Le Fantôme de Canterville - Ligaran - E-Book

Le Fantôme de Canterville E-Book

Ligaran

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Extrait : "Lorsque M. Hiram B. Otis, le ministre d'Amérique, fit l'acquisition de Canterville-Chase, tout le monde lui dit qu'il faisait là une très grande sottise, car on ne doutait aucunement que l'endroit ne fût hanté."

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EAN : 9782335055641

©Ligaran 2015

Cette nouvelle, parue pour la première fois en 1891 à la suite de l’édition originale du Crime de lord Arthur Savile, a été réimprimée pour une circulation privée depuis la mort d’Oscar Wilde.

I

Lorsque M. Hiram B. Otis, le ministre d’Amérique, fit l’acquisition de Canterville-Chase, tout le monde lui dit qu’il faisait là une très grande sottise, car on ne doutait aucunement que l’endroit ne fût hanté.

D’ailleurs, lord Canterville lui-même, en homme de l’honnêteté la plus scrupuleuse, s’était fait un devoir de faire connaître la chose à M. Otis, quand ils en vinrent à discuter les conditions.

– Nous-mêmes, dit lord Canterville, nous n’avons point tenu à habiter cet endroit depuis l’époque où ma grand-tante, la duchesse douairière de Bolton, a été prise d’une défaillance causée par l’épouvante qu’elle éprouva, et dont elle ne s’est jamais remise tout à fait, en sentant deux mains de squelette se poser sur ses épaules, pendant qu’elle s’habillait pour le dîner.

Je me crois obligé à vous dire, M. Otis, que le fantôme a été vu par plusieurs membres de ma famille qui vivent encore, ainsi que par le recteur de la paroisse, le révérend Auguste Dampier, qui est un agrégé du King’s-Collège, d’Oxford.

Après le tragique accident survenu à la duchesse, aucune de nos jeunes domestiques n’a consenti à rester chez nous, et bien souvent lady Canterville a été privée de sommeil par suite des bruits mystérieux qui venaient du corridor et de la bibliothèque.

– Mylord, répondit le ministre, je prendrai l’ameublement et le fantôme sur inventaire. J’arrive d’un pays moderne, où nous pouvons avoir tout ce que l’argent est capable de procurer, et avec nos jeunes et délurés gaillards qui font les cent coups dans le vieux monde, qui enlèvent vos meilleurs acteurs, vos meilleures prima-donnas, je suis sûr que s’il y avait encore un vrai fantôme en Europe, nous aurions bientôt fait de nous l’offrir pour le mettre dans un de nos musées publics, ou pour le promener sur les grandes routes, comme un phénomène.

– Le fantôme existe, je le crains, dit lord Canterville, en souriant, bien qu’il ait tenu bon contre les offres de vos entreprenants imprésarios. Voilà plus de trois siècles qu’il est connu. Il date, au juste, de 1574, et ne manque jamais de se montrer quand il va se produire un décès dans la famille.

– Bah ! le docteur de la famille n’agit pas autrement, lord Canterville. Mais, monsieur, un fantôme, ça ne peut exister, et je ne suppose pas que les lois de la nature comportent des exceptions en faveur de l’aristocratie anglaise.

– Certainement, vous êtes très nature en Amérique, dit lord Canterville, qui ne comprenait pas très bien la dernière remarque de M. Otis. Mais s’il vous plaît d’avoir un fantôme dans la maison, tout est pour le mieux. Rappelez-vous seulement que je vous ai prévenu.

Quelques semaines plus tard, l’achat fut conclu, et vers la fin de la saison, le ministre et sa famille se rendirent à Canterville.

Mrs Otis, qui, sous le nom de miss Lucretia R. Tappan, de la West 52° rue, avait été une illustre belle de New-York, était encore une très belle femme, d’âge moyen, avec de beaux yeux et un profil superbe.

Bien des dames américaine, quand elles quittent leur pays natal, se donnent des airs de personnes atteintes d’une maladie chronique, et se figurent que c’est là une des formes de la distinction en Europe, mais Mrs Otis n’était jamais tombée dans cette erreur.

Elle avait une constitution magnifique, et une abondance extraordinaire de vitalité.

À vrai dire, elle était tout à fait anglaise, à bien des points de vue, et on eût pu la citer à bon droit pour soutenir la thèse que nous avons tous en commun avec l’Amérique, en notre temps, excepté la langue, cela s’entend.

Son fils aîné, baptisé Washington par ses parents dans un moment de patriotisme qu’il ne cessait de déplorer, ôtait un jeune homme blond, assez bien tourné, qui s’était posé en candidat pour la diplomatie en conduisant le cotillon au Casino de Newport pendant trois saisons de suite, et même à Londres, il passait pour un danseur hors ligne.

Ses seules faiblesses étaient les gardénias et la pairie. À cela près, il était parfaitement sensé.

Miss Virginia E. Otis était une fillette de quinze ans, svelte et gracieuse comme un faon, avec un bel air de libre allure dans ses grands yeux bleus.

C’était une amazone merveilleuse, et sur son poney, elle avait une fois battu à la course le vieux lord Bilton, en faisant deux fois le tour du parc, et gagnant d’une longueur et demie, juste en face de la statue d’Achille, ce qui avait provoqué un délirant enthousiasme chez le jeune duc de Cheshire, si bien qu’il lui proposa séance tenante de l’épouser, et que ses tuteurs durent l’expédier le soir même à Eton, tout inondé de larmes.

Après Virginia, il y avait les jumeaux, connus d’ordinaire sous le nom d’Etoiles et Bandes, parce qu’on les prenait sans cesse à les arborer.

C’étaient de charmants enfants, et avec le digne ministre, les seuls vrais républicains de la famille.

Comme Canterville-Chase est à sept milles d’Ascot, la gare la plus proche, M. Otis avait télégraphié qu’on vînt les prendre en voiture découverte, et on se mit en route dans des dispositions fort gaies.

C’était par une charmante soirée de juillet, où l’air était tout embaumé de la senteur des pins.

De temps à autre, on entendait un ramier roucoulant de sa plus douce voix, ou bien on entrevoyait, dans l’épaisseur et le froufrou de la fougère le plastron d’or bruni de quelque faisan.

De petits écureuils les épiaient du haut des hêtres, sur leur passage ; des lapins détalaient à travers les fourrés, ou par-dessus les tertres mousseux, en dressant leur queue blanche.

Néanmoins dès qu’on entra dans l’avenue de Canterville-Chase, le ciel se couvrit soudain de nuages. Un silence singulier sembla gagner toute l’atmosphère. Un grand vol de corneilles passa sans bruit au-dessus de leurs têtes, et avant qu’on fût arrivé à la maison, quelques grosses gouttes de pluie étaient tombées.

Sur les marches se tenait pour les recevoir une vieille femme convenablement mise en robe de soie noire, en bonnet et tablier blancs.

C’était Mrs Umney, la gouvernante, que Mrs Otis, sur les vives instances de lady Canterville, avait consenti à conserver dans sa situation.

Elle fit une profonde révérence à la famille quand on mit pied à terre, et dit avec un accent bizarre du bon vieux temps :

– Je vous souhaite la bienvenue à Canterville-Chase.

On la suivit, en traversant un beau hall en style Tudor, jusque dans la bibliothèque, salle longue, vaste, qui se terminait par une vaste, fenêtre à vitraux.

Le thé les attendait.

Ensuite, quand on se fut débarrassé des effets de voyage, on s’assit, on se mit à regarder autour de soi, pendant que Mrs Umney s’empressait.

Tout à coup le regard de Mrs Otis tomba sur une tache d’un rouge foncé sur le parquet, juste à côté de la cheminée, et sans se rendre aucun compte de ses paroles, elle dit à Mrs Umney :

– Je crains qu’on n’ait répandu quelque chose à cet endroit.

– Oui, madame, répondit Mrs Umney à voix basse. Du sang a été répandu à cet endroit.

– C’est affreux ! s’écria Mrs Otis. Je ne veux pas de taches de sang dans un salon. Il faut enlever ça tout de suite.

La vieille femme sourit, et de sa même voix basse, mystérieuse, elle répondit :