Les Fleurs du mal - Charles Baudelaire - E-Book

Les Fleurs du mal E-Book

Charles Baudelaire.

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Beschreibung

Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire est un recueil de poèmes qui a profondément transformé la poésie française au XIXe siècle. Publié pour la première fois en 1857, ce chef-d'oeuvre du symbolisme explore des thèmes universels tels que la beauté, la mélancolie, l'amour, la mort, et l'angoisse existentielle. Baudelaire, avec sa plume incisive et son regard acéré sur la société, nous plonge dans un voyage introspectif où la beauté se mêle à la laideur, et où la quête de l'idéal se heurte à la réalité crue. Ce recueil emblématique, pilier de la littérature classique, continue d'inspirer et de provoquer, interrogeant les notions de bien et de mal, de paradis et d'enfer. À travers des poèmes tels que « L'Albatros », « Spleen », et « Correspondances », Baudelaire dépeint un tableau saisissant de l'âme humaine, faisant de Les Fleurs du mal un incontournable pour tout amateur de poésie. Les poèmes abordent la dualité de l'existence et la lutte intérieure entre l'aspiration à l'idéal et les tentations terrestres. En intégrant des éléments de la vie urbaine moderne, Baudelaire anticipe les mouvements littéraires futurs, consolidant ainsi son statut de pionnier. Ce recueil, souvent controversé pour son contenu provocateur et ses thèmes audacieux, a ouvert la voie à une nouvelle ère de la poésie, où l'expression personnelle et la transgression des normes établies sont célébrées. Les influences de Baudelaire s'étendent au-delà de la poésie, touchant la peinture, la musique, et la philosophie. Son exploration du spleen, une profonde tristesse et ennui face à la vie moderne, résonne encore aujourd'hui, faisant écho aux préoccupations contemporaines. Les Fleurs du mal demeure une oeuvre vivante, constamment réinterprétée par chaque nouvelle génération, et continue d'être une référence incontournable dans les catégories de Poésie française, Littérature classique, et Oeuvres littéraires emblématiques sur Amazon.

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TABLE

A

U LECTEUR

SPLEEN ET IDÉAL

I. —

B

ÉNÉDICTION

II. —

L'A

LBATROS

III. —

É

LÉVATION

IV. —

C

ORRESPONDANCES

V. —

J'aime le souvenir de ces époques nues

VI. —

L

ES

P

HARES

VII. —

L

A

M

USE MALADE

VIII. —

L

A

M

USE VÉNALE

IX. —

L

E MAUVAIS

M

OINE

X. —

L'E

NNEMI

XI. —

L

E

G

UIGNON

XII. —

L

A

V

IE ANTÉRIEURE

XIII. —

B

OHÉMIENS EN VOYAGE

XIV. —

L'H

OMME ET LA

M

ER

XV. —

D

ON

J

UAN AUX ENFERS

XVI. —

C

HÂTIMENT DE L

'

ORGUEIL

XVII. —

L

A

B

EAUTÉ

XVIII. —

L'I

DÉAL

XIX. —

L

A

G

ÉANTE

XX. —

L

E

M

ASQUE

XXI. —

H

YMNE À LA

B

EAUTÉ

XXII. —

P

ARFUM EXOTIQUE

XXIII. —

L

A

C

HEVELURE

XXIV. —

Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne

XXV. —

Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle

XXVI. —

S

EP NON SATIATA

XXVII. —

Avec ses vêtements ondoyants et nacrés

XXVIII. -

L

E

S

ERPENT QUI DANSE

XXIX. —

U

NE

C

HAROGNE

XXX. —

D

E PROFUNDIS CLAMAVI

XXXI. —

L

E

V

AMPIRE

XXXII. —

Une nuit que j'étais près d'une affreuse Juive

XXXIII. -

R

EMORDS POSTHUME

XXXIV. -

L

E

C

HAT

XXXV. —

D

UELLUM

XXXVI. -

L

E

B

ALCON

XXXVII.

L

E

P

OSSÉDÉ

XXXVIII

U

N

F

ANTÔME

XXXIX. -

Je te donne ces vers afin que si mon nom

XL. —

S

EMPER EADEM

XLI. —

T

OUT ENTIÈRE

XLII. —

Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire

XLIII. —

L

E

F

LAMBEAU VIVANT

XLIV. —

R

ÉVERSIBILITÉ

XLV. —

C

ONFESSION

XLVI. —

L'A

UBE SPIRITUELLE

XLVII. —

H

ARMONIE DU SOIR

XLVIII. -

L

E

F

LACON

XLIX. —

L

E

P

OISON

L. —

C

IEL BROUILLÉ

LI. —

L

E

C

HAT

LII. —

L

E BEAU

N

AVIRE

LIII. —

L'I

NVITATION AU VOYAGE

LIV. —

L'I

RRÉPARABLE

LV. —

C

AUSERIE

LVI. —

C

HANT D

'

AUTOMNE

LVII. —

À

UNE

M

ADONE

LVIII. —

C

HANSON D

'

APRÈS

-

MIDI

LIX. —

S

ISINA

LX. —

F

RANCISCÆ MEÆ

L

AUDES

LXI. —

À UNE DAME CRÉOLE

LXII. —

M

ŒSTA ET ERRABUNDA

LXIII. —

L

E

R

EVENANT

LXIV. —

S

ONNET D

'

AUTOMNE

LXV. —

T

RISTESSES DE LA LUNE

LXVI. —

L

ES

C

HATS

LXVII. —

L

ES

H

IBOUX

LXVIII. -

L

A

P

IPE

LXIX. —

L

A

M

USIQUE

LXX. —

S

ÉPULTURE

LXXI. —

U

NE

G

RAVURE FANTASTIQUE

LXXII. —

L

E

M

ORT JOYEUX

LXXIII. -

L

E

T

ONNEAU DE LA HAINE

LXXIV. -

L

A

C

LOCHE FÊLÉE

LXXV. —

S

PLEEN

LXXVI. -

S

PLEEN

LXXVII.

S

PLEEN

LXXVIII

.

S

PLEEN

LXXIX. -

O

BSESSION

LXXX. —

L

E

G

OÛT DU NÉANT

LXXXI. -

A

LCHIMIE DE LA DOULEUR

LXXXII.

H

ORREUR SYMPATHIQUE

LXXXIII.

L’H

ÉAUTONTIMOROUMÉNOS

LXXXIV.

L'I

RREMÉDIABLE

LXXXV. -

L'H

ORLOGE

TABLEAUX PARISIENS

LXXXVI.

P

AYSAGE

LXXXVI.

L

E

S

OLEIL

LXXXVII

À UNE MENDIANTE ROUSSE

LXXXIX.

L

E

C

YGNE

XC. —

L

ES SEPT

V

IEILLARDS

XCI. —

L

ES PETITES

V

IEILLES

XCII. —

L

ES

A

VEUGLES

XCIII. —

À UNE PASSANTE

XCIV. —

L

E

S

QUELETTE LABOUREUR

XCV. —

L

E

C

RÉPUSCULE DU SOIR

XCVI. —

L

E

J

EU

XCVII. —

D

ANSE MACABRE

XCVIII. -

L'A

MOUR DU MENSONGE

XCIX. —

Je n'ai pas oublié, voisine de la ville

C. —

La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse

CI. —

B

RUMES ET

P

LUIES

CII. —

R

ÊVE PARISIEN

CIII. —

L

E

C

RÉPUSCULE DU MATIN

LE VIN

CIV —

L'Â

ME DU VIN

CV —

L

E

V

IN DES CHIFFONNIERS

CVI. —

L

E

V

IN DE L

'

ASSASSIN

CVII. —

L

E

V

IN DU SOLITAIRE

CVIII. —

L

E

V

IN DES AMANTS

FLEURS DU MAL

CIX. —

L

A

D

ESTRUCTION

CX. —

U

NE

M

ARTYRE

CXI. —

F

EMMES DAMNÉES

CXII. —

L

ES DEUX BONNES

S

ŒURS

CXIII. —

L

A

F

ONTAINE DE SANG

CXIV. —

A

LLÉGORIE

CXV. —

L

A

B

ÉATRICE

CXVI. —

U

N

V

OYAGE À

C

YTHÈRE

CXVII. —

L'A

MOUR ET LE

C

RÂNE

RÉVOLTE

CXVIII. -

L

E

R

ENIEMENT DE SAINT

P

IERRE

CXIX. —

A

BEL ET

C

AÏN

CXX. —

L

ES

L

ITANIES DE

S

ATAN

LA MORT

CXXI. —

L

A

M

ORT DES AMANTS

CXXII. —

L

A

M

ORT DES PAUVRES

CXXIII. -

L

A

M

ORT DES ARTISTES

CXXIV. -

L

A

F

IN DE LA JOURNÉE

CXXV. —

L

E

R

ÊVE D

'

UN CURIEUX

CXXVI. -

L

E

V

OYAGE

DE LA PLUS PROFONDE HUMILITÉ JE DÉDIE

CES FLEURS MALADIVES C. B.

AU LECTEUR

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,

Occupent nos esprits et travaillent nos corps,

Et nous alimentons nos aimables remords,

Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;

Nous nous faisons payer grassement nos aveux,

Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,

Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

Sur l'oreiller du mal c’est Satan Trismégiste

Qui berce longuement notre esprit enchanté,

Et le riche métal de notre volonté

Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

C’est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !

Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;

Chaque jour vers l’Enfer nous descendons d’un pas,

Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange

Le sein martyrisé d’une antique catin,

Nous volons au passage un plaisir clandestin

Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant, comme un million d’helminthes,

Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,

Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons

Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l’incendie,

N’ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins

Le canevas banal de nos piteux destins,

C’est que notre âme, hélas ! n’est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,

Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,

Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,

Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !

Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,

Il ferait volontiers de la terre un débris

Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C’est l’Ennui ! — l’œil chargé d’un pleur involontaire,

Il rêve d’échafauds en fumant son houka.

Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,

— Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère !

SPLEEN ET IDÉAL

I

BÉNÉDICTION

Lorsque, par un décret des puissances supremes,

Le Poëte apparaît en ce monde ennuyé,

Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes

Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié :

— « Ah ! que n’ai-je mis bas tout un nœud de vipères,

Plutôt que de nourrir cette dérision !

Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères

Où mon ventre a conçu mon expiation !

Puisque tu m’as choisie entre toutes les femmes

Pour être le dégoût de mon triste mari,

Et que je ne puis pas rejeter dans les flammes,

Comme un billet d’amour, ce monstre rabougri,

Je ferai rejaillir ta haine qui m’accable

Sur l’instrument maudit de tes méchancetés,

Et je tordrai si bien cet arbre misérable,

Qu’il ne pourra pousser ses boutons empestés ! »

Elle ravale ainsi l’écume de sa haine,

Et, ne comprenant pas les desseins éternels,

Elle-même prépare au fond de la Géhenne

Les bûchers consacrés aux crimes maternels.

Pourtant, sous la tutelle invisible d’un Ange,

L’Enfant déshérité s’enivre de soleil,

Et dans tout ce qu’il boit et dans tout ce qu’il mange

Retrouve l’ambroisie et le nectar vermeil.

Il joue avec le vent, cause avec le nuage,

Et s’enivre en chantant du chemin de la croix ;

Et l'Esprit qui le suit dans son pèlerinage

Pleure de le voir gai comme un oiseau des bois.

Tous ceux qu’il veut aimer l’observent avec crainte,

Ou bien, s’enhardissant de sa tranquillité,

Cherchent à qui saura lui tirer une plainte,

Et font sur lui l’essai de leur férocité.

Dans le pain et le vin destinés à sa bouche

Ils mêlent de la cendre avec d’impurs crachats ;

Avec hypocrisie ils jettent ce qu’il touche,

Et s’accusent d’avoir mis leurs pieds dans ses pas.

Sa femme va criant sur les places publiques :

« Puisqu’il me trouve assez belle pour m’adorer,

Je ferai le métier des idoles antiques,

Et comme elles je veux me faire redorer ;

Et je me soûlerai de nard, d’encens, de myrrhe,

De génuflexions, de viandes et de vins,

Pour savoir si je puis dans un cœur qui m’admire

Usurper en riant les hommages divins !

Et, quand je m’ennuierai de ces farces impies,

Je poserai sur lui ma frêle et forte main ;

Et mes ongles, pareils aux ongles des harpies,

Sauront jusqu’à son cœur se frayer un chemin.

Comme un tout jeune oiseau qui tremble et qui palpite,

J’arracherai ce cœur tout rouge de son sein,

Et, pour rassasier ma bête favorite,

Je le lui jetterai par terre avec dédain ! »

Vers le Ciel, où son œil voit un trône splendide,

Le Poëte serein lève ses bras pieux,

Et les vastes éclairs de son esprit lucide

Lui dérobent l’aspect des peuples furieux :

— « Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance

Comme un divin remède à nos impuretés

Et comme la meilleure et la plus pure essence

Qui prépare les forts aux saintes voluptés !

Je sais que vous gardez une place au Poëte

Dans les rangs bienheureux des saintes Légions,

Et que vous l’invitez à l’éternelle fête

Des Trônes, des Vertus, des Dominations.

Je sais que la douleur est la noblesse unique

Où ne mordront jamais la terre et les enfers,

Et qu’il faut pour tresser ma couronne mystique

Imposer tous les temps et tous les univers.

Mais les bijoux perdus de l’antique Palmyre,

Les métaux inconnus, les perles de la mer,

Par votre main montés, ne pourraient pas suffire

À ce beau diadème éblouissant et clair ;

Car il ne sera fait que de pure lumière,

Puisée au foyer saint des rayons primitifs,

Et dont les yeux mortels, dans leur splendeur entière,

Ne sont que des miroirs obscurcis et plaintifs ! »

II

L’ALBATROS

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !

L’un agace son bec avec un brûle-gueule,

L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poëte est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

III

ÉLÉVATION

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,

Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,

Par delà le soleil, par delà les éthers,

Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,

Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,

Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde

Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;

Va te purifier dans l’air supérieur,

Et bois, comme une pure et divine liqueur,

Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins

Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,

Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse

S’élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,

Vers les deux le matin prennent un libre essor,

— Qui plane sur la vie, et comprend sans effort

Le langage des fleurs et des choses muettes !

IV

CORRESPONDANCES

La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

L’homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,

— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,

Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,

Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

V

J’aime le souvenir de ces époques nues,

Dont Phœbus se plaisait à dorer les statues.

Alors l’homme et la femme en leur agilité

Jouissaient sans mensonge et sans anxiété,

Et, le ciel amoureux leur caressant l’échine,

Exerçaient la santé de leur noble machine.

Cybèle alors, fertile en produits généreux,

Ne trouvait point ses fils un poids trop onéreux,

Mais, louve au cœur gonflé de tendresses communes,

Abreuvait l’univers à ses tetines brunes.

L’homme, élégant, robuste et fort, avait le droit

D’être fier des beautés qui le nommaient leur roi ;

Fruits purs de tout outrage et vierges de gerçures,

Dont la chair lisse et ferme appelait les morsures !

Le Poëte aujourd’hui, quand il veut concevoir

Ces natives grandeurs, aux lieux où se font voir

La nudité de l’homme et celle de la femme,

Sent un froid ténébreux envelopper son âme

Devant ce noir tableau plein d’épouvantement.

Ô monstruosités pleurant leur vêtement !

Ô ridicules troncs ! torses dignes des masques !

Ô pauvres corps tordus, maigres, ventrus ou flasques,

Que le dieu de l’Utile, implacable et serein,

Enfants, emmaillota dans ses langes d’airain !

Et vous, femmes, hélas ! pâles comme des cierges,

Que ronge et que nourrit la débauche, et vous, vierges,

Du vice maternel traînant l’hérédité

Et toutes les hideurs de la fécondité !

Nous avons, il est vrai, nations corrompues,

Aux peuples anciens des beautés inconnues :