Moi Suzanne - France-Michèle Adler - E-Book

Moi Suzanne E-Book

France-Michèle Adler

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Beschreibung

Au début du XXe siècle, à Lyon, une jeune femme rebelle et bagarreuse affronte tous les obstacles à sa liberté et son indépendance : Satan, son pensionnat, sa belle-famille,...

Suzanne naît à Lyon en 1910. Derrière son sourire de Joconde, elle est rebelle, explosive, et moqueuse. La bagarre, ça ne lui fait pas peur, que ce soit contre Satan, son pensionnat, sa belle-famille, ou des poireaux qui sentent le pauvre. Qui pourrait lui en vouloir ? Sa mère ne s’en soucie guère, et lorsqu’elle croit rencontrer son prince charmant, elle se retrouve dans une ferme qui pue le crottin, ses beaux souliers maculés de boue. Mais Suzanne garde la tête haute, et soigne ses coups de bourdon en se brodant la vie luxueuse que le bon Dieu a oublié de lui octroyer. Libre et indépendante, elle se lance en quête du bonheur, dans une société qui n’admet pas que les femmes rêvent trop grand.

Un roman féministe et humoristique sur le destin d'une héroïne attachante qui recherche le bonheur et l'indépendance dans une société qui l'empêche de rêver sa vie en grand...

EXTRAIT

Ça c’est le pensionnat de l’âge de 6 ans à 17 ans. Des milliers de messes. Des milliers d’heures d’études où mes yeux suivent les nuages, le vol des oiseaux. Des milliers d’heures de classes. Je connais par cœur les départements de France, les grandes rivières du monde. Je baragouine le latin et je suis super forte en racines grecques. Je sais dire butter, bread et if you please. Je connais les dix commandements, les péchés mortels et véniels. Côté religion, grand-mère elle en a pour son argent avec Dieu le père, son fils Jésus et le Saint Esprit. Jésus, un beau blond aux cheveux longs et aux yeux bleus, c’est le plus occupé. Il multiplie les petits pains, les poissons. Ça ne plaît pas aux Romains et aux autres. Il finit sur une croix. Surprise ! Trois jours après il ressuscite. Moi Suzanne, je trouve que c’est pas du jeu. Pourquoi le Bon Dieu ressuscite son fils et pas mon père qui est plus jeune que son fils ? C’est de la tricherie. Quand les bonnes sœurs parlent de Dieu le père ou le fils, elles prennent des mines de circonstances. On dirait des vraies saintes. Mais quand elles parlent du démon, elles s’excitent comme des puces. Ce qui nous attend si on n’est pas sage ? Des flammes hautes comme des immeubles ! Une chaleur intenable et d’atroces souffrances ! Des démons sans pitié nous piquant de leur fourche ! Ceci pour toujours et toujours et toujours. L’éternité quoi…

À PROPOS DE L'AUTEUR

France-Michèle Adler a passé sa jeunesse à Nice avant de vivre à New York. Elle a travaillé dans la bourse à Wall Street, les banques internationales et la mode. Elle a été journaliste de mode pour le New York Post et a contribué à Elle, Interview et New York magazine. Son premier livre Sportsfashion (anglais) publié par Avon Books retrace l’histoire de la mode dans le sport. Moi Suzanne est son troisième ouvrage.

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France-Michèle Adler

Moi Suzanne

Roman

Être âgée

Ce n’est pas la panacée

La vue baisse

Les seins s’affaissent

C’est la retraite aux flambeaux

Pour les vieilles peaux

Et la moelle épinière

Et votre crinière

Qui foutent le camp

Et je ne parle pas des dents…

Et on se traîne

À grand-peine… Amen…

Suzanne D.

Pour Mima qui aimait les histoires de famille.

Chapitre 1.

…Moi qui voulais tant voir l’an 2000 ! Hier je lui ai répondu du tac-au-tac à ce péteux de docteur. Pour l’Alzheimer, il repassera. Je sais parfaitement qu’on est en Novembre 1999. J’ai 89 ans. Je vis à Nice. Mais comment voulez-vous que je sache quel jour on est ? Les jours passent et se ressemblent : piqûres, soins, infirmières. Ce que j’ai s’appelle la vieillerie. Et puis, j’ai le cœur qui bat de l’aile. Maman, elle, elle est morte à 66 ans d’une crise cardiaque. Moi Suzanne, je suis toujours ici-bas grâce à mes pacemakers. J’en suis à mon deuxième. Où en étais-je ? Ah oui l’an 2000. Je me faisais tout un plat de voir débarquer ce millénaire. Déjà qu’un centenaire ce n’est pas tout le monde qui en voit un, alors, vous pensez, un millénaire ! Le premier en direct ! On le verrait se faufiler d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre avec des fêtes spectaculaires. Bref du jamais vu. Si Dieu me prêtait vie (quoique là, je me disais, ma fille tu n’y arriveras pas), j’avais peaufiné mon emploi du temps. Et de un : je refuserais toute invitation. Et de deux : je me collerais devant ma télé avec une bouteille de champagne et des petits trucs à grignoter achetés par ma fille de Nice. Là devant ma télé, je ferais des efforts surhumains pour ne pas m’endormir. Je me devais de surveiller ça comme le lait sur le feu. On parlait de fin du monde, d’attentats. Moi j’ai une fille à New York. Il fallait que j’aie l’œil. Maintenant que l’an 2000 s’approche à grand pas, je suis dans ce lit d’hôpital. Je n’ai pas la force de regarder la télé, ni même de lire. C’est un monde, moi qui ai tant lu dans ma vie. En fait, je n’ai envie de rien. Alors, l’an 2000… De toutes façons, je ne serai plus de ce bas monde. Enfin j’espère… Si c’est pour traîner dans ce lit d’hôpital, nenni.

Dans ce lit, moi Suzanne, je me fais mon petit film avec ma vie à moi. Non, ça n’était pas une vie hors du commun. Je n’ai pas inventé la bombe atomique (encore heureux) ni même eu une flopée d’amants. On fait ce qu’on peut !

Chapitre 2.

Quand je suis née, ce siècle avait 10 ans. Oui, je sais Victor Hugo a eu l’audace d’utiliser la formule avant moi. « Ce siècle avait deux ans… » Attention, lui il parlait de 1802. Moi je ne suis quand même pas si vieille. C’est en 1910 que je nais à Lyon. Il y a déjà une fille dans la famille. Je la rejoins en nourrice à la campagne pour le bon air, le bon lait.

Quand la guerre commence, j’ai 4 ans et des poussières. Deux ans après, adieu veau, vache, cochon, couvée… Adieu la vie de famille. Papa meurt à la guerre en 1916. Grand-mère prend la relève des opérations. Elle nous envoie à Tassin qui, dit-elle, est le pensionnat le mieux fréquenté de la région.

Ah il fautvoir les murs des cabinets de ce pensionnat dit huppé ! Le papier journal n’étant jamais là, la solution adoptée à l’unanimité, c’est l’index. Pour se débarrasser de l’excédent fécal trônant sur ledit index, les élèves font de belles virgules sur ces murs bardés de marron, noir et caca d’oie. Après sept jours de ce sommaire essuyage du postérieur, nos culottes tiennent debout toutes seules. À Tassin, on change de linge et on se lave une fois par semaine. Vu que, attendu qu’il n’est pas question de regarder son corps ou (oh grand Dieu) celui des autres, on revêt une chemise pour l’opération lavage. On frotte par-dessous sans faire de zèle. Côté récurage, c’est minime.

Les jours à Tassin se succèdent identiques. Réveil à 6 heures. Étude à 6 heures 30. Messe à 7 heures. Avant la messe, le Diable me tarabuste. « Allez ma petite Suzanne. Tu as faim, vas-y mange un petit bout de chocolat. Tu sais comme c’est bon. » Je réplique : « laissez-moi tranquille. On ne mange pas avant la communion et surtout pas du chocolat. » Ah je vois ça d’ici, la blanche hostie sur ma langue noire. Les bonnes sœurs feraient une crise d’apoplexie. La messe je connais par cœur. On se lève, on s’agenouille, on s’assied et on remet ça. Dominus vobiscum, ecum spiritum, mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa. Mon truc préféré c’est le Ite missa est. Ça veut dire que la messe est dite. Je vais enfin pouvoir manger. Des fois j’ai tellement faim que je tombe dans les pommes. J’aime assez cette impression de partir, de quitter ce monde, de m’envoler vers une destination inconnue. Mais c’est un peu angoissant. Je me demande : est-ce la fin ? Vais-je revenir ? L’évanouissement a certains avantages. Au petit-déjeuner, on reçoit une double ration. Hélas ça consiste en une soupe fadasse et pain sec. S’il me reste du chocolat, alors là, quel nan-nan ! Une cuiller de soupe, un petit bout de chocolat. Une cuiller de soupe, un petit bout de chocolat. Le paradis !

Le dimanche à Tassin n’est pas plus folichon que les autres jours. On a droit à deux messes, à l’étude et aux vêpres. La récréation est plus longue qu’en semaine, c’est tout. Si maman vient nous voir, mon dimanche est touché d’une baguette magique. Il faut dire que maman est la plus belle, la plus élégante de toutes les mères. Enfin je la voyais comme ça quand j’étais gamine. J’adore la toucher, la sentir. Maman, elle sent bon, elle est gaie, elle aime rire. Parfois je me dis ça serait bien si je n’avais pas de sœur. J’aurais maman à moi toute seule. Elle m’habillerait, me coifferait, me mettrait des beaux rubans dans les cheveux. Le soir elle me lirait des histoires. Mais sœur il y a et puis il faut bien dire qu’être mère n’intéresse pas maman, mais alors pas du tout. De temps à autre, elle débarque avec une provision de chocolat. Je comprends vite qu’elle vient se rassurer. Elle a une peur bleue qu’on fasse des bêtises, qu’on soit renvoyées du pensionnat et que sa petite vie soit chamboulée. Ma sœur, elle, elle est sage. Aucun problème. Moi, il m’arrive toujours des histoires. Si maman a eu des échos, je déclare que ça n’était pas ma faute. Si elle n’a pas eu d’échos, ce n’est pas la peine de lui en parler. Une fois que maman est rassurée sur notre sort et le sien, elle attaque ses sujets préférés – robes et chapeaux, parfums et coiffures. Un jour, loin des religieuses amidonnées et des parents coincés, elle enlève son chapeau.

« Regardez, » dit-elle, « je me suis fait couper les cheveux, c’est la mode. » Nouveau, certes, mais olé, olé au début des années vingt. Une autre fois, elle déboule dans le side-car d’un homme qui n’est ni monsieur notre père, ni monsieur son mari. À Lyon, le qu’en-dira-t-on c’est tout ! On ne fait pas de vagues. Une mère, une veuve de guerre ne s’affiche pas ainsi. Elle ne monte pas dans un moyen de transport si peu respectable et surtout, elle n’en descend pas ! D’un œil goguenard, les pères des élèves guettent l’extraction de l’engin. Les mères font la bouche en cul-de-poule et piquent un fard devant cet inexcusable déballage de jambes.

Les répercussions de cette arrivée intempestive ne se font point attendre. Dès le lendemain, nous les pupilles de la nation, nous les filles d’officier sommes traitées comme des parias. Plus personne ne nous parle. Telle une furie, j’essaie de défendre l’honneur de la famille, l’honneur de maman. Je brode : « le monsieur est le frère de madame notre mère. » Les filles me regardent l’air de dire « à d’autres. » Je dis que papa est mort en héros à Klestina en Grèce. Ça c’est vrai. Un article décrit papa partant crânement en tête de sa section malgré les feux de l’ennemi. Atteint d’une balle, il s’affaisse, blessé mortellement. Mais il se relève dans un sursaut d’énergie et avant de retomber, il hurle de toutes ses forces: « En avant, la 4ème » Puis il expire, tandis que sa section, excitée par le cri du mourant, continue l’assaut d’un seul élan. Ah, que c’est beau ! Pour le courage de monsieur mon père, pour le grand service qu’il a rendu à la France, on m’a décorée de la médaille de guerre. Ça c’est ce que je dis aux filles. Elles n’ont pas besoin de savoir que ma sœur, en tant qu’aînée, a reçu la médaille.

Papa est parti à la guerre, j’avais 4 ans. Je vois un homme qui me prend dans ses bras et me soulève bien haut. Sans doute papa. Je n’ai pas d’autres souvenirs de lui. Je regarde sa photo. Je dis bonjour papa c’est moi ta petite fille. Sur la photo, il a une fine moustache, des cheveux séparés par une raie au milieu comme les hommes de l’époque. Je répète : coucou, papa c’est moi. Il ne se passe rien. Je ne ressens rien. C’est moche que papa soit mort si jeune. On pourrait être une famille. On aurait un bel appartement, une voiture. Ce serait la belle vie. On ne serait pas coincées dans ce pensionnat.

À Tassin, je trompe l’ennui des jours, des heures en faisant des bêtises. J’amuse la galerie. Je me fais remarquer. J’encanaille notre triste uniforme – robe noire, ceinture noire, chaussures vernies noires et chaussettes blanches. En baissant la ceinture sur les hanches, je lui donne cette silhouette dernier cri des années vingt. Fière de moi, je parade dans les couloirs du pensionnat. En moins de deux, j’atterris chez la mère supérieure. Elle a les narines pincées comme si elle avait un truc pourri sous le nez. D’un ton glacial, elle dit : « mademoiselle D. vous voulez ressembler à ces poupées, ces fétiches, ces mannequins vivants qui courent sur les trottoirs. Mademoiselle D., vous n’êtes qu’un singe. » Que voulait-elle dire ? Je n’en avais pas la moindre idée. Dans ma tête, je répétais ces phrases que je trouvais d’un vivant en diable. Des années après, je compris qu’à cause d’une ceinture posée sur les hanches j’avais l’air d’une catin.

Ça c’est le pensionnat de l’âge de 6 ans à 17 ans. Des milliers de messes. Des milliers d’heures d’études où mes yeux suivent les nuages, le vol des oiseaux. Des milliers d’heures de classes. Je connais par cœur les départements de France, les grandes rivières du monde. Je baragouine le latin et je suis super forte en racines grecques. Je sais dire butter, bread et if you please. Je connais les dix commandements, les péchés mortels et véniels. Côté religion, grand-mère elle en a pour son argent avec Dieu le père, son fils Jésus et le Saint Esprit. Jésus, un beau blond aux cheveux longs et aux yeux bleus, c’est le plus occupé. Il multiplie les petits pains, les poissons. Ça ne plaît pas aux Romains et aux autres. Il finit sur une croix. Surprise ! Trois jours après il ressuscite. Moi Suzanne, je trouve que c’est pas du jeu. Pourquoi le Bon Dieu ressuscite son fils et pas mon père qui est plus jeune que son fils ? C’est de la tricherie. Quand les bonnes sœurs parlent de Dieu le père ou le fils, elles prennent des mines de circonstances. On dirait des vraies saintes. Mais quand elles parlent du démon, elles s’excitent comme des puces. Ce qui nous attend si on n’est pas sage ? Des flammes hautes comme des immeubles ! Une chaleur intenable et d’atroces souffrances ! Des démons sans pitié nous piquant de leur fourche ! Ceci pour toujours et toujours et toujours. L’éternité quoi…

Chapitre 3.

Trois fois par an, on sort du pensionnat. À Noël et à Pâques on atterrit chez grand-mère. Illico presto, elle nous envoie aux bains communaux. Son cabinet de bain – le summum de la propreté dans ces vieux appartements lyonnais – consiste en un lavabo. Il ne suffirait point à la tâche. Maman, elle, a un appartement moderne avec une vraie salle de bain et une grande baignoire. Nous ne sommes pas conviées à y déposer notre crasse de trois mois multipliée par deux. Donc direction les bains communaux avec la chemise anti-péché. Dans ma jeunesse, je me suis lavée « sans » une seule fois – à la campagne chez des parentes de mon père. À peine arrivée, ces femmes me mettent nue et me collent au beau milieu de la pièce dans un tub en étain. Là, elles me savonnent, me frottent, me récurent les coins et les recoins comme si j’étais une pouilleuse. Moi Suzanne, je suis mortifiée. Pire, j’ai une peur bleue d’atterrir en Enfer pour un péché qui n’est pas le mien. Pour effacer cette souillure de mon âme, je me précipite à confesse. Le prêtre du coin, il en est reste baba de mon histoire. « Mais enfin ma pauvre enfant, dit-il, comment voulez-vous vous laver avec une chemise ? » « Ordre des sœurs » que je lui réponds. Il pousse un soupir qui en dit long sur ce qu’il pense. Ça m’ouvre un peu les yeux cette histoire mais de là à prendre des risques, pas question. Griller en Enfer pour du chocolat, c’est une chose. Mais pour une nudité non souhaitée, nenni ! Donc, je trimbale la chemise aux bains communaux. L’opération lavage terminée, grand-mère nous emmène chez le coiffeur pour une coupe. Nous voici présentables pour les fêtes.

Grand-mère c’est la mère de feu notre père mort à 27 ans. Elle a le nez mince, la pose altière. Elle affectionne des vestes cintrées avec brandebourgs ou autres effets militaires. Parfois elle adoucit le strict de la veste d’une broche représentant un petit caniche. Personne n’est dupe. Avec elle, il faut filer droit. Elle a dirigé une maison de couture et a l’habitude de commander. Elle asticote tout le monde même grand-père. Lui, il ne demande qu’une chose. « Mais laisse-moi donc tranquille, » il lui répète jour après jour. Le pauvre, quoiqu’il fasse, il dérange. Même en faisant la sieste ! Ses ronflements dans le salon exaspèrent grand-mère. Ce salon me déprime. De lourds rideaux à franges et pompons bloquent la faible lumière lyonnaise. Il y a tout un fatras de vieux meubles, de bibelots, de plantes et bien sûr l’incontournable piano de tout appartement bourgeois. Dans la salle à manger le perroquet de grand-mère sème la terreur de son perchoir. Jour après jour, il imite la voix pointue de grand-mère et appelle le chat : « Tatou, Tatou, viens vite, viens vite. » Le chat, qui n’est pas futé pour deux sous, arrive dare-dare pour se faire caresser par sa maîtresse et se fait mordre la queue par le perroquet. Je trouve ça tordant. On s’amuse comme on peut…

Grand-mère insiste pour qu’on l’appelle marraine. Ça fait plus jeune. À mon avis elle n’a pas dû se voir dans une glace depuis perpète. Maintenant que j’y pense elle avait quoi ? Tout juste 50 ans. Vu de mes 89 ans, ça paraît jeune. Mais vu de ma jeunesse, elle faisait vraiment vieux. Bref, il faut sacrément que je me force pour l’appeler marraine. Dans ma tête, c’est grand-mère point final. Pour commencer, je ne l’aime pas. Elle passe son temps à marmonner des choses désagréables sur la femme de feu son fils donc maman. « Ah, dit-elle, elle en profite de sa pension de veuve ! Femme d’officier, pas mal comme pension. Madame vit bien. Moi j’assume ses filles. Pas question que Madame dérange sa petite vie. Madame est jeune. Madame vit sa vie. » Grand-mère susurre d’autres choses qui ne doivent pas être destinées aux oreilles des enfants.