Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
"Les mystères de l’Ascension" est une réinvention du mythe qui entoure l’affaire de Rennes-le-Château. À travers des univers parallèles inspirés de l’époque victorienne, des marins naviguent à bord d’un navire de guerre, défiant les périls de l’océan de la désolation pour revenir sains et saufs. Cette œuvre invite le lecteur à explorer les frontières étroites entre réalité et fiction, en révélant des vérités insoupçonnées dissimulées sous une intrigue envoûtante.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Pierre De Flamme explore les territoires liminaires entre l’imaginaire et le réel à travers ses œuvres littéraires. Après le succès de son roman "Les mystères de Rennes" publié par Le Lys Bleu Éditions en 2023, il nous convie à une nouvelle aventure palpitante avec "Les mystères de l’Ascension".
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 630
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Pierre De Flamme
Les mystères de l’Ascension
Roman
© Lys Bleu Éditions – Pierre De Flamme
ISBN : 979-10-422-3220-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Les mystères de Rennes, Le Lys Bleu Éditions, 2023.
Cet ouvrage est un
roman dieselpunk
et du
fantastique exact.
Plongé dans un étrange univers, le lecteur se demandera où se trouvent les limites entre son imaginaire et la réalité, entre un monde véritable et celui qu’il visite. (Les deux lignes ne sont pas parallèles, elles se croisent !) Et c’est bien dans la fabuleuse marmite de Rennes-le-Château que l’auteur, Pierre De Flamme est tombé lorsqu’il était enfant. Ce roman se déroule dans un navire de guerre qui se nomme : « L’Ascension ».Des soldats se battent pour défendre leur patrie contre les dangers que recèle l’océan de la désolation. La guerre contre les Gallians n’est pas loin non plus. Pierre De Flamme transpose des éléments de cette étrange affaire, du symbolisme ainsi que diverses métaphores maçonniques dans une seconde aventure à l’esthétique post-victorienne. Ce qui lui permet de la porter au plus haut et de la magnifier une nouvelle fois…
J’habitais Salem depuis des années. Je logeais dans une très belle maison basée dans une zone qui ne se situait ni trop près ni trop loin de la mer. Avant, j’étais commandant sur une vieille bicoque qui rouille maintenant quelque part dans le port de Providence. Elle fut autrefois le plus respecté des navires de guerre. Son nom était : « L’Ascension ». C’était un très beau bateau à vapeur (avec ses deux magnifiques et gigantesques roues à aubes) comme il s’en construisait à l’époque où de telles machines régnaient sur les océans ! Désormais, ces rois sont bien morts et leurs vieux squelettes sont entreposés dans le port qui est désormais devenu une sorte de très grande tombe à ciel ouvert (où ils continuent à se désagréger). Depuis des années, je me disais :
« Un jour peut-être, seront-ils définitivement revendus pour la casse et la découpe. »
Mon grand âge m’éloignait désormais de la mer et me demandait de rester sagement à quai… Je restais chez moi, dans une toute petite mansarde, chez nous, sous les toits, que j’avais bien fait d’aménager en appartement dans ma propriété. Je passais mon temps en compagnie d’enfants et de petits-enfants qui habitaient le reste de la maison. Ils s’occupaient du domaine viticole qui s’étendait tout autour de nous.
Nous vivions dans le plus petit État de Nordarcadie (et avec une toute petite superficie de trois mille cent quarante mille de surface). Le climat était bien frais pendant une bonne partie de l’année, mais cela ne nous empêchait pas de cultiver du pinot noir, du chardonnay et aussi du merlot. Ma famille proposait de beaux vins de cépages ! Notamment celui de merlot qui me régalait durant chacun des beaux jours que me construisait notre Grand Nautonier. Elle produisait aussi des vins d’assemblage pour la garde… Ils produisaient du bon vin BIO (et de façon écoresponsable, cela pouvait s’en dire !)
En effet, depuis que l’être Punkhumain existait, il n’avait fait que réchauffer l’atmosphère de l’Æther en brûlant du bois ou du charbon, en réchauffant de l’eau, puis en produisant de la fumée verte… Ce qui permettait des printemps plus longs puis des étés plus chauds. Un tel climat avait permis la plantation de vignes dans notre beau Rhode Island. Chaque automne, des saisonniers revenaient de tout l’État pour les vendanges… Il y avait les réguliers qui revenait toutes les années, les nouveaux et aussi ceux qui étaient de passage… Ces derniers étaient facilement reconnaissables dans le regard. Ils n’avaient jamais vécu cette initiation qui se nommait le bain du roi (ou immersion) lorsque les peaux de raisin abandonnaient toute leur teinture et que le vin (la mère) se plaisait à garder. La substance verte devenait rouge ! Mais moi, je n’avais plus trempé les deux pieds dans ces cuves (sur lesquelles était sculpté un visage à l’effigie du beau Saturne léonin verdâtre...) depuis longtemps ! Le jus vert était le dissolvant et les peaux rouges étaient le corps à dissoudre. Une opération mystérieuse se produisait ainsi à l’intérieur. Comme un lion vert qui donnait son sang à un lion rouge. Tout ceci ne me regardait désormais plus. J’étais loin des grandes heures glorieuses du passé. Bien trop loin !
Toutefois… Cela ne me dérangeait pas. Je savais que mon esprit me demandait de continuer d’avancer sur les océans. Je restais régulièrement assis sur mon fauteuil à bascule, presque tous les après-midi. Mais de cette hauteur, je pouvais encore regarder l’horizon et la mer. Je pourrais l’observer jusqu’au tout dernier jour. Parce qu’en bas, au rez-de-chaussée, j’étais comme dans les soutes : je ne voyais absolument rien ! Donc, je restais là, à m’extasier devant toutes les splendeurs océaniques en repensant (de temps en temps) à mon ancienne vie. Mais, un jour, un épisode bien particulier de cette existence de marin me revenait bien en mémoire. Ce jour-là, il faisait beau et tout se déroulait très bien… Mais, comme toujours, il fallait faire vite et être constamment en état d’alerte. C’était l’ambiance de rigueur sur un navire militaire de cent vingt mille tonneaux. En effet, je dirigeais un des plus grands Paddle Ships (P.S.) de toute la côte Nordarcadienne (un vapeur à aubes). C’était un gros monstre mécanique tout à fait impressionnant, tout fait de rouages et de vapeur qui portait une bonne dizaine d’aérostats. Je me tenais debout, dans la timonerie, au sommet du navire, juste à côté de mon second et légèrement derrière le franc barreur.
Devant moi se tenait une équipe de sept personnes qui géraient l’intégralité des instruments de bord. À tout instant (du plus calme au plus intense), nous devions tous connaître chacun des paramètres de notre bateau. (La vitesse calculée en miles, la pression des tuyaux ou des pompes, la température de la chaudière, la direction des vents et toute la route parcourue…) Le ciel était bleu et la mer était très calme. Cela me paraissait bien étrange vu les circonstances et l’état de tension qu’il y avait entre la Nordarcadie et les États du Sud. Nous regardions vers l’horizon. Tout à coup… Notre regard était attiré par la soudaine agitation des matelots (qui couraient vers la partie avant).
À bâbord ! Munis de vieilles armes à grenailles, les seules que nous avions à cette époque, les soldats s’étaient attroupés dans le but évident d’essayer de découvrir ce qui pouvait bien se cacher sous ma ligne de vision… Je constatais, parmi eux, la présence du première classe Lorentz. Et vu la largeur de notre bateau, la hauteur de mon poste d’observation ne me permettait quand même pas d’observer ce qui se tramait près de la ligne de flottaison.
Les jeunes matelots se penchaient dangereusement par-dessus le bastingage pour tenter de discerner une baleine bleue ou peut-être un quelconque poisson… Sous mon ordre, mon second ouvrait un tube acoustique (en cuivre) et ordonnait au première classe de venir nous rejoindre. C’était là, un système simple (mais efficace) qui conduisait assez facilement toutes les ondes de pression. Et le mécanisme était également équipé d’un sifflet qui pouvait fonctionner en cas d’alerte. Je me déplaçais de quelques pas (vers l’avant) et je me positionnais devant la Grande-Verrière de notre poste de commandement. Mais, je n’en voyais pas plus…Je constatais tout simplement la présence d’un attroupement confus de matelots qui se relayaient pour jeter un œil plus bas. Que se passait-il ? Je n’étais pas très satisfait de toute cette cohue. Le première classe Lorentz se dépêchait et je l’attendais avec impatience. Il arrivait enfin. Il entrait et je me retournais vers lui.
« Mais enfin que se passe-t-il, bon sang ? »
« Je marchais lorsque j’ai croisé différents groupes de matelots et de fusiliers qui couraient tous vers l’extérieur… Je leur demandais immédiatement ce qui pouvait bien se passer et quelle était la raison de leur folle course ? L’un de nos marins me répondait que le matelot Shepard avait aperçu un sous-marin Gallian partiellement émergé et totalement immobile. »
« Un sous-marin ? »
J’avais enfin la réponse que j’attendais. Mon sang ne faisait qu’un tour. Je donnais un nouvel ordre :
« Sifflez l’alerte ! Branle-bas de combat ! Tout le monde à son poste… Lancez les aérostats… Machines arrières, toutes ! Nous allons l’arraisonner. Vous mettrez au point mort. »
Le second ordonnait à un pilote de la timonerie d’appuyer sur un bouton qui déclenchait notre sonnerie générale par l’intermédiaire du sifflet d’active. Elle retentissait dans tout le navire.
« Ce n’est pas la présence du sous-marin qui a surpris le matelot Shepard, mon capitaine… Non, ce sont les quatre cadavres qui gisent sur la coque. »
« Que dites-vous ? »
Je lançais un nouvel ordre :
« Déployez les passerelles. À l’abordage, toute ! »
Je passais rapidement par une des deux portes de notre poste de commandement, je me dirigeais à l’extérieur. Des rafales d’un bon vent d’ouest attaquaient mon visage. Même s’il faisait beau et que l’air était assez chaud, la brise marine permettait à l’excès de température de redescendre à un niveau qui était plus raisonnable. Comme à mon habitude, je me retournais puis je regardais le beau drapeau qui flottait au sommet de notre seconde cheminée (celui du Rhode Island) comme si c’était la dernière fois que je le voyais. Un jour ou l’autre, la guerre allait éclater. C’était inévitable ! Un énorme choc manquait alors de me faire dégringoler sur le sol dur (en métal antidérapant).
« L’Ascension » avait bien vraisemblablement heurté un très gros objet. Cela ne pouvait être que le fameux sous-marin ! Finalement, je rentrais et je me dirigeais vite vers Lorentz qui m’attendait.
« Dites-moi tout. »
« Le matelot Shepard passait le long de la rambarde de sécurité lorsqu’il fut attiré par un bruit… Il regardait en bas vers l’océan et constatait la présence d’un objet de grande taille qui remontait des profondeurs.
Vu l’aspect métallique et mécanique, cela ne pouvait pas être une baleine et encore moins un poisson… Il continuait de regarder la progression de l’objet et comprit qu’il s’agissait d’un sous-marin. Était-il Nordarcadien ou Gallian ? Mais cette unique question fut très vite reléguée au second plan…
Car il s’apercevait très vite de la présence de plusieurs cadavres en partie dévorés par les poissons de mer. Ils étaient accrochés un peu partout sur la carcasse. Et certains avaient même l’air d’être collés par une sorte de bave gluante… Il courrait le dire au première classe Chester qui descendait dans un des étages inférieurs. Et qu’il avait croisé quelques minutes auparavant. Il changeait de direction et s’élançait dans une petite galerie. Il l’annonçait là à chacun des marins qu’il pouvait rencontrer dans les couloirs.
Le bruit de cette découverte se répandait vite de marin en marin comme une très longue traînée de poudre à l’intérieur de notre navire. Très vite, personne ne résistait à l’envie de venir voir ! Les hommes s’agglutinaient entre eux et formaient des groupes puis ceux-ci se réunissaient en une seule vague compacte qui déferlait comme un seul et unique homme sur le pont du bateau. Je croisais Collins. Il parlait frénétiquement… Je pensais qu’il était soudainement devenu fou. Il tentait de m’expliquer ce qu’il se passait. Je le rassurais et lui demandais de me parler plus calmement. Ne croyant pas son récit, je me précipitais donc à mon tour à travers le dédale de couloirs pour remonter sur le pont. J’essayais de me frayer un chemin dans la foule.
Collins venait. Le bruit des hommes, conjugué à celui de la mer, ne me permettait pas de très bien comprendre ce qu’il me disait. Il me criait de regarder là. Cela apparaissait dans un angle mort de notre navire. Je reconnaissais ainsi les insignes Gallians de tous les uniformes en partie déchiquetés. Je n’en croyais pas mes petits yeux de soldat, lorsque soudainement : « L’Ascension » heurtait une première fois la masse de métal inerte… »
Je venais ainsi d’écouter très calmement le récit entier de tout ce remue-ménage et son origine. Je me retournais, tout blanc, vers mon second. Je serrais le poing droit.
« Bon sang ! S’il nous avait tous percutés à pleine vitesse par la proue, nous aurions coulé à coup sûr. Je veux un rapport sur les dégâts. Que la coque soit inspectée. »
Edwards prenait l’ordre et il s’en allait vite le retransmettre. Je me retournais vers Lorentz.
« Le choc arrivait brutalement lorsque je regardais vers le bas. Je ne comprenais absolument rien du tout à tout ce qu’il venait d’arriver. Ma respiration se coupait un instant lorsque je venais d’attraper le bastingage… Je restais parmi ceux qui tenaient encore debout alors que la plupart des marins avaient valdingués par terre. »
J’interrompais mon subordonné :
« Bon, bon… Repartez et descendez donc une chaloupe avec des soldats. »
Le première classe Lorentz s’éloignait et il se rapprochait ainsi de notre porte intérieure lorsque celle-ci s’ouvrait (à toute vitesse). À ce moment précis, notre docteur Mac Lellan arrivait dans notre poste de commandement… Les deux hommes se croisaient en se saluant.
« Mais que se passe-t-il ? Est-ce vrai, ce qu’il se dit ? »
« Oui. Apparemment, nous aurions heurté un sous-marin Gallian et aussi quatre cadavres. Allez à l’infirmerie centrale et revenez avec des infirmières récupérer l’intégralité des cadavres. Une section de fusiliers va aborder cet engin à bord d’une chaloupe et nous allons faire descendre des passerelles par l’autre bord. »
Il me répondait en me saluant :
« Oui, mon capitaine. À vos ordres ! »
Il se retournait et il repartait aussitôt par tout le chemin qui l’avait conduit jusqu’à moi… Il me laissait me rediriger vers la grande baie vitrée. L’effet de surprise passé, la masse compacte et bruyante des soldats s’était dissoute (leur esprit devait se fixer sur leurs travaux). La plupart d’entre eux étaient repartis dans leurs quartiers de repos ou retournaient vaquer à leurs occupations. La volatilité des matelots restait légendaire. Je restais quelques instants à contempler une belle diminution du nombre des soldats (mais la contemplation n’était-elle pas l’ouverture du temple ?) Un commandant se devait de maîtriser l’équilibre de son bateau (dans tous les sens du terme). Chaque jour, il doit accompagner la tempérance de ses subordonnés comme il doit apprendre la prudence (aussi la force) pour lui-même. L’ensemble lui permet d’acquérir une certaine sagesse, la connaissance. Bon ! J’étais satisfait. Un tel évènement devait normalement être unique dans la vie d’un officier supérieur. Mais, après tout… N’étions-nous pas quelque part au large des États Gallians, à mille lieues de toutes côtes, en plein milieu de la mer de la désolation ? Dans leur haute cabine de treuil, les techniciens actionnaient les commandes d’un petit moniteur et s’occupaient de faire glisser les cordages qui descendaient une chaloupe avec neuf bons fusiliers habillés d’une Steam tenue militaire de protection bactériologique.
Enfin posée sur la mer, ceux-ci la décrochaient. Les quatre marins assis au centre pédalaient pour faire fonctionner une hélice qui les propulsait. Les quatre autres ramaient. Le dernier tenait notre gouvernail. La chaloupe tanguait ! Elle était partie pour se rendre à bord du sous-marin. Elle contournait la masse inerte de métal (et s’en rapprochait par l’autre bord pendant que les passerelles se posaient dessus).
La chaloupe venait le percuter tout doucement… Les soldats prenaient leurs armes puis l’assaut était lancé des deux côtés, protégé par les aérostats. Il fallait qu’une équipe restreinte soit constituée pour aller voir tout ce qui se passait dans la carcasse du monstre marin. Il était immobilisé ! À peine mes soldats avaient investi la partie supérieure qu’ils se dirigeaient vite vers les cadavres qui gisaient inertes sur la coque, afin de sécuriser le périmètre. Quelques instants plus tard, des voix venaient de tout en haut. Une seconde chaloupe descendait… Il s’agissait du docteur qui avait ainsi embarqué avec ses propres troupes à lui. Donc, sept infirmières… Lorsqu’ils furent à leurs tours posés, ils pédalaient pour se rendre sur le pont d’embarquement du sous-marin.
Là, ils constataient de visu que tous les corps étaient dans un état épouvantable, un état qui n’était absolument pas du tout normal. Les infirmières devaient (vite) les rapatrier dans la chaloupe. Elles étaient munies de sacs ainsi que d’une tenue de protection semblable à celle des soldats. Seule la couleur du tissu changeait ! Et l’un des fusiliers se demandait par quoi avaient-ils bien pu être attaqués. Car l’odeur était insupportable. Ils devaient avoir dérivé plusieurs jours ainsi sur cette carcasse (en métal noir) qui flottait sans vie. Ce n’étaient pas les matelots de « L’Ascension » qui avaient arraisonné le bâtiment ennemi et tué ses occupants. Quelqu’un l’avait fait. Mais…
Qui ? Ils grimpaient à l’échelle du kiosque, ils ouvraient le sas principal en prenant toutes les précautions d’usage puis se lançaient à l’intérieur. Ils criaient aux éventuels occupants de lever les mains et de se rendre. Un navire de guerre étranger n’avait rien à faire dans les eaux territoriales du sud, mais tous les marins du monde, en temps de paix, se devaient une mutuelle assistance. Et puis si tout se passait bien, tout le monde serait réexpédié saint et sauf. Le sous-marin était donc investi les armes à la main (par sécurité), mais il était hors de question de blesser qui que ce soit… Le lieutenant Stilman emboîtait rapidement le pas de ses soldats. Mais (en bas et à l’intérieur), la manœuvre d’attaque fut brève et rapide, car il n’y avait apparemment personne à bord… Ou du moins personne de vivant ! C’était bien l’horreur qui venait ainsi à leur rencontre. Il y régnait une puanteur abominable.
Des corps humains étrangement mutilés et violemment projetés contre les parois internes étaient dispersés (un peu partout). Une très grande quantité de sang était éparpillée partout sur le sol et sur les parois de la passerelle de commandement. En inspectant chacune des salles, les fusiliers comprenaient très (très) vite qu’une forme de mort inconnue avait imposé son silence partout, dans chacun des étages de ce sous-marin fantomatique. Notre docteur Mac Lellan arrivait à leur suite lorsque ceux-ci eurent tout sécurisé. Il commençait très vite à examiner les premiers corps humains et il constatait que ceux-ci avaient tous été mutilés, transpercés et déchiquetés. Les infirmières arrivèrent à la suite de notre docteur… Des civières venaient d’être descendues par l’intérieur du bateau. Elles étaient passées de main en main puis étaient descendues à l’intérieur du : « Redoutable. »
Le nom de la créature construite de rouages et de métaux dans un des nombreux arsenaux du royaume de Gallia était encore visible et notre personnel médical s’en souviendrait toute sa vie… Elles s’affairaient maintenant à l’intérieur et elles s’entraidaient à placer ce qu’il restait des corps dans les sacs tous prévus à cet effet puis, sur les civières… Ensuite, elles transportaient les corps jusqu’à la chaudière de notre bateau dans le but de les brûler. Il leur fallait être accrochés. Certaines (d’entre elles) vomissaient dans leur costume… Des soldats vomissaient eux aussi. Et l’intérieur du sous-marin était couvert par l’ombre de la mort ! Des morceaux de cadavres gisaient éparpillés un peu partout. Ils étaient mélangés pêle-mêle les uns avec les autres.
Les infirmières continuaient leur travail de nettoyage. Ensuite, elles seraient remplacées par le personnel d’entretien : des matelots de troisième classe. Cette découverte avait choqué tout l’équipage. Même ceux qui n’avaient pas assisté à cette scène, car la rumeur de la présence d’autres cadavres à l’intérieur du bâtiment ennemi avait (bien sûr) très vite filtré dans tous les compartiments du navire. Je décidais d’aller voir de (moi-même) ce qu’il en était et je confiais momentanément les commandes à mon second. Je quittais alors notre passerelle par la porte située à l’arrière. Je me dirigeais donc dans les différentes pièces en direction d’un escalier tout en spirale et en acier radié bien recouvert de métaluminium. Je descendais dans les étages inférieurs. Je comparais (vite) l’endroit dans lequel je m’engouffrais chaque jour à un insondable puits crotté. Il me paraissait descendre à chaque fois vers l’enfer. Là-haut, j’étais au paradis… Ma descente se terminait. Je me retrouvais devant l’entrée d’un très long couloir qui me conduirait jusqu’à la poupe. Je le savais !
Elle était marquée par deux colonnes qui contenaient, pour la toute première, un tronc central du circuit d’eau douce, propre. Pour la seconde, c’était une position privilégiée pour le rassemblement de tous les fluides électriques du navire.
Je l’empruntais sans attendre… Je marchais seul dans cette longue galerie. Et le bruit de mes pas résonnait en un écho monotone unique. La belle chaleur presque sensuelle des parois d’acier me rassurait. Je devais reconnaître et m’avouer que leur teinte précieuse m’envoûtait bien. Il m’arrivait de les caresser (quelquefois) en marchant. À vrai dire, j’étais tout simplement amoureux de mon beau bateau. N’était-ce pas normal pour un capitaine d’être fusionnel avec sa machine ?
Elles étaient éclairées par de (toutes) petites Punklampes de forme rectangulaire (qui indiquaient un étage, la zone et le couloir). Cela dit, je n’y faisais guère attention. Je connaissais parfaitement tous les recoins de mon bâtiment. La descente se poursuivait par un nouvel escalier puis par une nouvelle galerie… Je continuais à marcher tout droit devant moi, comme à mon habitude. Je m’imaginais régulièrement que les entrailles de cet immense vaisseau fonctionnaient comme celles d’un corps humain. La chaudière était le ventre de : « L’Ascension ». Elle engloutissait deux grosses tonnes de charbon par jours. C’était ce qui permettait de faire fonctionner la roue à aubes. L’énergie mécanique produite par la chaleur permettait aux roues de tourner… Le circuit d’eau formait un ensemble de veine et celui de communication était un canal lymphatique. La coque métallique (tout en acier radié) était une peau qui nous protégeait très durablement des évènements extérieurs (vent, intempéries de toutes sortes, fientes d’oiseaux et projectiles divers…).
Tout en haut, les immenses cheminées étaient comme deux sphincters qui évacuaient de grands panaches de fumée blanche puis noire (composées d’eau, de gaz carbonés et de différentes matières indésirables dangereuses pour l’environnement…) Notre atmosphère était bien plus haute (et bien plus vaste) que ce que nous pouvions imaginer, mais je m’inquiétais quand même de nos rejets. Je savais que tous les progrès (récents) réalisés en matière d’aérostats et aussi d’aérostations météorologiques nous permettraient là de bien mieux connaître les différentes altitudes de toute la masse gazeuse qui nous entourait. (Leur température, leur composition, etc.)
J’en revenais à mon couloir. Je tournais à droite. Ensuite, un peu plus loin, je croisais des soldats qui me saluaient en se raidissant. Je traversais le navire et parmi tous les escaliers qui menaient un peu partout, j’en choisissais un qui me permettait de me diriger vers une des passerelles baissées. Je m’y dirigeais, j’empruntais un nouveau couloir et j’arrivais vite vers la sortie. Quelques pas encore, quelques derniers pas et je sortais de la coque par le pont d’embarquement. La porte était déverrouillée et ouverte. De l’extérieur, celle-ci était tout à fait reconnaissable puisqu’elle était décorée d’un arbre blanc dont les toutes petites branches se propageaient jusque sur les gonds dorés de nos paumelles (mais après tout, l’arbre de la Kabbale n’était-il pas surnommé l’arbre des portes et des ponts. Et n’était-ce pas cela que les Gallians voyaient sur leurs billets libellés en Tournois ?) De petits embruns fouettaient mon visage.
Une écume très légère venait (dans un incessant ressac) s’écraser contre les parois extérieures de nos deux bâtiments. Je regardais tout autour de moi : nulle terre n’était à portée de vue ! Je retenais de justesse ma belle casquette pour qu’elle ne s’envole pas. Je manquais maladroitement de faire tomber mon beau monocle. Je détournais un instant mon regard vers le ciel.
Il m’avait semblé y remarquer un objet, mais je me ravisais aussitôt en me disant que j’avais peut-être rêvé. J’imputais cela à la fatigue ou à l’étrangeté des évènements qui se présentaient ainsi à moi. Je marchais sur cette passerelle en me tenant aux cordes et j’arrivais enfin sur le bâtiment ennemi. Si corps, il y avait effectivement eu, ils avaient été assez vite enlevés.
Conformément à mes ordres. Il n’y avait donc plus de corps juché sur cette carcasse extérieure. Je m’arrêtais un instant pour en lire le nom : Il s’agissait du : « Redoutable », je n’en avais jamais entendu parler alors qu’il était bien fort probable que durant leur vivant ces malheureux avaient eu connaissance du mastodonte que je dirigeais d’une main d’acier… Le rythme de mes pas me permettait d’avancer sur le pont d’embarquement de ce sous-marin Gallian au milieu des fusiliers qui scrutaient l’horizon en une longue haie d’honneur.
Je m’avançais vers un grand kiosque… Une très grande échelle se présentait devant moi ! Je grimpais jusqu’au sommet puis par le sas ouvert, je descendais dans le ventre de la bête. Je descendais encore. J’arrivais au premier niveau ou je constatais bien qu’une infirmière essayait de ranimer un jeune soldat qui s’était évanoui à force de trop vomir dans sa combinaison.
Je continuais ma descente en direction du second niveau inférieur et je devais dire qu’il s’en était bien fallu (et de peu) pour que je ne m’évanouisse moi également. Je sortais un mouchoir en tissu noir de ma poche pour m’en couvrir tout le nez. L’odeur était insupportable… Soudain, un soldat apeuré courait dans ma direction et me criait que nous devions tous fuir. J’entendais une série de tirs. Je me demandais alors ce qu’il se passait. Et le lieutenant, que je retrouvais, me disait qu’il n’en savait pas plus que moi.
Il envoyait le soldat demander du renfort. Nous partions (tous) en exploration et nous retrouvions les infirmières auprès de cinq corps qui étaient tous dans le même état que les autres. Elles étaient toutes apeurées. Je leur dictais :
« Remontez-moi ces corps et ne revenez pas avant nouvel ordre. »
Je les laissais s’en aller, tenant les corps entre les mains. Au bout de quelques instants, les tirs s’arrêtaient l’un après l’autre et nous nous retrouvions plongés un long moment dans un silence menaçant. Un groupe de soldats descendaient. D’autres remontaient des profondeurs. Je me demandais ainsi ce qu’il pouvait encore bien se passer. Je considérais là que cet antre maudit était enfin sécurisé. L’un d’eux arrivait vers nous tout haletant :
« Venez, venez… Au quatrième sous-sol. »
Je décidais ainsi de le suivre, rassuré par une telle garde. Je leur ordonnais d’être tout prêts à faire feu. J’accompagnais maintenant le soldat qui venait de me parler. Nous empruntions un énième couloir et ensuite, nous descendions encore plus en profondeur par une toute dernière cage d’escalier… Nous nous retrouvions (tous) tout près du système de propulsion. D’autres cadavres gisaient encore un peu partout. Un de mes hommes était là, blessé à son épaule par une arme qui m’était inconnue.
« C’est ici, monsieur. »
Je tournais la tête et je me stoppais net ! Un crâne énorme muni de cornes, des yeux verts globuleux et féroces, une bouche monstrueuse garnie de crocs, deux paires d’ailes avant et arrière dont l’une était munie de griffes, un corps sinueux, rayé et tout annelé, surmonté d’une sorte de grosse nageoire caudale. Elle se terminait par une multitude de mâchoires qui portaient elles aussi des dents acérées. Une bête gisait devant moi. J’en restais sans voix. Puis je m’écriais :
« Mais bon sang… Qu’est-ce que c’est ? Allez vite me chercher le docteur. Où est-il ? »
Je me tournais vers le fusilier blessé qui nous laissait. Mac Lellan était assez loin, ailleurs, dans un autre compartiment. Il examinait déjà une seconde créature. Et au bout d’une dizaine de minutes, il arrivait dans ma direction en compagnie de son guide.
« Allez à l’infirmerie centrale et faites-vous soigner. »
« À vos ordres »,lui répondait-il.
« Enfin ! »
Sa venue me réconfortait un tout petit peu… Une vague de terreur parcourait tout son corps. Il constatait vite la présence d’une seconde créature.
« Il y en a une autre dans le quartier des secondes classes. »
« Quoi ? »
Je le regardais et je me retournais vers la bête immonde qui gisait devant moi, morte.
« Avouez qu’il est difficile de croire à ceci ! », lui ai-je alors tout simplement dit. Il réfléchissait.
« Et si nous ramenions toutes ces créatures à terre, de manière à apporter au monde la preuve que de tels êtres existent ? »
Mais… Le docteur me posait cette seule question alors qu’il en connaissait déjà la réponse ! Autant demander à un initié s’il aimait les ténèbres, vous auriez peu de chance que la réponse soit négative ! Et en général, on peut aimer les ténèbres et les craindre. En général. On peut aimer la vérité et la craindre. Là aussi. J’étais donc prêt à tous les risques, en somme. Comme avec toutes les Steampunkies. J’en étais d’ailleurs à mon troisième mariage… Hélas ! Je me répétais toujours (tout de même) qu’habituellement, je ne m’engageais jamais sans un minimum de renseignements :
(Renseignements et contre-renseignement très divers). Je m’apercevais que j’étais atteint d’une grossière déformation professionnelle militaire aiguë. Toute cette affaire était résolue. Il ne nous restait plus qu’à remonter lorsque le sergent (Dan Adams) arrivait dans notre direction. Nous nous dirigions nous aussi vers lui, dans le couloir. Il me saluait et m’adressait la parole :
« Nous avons retrouvé ceci dans la main crispée d’un des corps que nous avons trouvé. »
Il me tendait un petit papier froissé, mais tout déplié. Je le prenais, je le défroissais légèrement et je le retournais et avec la plus grande des surprises, je lisais :
Oui. Tout ceci tenait bel et bien de l’apocalypse… Dans la soirée, l’intégralité des cadavres avait été transportée puis brûlée comme je l’avais ordonné. J’avais également demandé à l’un de mon second de convoyer le sous-marin à notre base la plus proche et d’en informer l’amirauté.
Les aérostats étaient tous revenus très vite dans l’après-midi, je commandais également le décollage de l’un d’eux pour qu’il puisse les récupérer dès que le : « Redoutable » serait livré à nos autorités. Nous avions déjà, sans le vouloir véritablement, une belle prise de guerre à notre actif (et en parfait état de reprendre sa route sous nos couleurs avec un nouvel équipage). Je demandais ainsi à ce qu’il soit à nouveau bien nettoyé et désinfecté. De fond en comble… Nous n’avions eu le temps d’effectuer que le strict nécessaire ! Nous avions repris notre route en changeant de cap. Nous remontions ainsi (vers le nord) en direction de Charlestown puis de la baie de Narragansett.
Je m’étais rendu au mess des officiers, mais après tout ce que j’avais vu, je n’avais envie de manger ni viande ni purée…
Je restais un instant immobile avec mon plateau sur la glissière, mon assiette vide, ma fourchette et mon couteau. Je ne savais quoi choisir. Et… Dans le doute, je devais m’abstenir de presque tout. Je me dirigeais en bout de présentoir et je me servais trois gâteaux secs que j’emportais en replaçant (finalement) l’assiette et les couverts qui ne m’avaient pas servi. Je quittais l’endroit sans regret et je mangeais sur le chemin. Sans faim. Je rentrais dans mes quartiers. J’ouvrais la porte à volant que je refermais aussitôt devant moi et je clavais de l’intérieur. Je m’asseyais pour finir mon frustre dîner puis j’allais me poser sur le lit. La nuit était tombée et je restais muet, cloîtré et muré une bonne partie de mon temps dans ma petite chambre. Ah ! Ma chambre… Un minable lit métallique qui grinçait à chaque fois que le navire tanguait un peu trop fort (et dans la nuit, ce détail m’était particulièrement désagréable !) Cela n’était pas très bon pour mon moral. Je repensais aux évènements de la journée. Je me disais que nous avions affaire à des êtres aux pouvoirs stupéfiants, des êtres venus d’un autre monde. Qui aurait pu imaginer cela ? Pourtant, il s’en passait des choses…
Durant ma jeunesse, mes parents habitaient Providence. Nous avions déménagé pour nous diriger vers Boston… Ils désiraient que j’opte pour des études militaires à l’académie d’état du Rhode Island. Comme tout le monde, je connaissais les rumeurs locales, celles qui traînaient dans tous les journaux et toutes les gazettes des environs et notamment, celles qui avaient trait aux disparitions d’enfants. Un autre sujet existait aussi : celui des livres maudits ! Selon certains auteurs (qui en révélaient leurs noirs secrets), des créatures venues d’autres mondes se faisaient une terrible guerre de pouvoir, jusqu’à ce qu’au fil des temps, l’un des deux camps perde.
Les créatures se retrouvaient (pour la plupart) obligées d’aller se terrer au fin fond des mers… « Mais ces créatures n’étaient pas mortes, seulement endormies dans un sommeil presque sans fin. Leurs horribles serviteurs étaient toujours là. Ils travaillaient en secret afin de préparer leur retour et pour reprendre un éternel combat. » Et lorsque ce jour viendrait, ce serait la fin du règne des Punks.
Entre-temps, le clan vainqueur s’était éclipsé… L’être Punkhumain avait pris sa place dans toute la domination de l’Æther. Il me fallait attendre, encore et encore, seul dans mon lit, alors que je m’y étais finalement couché (et que la nuit commençait à retomber pour que le docteur Mac Lellan vienne toquer à ma porte). Je me redressais et je quittais ma couchette pour aller vite tout déclaver. J’ouvrais la porte et je l’invitais à entrer. Il me demandait aussitôt :
« Avez-vous faim ? Voulez-vous attendre encore un moment avant d’aller manger ? »
Je ne savais quoi dire, car j’étais préoccupé puis je lui avouais que je m’étais déjà rendu au mess en lui expliquant qu’en fin de compte, je n’avais quasiment rien pris ni mangé quoi que ce soit. (À part trois gâteaux bien secs.) Je pensais, un instant, qu’il se lancerait dans une des traditionnelles diatribes du corps médical et qu’il fallait boire, manger, bien manger, correctement, équilibré, etc. Mais il n’en fit rien. Il se ravisait et changeait de sujet. Oui… Me voyant des plus inquiets, il me demandait :
« Que pensez-vous de ces créatures ? »
Je lui répondais vivement :
« Entre nous ? Rien de bien… L’océan ne recèle pas que des trésors. Je comprends qu’il contient aussi d’incommensurables dangers. »
Je restais un instant dubitatif.
« Je me souviens… »
Je tentais ainsi de reprendre effectivement le cours de mes souvenirs.
« Un jour, lorsque j’étais bien plus jeune, ma mère me retraçait une longue anecdote sur des êtres qui dormaient sans vraiment dormir et tout ce qui leur arrivait par ce qu’ils ne laissaient pas prendre par le vrai sommeil… Elle me racontait des histoires de ce type pour que je m’envole au pays des sept songes divins… »
Le docteur me regardait et il m’observait. Il avait l’air d’être au courant de tout.
« Oui ! Vous voulez dire : n’est pas mort ce qui dort dans l’éternel, encore qu’au fil infini du temps même la mort puisse mourir. »
Je lui répondais vivement :
« Oui ! »
Avec un sourire amusé, il me présentait cette évidence :
« Mais quelle mère aimante, dans le Rhode Island n’a pas conté cette histoire à un de ses enfants ? Elle est connue, je vous l’assure… »
Je devais rendre raison à mon interlocuteur.
« Et cela veut-il donc dire que ces monstres dont je vous parle ne sont pas immortels ? »
« En fait… Cela me paraît bien plus complexe. Mais vous me donnez l’impression que vous commencez à avoir peur… »
« Peur ? Non… Je ne veux pas que vous vous mépreniez. Je souhaite seulement avoir le maximum d’éléments en main et les rapporter. Nous devons pouvoir nous défendre. »
« Ces créatures ne cherchent pas à nous faire la guerre, elles. »
« Mais alors, que veulent-elles ? »
« C’est simple : se nourrir, voyons ! Comme nous tous en ce bas monde… »
« C’est fort probable… Et je me dis aussi que si ma mère croyait réellement en tout ceci, elle m’en aurait parlé. Alors pourquoi n’en a-t-elle jamais placé un seul mot simple dans nos conversations journalières ? »
« Pour vous protéger, sûrement, comme nous le faisons tous avec nos proches. »
Sur ce, il me quittait avec le même sourire. Il ressortait, refermait derrière lui et je me relevais pour claver la porte. Je retournais me coucher. Je m’endormais assez rapidement… Le lendemain, je me levais et je m’habillais. Ensuite, après avoir soigneusement refermé ma porte, je reprenais mon traditionnel trajet dans les coursives et les couloirs de mon bâtiment. Je me dirigeais vers le mess des officiers pour y prendre mon petit déjeuner. J’y rencontrais le docteur.
Je m’asseyais à ses côtés avec un plateau dans mes mains. Ce dernier contenait un jus de fruits, de la confiture, quelques tranches de pain et un café BIO issus du commerce équitable. Il me saluait d’un revers de la main et j’en faisais de même. Nous entamions une courte discussion. Sur les conseils de Mac Lellan, j’avais très vite ordonné de faire installer les deux corps monstrueux dans une chambre réfrigérée (car ils commençaient à sentir mauvais). Nous étions ensuite remontés, moi au poste de commandement et lui dans son bureau à l’infirmerie. J’avais repris la main sur notre navigation et demandé un retour non prévu (mais impératif) au port. Au vu de tous les évènements de la veille, le lieutenant Stilman hochait finalement sa tête pour signe d’affirmative. Et je savais que notre trajet nous prendrait plusieurs jours ! La journée se déroulait sans incident ni évènements notables.
Fort heureusement pour nous, le beau temps voulait persister. Et la nuit suivante, je ne m’étais pas changé. Je ne savais dire pourquoi, mais mon instinct de commandant de vaisseau était sur le qui-vive… J’étais juste allongé, en tenue, au cas où.
À vrai dire… J’étais tout simplement un peu nerveux. Je me redressais et j’allais me poser sur mes pieds lorsque le branle-bas de combat sifflait de nouveau, avec tout son contingent de lumières rouges. Ce qui me paniquait. Je sortais à toute vitesse, je fermais ma chambre et nous nous lancions tous dans une course vers nos postes respectifs.
Je me dirigeais donc à toute allure dans la direction du poste de commandement. Je montais sur un des ponts supérieurs par un des escaliers de tribord lorsque j’apercevais une de ces créatures passer devant un petit hublot. C’est alors que je mesurais ma chance, car la créature ne m’avait apparemment pas vu… (Si tant est qu’une telle créature hideuse puisse voir ou percevoir quoi que ce soit plus ou moins comme un être Punkifié !) Je continuais à monter lorsque d’autres coups de tirs à répétition parvenaient de nouveau à mes oreilles. Des cris ne nous annonçaient rien de bien rassurant. Les marins devaient, là, se mettre à plusieurs avant d’arriver à abattre la créature. À une intersection, je tombais nez à nez avec le première classe Lorentz. Je lui demandais de m’accompagner.
Nous changions de direction pour emprunter un couloir puis un autre escalier. Nous ressortions donc au grand air. Des feux signalétiques (accompagnés de la lune et de toutes ses étoiles) éclairaient le bord. Nous retrouvions un groupe d’hommes en armes. Rapidement, j’apprenais que la créature aquatique avait tenté de nous attaquer.
Mais, elle ne savait pas qu’il y avait un grand nombre de marins armés ainsi qu’une liberté de mouvement incomparable sur le pont d’un énorme navire de guerre…
(De plus, des sous-mariniers logés à plusieurs miles en dessous de la mer ne pouvaient pas se permettre d’utiliser une arme, quelle qu’elle soit.) L’alerte fut donnée trop rapidement pour qu’elle ne puisse nous causer de trop grands dommages. Deux de nos hommes étaient tout de même morts et puis quatre ou cinq étaient blessés. En tout cas, cela nous laissait aisément imaginer ce qui était arrivé au sous-marin (qui avait dû être victime de son espace tout refermé).
J’ordonnais et je coordonnais une fouille complète. Il n’y avait pas d’autres créatures à bord. Et je demandais également que son corps soit enfermé avec les deux autres. Tard dans la nuit, nous allions enfin nous recoucher.
Le lendemain matin, après une rapide allocution sur les évènements de la nuit, j’annonçais à tout l’équipage que deux des nôtres avaient été incinérés et que (malgré tout) nous poursuivions notre chemin… Je dirigeais une minute de silence devant les matelots, les sous-officiers et des officiers tristes et peinés d’avoir perdu deux des leurs… Malgré la joie de revoir leur terre, leur retour se déroulait dans une étrange atmosphère. Il me fallait dire qu’il y avait de quoi être troublé, et à cela j’ajoutais la conviction collective que le retour ne serait pas un voyage habituel. Ce qui se passait était effectivement bien supérieur à tout ce que j’avais pu imaginer. Sept jours plus tard, je demandais à voir les corps des créatures qui avaient été mises dans une chambre froide tout au fond de notre petite cale. Nous étions tous équipés en conséquence, le docteur, le lieutenant, trois soldats, une belle infirmière et moi. Elle rouvrait ainsi la chambre froide. Et nous constations très rapidement que les corps avaient fondu malgré le froid ambiant.
Je m’avançais à petits pas et je constatais (assez vite) la présence d’innombrables petits objets ronds. Tout à coup, je voyais l’un d’eux bouger. Mes cheveux se dressaient sur ma tête.
« Des œufs ! »
Je reculais d’un bond.
« Fermez vite ! Allez me chercher un scaphandrier et son lance-flamme. Allez me demander l’arrêt des systèmes frigorifiques. »
Nous quittions rapidement l’endroit. Lorentz refermait tout assez vite (et chacun exécutait mes demandes). Le scaphandrier venait tout flamber, l’extérieur et l’intérieur de la chambre froide.
Les flammes dévoraient très vite tout. La chaleur permettait l’éclosion des œufs qui brûlaient. Le scaphandrier s’en allait se faire désinfecter. Je commandais la programmation d’un vide d’air (partiel) dans la pièce des chambres froides. Nous nous faisions tous examiner par le petit personnel médical. Tout l’équipage compris. Les soldats blessés dans l’attaque étaient les tout premiers à subir l’intégralité des examens médicaux de circonstance prévus par notre code militaire. Je n’avais jamais eu une telle panique ! Et nous étions (fort heureusement) tous indemnes d’une quelconque contamination. Nous débarquions enfin sur la terre ferme au bout d’un mois d’un voyage (qui me semblait interminable)… J’avais donné pour consigne de garder toute cette histoire secrète.
Le lendemain (après en avoir bien référé devant le conseil de l’amirauté), j’annonçais à tous mes hommes rassemblés sur les quais qu’après leur retour dans leurs familles, qu’un service spécialisé de l’armée allait les prendre en charge.
Nous étions tous immobilisés à quai pendant quelque temps et j’étais moi aussi rentré chez moi. Je retrouvais, enfin, ma femme et mes enfants (qui n’étaient pas encore très grands à cette époque). Hélas, au bout d’une petite semaine, la mer me manquait déjà ! J’allais me promener tous les matins sur les quais de Salem.
Mais un jour, j’apercevais deux personnages d’une fraternité qui m’était totalement inconnue. Je les voyais, de loin, se promener. C’était deux personnes au visage blafard, tout habillées de noir jusqu’à leur chapeau. Ils m’apercevaient eux aussi et se dirigeaient vers moi. Ils venaient me parler.
(Depuis ce jour, j’avais des doutes sur ce prétendu service !) Car j’avais contacté notre docteur, mon second, le lieutenant et quelques-uns de mes hommes que parfois j’allais même visiter, mais aucun n’eut à aller voir un psychologue, ni qui que ce soit de cette catégorie professionnelle. Ce sont ces gens-là qui normalement s’occupaient de ce genre d’affaires. (Mais il aurait fallu les mettre au courant des évènements que nous avions vécus.) Les deux hommes en noir ne m’inspiraient guère ! J’essayais de me renseigner à leur sujet dans tous les journaux ésotériques, les livres récents puis, anciens ou dans les archives de l’amirauté, mais il n’y avait aucun article, ni document à leur sujet nulle part. (?) Les deux étranges Punks ne m’avaient pas menacé, mais, pour moi, disons, c’était tout comme… Dans les semaines qui suivirent, je retournais voir mes hommes.
J’apprenais que l’un d’eux (qui n’en pouvait plus) s’était suicidé. C’était le pauvre soldat de première classe Chester… J’assistais à son enterrement dans la belle église de Salem puis dans le cimetière qui jouxtait cet admirable monument (tout construit en petites briquettes rouges) en compagnie de sa famille… Tous les honneurs militaires lui étaient rendus. Lorsque la cérémonie funèbre était terminée, je traversais le parc ombragé en compagnie du docteur Mac Lellan.
Nous marchions dans un cadre paysager parmi une foule de petits mémoriaux sculptés de diverses feuilles de chêne représentant l’immortalité, de mausolées décorés de coquelicots pour figurer le sommeil, de monuments très élaborés sur lesquels des glands représentaient la vie. Le dallage du chemin de traverse avait été planté d’ifs. Leur taille imposante pouvait laisser croire qu’ils étaient présents depuis plus de cent mille années, mais en réalité, leur présence était relativement récente… Ils avaient été installés sous forme de scions lors de la création de l’endroit. (Ce qui me permettait de leur donner un âge d’environ cent cinquante voire deux cents ans tout au plus.) Le Taxus baccata, de son véritable nom, était très toxique pour le bétail.
Rien n’était comestible pour les Punks non plus, ni sa sève, ni ses graines. Il était sacré pour les trois grandes populations de l’antiquité dont nous étions bien tous issus, Nordarcadiens, Angliais, Gallians ou Castillans. Chez les Grecs, les Romiches et les Celtes, ils étaient dédiés à la triple Hécate, gardienne du monde d’en bas (en latin, in feri). Lorsque j’étais encore à notre académie militaire, j’avais lu un article très intéressant dans le : « Boston Globe ». Le journaliste y écrivait que sa supposée longévité pouvait dépasser plusieurs milliers d’années. Il était utilisé plutôt que d’autres espèces, car il était l’arbre de la mort et de la résurrection. Tout en avançant, je les observais. Ils me semblaient immuables. Ils vivaient dans un éternel présent, dans un temps hors du temps (son nom venait du grec toxon qui désignait un équipement complet d’arc et de flèches d’un soldat). J’expliquais ainsi à notre docteur qu’un peu avant la cérémonie, je m’étais mêlé à mes soldats puis je discutais avec eux au sujet des deux décès de Mélinda et du première classe Chester.
Ensuite, je demandais (brièvement) à chacun d’entre eux, si, ces derniers temps, ils n’avaient pas fait d’étranges rencontres. Je voyais que certains me mentaient, c’était évident !
Je le voyais à leurs yeux apeurés. Après ces quelques banalités, j’en venais à mon questionnement. Il s’arrêtait net ! À son regard, je comprenais tout… Seul le docteur Mac Lellan me partageait ce qu’il en était réellement. Il m’annonçait qu’un jour où il jardinait, une voix étrange l’interpellait derrière son grillage métallique.
Il se relevait et se retournait. Deux Punks stationnaient de l’autre côté. Et ils étaient tous habillés en noir : cravate noire, pantalon noir rayé, haut-de-forme…
Mac Lellan jardinait un peu pour se distraire par un jour de beau temps. Les deux personnages en noir venaient lui parler. Une voix inconnue l’appelait par son prénom :
« Stan ? Docteur Stan Mac Lellan ? »
« Oui, c’est bien moi. Que me voulez-vous ? »
Les deux hommes étaient semblables.
Ils lui demandaient s’ils avaient vu quoi que ce soit de particulier durant son voyage, s’il avait réalisé des dessins ou pris des notes. Et quoiqu’il en fût, ils lui conseillaient de tout détruire. La conversation prenait alors un aspect très étrange. Celle-ci virait très rapidement au monologue vide sous l’effet de la sidération du docteur puis ils s’en allaient au bout de deux (trois ou quatre minutes). Il ne cherchait pas tout de suite à comprendre.
Mac Lellan rentrait très vite chez lui pour enlever ses bottes, dire un mot à sa femme, mettre des chaussures de ville et courir dans leur direction. Il les retrouvait qui marchaient tout à fait normalement au milieu des passants. Ils croisaient une jeune harpie-zombie puis deux hipsters. Il les suivait ainsi jusqu’aux docks… Ils rentraient dans un hangar.
Il n’osait pas s’en approcher et prenait soin de retourner chez lui en vérifiant qu’il n’avait pas été suivi. Je voulais en avoir le cœur net… Je lui expliquais alors que je voulais monter une opération commando très secrète et investir le hangar.
Nous arrivions enfin à la porte d’entrée du parc qui ressemblait à celle du cimetière de Grove Street qui était située à New Heaven dans le Connecticut. Il s’agissait probablement du même architecte qui était à la mode à cette époque (et dont je ne me souvenais plus le nom). Nous passions entre deux colonnes décorées d’un soleil et d’une lune et qui étaient marquées des deux belles lettres J et B. tout à coup, son nom me revenait en mémoire. Il s’agissait de Jules Boucher. Nous sortions et nous nous séparions ici. Tous… Quelques instants plus tard, j’étais seul. J’en venais à me demander pourquoi j’avais eu une telle idée. Et elle me paraissait maintenant tout à fait saugrenue.
« Ne ferais-je pas mieux d’oublier tout cela et de rentrer chez moi ? »
Non, cela m’était impossible. Je me disais d’un seul souffle que nous avions de la chance. Je savais (déjà !) lesquels de mes soldats accepteraient bien de me suivre dans cette aventure. Une nouvelle fois, je repartais à leur rencontre. Tous me répondaient par la même affirmation : oui ! Je leur demandais de n’en parler à personne, de faire attention qu’ils ne soient pas suivis et de venir un après-midi à une réunion de préparation. Nous décidions du jour, de l’heure et des moyens… Nous avions discrètement fait sortir plusieurs exemplaires d’un modèle assez expérimental…
Il s’agissait d’un steampisto de marque Zeckos à six sorties. Et plus exactement le nouveau modèle Barrel avec un fluo viseur et un manomètre qui suivait la pression. La grosse crosse servait de stock pour une réserve de mercure 115 qui était gardée sous une pression partielle…
Le mécanisme augmentait encore celle-ci et la multipliait par cent en sortie de canon. Un soir, nous nous réunissions dans deux rues, en deux groupes, de chaque côté des docks (et le quartier était peu éclairé). D’un signe vif, je lançais l’attaque…
Nous arrivions de chaque côté du bâtiment. Il était fermé par une grande porte en métal de plusieurs coudées de hauteur. À l’intérieur de celle-ci, une plus petite porte avait été découpée. Les deux étaient bien cadenassées. Le lieutenant découpait le plus petit des deux grâce à un énorme coupe-boulon. Nous investissions le bâtiment en criant :
« Haut les mains ! Haut les mains ! »
Mais il n’y avait strictement personne ici, non. Nous n’y trouvions que de vieilles caisses fermées. Deux de mes soldats en ouvraient une. Elle ne contenait absolument rien. Des papiers parsemaient le sol. J’en ramassais un. C’était un prospectus qui avait plus de dix ans. Voyant qu’il n’y avait plus personne ici, le lieutenant et le docteur Mac Lellan se mirent à discuter sur l’étrangeté de ces curieux hommes habillés en noir. Étaient-ils humains ? Était-ce là, des espions Gallians ou des membres de nos services secrets ? Voire des agents secrets d’un service plus secret que les services secrets ? Non ! Je me disais que la première hypothèse n’était pas possible.
J’en avais vu, moi, des Gallians et je pouvais déjà déclarer à cette époque qu’ils ne ressemblaient pas à cela… Ils étaient comme nous, humains, d’un seul point de vue biologique, même si la guerre que l’occident avait menée contre le First boy, les avaient partiellement déshumanisés.
Au fond, deux soldats entraient dans une structure toute en métal surmontée d’une très grande vitre… C’était un bureau qui contenait deux armoires en métaluminium. Elles n’étaient pas fermées à clef. Ils ouvraient chacun des tiroirs, mais il n’y avait rien à l’intérieur. Le meuble principal était un gros bureau en bois vernis de style Clovis XIII. Il était ancien, mais en parfait état. Le matelot ouvrait le tiroir du bas puis celui du haut. Ce dernier n’était pas vide, car il contenait un petit dossier. Il le saisissait dans les mains et sortait dans le but de venir me l’apporter.
Et le deuxième matelot continuait à inspecter la pièce. La chaise était tout à fait ordinaire. L’idée lui venait ensuite de déplacer les armoires. Derrière, une très petite ouverture rectangulaire se découpait dans l’obscurité. Le soldat s’empressait de sortir du bureau et restant sur le pas de la porte, il nous appelait tous les deux.
« Monsieur. Venez voir. »
Nous nous rapprochions de lui. Nous entrions. Sur le côté, un trou venait jusqu’à la hauteur de mes genoux. Je me baissais vite et je regardais le matelot (à l’intérieur) qui s’était accroupi et qui ouvrait une trappe devant mes deux yeux. Je me baissais pour allumer une Punklampe à manivelle. Une vieille échelle en bois était posée contre une paroi creusée dans la terre et la roche… D’un geste de la main, j’ordonnais à mon soldat de descendre en faisant attention.
« Alors ? » demandais-je promptement.
« Ça y est, je suis en bas dans une petite cavité… Je vois un tunnel. »
Je me retournais. Je reposais doucement le dossier devant moi. Je ressortais assez vite du bureau et je désignais quelques personnes.
« Vous, vous et vous, restez donc ici. Gardez l’endroit. Les autres… Avec moi. Nous allons visiter l’intérieur du sous-sol du hangar et nous allons tenter de découvrir ce qu’elle cache dans ses entrailles. »
Je posais mes pieds sur les barreaux de l’échelle et je me dirigeais donc vers le bas. Nous avancions les uns à la suite des autres. Nous nous retrouvions à un croisement. Je redonnais des ordres.
« Docteur, restez ici. Inscrivez une croix dans la poussière. Vous avec moi, par là, vous par ici et vous de l’autre côté. »
De galeries en longs tunnels interminables, ininterrompus, parfois humides ou recouverts de ces fines poussières que pouvaient produire les siècles, nous inspections tout. Certains endroits étaient écroulés (ou simplement murés). Au bout de deux heures de vaines recherches, j’ordonnais à tous mes hommes de remonter, car j’étais sûr qu’il n’y avait rien nulle part, non. Nous retrouvions le docteur et revenions à la surface par le tunnel qui nous avait conduits dans ce dédale. J’étais heureux de retrouver le bureau. L’un après l’autre, nous venions de ressortir…
Le dernier refermait délicatement la trappe en essayant de ne pas faire de bruit. L’un des soldats restés en faction accourait me voir. Il portait le couvercle d’une caisse.
« Regardez. En cherchant à savoir ce qu’elles pouvaient bien contenir, le couvercle de l’une d’elles est tombé. »
Il le retourne.
« Il porte une poignée. »
Apparemment, quelqu’un était visiblement désireux de pouvoir refermer un passage derrière lui. Nous retraversions le hangar. Nous arrivions devant l’empilement des grosses caisses. L’une d’elles était effectivement ouverte sur un côté. Je me penchais pour en éclairer l’intérieur. Un passage obliquait sur la gauche.
« Bon sang ! C’est par ici. »
Je me baissais. Je me faufilais rapidement à l’intérieur. Je me contorsionnais vers la gauche et puis vers la droite. Je continuais mon chemin et je heurtais une très grande plaque de métal battante qui s’ouvrait par le haut (et déçu, je me retrouvais tout simplement dehors !) Nous nous réunissions et contournions tout le bâtiment. Je toquais à l’entrée selon un code qui nous avait convenu depuis bien longtemps dans la grande fraternité des marins. Le garde nous ouvrait et nous laissait passer.
Je retraversais le hangar et je retournais chercher le dossier à l’endroit où je l’avais posé. Je ressortais ensuite du bureau et je rassemblais tous mes hommes pour mettre un terme final à cette expédition qui s’était avérée là tout à fait inutile (car en fin de compte, il n’y avait strictement rien ici). Et visiblement, le docteur Mac Lellan avait bien été dupé… Les deux hommes étaient tout simplement ressortis par l’arrière du bâtiment pour disparaître dans l’inconnu.
« S’étaient-ils aperçus que je le docteur les avait suivis ou étais-ce une sécurité habituelle ? »
Je ne savais pas quoi répondre à cet ultime questionnement. Nous sortions de ce hangar. Nous nous regroupions dans l’une des ruelles adjacentes au quartier. Le lieutenant Stilman et un soldat reprenaient les armes. Nous nous quittions tous là. Je rentrais chez moi, seul, en vérifiant, toutefois, que je n’étais pas suivi. Je traversais la ville, le dossier dans ma main. J’ouvrais le portail en jetant un coup d’œil de chaque côté et je le refermais vite avec une clef. Je la cherchais un instant. J’avais mon petit trousseau dans ma poche droite. J’ouvrais la porte d’entrée que je refermais derrière moi, elle aussi. La maison était plongée dans l’obscurité. Je montais les escaliers et je rejoignais ma femme qui dormait. Je posais le dossier sur la table de nuit. Je m’allongeais tout doucement à ses côtés, tout en essayant de ne pas faire de bruit. Elle soupirait et se contentait de changer de position.
Je décidais donc d’oublier (très, très vite) tout cela dès le lendemain et d’accompagner ma femme, qui adorait la mode dans une nouvelle boutique, en ville, chez Punk Rave, une bien merveilleuse boutique qui pouvait assouvir toutes ses dépenses les plus folles. Elle achetait d’une façon très régulière (et un peu trop à mon goût d’ailleurs)… Je regardais tout autour de moi parce que rien n’apparaissait sur mon périscope.
Tous mes sens étaient en alerte, mais mon radar personnel n’indiquait rien. En fin d’après-midi, nous étions rentrés chez nous. Nous étions enfin dans notre chambre. Elle réessayait chacun des vêtements qu’elle venait d’acheter. Elle se déshabillait devant moi. Elle se rhabillait vite. Elle se regardait dans le miroir de l’armoire. Elle me demandait ensuite ce qu’elle en pensait. Je lui répondais :
« C’est beau ! »
Mais mon regard était absent et mes pensées voyageaient encore ailleurs… J’étais assis à mon bureau, le dossier devant moi. Je le déficelais (et je l’ouvrais).
Il contenait quelques images anciennes de Salem village, des dessins réalisés au fusain ainsi que des notes visiblement écrites avec une marque de Punk plume très ancienne ! J’essayais de déchiffrer ce qu’il était écrit… Je passais assez vite sur tout le reste. Je restais un (trop) long moment à tenter de deviner certains mots, mais j’arrivais, en fin de compte, à décrypter les trois papiers. La première était orthographiée sur une belle page arrachée d’un livre visiblement ancien.
NOTES GRIFFONÉES À LA VA-VITE
« Je dispose de peu de temps…
Si vous trouvez ce manuscrit, je vous implore de le transmettre à mon amie (la rédactrice en chef de notre journal, le : « Providence Advertiser»). Je vous somme également de cesser ici votre lecture, les faits que je relate nécessitent les connaissances les plus solides en sciences ésotériques et troubleraient l’esprit d’un néophyte, comme ils l’ont fait pour moi. La pratique de cette science a des conséquences irréversibles… Et je parle ici de concepts plus incroyables qu’une simple vie physique.
La prise de connaissance de ces lignes par un lecteur non averti le plongerait inéluctablement dans la folie. »
La seconde note était en fait une lettre collée sur une page. Elle était datée du 18 septembre 1825.
« Lisbeth, ma chère sœur,
Si tu lis ces quelques lignes, c’est que, comme je l’espère en ce moment, quelqu’un t’a transmis ce mot ainsi que mon livre. Je t’en conjure, n’en lis le contenu sous aucun prétexte, et ne te laisse pas gagner par le piège de la curiosité humaine…
C’est ce qu’elle désire ! Ne laisse personne (je dis bien personne) en prendre connaissance sous quelque raison que ce soit ! Je te demande de le faire parvenir au vieux classificateur de la : « Providence public library ». Car lui seul est bien suffisamment rompu aux grandes sciences d’Hermès le rouge pour pouvoir faire bon usage de mon expérience.
Remets-le-lui bien en mains propres, et oublie jusqu’à l’existence même des quelques feuilles que tu tiens ainsi entre tes mains ! Ah, j’oubliais… Tu ne me reverras plus. En vérité, ma transformation est imminente… Une transformation incroyable que la mort n’attend jamais. Mon corps ne sera évidemment jamais retrouvé. Ma chère sœur, je veux encore te dire que j’aime la vie, et que quoi qu’il puisse m’arriver…
… Rien ne pourra m’enlever les sentiments que j’ai envers toi.
Ton frère qui t’aime, Ashmole. Adieu. »
La troisième était également une lettre… Apparemment celle d’un journaliste. La fin manquait. Elle était déchirée.
« Monsieur Duke,
J’ai pris contact avec vous il y a quelque temps au sujet des renseignements que je recherche vivement dans le cadre de l’article que j’écrirais pour le : « Salem Days».