La sorcière de l'étang noir - Gérard Serrie - E-Book

La sorcière de l'étang noir E-Book

Gérard Serrie

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Beschreibung

Willy, jeune informaticien installé à Seignosse, sombre dans les eaux du lac après avoir plongé du pont d’Hossegor. D’importants moyens sont mis en œuvre pour retrouver le corps du jeune homme, mais sans succès. Dans ce coin pourtant réputé tranquille des Landes, quelques jours plus tard, une jeune femme disparaît à son tour dans des circonstances mystérieuses.

Les forces de l’ordre, par ailleurs mobilisées pour le sommet du G7 qui débute prochainement à Biarritz, redoutent d’être tournées en ridicule alors que tous les projecteurs sont braqués sur la côte basque.

Quand les premiers indices semblent relier ces disparitions à la légende de la sorcière de l’Étang Noir, l’enquête prend une tournure étrange ! Une chose est sûre, les gendarmes de Seignosse ne sont pas au bout de leurs surprises…


Après le succès du Secret de la valise perdue, Gérard Serrie renoue avec le thriller d’espionnage et nous entraîne dans les coulisses du G7, avec force détails.




À PROPOS DE L'AUTEUR

Ingénieur de formation, Gérard Serrie est né à Aulnay- sous-Bois en 1954. Il a occupé plusieurs fonctions dans le monde industriel et fut directeur technique et marketing, puis directeur d’usine. C’est l’étude généalogique de sa famille qui l’amène à écrire son premier roman, "Rue du Grand Faubourg", six autres suivront. Tous ses ouvrages sont le résultat d’une recherche approfondie associée à une investigation sur le terrain qu’il mène en fonction du thème choisi.

Après le succès du "Secret de la valise perdue", Gérard Serrie renoue avec le thriller d’espionnage et nous entraîne dans les coulisses du G7, avec force détails.




Un thriller qui mêle espionnage et légende locale.
La disparition de deux seignossais sème la panique jusqu’à Biarritz qui accueille le sommet du G7.Une enquête qui tourne à la course contre le temps et qui amènera le lecteur dans des eaux bien sombres...

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Gérard Serrie

 

 

 

 

 

 

La sorcière de

l’étang Noir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Roman

 

 

 

 

Quand il n’y a plus de solution,reste la vengeance.

Daniel Pennac

 

 

 

 

L’homme est un animal qui tue.Robert Badinter.

 

 

 

 

 

Tous droits réservés©Éditions Terres de l’Ouesthttp://www.terresdelouest-editions.fremail : [email protected] papier : 978-2-494231-59-7Isbn numérique : 978-2-494231-61-0

 

 

 

Crédits photographiques :

Réalisation couverture : Terres de l’Ouest Éditions à partir de crédits Adobe Stock : Ghostly figure floating above a misty pond. Halloween horror background Par KerXing et Dark mysterious pond in forest for scary background. Generative ai Par Bowonpat.

Ce récit est une oeuvre de pure fiction. Par conséquent, toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

1- Hossegor - Jogging

Faustine Kromme actionna la télécommande. Le portail de la villa s’ouvrit lentement pour laisser entrer le cabriolet. Elle se gara vingt mètres plus loin sous l’abri, juste à côté de la Lexus de Roger, son époux. En s’extirpant de la voiture tutoyant le sol, elle rattrapa de justesse le téléphone portable qu’elle avait oublié sur ses genoux. Elle bascula le siège conducteur pour saisir le bouquet de fleurs et la poche de viennoiseries déposés sur la minuscule banquette arrière. Proche de la quarantaine, Faustine ne manquait pas de charme. Ce matin, elle avait opté pour un legging qui moulait ses formes avec autant de sensualité que son tee-shirt le faisait pour le haut du corps. Sa tenue était loin de ressembler à celle qu’elle portait lors des plaidoiries au tribunal. L’avocate, défenseur des causes impossibles, avait pu s’offrir cette magnifique villa au bord du lac d’Hossegor grâce à des honoraires stratosphériques que ses succès incontestés lui avaient permis de pratiquer sans scrupules.

Elle gravit les quelques marches pour accéder à la terrasse surplombant l’étendue d’eau. Le petit-déjeuner attendait patiemment que Roger en finisse avec son jogging matinal autour du lac marin, soit environ huit kilomètres. Le temps de disposer le bouquet dans un vase et tout serait parfait. L’homme apparut fourbu, en nage, épuisé par cet exercice matinal fortement recommandé par ses médecins. Une alerte cardiaque, puis une seconde l’avaient convaincu de mieux prendre soin de son corps. Il se doucha rapidement avant de rejoindre son épouse. Ces quinze jours de vacances qu’il avait réussi à lui imposer constituaient une victoire qu’il savourait intérieurement. Elle n’avait accepté qu’à une condition : emporter ses dossiers et s’y consacrer une heure par jour. Il avait cédé, sachant parfaitement qu’elle était incapable de tenir sa promesse.

Leurs activités n’avaient que peu de rapport : Roger appréciait les matchs de foot et la pêche, tandis que Faustine se dépensait sur les courts de tennis et dans la salle de fitness entre deux plaidoiries.

Propriétaire des lieux depuis plusieurs années, le couple avait tissé des liens amicaux avec quelques voisins dont la plupart séjournaient dans leur résidence de manière très occasionnelle.

— J’ai eu Amélie au téléphone ce matin. Elle a l’intention de passer quelques jours à Capbreton avec Antoine. Depuis qu’ils se connaissent, ces deux-là ne se quittent plus. Serais-tu d’accord pour qu’on les invite à dîner? proposa Faustine en versant le café chaud.

— D’accord, mais sans leur chien, répondit Roger fermement. Débrouille-toi comme tu veux, mais il ne vient pas! Pas question qu’il saccage la pelouse ni salisse la piscine comme la dernière fois!

En mari attentionné, il tartina soigneusement de pâte chocolatée un croissant coupé en deux qu’il tendit à son épouse, sachant que son adhésion aux principes élémentaires d’une nourriture équilibrée avait des limites que la gourmandise n’hésitait pas à repousser. Elle haussa les épaules en signe de résignation avant de déguster la viennoiserie encore tiède. Roger s’en amusa. Il connaissait ses points faibles.

Depuis leur terrasse, ils ne pouvaient que constater l’augmentation du nombre de joggers autour du lac pendant l’été. Soudain, leur attention fut captée par un rassemblement sur la rive opposée, près du pont du canal. Les sirènes et les gyrophares de plusieurs véhicules ne tardèrent pas à se manifester. Les pompiers s’activaient pour ce qui ressemblait à une urgence.

— Sans doute un jeune qui s’est blessé, fit remarquer Faustine.

— À cet endroit?

— Les ados sautent du pont pour épater leurs copines. Il y a déjà eu des accidents.

*

Le canal reliait le lac marin à l’océan. Deux ponts espacés de 500 mètres permettaient de le franchir, le premier, le pont Notre-Dame, localisé près du port de Capbreton devant l’île aux Pirates, l’autre, le pont d’Hossegor se situait au centre-ville, face à l’hôtel Mercedes. C’est ce dernier qui attirait les jeunes à la recherche de sensations.

À marée haute, ils se regroupaient au milieu de l’ouvrage, sans vraiment préméditer leur rencontre. Le plus souvent, le mouvement était initié spontanément par l’un d’entre eux, puis relayé sur les réseaux sociaux et se propageait à la vitesse d’une palombe. Ils s’amusaient sous les prises de vue des portables. Pour pimenter l’affaire, les garçons enlevaient leur maillot de bain qu’ils enfilaient sur la tête juste avant de sauter, sous les applaudissements des filles.

— Le jardinier vient à quelle heure pour tondre la pelouse? s’inquiéta Roger.

— En fin d’après-midi, vers 18 heures, je crois.

— On est bien d’accord pour demain, pas le chien! dit-il en fixant son épouse dans les yeux.

*

Vers 11 heures, le carillon de la porte d’entrée retentit. Faustine enleva le masque de protection anti-UV avant de quitter son bain de soleil pour aller ouvrir. Elle avait pris soin d’enfiler un peignoir qui la rendait présentable.

— Capitaine Irissarry, de la gendarmerie nationale. Voici le lieutenant Frissac. Pouvons-nous entrer?

L’avocate fut surprise par l’irruption des deux militaires.

— Oui, je vous en prie.

Faustine avait beau passer en revue rapidement dans sa tête quel pouvait être l’objet de cette visite, aucune explication raisonnable ne lui vint immédiatement à l’esprit. Pas d’infraction au code de la route, pas d’incivilité subie ni d’affaire au tribunal nécessitant une telle visite. Du côté de son mari, à sa connaissance, il n’y avait rien non plus qui la justifiait. Roger, qui se trouvait non loin, les rejoignit.

Installés dans le salon dont les baies vitrées donnaient sur le lac, les gendarmes ne prirent pas le temps d’apprécier le paysage qu’ils n’avaient pourtant jamais observé sous cet angle. Irissarry entra aussitôt dans le vif du sujet.

— Ma visite concerne l’accident de ce matin près du pont d’Hossegor.

— Que s’est-il passé? demanda Roger.

Le lieutenant s’immobilisa solennellement, les mains dans le dos. Il avait la trentaine, chemise à manches courtes et jean. Rien ne le différenciait d’un civil, si ce n’était le brassard de la gendarmerie et l’arme à la ceinture engoncée dans un étui plutôt volumineux qui avait au moins l’avantage d’impressionner.

— Des jeunes se sont regroupés sur le pont. Ils ont sauté les uns après les autres, une dizaine au total, ce qui est strictement interdit. Le dernier n’est pas remonté à la surface. Les individus présents l’ont cherché pour tenter de le secourir, mais n’ont rien trouvé. Les pompiers sont intervenus et les plongeurs ont fouillé rapidement les environs sans succès. Le garçon a disparu.

Faustine s’étonna.

— Pourtant, il n’y a que quelques mètres d’eau à cet endroit. Le retrouver ne doit pas être si compliqué. Il ne s’est tout de même pas volatilisé, fit-elle remarquer naïvement juste pour donner le change.

— Vous avez raison. Ils font leurs acrobaties à marée haute pour profiter de la profondeur maximum, quatre à cinq mètres. Si le garçon avait été blessé, on l’aurait retrouvé. Il n’y a pas de courant à l’étale, il n’a pas pu être emporté. Les plongeurs ont opéré environ trente minutes après la disparition. Entre le saut et leur intervention, la plupart des témoins n’ont pas quitté les lieux.

Irissarry orienta son regard vers Roger.

— Monsieur, nous savons que vous pratiquez le jogging autour du lac. Ce matin encore, des passants vous ont aperçu. Avez-vous remarqué quelque chose d’anormal qui pourrait nous aider?

— Non, je ne vois pas.

Roger commençait à s’impatienter.

— Lieutenant, nous ne pouvons rien vous dire de plus et ce fait divers ne nous concerne pas vraiment.

— Monsieur Kromme, le garçon disparu est votre fils.

2 - Hossegor - Disparition

Faustine fusilla le gendarme du regard, Roger Kromme resta planté là comme médusé par ce qu’il venait d’apprendre. Leur fils ne pouvait pas avoir été entraîné dans une telle histoire. Mais quelle histoire? Un rassemblement de jeunes sur un pont pour épater les filles! Cela ne lui ressemblait pas. Et même, en admettant qu’il y fût disposé, il savait parfaitement nager. Tout cela n’avait aucun sens.

La mère fut la première à réagir.

— C’est impossible, Willy n’aurait jamais participé à ce genre de pitreries. Il est bien trop occupé par son travail, surtout en saison.

— Comment savez-vous qu’il s’agit de lui? questionna le père qui doutait.

— Nous avons des témoins qui l’ont formellement identifié, affirma Irissarry.

— Le matin, en milieu de semaine, sauté d’un pont… Je ne comprends pas, cela ne lui ressemble vraiment pas.

— Il habite chez vous? Que fait-il dans la vie? interrogea le gendarme.

Roger estima que c’était à lui de répondre.

— Non, il est indépendant. Il a une petite boutique à Seignosse. Il s’occupe du dépannage de matériel informatique. Willy est très sollicité pendant la haute saison par les touristes en mal de connexion. C’est un garçon sérieux, vous savez! Il habite un deux-pièces au-dessus de sa boutique. Vous trouverez facilement, c’est au centre-ville. Son vrai prénom est William. Je l’appelle sur son portable, fit-il machinalement sans réfléchir.

Même s’il se devait de tenter le coup, le père comprit que son initiative était vouée à l’échec, et il tomba immédiatement sur la messagerie. En comprenant l’absurdité de son geste, il échangea un regard avec son épouse qui se laissait envahir progressivement par l’angoisse. Le capitaine Irissarry se voulut rassurant :

— Ne perdez pas espoir. Nous allons le rechercher. Il faudra vous rendre à la gendarmerie pour déposer. Au regard des faits, il s’agit d’une disparition inquiétante. Je ne vous cache pas que les prochaines quarante-huit heures seront déterminantes. Tous les éléments que vous pourrez nous communiquer : contacts, indices, documents en relation avec votre fils peuvent s’avérer cruciaux, même si vous les jugez insignifiants. La solution se cache toujours dans les détails, voici ma carte, dit le capitaine en tendant un bristol sous le nez du couple.

Nabis Irissarry et Paul Frissac rejoignirent leur véhicule de fonction garé sous les pins à deux pas de l’entrée de la villa des Kromme. Si on mettait de côté l’aspect spectaculaire et inexplicable de la disparition, cette histoire ressemblait à de nombreux cas non élucidés par la gendarmerie faute de renseignements plus précis. Le garçon était majeur, il avait très bien pu décider de s’éloigner de sa famille, fuir une dette de jeu ou changer de vie par dépit amoureux. Tout était envisageable et rien ne permettait d’affirmer qu’il était en danger. En tout état de cause, la probabilité de résoudre cette affaire était infime et la motivation des forces de l’ordre l’était tout autant.

Irissarry fit son rapport et classa le dossier dans le tiroir «saucisson» ainsi désigné en interne par les fonctionnaires de l’État pour les affaires complexes, difficiles à démêler et dont ces derniers savent qu’elles vont être laborieuses.

3 - Hossegor - Première recherche

Ce petit événement ne resta pas très longtemps dans la rubrique des faits divers locaux. Des vidéos, photos du jeune informaticien disparu, accompagnées de commentaires postés et boostés par des milliers de like sur les réseaux sociaux, devaient donner une nouvelle dimension aux événements. La jeunesse locale était mobilisée, autant pour dénoncer l’inaction des forces de l’ordre que pour rechercher le garçon disparu, considérant que ce dernier avait aussi le droit de se faire oublier. De fil en aiguille, la propagation devint virale si bien qu’au bout de vingt-quatre heures, elle dépassait allègrement le cadre régional, s’immisçant dans les médias nationaux. Face à l’ampleur du phénomène, la gendarmerie d’Hossegor ne tarda pas à recevoir une injonction du procureur demandée par le parquet en provenance de l’hôtel Beauvau pour résoudre le problème dans les plus brefs délais.

— N’importe quoi, s’exclama Frissac. Ils nous mobilisent pour n’importe quoi! On a le G7 à Biarritz dans quelques semaines avec les chefs d’État les plus influents de la planète et ils nous font chier avec ce garçon qui s’est probablement tiré avec sa nana. On va le retrouver dans quelques jours, la gueule enfarinée, dans un camping de la côte.

— On ne discute pas les ordres, Paul. On les exécute, enjoignit le capitaine Irissarry.

Le lieutenant savait que contester ne servait à rien. Il se contenta d’écouter les instructions.

— Tu as déjà dressé la liste des jeunes qui ont participé à cette séance de plongeons et tu as recueilli leur déposition pour la plupart. Tu as pu récupérer les photos et les vidéos des téléphones portables?

— Oui, bien entendu, chef. Mais ça n’a rien donné!

— Et les recherches d’indices sur le terrain?

— Les plongeurs ont fouillé le canal dans les moindres recoins, mais ils n’ont rien trouvé qui pourrait nous mettre sur une piste.

— Il faut poursuivre les recherches, pousser plus avant…

Avec aussi peu d’indices pour débuter une enquête, et une pression médiatique qui s’accentuait, le capitaine Irissarry décida de lancer un appel à témoins dans la presse. Si les médias étaient en partie responsables de l’emballement autour de cette disparition, autant les utiliser pour tenter de recueillir quelques précieux témoignages. Si Willy n’était pas dans l’eau, il était forcément quelque part sur la terre ferme. Les chances de retrouver le garçon dépendaient donc de la rapidité avec laquelle les forces de l’ordre allaient mettre en place les moyens de recherche.

Ce qu’il craignait arriva. Des centaines d’appels et une perte de temps incroyable pour trier parmi les appels les témoignages farfelus, ceux qui pouvaient s’avérer exploitables.

En deux jours, tous avaient été entendus. Parmi eux, deux personnes avaient signalé que Willy était accompagné d’une jeune fille. Selon leurs dires, il apparaissait que les deux jeunes se côtoyaient depuis peu. Hossegor est une petite ville, tout le monde connaît tout le monde, or personne n’avait encore eu l’occasion de croiser ces deux-là ensemble auparavant. Aux dires des témoins, le saut de Willy était une première. Ceux-là avaient confirmé que l’adolescente – une belle brune aux cheveux bouclés d’environ dix-huit ans, très sexy – avait insisté pour que le jeune homme lui démontre son courage à travers ce saut impressionnant même si ce dernier n’était pas très motivé pour s’exécuter.

— Il nous faut impérativement retrouver cette fille. Elle en sait peut-être plus sur cette étrange disparition, conclut Paul.

— Récupère des photos de la jeune fille. Tu dois pouvoir retrouver ça dans le dossier contenant toutes les photos recueillies sur les portables des témoins le jour du drame. Nous devons aussi fouiller l’appartement de Willy, il a peut-être laissé un indice, une lettre ou autre chose, qui pourrait induire une disparition volontaire. À ce stade de l’enquête, nous ne devons rien exclure. Il nous faut l’autorisation de ses parents. Jourdan, tu files chez eux, dit-il en fixant l’adjudant. Ils comprendront que c’est nécessaire pour les besoins de l’enquête. En attendant, on va interroger les commerçants aux alentours, conclut Nabis Irissarry.

 

La boutique de Willy se trouvait à côté du Drop’in sur l’avenue Charles de Gaulle et son appartement juste au-dessus. Les militaires en profiteraient pour rendre visite au boulanger Aux Délices du Marensin situé dans la même rue ainsi qu’à l’hôtel-restaurant La Côte d’Argent, sans oublier le Petit Casino du village, supérette toujours ouverte et qui voyait passer le tout-Seignosse.

— Paul, tu t’occupes de la boulangerie et du Petit Casino, je prends l’hôtel-restaurant.

Les deux hommes se séparèrent. Frissac descendit l’avenue Charles De Gaulle jusqu’au Petit Casino, le lieutenant y pénétra en saluant.

— Bonjour madame, gendarmerie nationale. Nous sommes à la recherche de William Kromme. Vous l’auriez vu ces jours-ci?

— Ah Will’, l’informaticien qui s’est installé à côté du Drop’in? Oui, ce matin, j’ai remarqué que sa boutique était fermée. Il est pourtant assidu et toujours ponctuel. Ce n’est pas dans ses habitudes de laisser porte-close, répondit la jeune femme.

— Vous le connaissez bien?

— Pas vraiment. Nous avons chacun nos occupations professionnelles. Je sais qu’il habite au-dessus de son magasin. Willy est un garçon charmant et courageux. Son commerce a l’air de fonctionner, c’est très bien pour lui et pour la ville.

— Savez-vous s’il entretenait une relation avec quelqu’un? Je veux dire une relation suivie.

— ça, je ne peux pas vous dire. Je ne connais pas sa vie privée. Vous savez de nos jours, on se connaît, mais c’est plus bonjour bonsoir. Hormis pendant les fêtes du village, les gens se parlent assez peu. C’est bien triste en vérité, mais c’est le monde moderne, vous savez.

Le lieutenant Frissac laissa sa carte en demandant à l’employée de l’appeler si par hasard elle apprenait quelque chose.

De son côté, Irissarry posa les mêmes questions à Fernand, le patron de La Côte d’Argent avec un peu plus de succès.

— Oui, le jeune informaticien avait une petite amie depuis quelque temps. Une jolie blonde à cheveux courts, difficile de ne pas la remarquer. Willy prenait un café le matin et déjeunait au restaurant à l’occasion lorsque son travail le permettait, toujours en coup de vent. C’était un Burger avec un Coca. Il n’avait même pas besoin de passer commande. Quand il s’installait en terrasse vers 13 heures, je lançais en cuisine. Son amie le rejoignait en fin d’après-midi. Je ne sais pas s’ils vivaient ensemble, mais ils se fréquentaient.

— Connaissez-vous son nom et son lieu de résidence?

— Non, je ne sais rien sur elle.

— Avez-vous eu affaire à lui professionnellement?

— Oui, en effet, quand j’ai un souci informatique, c’est lui que je vais voir. Il pratique des tarifs imbattables. Son truc c’est de récupérer des pièces détachées à la déchetterie pour réparer les ordinateurs, comme ça on paye uniquement la main-d’œuvre. Notez qu’il annonce la couleur en revendiquant une économie circulaire. C’est un petit génie dans son genre, quelques minutes lui suffisent pour identifier les problèmes et il vous répare ça en moins de deux! on le surnomme «Di-G» tellement il est rapide.

— Comprends pas… y’a une astuce?

— Ben quoi, 10G! deux fois plus vite que la 5G.

— Bien, bien…

Paul Frissac avait rejoint son supérieur hiérarchique et rapporté discrètement que la visite à la boulangerie n’avait rien donné, pas plus que celle à la supérette.

En revanche le brigadier Jourdan s’était déplacé pour quérir Faustine Kromme, la mère de Willy, qui avait accepté sans hésitation d’ouvrir la porte de l’appartement de son fils dont elle avait les clés. Elle accompagnait les gendarmes à leur demande.

Ils pénétrèrent dans le deux-pièces. Les volets fermés protégeaient l’intérieur des rayons du soleil. D’un geste, Irissarry fit signe à Paul d’ouvrir pour qu’on y voie clair. Le mobilier en pin des Landes habillait modestement, mais harmonieusement la pièce principale. Une kitchenette, qui ne devait pas servir souvent, se trouvait dans un coin. Sur le petit bureau, entre les documents, un espace libre muni de prises de courant et de fils volants laissait supposer qu’un ordinateur portable occupait habituellement la place. Le seul accessoire offrant un semblant de confort était un pouf rose en forme de poire posé au sol. Quelques livres bien rangés trônaient sur une étagère surplombant le bureau. Irissarry parcourut d’un regard attentif leur tranche pour avoir un aperçu de cette mini bibliothèque. Il s’agissait d’ouvrages techniques sur l’informatique, du codage, de la sécurité et du «hacking».

La chambre ne pouvait guère abriter autre chose qu’un lit et une petite armoire contenant quelques vêtements. De retour dans la pièce principale, Irissarry fouilla minutieusement les tiroirs du bureau. Il trouva quelques documents sans grand intérêt : factures, devis… Puis une enveloppe attira son attention. En l’ouvrant, il découvrit la photo d’une jeune femme séduisante, blonde, cheveux courts. Il pensa qu’il s’agissait probablement de la fille que Fernand, le patron de La Côte d’Argent, avait remarquée. La vérification serait facile. En attendant, il rejoignit Faustine Kromme dans la chambre et lui tendit le portrait qu’il venait de découvrir.

— Vous la connaissez?

— Non, jamais vue.