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Ce recueil de 100 poèmes a été publié le 25 juin 1857 à Paris chez Poulet-Malassis. Ces poèmes sont répartis en 5 sections comportant respectivement 77, 12, 3, 5 et 3 poèmes.
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Veröffentlichungsjahr: 2020
Table of Contents
PRÉFACE
AU LECTEUR
SPLEEN ET IDÉAL
L'ALBATROS
ELEVATION
LES PHARES
LA MUSE VENALE
L'ENNEMI
LA VIE ANTERIEURE
BOHEMIENS EN VOYAGE
L'HOMME ET LA MER
DON JUAN AUX ENFERS
CHATIMENT DE L'ORGUEIL
LA BEAUTE
L'IDEAL
LE MASQUE
HYMNE A LA BEAUTE
LA CHEVELURE
SED NON SATIATA
LE SERPENT QUI DANSE
UNE CHAROGNE
DE PROFUNDIS CLAMAVI
LE VAMPIRE
REMORDS POSTHUME
LE CHAT
LE BALCON
LE POSSEDE
I
II
LE PARFUM
III
LE CADRE
IV
LE PORTRAIT
SEMPER EADEM
TOUT ENTIERE
CONFESSION
LE FLACON
LE POISON
I
II
LE BEAU NAVIRE
I
II
CAUSERIE
I
II
CHANSON D'APRES-MIDI
SISINA
A UNE DAME CREOLE
LE REVENANT
SONNET D'AUTOMNE
TRISTESSE DE LA LUNE
LES CHATS
LA PIPE
LA MUSIQUE
SEPULTURE D'UN POETE MAUDIT
LE MORTJOYEUX
LA CLOCHE FELEE
SPLEEN
LE GOUT DU NEANT
ALCHIMIE DE LA DOULEUR
LA PRIERE D'UN PAÏEN
LE COUVERCLE
L'IMPREVU
L'EXAMEN DE MINUIT
MADRIGAL TRISTE
L'AVERTISSEUR
A UNE MALABARAISE
LA VOIX
HYMNE
LE REBELLE
LE JET D'EAU
LE COUCHER DU SOLEIL ROMANTIQUE
LE GOUFFRE
LES PLAINTES D'UN ICARE
RECUEILLEMENT
L'HEAUTONTIMOROUMENOS
I
II
L'HORLOGE
TABLEAUX PARISIENS
LE SOLEIL
LA LUNE OFFENSEE
A UNE MENDIANTE ROUSSE
LE CYGNE
I
II
LES SEPT VIEILLARDS
A VICTOR HUGO
LES PETITES VIEILLES
I
II
III
IV
A UNE PASSANTE
LE CREPUSCULE DU SOIR
LE JEU
DANSE MACABRE
A ERNEST CHRISTOPHE
L'AMOUR DU MENSONGE
BRUMES ET PLUIES
LE VIN
L'AME DU VIN
LE VIN DES CHIFFONNIERS
LE VIN DE L'ASSASSIN
LE VIN DU SOLITAIRE
LE VIN DES AMANTS
UNE MARTYRE
DESSIN D'UN MAITRE INCONNU
FEMMES DAMNEES
LES DEUX BONNES SŒURS
ALLEGORIE
UN VOYAGE A CYTHERE
RÉVOLTE
I
II
LES LITANIES DE SATAN
PRIÉRE
LA MORT
LA MORT DES AMANTS
LA MORT DES PAUVRES
LE REVE D'UN CURIEUX
LE VOYAGE
I
II
III
IV
VI
VII
VIII
PIÉCES CONDAMNÉES
LES BIJOUX
LE LETHE
A CELLE QUI EST TROP GAIE
LESBOS
FEMMES DAMNEES
LES METAMORPHOSES DU VAMPIRE
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
Charles Baudelaire avait un ami, Auguste Poulet-Malassis, ancien élève de l'école des Chartes, qui s'étaitfait éditeur par goût pour les raffinements typographiques et pour la littérature qu'il jugeait en érudit et en artiste beaucoup plus qu'en commerçant; aussi bien ne fit- il jamais fortune, mais ses livres devenus assez rares sont depuis longtemps très recherchés des bibliophiles.
Les poésies de Baudelaire disséminées un peu partout dans les petits journaux d'avant-garde comme leCorsaireet jusque dans la graveRevue des Deux-Mondes,n'avaient point encore, en 1857, été réunies en volume. Poulet-Malassis,que le génie original de Baudelaire enthousiasmait, s'offrit de les publier sous le titre deFleurs du Mal,titre neuf, audacieux, longtemps cherché et trouvé enfin non point par Baudelaire ni par l'éditeur, mais par Hippolyte Babou.
LesFleurs du Malse présentaient comme un bouquet poétique composé de fleurs rares et vénéneuses d'un parfum encore ignoré. Ce fut un succès--succès d'ailleurs préparé par laRevue des Deux- Mondesqui, en accueillant un an auparavant quelques poésies de Baudelaire, avait missa responsabilité à couvert par une note singulièrement prudente. De nos jours une pareille note ressemblerait fort à une réclame déguisée:
« Ce qui nous paraît ici mériter l'intérêt, disait-elle, c'est l'expression vive, curieuse, même dans sa violence, de quelques défaillances, de quelques douleurs morales, que, sans les partager ni les discuter, on doit tenir à connaître comme un des signes de notre temps. Il nous semble, d'ailleurs, qu'il est des cas où la publicité n'est pas seulement un encouragement,où elle peut avoir l'influence d'un conseil utile et appeler le vrai talent à se dégager, à se fortifier, en élargissant ses voies, en étendant son horizon. »
C'était se méprendre étrangement que de compter sur la publicité pour amener Baudelaire à résipiscence; le parquet impérial ne prit pas tant de ménagements. Le livre à peine paru, fut déféré aux tribunaux. Tandis que Baudelaire se hâtait de recueillir en brochure les articles justificatifs d'Edmond Thierry, Barbey d'Aurevilly, Charles Asselineau, etc..., il sollicitait l'amitié de Sainte-Beuve et de Flaubert (tout récemment poursuivi pour avoir écritMadame Bovary), des moyens de défense dont les minutes ont été conservées et dont il transmettait la teneur à son avocat, Me Chaix d'Est-Ange. Sur le réquisitoire de M. Pinard (alors avocat général et plus tard ministre de l'Intérieur), le délit d'offense à la morale religieuse fut écarté, mais en raison de la prévention d'outrage à la morale publiques et aux bonnes moeurs, la Cour prononça la suppressionde six pièces:Lesbos, Femmes damnées, le Lethé, A celle qui est trop gaie, les Bijoux et les Métamorphoses du Vampire,et la condamnation à une amende de l'auteur et de l'éditeur (21 août 1857).
Le dommage matériel ne fut pas considérable pour Malassis; l'édition était presque épuisée lors de la saisie.
Tout d'abord, Baudelaire voulut protester. On a retrouvé dans ses papiers le brouillon de divers projets de préfaces qu'il abandonna lors de la réimpression à la fois diminuée et augmentée desFleurs du Malen 1861. Cette mutilation de sa pensée par autorité de justice avait eu pour résultat de rendre les directeurs de journaux et de revues très méfiants à son égard, lorsqu'il leur présentait quelques pages de prose ou des poésies nouvelles; sa situation pécuniaire s'en ressentit. Il travaillait lentement, à ses heures, toujours préoccupé d'atteindre l'idéale perfection et ne traitant d'ailleurs que des sujets auxquels le grand public était alors (encore plus qu'aujourd'hui) complètement étranger.
Lorsque Baudelaire posa en 1862 sa candidature aux fauteuils académiques laissés vacants par la mort de Scribe et du Père Lacordaire, il était, dans sa pensée, de protester ainsi contre la condamnation desFleurs du Mal.L'insuccès de Baudelaire à l'Académie n'étaitpas douteux. Ses amis, ses vrais amis, Alfred de Vigny et Sainte-Beuve, lui conseillèrent de se désister, ce qu'il fit d'ailleurs en des termes dont on apprécia la modestie et la convenance.
On a beaucoup parlé de la vie douloureuse de Baudelaire: manque d'argent, santé précaire, absence de tendresse féminine, car sa maîtresse Jeanne Duval, une jolie fille de couleur qu'il appelait son « vase de tristesse », n'était qu'une sotte dont le cœur et la pensée étaient loin de lui. Son seul esprit, son méchant esprit était de tourner en ridicule les manies de son ami. Cependant elle était charmante, nous dit Théodore de Banville, « elle portait bien sa brune tête ingénue et superbe, couronnée d'une chevelure violemment crespelée et dont la démarche de reine pleined'une grâce farouche, avait à la fois quelque chose de divin et de bestial ». Et Banville ajoute: « Baudelaire faisait parfois asseoir Jeanne devant lui dans un grand fauteuil; il la regardait avec amour et l'admirait longuement; il lui disait des vers dans une langue qu'elle ne savait pas. Certes, c'est là peut-être le meilleur moyen de causer avec une femme dont les paroles détonneraient, sans doute, dans l'ardente symphonie que chante sa beauté; mais il est naturel aussi que la femme n'en convienne pas et s'étonne d'être adorée au même titre qu'une belle chatte. »
Baudelaire n'aima qu'elle et il l'aima exclusivement pour sa beauté, car depuis longtemps, peut-être depuis toujours, il avait senti qu'il était seul auprès d'elle, que les hommes sont irrévocablement seuls. Personne ne comprend personne. Nous n'avons d'autre demeure que nous- mêmes. Tout son dandysme fut fait de ce splendide isolement. Toutefois sa sensibilité était d'autant plus profonde qu'elle semblait moins apparente. Rien ne la révélait. Ilavait l'air froid, quelque peu distant, mais il subjuguait. Ses yeux couleur de tabac d'Espagne, son épaisse chevelure sombre, son élégance, son intelligence, l'enchantement de sa voix chaude et bien timbrée, plus encore que son éloquence naturelle qui lui faisait développer des paradoxes avec une magnifique intelligence et on ne saurait dire quel magnétisme personnel qui se dégageait de toutes les impressions refoulées au-dedans de lui, le rendaient extrêmement séduisant. Hélas! toutes ces belles qualitésne le servirent point--du moins financièrement--il ignorait l'art de monnayer son génie. Ainsi, pratiquement du moins, comme tant d'autres, il se trouva desservi par sa fierté, sa délicatesse, par le meilleur de lui-même.
Baudelaire habitait dans l'île Saint-Louis, sur le quai d'Anjou, en ce vieil et triste hôtel Pimodan plein de souvenirs somptueux et nostalgiques. Il avait choisi là un appartement composé de plusieurs pièces très hautes de plafond et dont les fenêtres s'ouvraient sur le fleuve qui rouleses eaux glauques et indifférentes au milieu de la vie morbide et fiévreuse. Les pièces étaient tapissées d'un papier aux larges rayures rouges et noires, couleurs diaboliques, qui s'accordaient avec les draperies d'un lourd damas. Les meubles étaient antiques, voluptueux. De larges fauteuils, de paresseux divans invitaient à la rêverie. Aux murs des lithographies et des tableaux signés de son ami Delacroix, pures merveilles presque sans importance alors, mais que se disputeraient aujourd'hui à coups de millions les princes de la finance américaine.
Au temps de Baudelaire, c'est-à-dire vers le milieu du dix-neuvième siècle, l'île Saint-Louis ressemblait par la paix silencieuse qui régnait à travers ses rues et ses quais à certaines villes de province où l'onva nu-tête chez le voisin, où l'on s'attarde à bavarder au seuil des maisons et à y prendre le frais par les beaux soirs d'été à l'heure où la nuit tombe. Artistes et écrivains allaient se dire bonjour sans quitter leur costume d'intérieur et flânaient ennégligé sur le quai Bourbon et sur le quai d'Anjou, si parfaitement déserts que c'était une joie d'y regarder couler l'eau et d'y boire la lumière.
Un jour, Baudelaire, coiffé uniquement de sa noire chevelure, prenait un bain de soleil sur le quai d'Anjou, tout en croquant de délicieuses pommes de terre frites qu'il prenait une à une dans un cornet de papier, lorsque vinrent à passer en calèche découverte de très grandes dames amies de sa mère, l'ambassadrice, et qui s'amusèrent beaucoup à voir ainsi le poète picorer une nourriture aussi démocratique. L'une d'elles, une duchesse, fit arrêter la voiture et appela Baudelaire.
--« C'est donc bien bon, demanda-t-elle ce que vous mangez là?
--Goûtez, madame, dit le poète en faisant les honneurs de son cornet depommes de terre frites avec une grâce suprême. »
Et il les amusa si bien par ce régal inattendu et par sa conversation qu'elles seraient restées là jusqu'à la fin du monde.
Quelques jours plus tard, la duchesse rencontrant Baudelaire dans le salon d'unevieille parente à elle, lui demanda si elle n'aurait pas l'occasion de manger encore des pommes de terre frites.
--« Non, madame, répondit finement le poète, car elles sont, en effet, très bonnes, mais seulement la première fois qu'on en mange. »
Cette petite anecdote racontée par les historiens du poète est devenue classique; mais nous n'avons pu résister au plaisir de la répéter ici.
Baudelaire, plus ou moins pauvre, car la fortune laissée par son père avait été dévorée rapidement, fut toujours plein de délicatesse et doué de cet esprit de finesse fait de bellehumeur et d'ironie souriante. Cependant ses embarras d'argent devenus chroniques, aussi bien que son état maladif, rendirent lamentables les dernières années du poète. Frappé de paralysie générale,ayant perdu la mémoire des mots, après une longue agonie, il s'éteignit à quarante-six ans. Sa mère et son ami Charles Asselineau étaient à son chevet. Ses œuvres lui ont survécu, mais la place d'honneur qu'il méritait par son génie parmi les romantiques ne lui fut vraiment accordée qu'à l'aube de ce siècle. On l'avait tenu jusqu'alors pour un très habile ciseleur de phrases, le Benvenuto Cellini des vers, mais c'était presque un incompris, un névrosé.
Il commença, dit-on, par étonner les sots, mais il devait étonner bien davantage les gens d'esprit en laissant à la postérité ce livre immortel:les Fleurs du Mal.
Henry FRICHET.
La sottise, l'erreur, le péché, lalésine,Occupent nos esprits et travaillent nos corps,Et nousalimentons nos aimables remords,Comme les mendiants nourrissentleur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sontlâches,Nous nous faisons payer grassement nos aveux,Et nousrentrons gaîment dans le chemin bourbeux,Croyant par de vilspleurs laver toutes nos taches.
Sur l'oreiller du mal c'est Satan TrismégisteQui bercelonguement notre esprit enchanté,Et le riche métal denotre volontéEst tout vaporisé par ce savantchimiste.
C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent!Aux objetsrépugnants noustrouvons des appas;Chaque jour vers l'Enfernous descendons d'un pas,Sans horreur, à travers desténèbres qui puent.
Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mangeLe seinmartyrisé d'une antique catin,Nous volons au passage unplaisir clandestinQue nous pressons bien fort comme une vieilleorange.
Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,Dans noscerveaux ribote un peuple de Démons,Et, quand nous respirons,la Mort dans nos poumonsDescend, fleuve invisible, avec de sourdesplaintes.
Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,N'ont pas encorebrodé de leurs plaisants desseinsLe canevas banal de nospiteux destins,C'est que notre âme, hélas! n'est pasassez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,Lessinges, les scorpions, les vautours, les serpents,Les monstresglapissants, hurlants, grognants, rampantsDans la ménagerieinfâme de nos vices,
Il en est un plus laid, plus méchant, plusimmonde!Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,Ilferait volontiers de la terre un débrisEt dans unbâillement avalerait le monde;
C'est l'Ennui!--L'œil chargé d'un pleurinvolontaire,Il rêve d'échafauds en fumant son houka.Tule connais, lecteur, ce monstre délicat,--Hypocritelecteur,--mon semblable,--mon frère!
BENEDICTION
Lorsque, par un décret des puissances suprêmes,LePoète apparaît en ce monde ennuyé,Sa mèreépouvantée et pleine de blasphèmesCrispe ses poingsvers Dieu, qui la prend en pitié:
« Ah! que n'ai-je mis bastout un nœud devipères,Plutôt que de nourrir cette dérision!Mauditesoit la nuit aux plaisirs éphémèresOù monventre a conçu mon expiation!
« Puisque tu m'as choisie entre toutes les femmesPourêtre le dégoût de mon triste mari,Et que je nepuispas rejeter dans les flammes,Comme un billet d'amour, cemonstre rabougri,
« Je ferai rejaillir la haine qui m'accableSur l'instrumentmaudit de tes méchancetés,Et je tordrai si bien cet arbremisérable,Qu'il ne pourra poussa ses boutonsempestés!»
Elle ravale ainsi l'écume de sa haine,Et, ne comprenant pasles desseins éternels,Elle-même prépare au fond dela GéhenneLes bûchers consacrés aux crimesmaternels.
Pourtant, sous la tutelle invisible d'un Ange,L'Enfantdéshérité s'enivre de soleil,Et dans tout ce qu'ilboit et dans tout ce qu'il mangeRetrouve l'ambroisie et le nectarvermeil.