Les mémoires d'Edalf - Tome 1 - John Baker - E-Book

Les mémoires d'Edalf - Tome 1 E-Book

John Baker

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Beschreibung

À treize ans, Halfdan découvre de manière inattendue qu'il est l’héritier d’une lignée de « héros » remontant à cinq mille ans. Son ancêtre, Arymir, avait été choisi pour repousser les armées des Ténèbres, à la manière d'une Jeanne d’Arc, afin de préserver les royaumes en paix. Cependant, rien ne se passe comme prévu pour Halfdan, qui devra d'abord apprendre à se vaincre lui-même avant de pouvoir affronter les dangers qui le guettent.

Dans ce premier tome émouvant et riche en aventures, **John Baker** lance la série *L’héritier*, où se mêlent mystères anciens et quêtes héroïques. Entre luttes intérieures et combats épiques, Halfdan devra découvrir si les légendes de ses ancêtres peuvent véritablement sauver le monde... ou s'il existe une autre voie.

À propos de l'auteur :

**John Baker** signe avec *Les Mémoires d'Edalf* son premier roman, une saga fantasy où il réunit tous les éléments d'une aventure épique. Ce récit captivant invite les lecteurs à explorer un univers où légendes, mystères et héroïsme se côtoient dans une quête pour la vérité et l’espoir.

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John Baker

Les mémoires d’Edalf

Tome 1 : l’Héritier

Fantasy

Fantasy

Illustration graphique : Graph’L

Images : Adobe Stock

Éditions Art en Mots

« Car rien n’est bon ou mauvais en soi, tout dépend de notre pensée. »

Shakespeare

Hamlet

Les personnages

— Halfdan, dit le « Rouquin ». Son nom signifie « demi-roi » ou plus vraisemblablement « moitié d’un roi » en vieux norrois.

— Cordellia, sa gouvernante.

— Firmund, un mage surnommé le « Consacré ».

— Ruan, un chevalier.

— Narie, une Elfe archère.

— Dalamum et Ralamum, des jumeaux Elfes Miniatures.

— Arymir, prophétesse dont la descendance est l’héritière ou l’héritier.

— Hartavskull, dit le « Ténébreux de Quavart » et véritable tyran.

— Gorid-Dür, le dieu sombre de Hartavskull.

— Marielle de Gardana, la reine des Elfes dont le royaume est à l’est.

— LUNIQUE Dieu, dit le « Créateur ».

— Arnaëlle et Gardefer, parents de Halfdan et orfèvres de métier.

— Eddington et Jarefir, les « Hommes de bien ».

— Vivadie di Hermania, ou « di Kermessa », reine du royaume des Hommes à l’est.

— L’empereur Émérite, souverain de Honnored.

La Fable de lafuite précipitée

Prologue

La Fuite

I

A

utrefois existait un temps de paix. Enfin, c’était il y a très, très longtemps.

La famille de Halfdan habitait paisiblement Gollora avant que n’éclate la terrible « Guerre-Edalfirienne ».

« L’Âtriel » était le nom donné par ses parents à leur chaumière centenaire en raison de ses deux superbes âtres sculptés dans le bois par l’ébéniste le plus réputé du royaume. On en trouvait un fort utile dans la cuisine et un autre pour leur confort dans le séjour.

Au-dessus du manteau de la cheminée du salon, le tableau du blason familial était fièrement accroché, représentant un arbre, un soleil, ainsi qu’un bâton et une épée entrecroisés, soit les valeurs primordiales de leur emblème.

Le couple reçut l’Âtriel comme présent par leurs pères et leurs mères à leur mariage. Ornées par de jolis rideaux de dentelle, les fenêtres à carreaux reluisaient d’une propreté impeccable.

La maison peinte de blanc, aux volets jaunes et au toit triangulaire était entourée de fleurs sauvages et d’un jardin de roses aux couleurs de l’armoiries de la famille, c’est-à-dire le blanc, le rouge et le jaune.

Aussi, une magnifique clôture de bois peinte coquille d’œuf délimitait l’immense domaine de l’Âtriel.

À quelques pas de la maison sur la gauche se trouvait l’atelier d’orfèvrerie familial. Ce fut dans le grenier de cet atelier que Halfdan entama – qu’on surnommait par ailleurs le Rouquin – le martèlement de son propre bouclier arborant leur blason. Ce dernier leur était en effet transmis de génération en génération par sa lignée maternelle.

Un potager, rempli d’une multitude de légumes et aménagé non loin de la maison à sa droite, servait quant à lui de passe-temps à sa mère. Cette dernière était une artiste. Elle était une parfaite jardinière en plus d’être cordon bleu. Elle boulangeait avec art son pain de seigle noir pour les aubergistes-restaurateurs de Gollora et de la région. Aussi, les nobles de Honnored ne juraient que par ses délicieuses pâtisseries aux fruits, cueillis avec le plus grand soin au plein cœur de l’été.

À présent, Halfdan était assis en attendant ses parents, comme à son habitude pour tous les repas, à la table de la salle à manger accompagné de son calepin de notes au sein duquel il rédigeait des poèmes racontant ses états d’âme d’enfant unique.

La salle à manger était décorée avec goût et raffinement. L’on pouvait y trouver quotidiennement des fleurs fraîches et odorantes dans un magnifique vase d’argenterie fabriqué par le père du Rouquin, Gardefer.

En riant, le paternel et la mère de Halfdan entrèrent dans la pièce, puis vinrent s’asseoir à la table en compagnie de leur fils suivis par Cordellia, leur bonne. Leur domestique était chargée de plats de nourriture riches et somptueux prêts à être consommés.

Ils échangèrent les uns envers les autres des politesses et des phrases d’usage. Ils remercièrent aussi leur excellente gouvernante pour le savoureux repas qu’elle leur avait préparé avec son raffinement reconnu de tous. Ils rendirent également grâce à la vie et à Dieu LUNIQUE pour cette abondance. Par la suite, Cordellia les quitta gentiment pour repartir à ses fourneaux.

Pendant le déjeuner, Gardefer, le père de Halfdan, racontait comme d’ordinaire son travail du matin sur de l’étain.

De fait, Halfdan mangeait dans la bonne entente tout en plaisantant avec ses parents. Âgé de dix ans, il travaillait déjà les métaux, commençait à fabriquer des armures avec son père, Gardefer, pour l’armée du Roi de Honnored, en plus d’effectuer certains ouvrages plus rigoureux. Halfdan rêvait déjà de devenir un orfèvre aussi réputé que son paternel, car ce dernier ne cessait de complimenter le travail de son fils.

Or, secrètement, les parents du Rouquin étaient impliqués dans une fraternité en tant qu’adeptes d’un ordre religieux à la gloire de LUNIQUE. Ils y occupaient chacun des postes de responsabilité. Et puis, ils accomplissaient des missions pour repousser l’avancée des Ténèbres en Honnored qui se faisaient de plus en plus pressantes au fur et à mesure que les temps avançaient.

La rumeur des « Temps Nouveaux » des Ténèbres se faisait beaucoup plus harcelante aujourd’hui à l’oreille des seigneurs et du peuple que ce qu’elle n’avait naguère été, autrefois, à ce que les bien que rares nouvelles qui leur parvenaient du sud et de l’ouest racontaient. De plus en plus de marchands itinérants en parlaient à quiconque le désirait au sein des carrefours des villages ainsi que sur les places des grandes villes, craignant une fois de plus une guerre imminente entre les nations…

Mais avant de traiter de telles choses affreuses et pour en revenir à Gollora et au Rouquin, Halfdan et ses parents avaient le même signe qui les distinguait des autres Golloriens, soit des cheveux de couleur feu. Le père, en revanche, arborait des mèches brunes dans ses cheveux roux, qui étaient certes plus foncés que ceux de son fils.

Depuis une quinzaine d’années, le paternel ainsi que la mère de Halfdan, Arnaëlle et Gardefer, surnommé lui-même l’Orfèvre, étaient des marchands de pièces d’argenterie et d’étain ainsi que les principaux armuriers et fournisseurs de l’armée du Roi. Ils étaient les seuls artisans de ce genre à Gollora. Cela leur permettait manifestement d’avoir une entreprise des plus lucratives et florissante, à l’abri de la misère. De plus, ils possédaient assez de moyens pour marchander et pour se procurer des matériaux dans l’ouest de Honnored ainsi que pour payer leur tribut au seigneur de castel, qui régnait sur la région, lorsque le collecteur d’impôts royaux passait aux environs du cinq de chaque mois.

Gollora était une plaisante ville champêtre où tous se connaissaient et où certains même s’entraidaient. Cette dernière, prospère et heureuse, se situait à plusieurs kilomètres de Lokahal-La-Piété, la grande capitale du Premier-Royaume des Hommes de Honnored qui se trouvait être sous la gouverne de l’empereur Émérite, au nord-ouest de ces terres dites « majoritaires » et au sein même du continent d’Edalf.

Au sud, toutefois, régnait un prince mystérieux et maléfique, d’après certains messagers passant par Gollora.

Jadis, il y a de cela plus de cinq mille ans, les forces lumineuses et armées de tous les royaumes jusqu’au pays des Elfes de Gardana dans l’est durent affronter une prodigieuse et exceptionnelle menace.

En effet, le prince machiavélique, cette hideuse personne, prêchait avec despotisme le culte maléfique de Gorid-Dür, le dieu préféré de l’Obscurité-Maîtresse, celui que l’on appelait communément « Inimdiabolis ». Ce malfaisant « prêtre » possédait le pouvoir de détruire pratiquement tout ce qui existait par sa simple volonté. Absolument rien ne lui résistait. Tout lui cédait, indubitablement.

Ce dernier, à la grande soif de sang frais, se nommait Hartavskull.

Le Ténébreux de Quavart…

Cinq mille années auparavant, lors du Premier Âge du continent d’Edalf, les Elfes, les Hommes, les Nains et les Autres Peuples de la Lumière durent affronter les effroyables hordes du Ténébreux composées de milliers de barbares que rien n’arrêtait, violant les femmes sur leur passage, n’épargnant ni les vieillards, ni les enfants, ni les infirmes.

Le supplice favori des « Ténèbres » du prince consistait à empaler les hommes ainsi que leurs benjamins avant de les faire carboniser au bûcher sacrificiel en témoignage de leur adoration et de leur dévouement à leur dieu bienaimé, Gorid-Dür.

Leur tenue vestimentaire se composait d’épaulettes et de plastrons, eux-mêmes garnis de piques et décorés de têtes de mort, tachés du sang séché de leurs victimes, y compris de celui des leurs. Sur leurs casques noirs, l’on pouvait voir les couronnant, bien sûr, les scalpes de leurs conquêtes. Hideux, sans merci et répugnants, ils étaient. Et c’était peu dire…

Le continent avait bien failli sombrer et basculer du côté de l’Ombre, à cette époque. Après la victoire des Peuples Lumineux sur Hartavskull, plus personne n’avait le droit de s’aventurer un tant soit peu jusqu’au gouffre profond séparant Honnored de la Terre « Brisée » d’Aesrit. Aujourd’hui encore, personne ne devait enfreindre cette loi approuvée unanimement par l’Union des Quatre-Grands-Royaumes sous peine d’être exilé à tout jamais des contrées alliées et d’être considéré comme un pactisé des Ténèbres.

Soudainement, Arnaëlle, Gardefer, Halfdan et Cordellia entendirent un crieur à cheval galopant dans les rues de la ville de Gollora et ébruitant un édit du roi de Honnored, le Premier-Royaume des Hommes. Cette loi nouvelle interdisait désormais toute forme de pratique religieuse en le pays, sous peine d’emprisonnement jusqu’à ce que mort s’ensuive. À l’aide de tortures infligées par un impitoyable bourreau, les dissidents seraient punis à coup sûr.

À cette époque, la régence des quatre royaumes, soit Honnored, Jardale-Dalemèrie, Hermanie et Gardana, était politiquement instable. Les régents ne s’entendaient plus quant à la façon de diriger leurs royaumes en harmonie ; et les trahisons ainsi que les hypocrisies s’enchaînaient les unes à la suite des autres. Par ailleurs, les liens de confiance furent définitivement rompus lorsque le roi de Honnored annonça sa possible alliance avec Hartavskull, le célèbre et infâme Ténébreux de Quavart. De fortes et houleuses discussions conduisirent à la rupture de l’Union-des-Quatre, qui ne furent alors plus que trois.

Hartavskull, maintenant l’allié de Honnored, désirait abolir tous les cultes et ordres religieux du continent Edalfirien à l’exception bien entendu de celui de Gorid-Dür, son dieu. Pareillement, Hartavskull s’était jadis retiré de l’Union lors du Premier Âge – l’on était actuellement au Cinquième Âge – et désirait maintenant raviver la flamme du culte de son maître bienaimé partout en Edalf, à commencer par son institution immédiate en Honnored.

Sitôt la proclamation de l’édit, les parents de Halfdan se levèrent de table, puis firent semblant d’aller chercher le dessert à la cuisine, enjoignant énigmatiquement leur fils à « rester bien assis sur sa chaise » tandis qu’ils s’absentaient pour un temps.

Au lieu de cela, Halfdan désobéit et prêta l’oreille à la porte afin de savoir ce que ses parents chuchotaient au juste à Cordellia en secret.

Les écoutant de l’autre côté, Halfdan ressentit momentanément une vive inquiétude. Sentant sa gorge se nouer, il devint de plus en plus anxieux au fur et à mesure des délibérations.

Il respirait à peine.

Mais quel pouvait bien être le sujet de leur discussion ? Le Rouquin n’entendait à présent que quelques bribes de leur conversation. Le ton de leurs voix, néanmoins, augmentait perceptiblement au cours des pourparlers. Tout à coup, Halfdan se prit à ouïr sa mère sangloter. Maintenant, leur échange était devenu un débat orageux débordant d’émotions. Soudainement, Cordellia leur confia tout bas : « Madame, vous pouvez me faire confiance, puisque je me suis toujours occupée du petit. »

Aussitôt, l’intéressée prévint, se souciant justement du "petit" : « Gardefer ! Tu ne peux pas décider pour lui. Tu ne peux prendre cette décision sans lui, sans son consentement. »

Elle essayait tant bien que mal de parler à voix plus basse malgré ses pleurs tout en tentant de peine et de misère à convaincre son mari de considérer l’opinion de leur fils.

Cependant, à présent, Halfdan se questionnait à propos du choix qu’ils devraient faire pour lui, puisque c’était sans doute lui, le « petit ». Mais pourquoi parlaient-ils de lui, en plein désaccord dans la cuisine, après s’être levés si bizarrement de table, feignant inopinément d’aller chercher le dessert ? Tout cela ne disait rien qui vaille au Rouquin.

« Arnaëlle, tu le sais bien. Des Ténèbres encore plus sinistres que celles d’autrefois envahiront les cieux… Comme dans la Prophétie, l’édit du Roi vient d’être crié à Gollora ! Ainsi, malheureusement, nous devons partir expressément de notre domaine, l’Âtriel, puisque le Souverain Honnoredien nous y contraint désormais. Nous n’avons plus d’autre choix. Une seule option s’offre à nous… »

Au même instant, Arthur, le chien de la famille, aboya puissamment sur un autre de ces crieurs, parce qu’ils étaient dorénavant plusieurs à circuler sur les chemins, et celui-ci décampa à toute vitesse, craignant le molosse. Ainsi donc, Halfdan, l’entendant japper fortement, se décida à le faire rentrer dans la maison. Ce qui, pensa-t-il alors, le couvrirait d’avoir transgressé l’ordre de ses parents, car il les avait espionnés derrière la porte de la cuisine.

« Papa, maman ! Je fais rentrer Arthur avant qu’il ne brise sa chaîne.

— J’arrive dans un instant avec le dessert, mon garçon ! lui répondit sa mère. Après t’être occupé de ton chien, pourrais-tu ranimer le feu dans l’âtre ?

— Bien sûr, mère. »

Halfdan alla détacher Arthur, puis revint en compagnie de son animal à l’Âtriel. Ce dernier, par sa force débordante de loyauté et d’affection à son égard, ne put s’empêcher de sauter sur son maître en lui léchant abondamment la figure au risque de le renverser. Il s’agissait d’un berger des montagnes au poil long couleur de blé, aux oreilles hautes et fières. Ses yeux couleur noisette pouvaient, semblait-il, pénétrer jusque dans les tréfonds de votre âme lorsque vous croisiez son regard.

« Arrête, ça suffit ! lui intima après quelques instants Halfdan, essuyant du mieux qu’il pût son visage avec le revers de sa manche. Je t’aime bien moi aussi, Arthur ! Arrête. Je dois rallumer les braises de l’âtre du séjour à l’aide du soufflet avant que le feu ne meure. »

Promptement, Halfdan y déposa aussi quelques bûches.

« Enfin, le feu réchauffe notre demeure, Arthur, en ce début de la saison des récoltes. »

Arnaëlle, suivie de Gardefer, sortirent alors de la cuisine en apportant avec eux une belle tarte aux pommes parfumée à la cannelle, ce qui ne put qu’apaiser les appréhensions de Halfdan.

Aussi, les maîtres de l’Âtriel invitèrent Cordellia à venir partager le dessert avec eux, ce à quoi elle acquiesça aimablement.

Néanmoins, de façon assez inopinée, Halfdan remarqua que sa mère avait les yeux rougis et que son père avait l’air sérieux et pensif. Afin de détendre l’atmosphère, sans doute, Cordellia proposa à Halfdan de venir avec elle cueillir quelques pommes au verger pour la fournée de gâteaux qu’Arnaëlle avait promise pour le lendemain au seigneur du castel de Gollora.

Avant de quitter l’Âtriel, tous débarrassèrent la table et firent la vaisselle. Peu à peu, visiblement, la joie parut leur revenir, mais Halfdan n’était pas dupe pour autant. Qu’avaient-ils bien pu dire à Cordellia pour que cette dernière console sa mère en ces termes : Madame, vous pouvez me faire confiance, puisque je me suis toujours occupée du petit ? Qu’avaient-ils derrière la tête ? Que planifiaient-ils, seulement, sans que leur fils ne le sache ? Pour sa part, désormais, Halfdan ne savait plus trop que songer. Toutes ces pensées s’entremêlaient si vite dans sa tête qu’il préférait amplement la prudence à l’insouciance qui lui était propre, néanmoins, parce qu’il était un enfant et parce que cela était plus fort que lui.

Gardefer partit de la résidence familiale le premier afin d’aller poursuivre son ouvrage entrepris à l’atelier en matinée. Puis, Halfdan et Cordellia, accompagnés de leur chien fidèle, quittèrent l’Âtriel avec leurs paniers en direction du verger non loin.

« Choisis-moi cinq pommes bien mures de plus, Halfdan, pour que je puisse t’en faire une compote à ton retour ! Bonne récolte à vous deux », leur souhaita la rayonnante Arnaëlle en leur faisant un « au revoir » de la main.

Ce fut alors qu’une brûlante et claire larme lui coula tout le long de la joue.

Chagrinée, elle s’en alla rejoindre son époux à l’atelier pour finaliser leur plan de fuite et envisager ce qu’ils pourraient bien préparer de plus afin qu’Halfdan puisse s’en sortir sans eux.

*****

II

*****

Lorsqu’ils arrivèrent au verger, le Rouquin fit observer à Cordellia les pommiers gorgés de leurs fruits. Leurs grosses branches touchaient presque au sol tellement elles étaient chargées.

Halfdan s’en délecta de quelques-unes avant d’en mettre dans son panier. Amicalement, Cordellia en fit tout autant.

Après leur cueillette, le Rouquin s’étendit sur une couverture de lainage à carreaux, question de rêvasser un peu avant de retourner à la maison et de voir se dessiner des nuages formant parfois des images resplendissantes dans la voûte céleste. Pendant ce temps, Cordellia s’amusait avec Arthur dans le verger. Ce dernier courrait d’ailleurs pour la séduire avec une pomme dans la gueule à chaque fois qu’il revenait vers elle.

Cependant, une pluie drue, inattendue et anormalement chaude tomba abruptement et un vent de tempête s’éleva sur Gollora et ses alentours, ce qui sortit Halfdan de son imaginaire. Ils ramassèrent en vitesse leurs effets et prirent le sentier pour rejoindre l’Âtriel.

*****

III

*****

Affolés par l’orage et essoufflés par leur marche rapide, ils parvinrent à rejoindre tout de même le domaine en temps.

Dorénavant, le ciel se chargeait impulsivement de colère. Pour démontrer leur puissance et pour couronner le tout, les nuages gris et menaçants restaient immobiles au-dessus de la cité.

Le tonnerre grondait. La foudre traçait des signes de fin du monde. De monstrueuses tornades se formaient et le vent hurlait de déchirantes menaces. Emplis de jurons angoissants, manifestement, les cris de la nature prophétisaient en quelque sorte Hartavskull.

Les parents du Rouquin s’empressèrent d’accueillir Halfdan, Cordellia et Arthur. Fébriles et tremblants d’émotions, ils racontèrent leur course vers l’Âtriel. Pendant ce temps, Gardefer leur apporta à tous trois des couvertures afin qu’ils puissent se réchauffer.

Après leur récit, Arnaëlle alla coucher et border Halfdan. Épuisé, ce dernier s’endormit rapidement.

Cette nuit-là, le Rouquin eut un sommeil exceptionnellement agité. Intuitivement, il pressentait que quelque chose d’inévitable et d’irrémédiable était pour arriver.

Durant cette nuit qui changerait à tout jamais son existence, il rêva abondamment. Il fit un drôle de cauchemar dans lequel ses parents devaient quitter Gollora sans lui.

Il entendit également Cordellia répéter sans cesse à sa mère dans son sommeil : « Madame, vous pouvez me faire confiance, puisque je me suis toujours occupée du petit. » Ce songe empreint de réalisme le réveilla avant l’aurore. Frissonnant, il se dirigea tout en sueur vers la chambre de ses parents, mais ne les y trouva pas.

Paniqué, il alla réveiller Cordellia pour lui raconter son rêve noir.

Elle voulut le rassurer en lui disant que ses parents étaient possiblement à l’atelier, ce qui ne fit toutefois pas s’évanouir l’angoisse du Roux. Elle lui offrit alors de lui préparer une tasse de lait chaud afin qu’il puisse se rendormir paisiblement jusqu’au matin.

Ils descendirent donc à la cuisine, puis entreprirent de discuter à la salle à manger une fois leurs tasses brûlantes.

Surpris, ils y découvrirent une lettre écrite de la main de Arnaëlle leur révélant que ses parents avaient dû prendre obligatoirement la décision de quitter Gollora et qu’ils y laissaient non sans chagrin leur enfant aux bons soins de Cordellia, puisqu’elle était sa gouvernante depuis sa naissance.

Néanmoins, il y avait dans cette lettre une phrase mystérieuse, presque ésotérique : « Qu’à travers les yeux de Cordellia, Halfdan pourrait toujours entrevoir la tendresse de sa mère… »

Ainsi, il ne délirait pas. Il avait bel et bien entendu leurs voix dans son cauchemar.

C’était la plus triste vérité.

Subitement, Halfdan fut envahi par la peur, le chagrin, le désespoir, l’inquiétude et la détresse. Il ne put que s’effondrer au sol. En s’écroulant, il émit un gémissement de douleur intense. Il ne savait que faire d’autre, sinon pleurer sur le sort qui lui était à présent destiné.

Il était seul au monde.

Tendrement, Cordellia le prit alors dans ses bras et il pleura.

Si le monde n’était pas compté, nous serions une armée sans conscience.

Livre Premier

Chapitre Premier

Gollora assiégée

I

G

ollora était une ville pacifique et tranquille située à une journée de marche de la Mer Damora, la plus vaste de toutes celles qui longeaient le continent d’Edalf. Au nord de cette cité heureuse se dressaient de hautes montagnes aux pics embrumés, recouverts de glace, communément appelées les Monts Vénérables par les Hommes de Honnored.

En effet, cette splendide cité, Gollora, avec ses belles murailles, était la bourgade la plus prospère de l’est du Premier-Royaume des Hommes, Honnored-Le-Grand, puisque bon nombre de commerçants itinérants – dont les charrettes débordant de provisions étaient tirées par des buffles – y venaient pour solder leur butin ainsi que pour s’y restaurer avant de regagner la capitale, la Très-Fervente Lokahal-La-Piété.

Mais avec crasse, sur la belle Gollora, planait depuis dorénavant quelques années le spectre d’une présence sanguinaire et sans pitié, voire légendaire, celle du perfide et incendiaire Hartavskull, dit « le Vil-Ennemi » et « Ténébreux de Quavart ».

Depuis la fin du Premier Âge – où il y eut la plus grande de toutes les guerres vécues par l’Humanité –, plus personne ne voulait vraiment entendre parler de Hartavskull. Plus personne ne voulait non plus se ressouvenir de sa bestiale cruauté. Et puis, d’aucuns ne souhaitait se remémorer qu’il jouissait ignoblement devant les cris d’agonie de ses victimes. C’était que Hartavskull dégustait avec délice chaque moment de torture qu’il infligeait, ou qu’il faisait infliger, à tous ceux qui lui résistaient et qui le méritaient selon lui.

On le décrivait comme démesurément grand avec un teint grisâtre, une carrure de titan, affublé d’un appétit d’ogre, d’yeux de feu globuleux injectés de sang et d’une vision telle que celle d’un rapace immoral, d’un charognard. De plus, l’on racontait qu’un seul regard de sa part pouvait vous foudroyer, provoquant prématurément votre mort.

Les Golloriens et les autres Peuples Lumineux étaient dégoûtés depuis leur rixe, lors de la grande guerre du Premier Âge, à l’idée de parcourir ou de marchander en les terres de Hartavskull – désormais accessibles aux nations –, en la contrée enténébrée d’Aesrit, en les territoires damnés et obscurs du sud-ouest des Terres Majoritaires. L’on disait que ce sol, tellement il avait été labouré et souillé par les Ténèbres, était depuis maudit.

Superstitieusement, afin de préserver le souvenir de tous les crimes de guerre commis par le Ténébreux Hartavskull, une loi, entérinée par l’ensemble des Peuples Lumineux, y compris les Gnomes et les Nains d’Azaldör au sud, prévoyait l’interdiction d’outrepasser la frontière de Honnored jouxtant celle de l’Aesrit, qui était elle-même et de toute évidence la dernière terre connue. C’était bien là la Terre Brisée. Cependant, tous – y compris les Elfes à l’est – avaient d’abord cru à la mort de Hartavskull, qui n’était néanmoins que présumée à l’époque.

Il n’en était en revanche rien, puisqu’il s’en était sorti malgré le trépas certain d’Arymir, surnommée la « Prophétesse-Héroïque », abattue par le Ténébreux de Quavart lui-même lors de ces temps troublés.

Et c’était donc bien celui-là même qu’on avait cru pareillement éliminé par la main de la Sainte.

Malicieusement, Hartavskull utilisa l’un de ses simulacres prestiges magiques pour se dérober de la grande guerre du Premier Âge et de ses poursuivants, puisqu’il la savait perdue pour lui. Il laissa sa fumiste et fausse dépouille derrière lui, retournant à Quavart afin d’y imaginer, d’y ruminer et d’y concevoir sa future vengeance.

Avant la rupture de l’Union-des-Quatre-Grands-Royaumes, Hartavskull, désormais de retour pour réaliser ses sombres desseins, alla rendre visite au roi de Honnored. Après de multiples et envoûtantes tractations, il finit sans trop de peine par séduire le sieur de l’ouest, ce dernier devenant de ce fait son vassal et un pactisé des Ténèbres.

Par sa rébellion, Honnored provoqua inéluctablement le schisme des grands royaumes, ce qui mena certainement à la rupture de l’Union-Humaine constituée des Elfes et des Hommes.

À l’époque de la finalisation et de la signature du pacte entre Hartavskull et l’empereur de Honnored, trois ans s’étaient écoulés et le même nombre d’années depuis le surprenant départ des parents de Halfdan.

L’enfant avait maintenant treize ans et les forces des Ténèbres essayaient de le retrouver.

*****

II

*****

Par une journée ensoleillée et ordinaire du mois de mars de l’an deux cent cinquante-cinq à la ville de Gollora, Halfdan, dit le Rouquin, descendit rejoindre Cordellia vers sept heures trente à la salle à manger pour le petit déjeuner comme à son habitude, avec ses yeux bruns bouffis du chagrin dû à son état d’orphelin.

Il s’était encore endormi en pleurant la veille, comme à chaque soir, depuis le départ prétendument obligé de ses parents. Que le pain de seigle noir de sa mère et les ouvrages de son père à l’atelier lui manquaient...

Son père et sa mère, Gardefer et Arnaëlle, l’avaient laissé à l’aube de son adolescence, c’est-à-dire à l’âge de dix ans, aux bons soins de sa gouvernante, Cordellia, soi-disant pour le protéger d’une menace qui leur demeurait pour l’instant assez énigmatique et opaque.

Ainsi, le Rouquin portait en lui une tristesse profonde. Que de chagrin, de désespoir et de crainte il avait vécus en s’apercevant de la fuite de ses parents... Puis, ils ne lui avaient laissé qu’un coffret contenant les titres de propriété du domaine familial – l’Âtriel – ainsi qu’un mot bref rédigé par sa mère il y a de cela plus de deux ans déjà :

Je suis désolée, mon cher Halfdan…

Pour ta sécurité, et par amour pour toi, nous avons dû nous enfuir de Honnored sans toi, ton père et moi, afin que personne ne nous retrouve.

Comme tu devais t’en douter sans doute, nous faisions partie d’un ordre sacré de chevalerie.

Nous étions visiblement devenus des proies faciles pour le sire d’Aesrit, mais pas toi. Toutefois, nos convictions personnelles te mettaient en très grand danger. Nous te laissons donc avec ta protectrice depuis toujours qui saura prendre soin de toi. Maintenant, elle devient ton parent adoptif… Sache qu’à travers les yeux de Cordellia, tu pourras toujours entrevoir ma tendresse.

Un jour, un « Homme de bien » au nez aquilin et au regard perçant viendra vous avertir tous les deux d’une imminente guerre. Cet « aigle », comme je le surnomme, fera de son mieux pour vous deux afin que vous puissiez échapper au malheur. Vous devrez écouter ses recommandations pour survivre.

Sache que nous t’aimons et que nous t’aimerons toujours, notre cher enfant.

Adieu, mon chéri…

Ta mère qui t’aime malgré l’ombre projetée par Hartavskull,

Arnaëlle

Ainsi que l’on pouvait s’y attendre, Halfdan ne comprenait pas toute la gravité de la lettre de sa mère. Pourquoi « quelqu’un » viendrait-il les prévenir d’un danger, d’une menace, d’une guerre ? C’était ainsi que beaucoup de mystères surgissaient de ce message terrifiant.

Malgré tout l’amour que lui prodiguait Cordellia, le chagrin l’envahissait à chaque fois qu’il repensait à ses parents. Il écrivait quotidiennement dans son calepin noirci afin de se consoler dans sa peine, l’écriture lui prodiguant quelque éphémère sérénité. Cependant, il lui arrivait souvent par malheur d’éclater en sanglots amers, assis sur son lit, en train de rédiger quelque composition de son cru.

Installé pensivement sur le banc de bois de la cuisine devant son petit-déjeuner, Halfdan, la tristesse dans l’âme, s’adressa, larmoyant, à sa gouvernante : « Cordellia… Je souffre tant de ne point savoir où sont mes parents. Que sont-ils devenus, après cette nuit d’automne ? Qui désirait leur faire du mal ? Et pourquoi ? Toutes ces questions habitent mon esprit depuis ces trois dernières années… Et toi, Cordellia ! Me caches-tu quelque chose ? J’ai treize ans, à présent. Je suis presque un homme, maintenant. Parle-moi… Raconte-moi ce que tu me caches. Je t’en supplie.

— Mon cher enfant, si tu savais comme j’aimerais répondre à toutes ces questions… Si tu savais. »

*****

III

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Soudain, après son repas et cette frustrante mais courte conversation avec Cordellia, tandis que Halfdan sirotait son second café calmement au séjour, assis sur le canapé « préféré » de ses parents, et que sa gouvernante vaquait à ses occupations dans la cuisine, son chien Arthur se mit à japper tout en scrutant l’extérieur par le biais de la fenêtre. Il venait alors d’avertir la maisonnée que quelqu’un arrivait.

Ce qui n’était donc pas si incroyable, quelques secondes plus tard, un étranger frappait effectivement à la porte de l’Âtriel. Néanmoins, Halfdan n’osa aller répondre tout de suite, car il était aux aguets depuis la lettre de ses parents et depuis que Honnored avait pactisé avec le Ténébreux de Quavart.

L’homme frappa de nouveau, qu’il était insistant !