Le Jeu - France-Michèle Adler - E-Book

Le Jeu E-Book

France-Michèle Adler

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Beschreibung

Les jumeaux Julian et Justin vivent hors du monde sur Long Island, juqu'à ce qu'apparaisse une adolescente de leur âge...

À Kid-han-nink, l’une des plus belles propriétés de Long Island, les jumeaux, Julian et Justin Farrell, vivent hors du monde. Ils jouent à Tarzan dans les immenses bois de Kid-han-nink, font des courses effrénées à cheval, campent sur leur île privée et dorment enlacés dans leur cabane dans les arbres. Ils s’aiment, se bagarrent, jusqu’au jour où une adolescente de leur âge vient troubler leur univers. Le délire s’installe. Qu’y a-t-il de vrai, d’imaginé dans le dédale de ce jeu qu’ils vivent et revivent inlassablement ? Quelle est cette tragédie tue par la famille entière, et qui a brisé leur destin ?
Entre enquête et souvenirs, rivalité et culpabilité, Le Jeu reste l’histoire d’un amour fou entre deux frères.

Entre enquête et souvenirs, rivalité et culpabilité, découvrez Le Jeu, l’histoire d’un amour fou entre deux frères.

EXTRAIT

Pourquoi t’accuser ? J’ai d’autres moyens. Je te dis : « je suis né six minutes avant toi. » Ta peau s’énerve. Six minutes ! C’est trop long pour toi. Je souffle mes bougies d’anniversaire. Attends ton tour, je te dis. Attends cinq minutes… Quatre minutes… Trois minutes… Tu ne peux pas attendre. Tu plantes ton couteau dans mon bras. On roule par terre. Le sang coule sur l’Aubusson. « Arrêtez ! Ces bagarres sont insupportables, » dit Mère.
Viens, on s’échappe dans notre monde. On grimpe dans le grand arbre de Kid-han-nink. Dans notre cabane tout là-haut, on retrouve ce moi. Les bras fusionnent avec les bras. Les jambes avec les jambes. Le sang bat à travers un seul cœur. Il n’y a plus de bagarre. Il n’y a plus de Justin, plus de Julian. Il n’y a que ce moi. Tel le brouillard du Long Island Sound se glissant sur Kid-han-nink, le calme envahit ce moi. Je pourrais rester ainsi toujours.
Mais toi, il te faut bouger, sans arrêt bouger. Chaque fois, c’est toi qui pars le premier. Tu sors un bras, puis une jambe. Un froid glacial déferle dans mes veines. Je ne peux pas arrêter l’hémorragie. Ce moi n’est plus. Tu m’échappes. Tu files dans la nuit. Attends-moi, attends-moi Justin. Je te cherche dans les bois de Kid-han-nink. Tu marches pendant des kilomètres. Tu relèves tes pièges. Un par un, tu achèves les animaux. Dans leur fourrure, dans leurs plumes, tu plonges ton couteau. Tu rentres couvert de boue, de sang. On dort enlacés.

À PROPOS DE L'AUTEUR

France-Michèle Adler a passé sa jeunesse à Nice avant de vivre à New York. Elle a travaillé dans la bourse à Wall Street, les banques internationales et la mode. Elle a été journaliste de mode pour le New York Post et a contribué à Elle, Interview et New York magazine. Son premier livre Sportsfashion (anglais) publié par Avon Books retrace l’histoire de la mode dans le sport.

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France-Michèle Adler

Le Jeu

Roman

1.

C’est elle. Mais si, c’est June. Regarde, ce sont ses cheveux blonds, ses yeux bleus. Regarde, c’est sa démarche. C’est elle, je te dis.

Viens, Justin. Allez, viens ! Le jeu recommence.

2.

Nous sommes bien dans notre lagon. Il fait chaud. On flotte. On se touche. On s’embrasse. On gargouille. On se raconte des histoires.

Ce bonheur ne te suffit pas. C’est toujours toi qui donnes le premier coup. Arrête, Justin ! Reste tranquille. Nous sommes si bien ici. Arrête, tu fais des vagues. Ah c’est ce que tu veux ! Tu veux la guerre ! D’accord, je te renvoie tes vagues.

Le lagon se déchaîne. Les vagues s’entrechoquent. D’un bruit effrayant, l’eau s’évacue. Je ne peux pas résister. Des tourbillons d’eau m’aspirent. J’atterris dans un monde glacé, effrayant de lumière. Et toi, seul maître du lagon, tu ris, tu ris. Ne crois pas que tu vas rester tout seul au chaud. Le lagon se vide.

Arrête tes hurlements ! Je t’avais prévenu. Oui, il fait un froid terrible. Oui, ces lumières sont effrayantes. C’est ta faute ! C’est toi qui nous as éjectés de notre lagon.

3.

Le photographe de The Gazette

Mon journal m’avait envoyé à Kid-han-nink prendre des photos de madame Farrell et de ses jumeaux. C’était le cinquième anniversaire des mômes. Moi j’aimais pas faire ces photos de la haute. Je préférais les incendies, les accidents. Je gardais toujours mon chapeau sur la tête pour pouvoir filer rapidos s’il y avait un accident ou un feu. Pour ça, je voulais être le premier sur place.

Pour les photos, la mère Farrell m’avait facilité la tâche. Elle avait décidé du lieu. Vu que je m’en foutais de ces photos, je l’ai laissée faire. Et puis, il faut dire, qu’elle avait l’habitude d’être prise en photo. Elle m’attendait assise dans un des salons de cette immense baraque. On lui a amené les jumeaux. Ils étaient habillés pareil. Les mômes se ressemblaient comme deux gouttes d’eau : mêmes yeux bleus, mêmes cheveux blonds, même grain de beauté au-dessus de la lèvre. Heureusement j’ai mitraillé rapide. Soudain j’ai vu un changement dans l’œil d’un des jumeaux. Quelque chose de voulu, de provocateur. Regardez bien ces deux photos. Regardez les yeux de ce jumeau ici. Maintenant regardez la photo suivante. Vous remarquez la différence ? Dans ces yeux, il y a de la provoc’ pure et simple. C’est à ce moment-là que le môme s’est tourné vers sa mère et a vomi sur elle. Elle a poussé un petit cri effaré. Sans s’énerver, elle a dit, « nous allons nous changer et nous reprendrons. » À ce moment-là, mon bip a sonné. Il y avait un accident de la route à photographier d’urgence. J’ai dit à la mère Farrell que j’avais de belles photos et j’ai filé.

Vous voyez, c’est bizarre la vie ! De toutes les photos que j’ai prises, c’est celle de la mère Farrell et de ses jumeaux qui est la plus connue. Les autres, celles dont je suis fier, celles des accidents, des feux, des pauvres gens sans rien, n’intéressent personne.

4.

Tu joues au petit ange. Tu bats des cils, tu penches la tête de côté et dis à ces dames : « belle madame », « jolie madame ». Elles craquent les amies de Mère. « Oh Ann, il est trop mignon. Je vais te le voler. » Quand les amies de Mère me regardent moi Julian, il y a une éclipse dans leurs yeux. Elles ne voient pas en moi ton air innocent, charmeur.

Tu me dis : « tu n’as qu’à faire comme moi. » Oui, ce serait facile. Si je le souhaitais, elles me prendraient pour toi. Mais ces dames ne m’intéressent pas. Ce que je veux, c’est être avec toi. Pendant que Mère et ses amies jouent au bridge, toi, le petit ange, tu mets des vers dans leur poudrier. Quand ces dames poussent des cris horrifiés, tu te précipites pour ôter ces horribles choses. Tes yeux me disent : « vas-y, dis-leur que c’est moi le responsable. » Pourquoi t’accuser ? Mère refuserait de me croire. Tu es le petit ange qui joue si bien de ses yeux bleus.

Pourquoi t’accuser ? J’ai d’autres moyens. Je te dis : « je suis né six minutes avant toi. » Ta peau s’énerve. Six minutes ! C’est trop long pour toi. Je souffle mes bougies d’anniversaire. Attends ton tour, je te dis. Attends cinq minutes… Quatre minutes… Trois minutes… Tu ne peux pas attendre. Tu plantes ton couteau dans mon bras. On roule par terre. Le sang coule sur l’Aubusson. « Arrêtez ! Ces bagarres sont insupportables, » dit Mère.

Viens, on s’échappe dans notre monde. On grimpe dans le grand arbre de Kid-han-nink. Dans notre cabane tout là-haut, on retrouve ce moi. Les bras fusionnent avec les bras. Les jambes avec les jambes. Le sang bat à travers un seul cœur. Il n’y a plus de bagarre. Il n’y a plus de Justin, plus de Julian. Il n’y a que ce moi. Tel le brouillard du Long Island Sound se glissant sur Kid-han-nink, le calme envahit ce moi. Je pourrais rester ainsi toujours.

Mais toi, il te faut bouger, sans arrêt bouger. Chaque fois, c’est toi qui pars le premier. Tu sors un bras, puis une jambe. Un froid glacial déferle dans mes veines. Je ne peux pas arrêter l’hémorragie. Ce moi n’est plus. Tu m’échappes. Tu files dans la nuit. Attends-moi, attends-moi Justin. Je te cherche dans les bois de Kid-han-nink. Tu marches pendant des kilomètres. Tu relèves tes pièges. Un par un, tu achèves les animaux. Dans leur fourrure, dans leurs plumes, tu plonges ton couteau. Tu rentres couvert de boue, de sang. On dort enlacés.

Au matin, nous prenons des boîtes dans les combles. Il y en a de toutes formes, toutes tailles, tous pays. Père reçoit des livres. Mère des robes et accessoires de grands couturiers. Grand-père, lui, des objets hétéroclites. On n’est jamais à court de boîtes. Les animaux crottés de sang sont emballés dans du papier de soie, couchés dans les boîtes, enterrés dans les bois de Kid-han-nink. Sur les tombes, tu mets des croix qu’on bénit d’un geste majestueux. Tu dis « absolve, domine ». Je dis « requiescat in pace ». Il y a des croix un peu partout dans les sous-bois de Kid-han-nink. On rentre couvert de terre, de sang séché. Notre précepteur nous envoie nous laver. Tu me gèles avec l’eau froide, je t’ébouillante avec l’eau chaude. On rit. On crie. « Messieurs, je vous attends, » dit le précepteur.

5.

L’ancien jardinier

Ben, j’ai travaillé à Kid-han-nink pendant trente ans. C’est Ronald Farrell, l’arrière-grand-père des jumeaux, qui a fait construire la maison en 1902. À ce qui paraît, c’est la copie d’un château en France. C’est sûr que le nom, il n’est pas français. ça vient des Indiens du Delaware et ça veut dire « sur l’eau. » Les gens, ils disaient Kinik, Kinan, personne se souvenait du nom.

Mais tout le monde disait que c’était la plus belle propriété du coin, peut-être même de tout Long Island. Il y avait des arbres du monde entier, des forêts, des serres, des lacs, des potagers. Et c’est pas tout, il y avait aussi un jardin à la française, un jardin à l’anglaise, des fontaines. Ah ça, je peux vous dire ça n’en finissait pas. Ajoutez à tout ça, deux piscines : une dehors, une dedans. Madame Farrell nageait tous les jours. Les jumeaux, eux, ils avaient leur île privée. Pour y aller, ils prenaient un canoë fait par des vrais indiens, des amis de leur grand-père, lui c’était William Farrell. Je ne sais si vous voyez le travail mais les Indiens ils avaient fait le canoë en brûlant et grattant le bois d’un énorme tronc d’arbre. Il fallait pas être pressé ! Quoique dans notre métier, c’est du pareil au même, faut savoir attendre. Madame Farrell, elle était toujours pressée avec ses fleurs et ses arbres. Quand un arbre mourrait, elle en commandait un nouveau. Attention, pas un petit qui prendrait des dizaines d’années à grandir, non un grand qu’elle faisait livrer et installer par hélicoptère. Ah fallait voir le travail !

Les jumeaux, c’étaient pas les fleurs qui les intéressaient, c’est sûr. Non, eux ils aimaient la forêt, les lianes, les sous-bois. Les jumeaux, ils en ont fait des vertes et des pas mûres dans le coin. Ah je vois que ça vous intéresse ! Ben ça sera pour une autre fois. Je suis fatigué maintenant. C’est sûr que je ne suis plus tout jeune. Allez, n’oubliez pas ma petite gnôle la prochaine fois.

6.

Sous l’énorme arbre de Noël, tu fouilles parmi les centaines de cadeaux. Tu secoues les paquets.

–Celui-ci ?

–Non, trop bien emballé. Là, là regarde cette drôle de forme dans du papier journal. Je te parie que c’est le cadeau de Grand-père. Ouvre !