nos dernières journées, Parfums des vieilles fleurs et des jeunes années! LE COMTE C’est vrai! Même à l’instant j’ai senti revenir, Tout au fond de mon coeur, un très vieux souvenir; Et je suis prêt à vous le raconter, marquise. Mais j’exige de vous une égale franchise, Caprice pour caprice, et récit pour récit; Et vous commencerez. LA MARQUISE Je le veux bien ainsi. Pourtant mon histoire est un simple enfantillage. Mais, je ne sais pourquoi, les choses du jeune âge Prennent, comme le vin, leur force en vieillissant, Et d’année en année elles vont grandissant. Vous connaissez beaucoup de ces historiettes: C’est le premier roman de mutes les fillettes, Et chaque femme, au moins, en compte deux ou trois; Je n’en eus qu’une seule; et c’est pourquoi, je crois, Je l’ai gardée au coeur plus vive et plus tenace; Et dans ma vie elle a rempli beaucoup de place. J’étais bien jeune alors, car j’avais dix-huit ans; J’avais appris â lire avec les vieux romans; J’avais souvent rêvé dans les vieilles allées Du vieux parc, regardant, le soir, sous les sautées, Les reflets de la lune, écoutant si le vent Ne parlait pas d’amour à la branche, et rêvant A celui que tout bas la jeune fille appelle, Qu’elle attend, qu’elle croit que Dieu créa pour elle! Puis voilé que celui que j’avais tant rêvé, Jeune, fier et charmant, un jour, est arrivé; Et je sentis bondir mon coeur de jeune fille. Je me pris à l’aimer; il me trouva gentille… Mon beau jeune homme, hélas! Partit le lendemain; Rien de plus: un baiser, un serrement de main, Un regard échangé qu’il oublia bien vite. Il s’était dit: «Elle est mignonne, la petite.» Et cela lui sortit du coeur; mais Dieu défend De se jouer ainsi de l’amour d’une enfant! Ah! Vous trouvez la femme insensible; elle saute De caprice en caprice; allez, c’est votre faute. Elle pourrait aimer, mais vous l’en empêchez; Le premier amour qui lui vient, vous l’arrachez! Pauvre fille! J’étais bien folle et bien crédule; Mais vous allez trouver cela fort ridicule, Vous qui raillez l’amour… Longtemps je l’attendis! Comme il ne revint pas, j’épousai le marquis. Mais je confesse que j’aurais préféré l’autre! J’ai mis mon coeur à nu, découvrez-moi le vôtre Maintenant. LE COMTE, souriant Ainsi, c’est une confession? LA MARQUISE Et vous n’obtiendrez pas mon absolution Si vous raillez encor, méchant homme insensible. LE COMTE C’était dans la Bretagne, à l’époque terrible Qu’on nomme la Terreur. Partout on se battait, Moi, j’étais Vendéen; je servais sous Stofflet. Or, cela, dit, ici commence mon histoire. On venait, ce jour-là, de repasser la Loire. Nous étions demeurés, pétés en partisans, Quelques braves amis, quelques vieux paysans, Et moi leur chef, en tout peut-être une centaine, Cachés dans les buissons qui contournaient la plaine, Protégeant la retraite et cédant peu à peu. Nos hommes, à la fin, avaient cessé le feu; Et l’on se dispersait, selon notre coutume, Quand un soldat soudain, un Bleu, qui, je le présume, S’était, grâce aux buissons, avancé jusqu’à nous, Sauta dans le chemin et me tira deux coups De pistolet. J’ouvris la tête de ce drôle; Mais j’avais, pour ma part, deux balles dans l’épaule. Tout mon monde était loin. En prudent général, J’enfonçai l’éperon aux flancs de mon cheval. Alors, à travers champs, et la tête éperdue, Comme un fou qui s’enfuit, j’allai, bride abattue; Tant qu’enfin, harassé, brisé, n’en pouvant plus, Je tombai, tout en sang, au revers d’un talus. Mais bientôt, prés de moi, je vis une lumière Et j’entendis des voix. C’était une chaumière Où je heurtai, criant: «Ouvrez, au nom du roi!» Et puis, à bout de force et tout midi de froid, Je m’affaissai, soudain, en travers de la porte. Suis-je resté longtemps étendu de la sorte? Je ne sais; mais, alors que je repris mes sens, J’étais dans un bon lit bien chaud; de braves gens, Attendant mon réveil avec inquiétude, S’empressaient, m’entouraient, pleins de sollicitude; Et je vis, au milieu de ces lourdauds Bretons, Comme un oiseau des bois couvé par des dindons, Une enfant de seize ans! Ah! Marquise, marquise, Quelle tête ingénue et quelle grâce exquise! Comme elle était jolie avec ses cheveux blonds Sous son petit bonnet, si soyeux et si longs, Qu’une reine pour eux eût donné sa richesse! Puis elle avait des pieds et des mains de duchesse; Si bien que je doutai très fort de la vertu De sa grosse maman; j’aurais pour un fétu Vendu mes droits d’auteur, à la place du père. Dieu! Qu’elle était jolie avec sa mine austère Et pudique! Et durant quatre nuits et trois jours Elle ne quitta pas mon chevet; et toujours Je la voyais auprès de moi, tantôt assise, Tantôt debout, lisant dans son livre d’église Et priant, mais pour qui? Pour moi, pauvre blessé? Ou pour un autre? Puis, son petit pied pressé Allait, venait, trottait lestement par la chambre; Et puis, de ses yeux clairs et dorés comme l’ambre, Elle me regardait; car elle avait un oeil Jaune comme celui de l’aigle, et plein d’orgueil; Et même j’éprouvai, quand je vous vis, marquise, Pour la première fois, une grande surprise, En retrouvant cet oeil et ce regard pareil Qu’on eût dit éclairé d’un rayon de soleil. Elle était, sur ma foi, si fraîche et si jolie Que, presque à mon insu, j’avais fait la folie De me mettre à l’aimer. Mais voilà qu’un matin J’entendis le canon gronder dans le lointain. Mon hôte entra soudain; tout pâle et hors d’haleine: «Les Bleus! Les Bleus! dit-il, ils vont cerner la plaine, Sauvez-vous!» Cependant j’étais bien faible encor, Mais je me dépêchai, car le temps pressait fort. Comme un cheval frissonne au bruit de la trompette, La fièvre du combat me montait à la tête. Mais elle, tout de noir vêtue, et comme en deuil, Quelques larmes aux yeux, m’attendait sur le seuil. Elle tint l’étrier quand je me mis en selle; En galant chevalier je me penchai vers elle, Et déposai gaiement un baiser sur son front. Elle se redressa comme sous un affront; Un fauve éclair jaillit de sa fière prunelle, Et rougissant de honte: «Ah!: Monsieur», me dit-elle. Certes, elle n’était point ce que j’avais pensé; Elle avait trop grand air, et j’avais offensé Gauchement, lourdement, la noble jeune fille L’enfant de quelque ancienne et fidèle famille Que de vieux serviteurs cachaient au milieu d’eux, Quand le père, avec nous, luttait contre les Bleus. Ah! Je fis tout d’abord contenance assez sotte; Mais j’étais, en ce temps, quelque peu Don Quichotte, Et tous les vieux romans tournaient le cerveau. Aussi, de mon cheval, descendant aussitôt Je fléchis humblement un genou devant elle, Et je lui dis: «Pardon, pardon, mademoiselle; Ce baiser, croyez-moi, car je ne mens jamais, N’est point d’un libertin ou d’un étourdi, mais, Si vous le voulez bien, sera de fiançailles. Je reviendrai, si le permettent les batailles, Chercher gage d’amour que je vous ai laissé.» Soit! dit-elle en-riant. Adieu! Mon fiancé. Elle me releva; puis de sa main mignonne M’envoyant un baiser: «Allez, on vous pardonne, Dit-elle, et revenez bientôt, bel inconnu!» Et je partis… LA MARQUISE, tristement. Et vous, n’êtes pas revenu? LE COMTE Mon Dieu! Non. Mais pourquoi? Je ne sais trop moi-même Je me suis dit: Est-il possible qu’elle m’aime Cette enfant que je vis un instant? Pour ma part L’aimais-je? J’hésitais. J’arriverais trop tard, Peut-être pour trouver ma belle jeune fille Aimant quelque autre, aimée et mère de famille? Et puis ce vain propos d’un fou, dit en passant, Sans doute avait glissé sur elle, lui laissant Un mignon souvenir, une douce pensée. Et puis, la trouverais-je où je l’avais laissée? M’étais-je pas trompé? Ne valait-il pas mieux Garder ce souvenir lointain, frais et joyeux, La voir toujours telle que je me l’étais peinte, Et ne point revenir et la revoir, de crainte De ne trouver, hélas! Que désillusion? Mais il m’en est resté comme une obsession, Une vague tristesse au coeur, et comme un doute

UNE REPETITION

Table des matières

(1880) Guy de Maupassant

Personnages.

Table des matières

— M. DESTOURNELLES, 55 ans.

— Madame DESTOURNELLES, 25 ans.

— M. RENÉ LAPIERRE, 25 ans.

— Un domestique

Un salon. Portes au fond et à droite. Madame Destournelles, habillée en bergère Watteau, arrange sa coiffure devant la glace.

Scène Première

Table des matières

M. DESTOURNELLES, en redingote, prêt à sortir, entre par la porte de droite, et s’arrête stupéfait en apercevant sa femme. M. DESTOURNELLES Madame, qu’est-ce donc que cette mascarade? Je comprends! Vous allez jouer quelque charade! Mme DESTOURNELLES Vous l’avez dit, monsieur. M. DESTOURNELLES Le costume est charmant. Vous êtes adorable en cet accoutrement. Mme DESTOURNELLES Fi donc! Des compliments? Mais je suis votre femme, À quoi bon? M. DESTOURNELLES La réplique est cruelle, madame. Je dis la vérité simple, c’est mon devoir Et d’homme et de mari. Mme DESTOURNELLES Merci. M. DESTOURNELLES Peut-on savoir À quel sujet ma femme est devenue actrice, Et poète peut-être, ou collaboratrice De quelque auteur fameux? J’ignorais jusqu’ici Que l’art vous eût jamais causé quelque souci. Pardon. Et la charade? Mme DESTOURNELLES C’est une comédie. M. DESTOURNELLES Bravo! Vous chaussez donc le socque de Thalie? Alors, si ce n’est point être trop indiscret, Pourrais-je, en vous priant, connaître le sujet? Mme DESTOURNELLES Une églogue. M. DESTOURNELLES Parfait! C’est une bucolique! Et, l’avez-vous choisie avec ou sans musique? Mme DESTOURNELLES Sans musique. M. DESTOURNELLES Tant pis! Mme DESTOURNELLES Et pourquoi, s’il vous plaît? M. DESTOURNELLES À mon avis du moins, c’eût été plus complet Je suis très pastoral. Je trouve que sur l’herbe Un petit air de flûte est d’un effet superbe. Et puis tout vrai berger, étendu sous l’ormeau, Ne doit chanter l’amour qu’avec un chalumeau. C’est l’accompagnement forcé de toute idylle: L’usage en est resté depuis le doux Virgile. Mme DESTOURNELLES (ironique) Je ne vous savais point si pétillant d’esprit. J’avais, jusqu’à ce jour, méconnu mon mari. À présent je voudrais vous faire prendre un rôle; En marquis Pompadour vous seriez vraiment… Drôle. M. DESTOURNELLES (un peu blessé) Madame, c’est très vrai. Qui pourrait faire bien Une chose à laquelle on n’entend juste rien? Mme DESTOURNELLES Vous en voulez beaucoup à cette comédie? M. DESTOURNELLES Certes; je n’aime pas les bergers d’Arcadie! Et puis je veux laisser à chacun son métier. Tout le monde, il est vrai, pourrait être portier; Mais acteur… Oh non pas! Cela c’est autre chose. Vous ignorez comment on rit, on marche, on cause Quand on a, par hasard, un public devant soi. Votre grand naturel est de mauvais aloi. Mme DESTOURNELLES (nerveuse) Je sais depuis longtemps cette vieille rengaine. M. DESTOURNELLES (pédantesquement) Le vrai dans un salon est du faux sur la scène, Et le vrai sur la scène est faux dans un salon! L’actrice, dans le monde, a souvent mauvais ton, Je vous l’accorde, mais, quand vous prenez sa place, Votre plus doux sourire a l’air d’une grimace. Mme DESTOURNELLES (sèchement) Et vos charmants conseils ont l’air impertinent. Est-ce fini? M. DESTOURNELLES Non. Pas encore. - Maintenant, Vos pièces de salon, fausses et précieuses, Me prennent sur les nerfs, et me sont odieuses. Voilà mon sentiment. Quant au petit monsieur Frisé, la bouche en coeur, et roide comme un pieu, Débitant gauchement ses fades sucreries, Autant fait par le ciel pour ces galanteries Qu’un âne pour chanter une chanson d’amour; Commerçant le matin, et le soir troubadour, Qui, calculant le prix ou des draps ou des toiles, Répète vaguement des couplets aux étoiles, Et quitte son comptoir d’un petit air léger Pour prendre la houlette et devenir berger, C’est un sot le matin, et le soir c’est un cuistre Dont le rire est stupide et la grâce sinistre! Encore, eussiez-vous pris quelque morceau plaisant Qui, sans prétention, pourrait être amusant! Mais choisir une églogue! Et quelle mise en scène? C’est dans ces prés fleuris où serpente la Seine. Ce salon représente un champ, frais et coquet. Pour plus de vraisemblance on y pose un bouquet À droite est une dame habillée en bergère; Elle écoute, effeuillant un rameau de fougère, Un monsieur costumé; c’est un petit marquis; Il porte lourdement un habit rose exquis, S’incline, et dans la main il tient une houlette Qu’il présente à la dame avec un air fort bête. — Trois tabourets épars simulent des brebis - Tout est faux, le décor, les gens et les habits, Est-ce vrai? Ce dindon, enfin, qui fait la roue, Doit vous baiser la main, quand ce n’est point la joue, Et par cette faveur son orgueil attisé À d’autres libertés se croit autorisé. Puis ces longs tête-à-tête où l’on feint la tendresse; Où l’honnête femme a des rôles de maîtresse… Il hésite et cherche ce qu’il doit dire. Sont d’un mauvais exemple aux gens de la maison. Mme DESTOURNELLES (très blessée) Vraiment! Je n’aurais pas prévu cette raison! Mais comme je veux être une femme soumise, Que je ne veux pas voir ma vertu compromise Aux yeux de Rosalie ou de votre cocher, Je renonce à jouer. M. DESTOURNELLES (haussant les épaules) Bon! Pourquoi vous fâcher? Mme DESTOURNELLES (la voix tremblante, exaspérée) Rien que ce tête-à-tête à présent m’épouvante! Personne encor sur moi n’a rien dit, je m’en vante! Songez: si le concierge apprend par un valet Qu’un jeune homme à pieds fut vu; qu’il me parlait D’amour, et qu’il avait la perruque poudrée, La nouvelle en ira par toute la contrée. Le facteur, en donnant ses lettres chaque jour, Distribuera ce bruit aux portes d’alentour: Il ira grossissant de la loge aux mansardes. Et tous, du balayeur de la rue aux poissardes Qui roulent leur voiture avec les: “ce qu’on dit” Me toiseront, des pieds au front, d’un air hardi! M. DESTOURNELLES (embarrassé, humble) Voyons, si j’ai tenu quelque propos maussade, Ce n’était, après tout, qu’une simple boutade. Mme DESTOURNELLES (suffoquant, les larmes aux yeux) Je sais que nous devons tout supporter, soupçons, Injures, mots blessants de toutes les façons!

Scène 2

Table des matières

Les mêmes, René LAPIERRE en marquis Louis XV. UN DOMESTIQUE (annonçant) Monsieur René Lapierre. M. RENÉ (entrant) En marquis Louis Quinze. M. DESTOURNELLES Ah! Votre partenaire; Au revoir. (saluant M. Lapierre) Beau marquis. M. RENÉ Monsieur, pour vous servir. M. DESTOURNELLES

Scène 3

Table des matières