Les mystères de Rennes - Pierre De Flamme - E-Book

Les mystères de Rennes E-Book

Pierre De Flamme

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Beschreibung

"Les mystères de Rennes" réécrit la mythologie de l’affaire de Rennes-le-Château. Dans un monde parallèle à l’esthétique victorienne, tout est animé par une divinité vue comme un Grand Architecte. Ce dernier guide les confréries dans leur maîtrise des arts et sciences, des instruments de la vie quotidienne aux grands temples, tous construits selon des lois mathématiques universelles qui s’entremêlent à la mythologie. Le lecteur est invité à explorer les frontières floues entre réel et imaginaire, et à puiser librement des vérités cachées dans cette œuvre riche et complexe.

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Pierre De Flamme

Les mystères de Rennes

Roman

© Lys Bleu Éditions – Pierre De Flamme

ISBN : 979-10-422-0484-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Cet ouvrage est un

roman Steampunk

et du

fantastique exact

Présentation de l’auteur

Plongé dans un bien étrange univers, le lecteur se demandera parfois où se trouvent les limites entre son imaginaire et la réalité, entre notre monde véritable et celui qu’il visite. (Et les deux lignes ne sont pas parallèles. Elles se croisent !) Et c’est bien dans la fabuleuse marmite de : « Les mystères de Rennes » que l’auteur, Pierre De Flamme, est tombé lorsqu’il était enfant. Dans un village doté d’une tour bien mystérieuse, un très vieil homme déambulait dans les rues jour et nuit en criant que l’abbé de Rennes-le-château, Bérenger Saunière avait trouvé un trésor. Pierre connaît donc cette histoire depuis toujours, il a lu de nombreux livres sur le sujet, consulté un grand nombre de sites… Il avait envie de porter cette histoire au plus haut, de la magnifier plus encore…

— LE DIX-SEPT JANVIER vaut [(72+30)+(24+54+48)+

I

L’horloge ne sonnait pas

Un soir, il y a quelques semaines de cela, alors que j’étais en vacances dans le village de Guimbières dans le district départemental des Hautes-Lauthes, je m’avançais au milieu de la foule des crêteux, des cybers-zonars, des darks-sides et des post-vikings qui achetaient, qui déambulaient avec leurs plateaux et qui discutaient, pour aller manger dans une sorte de petit repas organisé sur la place, par une association de Punk riverains qui s’adonnait à la promotion du bien vivre et aussi du bien manger local. Je passais devant un puits décoré d’une petite pyramide inversée portant le signe R+C. Je restais, un instant, comme privé de mouvement, observant ce dessin, repensant aux héros (qui peuplaient les vignettes de certaines gazettes) qui tombent dans un puits, prélude d’une histoire qui va commencer par leur propre introversion. Ce qui signifiait que toute l’histoire de leur vie devenait symboliquement bien hermétique. Je repartais dans la direction que j’avais choisie. Je laissais se déplacer devant moi un groupe de NNN, des nanonains, qui gagnaient l’autre côté de la place. Je ne m’arrêtais pas. Je repérais une table peu remplie. Seuls deux hommes y étaient attablés. Je m’avançais ensuite vers eux pour m’installer à leurs côtés, écoutant une nouvelle conversation. Le plus âgé des deux parlait avec emphase de notre capitale, Éllyon ; ville où l’on venait de terminer la construction de la belle tour Zaepffel, une immense structure de gros rouages, de vis énormes et de masses métalliques qui semblaient monter jusqu’aux nuages. Et je n’avais jamais eu l’occasion d’aller visiter ce monument moi-même !

Mais j’en avais vu des images dans : « L’incorrigible de gauche », le journal éminemment social. Ce fut la préparation de l’exposition mondiale de 1879 et la volonté de notre roi d’épater le reste de l’Æther qui décidait des premiers coups de pelle mécanique, le 26 janvier 1877. Le jour du vingt-six fut choisi par ce que selon notre calendrier, ce jour était bien divin. Tout était déjà préparé, des plans jusqu’aux sacs de ciment de Marseille. Il ne restait plus qu’à poser les deux millions cinq cent mille rivets pour assembler les immenses morceaux de métal, préparés bien à l’avance par les cent cinquante ouvriers de l’usine de Le Valois Perret puis, de tout peindre aux couleurs initiatiques de notre immense royaume, le bleu Gallian (le meilleur rapport absorption/émission de la lumière astrale se fera toujours dans un ton bleu foncé comme il est possible de le voir peint sur les volets des maisons de l’île de Ré). Certains jours, il y avait jusqu’à trois cents bons ouvriers sur le chantier ! Lorsque j’avais lu l’article dans le journal, je n’avais pas osé m’imaginer les sept mille trois cents tonnes d’acier bunké et les soixante de peinture sans plomb. Le 27 mars 1879, tout était terminé. Le chantier avait été exécuté… En très exactement sept cent quatre-vingt-dix jours ! Incroyable ! Parmi les cent huit projets qui furent proposés, ce fut celui de la géniale entrepreneuse inventeuse Geneviève Zaepffel qui fut retenue et qui, par conséquent, donna son nom au bâtiment. Cette femme, qui partait de rien, avait tout réussi. Elle avait monté une entreprise puis deux, en avait racheté trois ou quatre encore. Elle avait même racheté un club de ballon prisonnier, notre sport national. Pour l’occasion, elle avait choisi l’architecte Stephen Sauvestre et deux ingénieurs : Maurice Kœchlin et Émile Nouguier. Ce fut la plus grande prouesse technique qui ne fut mise au point après celle (plus ancienne) du phare d’Alexandria. Et c’était là, dans cette immense ville bondée qu’avait été boulonnée Steampunk Joe, la statue du Punker idéal et le héros de notre roman national.

(Une belle histoire façonnée d’après divers éléments historiques véritables, réarrangés, bien polis et lustrés pour les rendre beaux, merveilleux pour une masse d’enfants, d’adultes et de vieillards non pensants) Il était facile de comprendre pourquoi :

« Toutes les voies de communication sont confisquées au profit d’une propagande massive et mensongère. Il est temps de changer de système. Parce que le peuple de Gallia se fait bien tous les jours confisquer sa démocratie par des urnes qui sont bourrées, par des organismes curieusement privés qui décident bien à leur place, par des commissions de nobles qui ne sont pas élus et par un système de signatures totalement honteux… »

Du moins, c’est ce que prétendaient en substance les tracts Nomarchistes. Diverses autres curiosités peuplaient notre capitale formant ainsi tout un zoo de mécaniques monstrueuses et de parfaites pièces patinées par le temps : Parmi celles-ci, il était possible d’énumérer le haut-relief de : « L’ours à l’étoile polaire » (qui se caractérisait par des détails très saillants qui ne se détachaient toutefois pas trop de leur profondeur), la statue du Pingouin mécanique sur un pavé dont les couleurs alternaient le noir et le blanc, l’imposante énormité du : « Lion vert », celle d’un coq (de trois cent quatorze empans de hauteur), animal fier et majestueux, symbole éminent de notre nation, de la famille des gallinacées dont le nom venait de l’Hébreux גל, Gal (mot qui acceptait diverses traductions : pierres, ruines, monceaux, source, flots ou ondes. Les deux dernières acceptions peuvent faire référence aux rayons de lumière). Cet oiseau attribut d’Hélios et d’Apollon annonçait la résurrection quotidienne de l’astre du jour et présidait à la défaite des ténèbres. Il s’agrippait au serpent Python enroulé sous la forme d’un Ouroboros qui, lui, symbolisait les cycles de la matière. Il y avait encore le Sphinx de Tanis dans sa crypte (et bien d’autres). Éllyon et ses environs étaient également garnis de palais. De tête, il était possible de compter celui des Tuileries, ceux des Champs-Élysées, du Temple, de Commercy, de Versailles, de la contrefaçon, des arts militaires, de l’ancienne batellerie et du Louvre.

À l’intérieur de ce dernier, toute une galerie initiatique était consacrée au frère jumeau d’Artémis (toujours ce même Apollon). Et enfin, il me fallait citer les catacombes, une œuvre au noir par excellence que tout : « Le petit peuple » qualifiait : « …d’endroit anxiogène pour bon nombre des citoyens de notre royaume ».

J’avais fait le tour des échoppes montées pour l’occasion. Ce soir-là, de nombreux Steampunkers et des Steampulpeuses servaient de la nourriture à tout loisir et je dois dire ici que j’étais heureux d’avoir dépensé quelques Tournois. J’avais acheté mon plateau composé d’un plat de pâtes BIO aux plantes cueillies manuellement dans les causses du Quercy, de deux grosses tranches de pain de campagne au son biologique produit en permaculture, d’un fromage crémeux de chèvre BIO issu de race alpine, le Rocamadour AOP et d’une demi-bouteille de vin d’un célèbre vin BIO de Cahors, le Domaine-des-trois-gabelles. Quelqu’un me l’avait ouvert et je m’en versais quelques centimètres dans un beau verre en céramique naturelle. Élevée en fûts de chêne, cette prestigieuse cuvée, reconnaissable à sa robe grenat, me promettait un délicat petit bouquet de fruits rouges. Je laissais le vin s’aérer un peu, mangeant mes pâtes à satiété.

Les deux Punks qui étaient assis non loin de moi discutaient d’un groupe bien curieux : « La fraternité d’Héliopolis » (en Grec, son nom désignait la cité du soleil). Ils se réunissaient dans l’arrière-salle d’une boutique spécialisée dans les ouvrages hermétiques anciens. Ils organisaient deux fêtes par an (celles des fous, des fainéants et des folichons. Elles avaient pour animal-totem, le zèbre, le cheval et l’âne. Trois animaux qui avaient pour caractéristiques d’être d’un genre equus ou caballus). Leur conversation commençait à bien m’intéresser lorsqu’un des protagonistes apprenait à l’autre que l’âne était une figuration de la matière première des métalalchimistes (au temps de la conception de l’ânon, la substance vitale du père était le véhicule du Soufre, la matière matricielle de la mère était le réceptacle du Mercure et le placenta dans lequel ils se réunissent figurait l’œuf philosophique).

Ils considéraient que l’accroissement de la matière métallique était tout à fait analogue à celle du végétal et de l’animal. Il citait un magazine qui s’intitulait : « Les mystères du Punk ». Un journaliste y posait cette question :

« Qu’est-ce que la Pierre philosophale ? »

Il répondait à cette question par une affirmative :

« La Pierre philosophaleest un ferment métallique. Une diastase minérale. C’est une substance poussée au rouge.C’est le ferment qu’il nous faut utiliser. Il s’agit d’un composé organique. Il suffit de placer les trois substances dites philosophiques dans un œuf qui ira lui-même dans un fourneau à réverbère.Lorsque la conjonction s’opère, elle donne un ferment neutre. Il faut y mettre un peu d’or pour ce dernier devienne un ferment de l’or. »

L’un des deux Punks lui demandait :

« Très bien. Mais comment procéder à la fabrication ? »

Je vais t’expliquer :

« Le journaliste de : « Les mystères du Punk » écrivait qu’en premier, nous devions réduire notre or en une sorte de chaux. Nous avions besoin de prendre de l’or en feuilles. Nous devions le dissoudre dans du mercure vulgaire. Nous devions le laver (et le pétrir de façon à ce que l’amalgame soit dur) et que l’eau sorte claire. Il écrivait encore : dans une capsule de porcelaine, placez un amalgame (ainsi qu’un acide obtenu de la façon suivante : Prendre mille parts d’acide nitrique à quarante degrés. Ensuite, ajouter trois cents parts d’une matière animale quelconque sans graisse. Chauffez jusqu’à dissolution complète de la matière et filtrez. Le produit obtenu est un dérivé de l’acide oxalique (qui a pour composition : C2H2O4), la composition de cet acide est C4H2O9. Et tout en ne dissolvant pas l’or, cet acide fait disparaître le mercure. C’est ainsi que s’ouvre l’or : il s’agit du procédé de la calcination par voie humide ».

« Et ensuite ? »

« Ensuite, rappelle-toi de cette fameuse substance qui est une pierre (sans être une pierre) et qui est en fait, l’huile de pierre, le petra oléum. Lorsque les métaux vulgaires ont été ouverts, elle provoque leur évolution. Et l’auteur de l’article écrivait encore : « Le mélange de cette huile de pierre et de l’or bien ouvert produit une substance grasse qui va rendre le verre malléable. Selon les oxydes métalliques que vous rajouterez à ce petit mélange, vous donnerez au verre les différentes couleurs qu’ont les pierres précieuses. »

Je m’approchais et j’intervenais dans la conversation.

« Bonjour ! Toutes mes excuses, mais… Je vous ai entendus. J’aimerais moi-même bien savoir comment se fabrique le fameux mercure philosophique. »

« Bonjour. Prenez cent parts de bismuth à l’état métallique (et porphyrisé) et trois cents parts de dichlorure de mercure. Mélangez le tout.Écrasez le tout sur un marbre de verre avec une molette en l’arrosant avec de l’alcool. Transformez la pâte obtenue en boulettes que vous ferez sécher lentement à l’étuve sur une plaque. Placez-les dans une cornue de porcelaine dont le chapiteau s’enlève à volonté, et au col de laquelle vous ajoute un vaisseau de rencontre muni d’un matras trempant dans un mélange réfrigérant. Les jointures lutées, vous chaufferez progressivement jusqu’à ce qu’une perle de mercure descende dans le vaisseau de rencontre. Quand il ne passe plus de mercure, vous chauffez jusqu’à cinq cents degrés afin d’en faire disparaître le reste. Vous démonterez tout l’appareil. Alors, vous apercevrez en haut du chapiteau des fleurs argentines cristallisées que vous retirerez. Dans la panse de la cornue, vous trouverez un caput mortuum que vous pulvériserez avec le mercure du matras en y ajoutant cent parts de dichlorure de mercure. Vous redistillerez jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fleurs argentines. Vous introduirez les eaux provenant des deux distillations et les fleurs argentines dans un matras de forme ronde à long col. Vous placerez le tout au bain de sable et vous commencerez par une température de cinquante et un degrés pour finir à cent.

Chaque jour, vous ferez faire un demi-tour au matras pendant quinze à vingt-huit jours jusqu’à ce que vous veniez obtenir une eau limpide aux reflets métalliques, brillante comme le mercure vulgaire (de même densité, mais de propriétés différentes), c’est cette eau limpide aux reflets métalliques qui est notre voûte. »

Nous discutions en mangeant, en confrontant nos opinions et en prolongeant agréablement le temps, dans ce mois très anormalement ensoleillé de fin décembre. J’échangeais mon adresse avec l’un des deux personnages (le plus âgé). Le premier s’en allait vite lorsqu’il avait fini. Il me souhaitait une bonne soirée ainsi qu’une bonne nuit. Et lorsque j’avais à mon tour terminé, je me levais et je remerciais mon interlocuteur pour cette fameuse soirée. Je le laissais terminer son repas. Il avait (lui aussi) presque fini. Je traversais entre les tables, entre les différentes fraternités de Punks. Je me dirigeais en direction d’une poubelle. Je me plaçais dans la rangée.

J’attendais derrière des métaverses, des mechtoriens, une blue bell’s girl, une spycie et aussi un dual-tone. Je m’avançais. Mon tour arrivait enfin. Je vidais mes déchets alimentaires dans un sac transparent en plastique BIO d’origine végétale qui serait incinéré dans une usine spécialisée. Les cendres ainsi produites pouvaient être retraitées et blanchies. Et elles seraient réutilisées un jour. Ensuite, je repartais avec mon plateau. Je retraversais la place en direction du stand de l’association de Punk riverains. Une dame attendait celles et ceux qui venaient lui ramener leurs plateaux (une charmante Pink-Punk). Elle me rendait un demi-Tournoi. Alors, je la remerciais en lui souriant. Elle me rendait mon sourire. Je lui disais :

« Au revoir, merci et bonne soirée ».

Elle me rendait mes salutations. Je repartais en repensant à la conversation que je venais d’avoir à table. Ils m’avaient donnes leurs adresses. J’en reverrais au moins un des deux un jour. J’avais lu des détails importants sur l’athanor (l’appareil qui servait à fabriquer la pierre). Il s’agissait : « d’un fourneau à réverbère composé de quatre parties indépendantes les unes des autres et pouvant se superposer. La première partie figurait une coupole ; elle était munie d’un thermomètre maintenu par un bouchon de liège. Dans la seconde partie (qui était un cylindre parfait), quatre ouvertures circulaires garnies de vitres. Elles étaient toutes percées. Ce qui permettait de surveiller l’opération. C’était bien dans cette partie que logeait le têt contenant du sable fin sur lequel reposait l’œuf philosophique (il me faudrait avoir soin d’enfoncer doucement l’œuf, jusqu’à ce que la surface de la matière qu’il renferme coïncide avec celle du sable). Le vase qui contenait du sable était supporté par une légère grille placée de façon horizontale entre la seconde et la troisième partie de l’athanor ou maintenu par des agrafes ».

Je quittais la place et le remue-ménage provoqué par les riverains de Guimbières. Je croisais à nouveau quelques Punks. Deux dark-makers et un scaphandrier. J’allais me réfugier de l’autre côté de la rue. J’entrais dans un petit bar ambiance tout à fait sympathique (l’Atlas). Je m’asseyais seul à une petite table. Je commandais une blanquette de Limoux BIO. J’adorais. Bien fraîche. Une estrade était posée dans le bar. Je reconnaissais le présentateur (tout le monde connaissait le célèbre Luchino pour sa gouaille et son accent tout droit venu de l’île de Ré). Il venait présenter un show avec deux drag-queens. La demi-cocotte qui était venue m’aborder repartait vers le zinc (c’était bien là mon métal préféré). Je me laissais ainsi divertir par le spectacle. Car, je ne voyais pas le temps passer. Elle revenait avec ma boisson sur un plateau d’argent. Elle la déposait devant moi sur une petite cartonette joliment décorée aux couleurs d’une autre boisson… (nationale, celle-là : Le Bleu). Je lui laissais deux Tournois. Ensuite, elle repartait s’occuper d’autres clients. Je restais dans ce charmant bar une heure ou deux. Luchino venait de nous présenter Ballil, un transhumaniste (un magicien qui avait transmuté le grand roi de carreau en belle dame de cœur) ; je sirotais ma boisson. Je me délectais du spectacle. Je m’en allais tard dans la soirée. Je rentrais dans ma chambre d’hôtes.

Trois jours s’étaient écoulés et j’étais rentré chez moi, dans mon village, à Hautefage-la-Tour. Mais quelle ne fut pas ma surprise de recevoir une lettre que j’allais cueillir, comme une jeune rose, toute fraîche, dans ma boîte, par un beau matin ensoleillé ! Je ne me doutais pas qu’il pouvait s’agir de l’un des Punks-habitants que j’avais rencontrés tout au long de mes vacances. Je rentrais chez moi, ma seule lettre à la main, marchant tout à fait normalement dans la rue. J’ouvrais la porte, je rentrais et je refermais derrière moi. Je posais ma lettre sur la table de la salle de séjour, en compagnie de mes clefs que je posais par-dessus. J’abandonnais quelques instants tout cela pour me diriger vers la cuisine. Je prenais de l’eau au robinet en tournant une manivelle qui actionnait une mécanique dont je ne soupçonnais pas l’existence et qui nettoyait, purifiait bien et convoyait le précieux liquide des montagnes et des rivières de notre pays. L’eau coulait dans une casserole noire que je plaçais sur mon electrogaz. J’appuyais sur un bouton pour l’allumer puis j’attendais quelques instants avant d’ouvrir un placard.

J’observais et je cherchais une boîte en métal que je trouvais rapidement. Je la récupérais, je la posais plus bas et j’en extrayais facilement un sachet de thé noir BIO. J’ouvrais la porte d’un second placard dans le but évident d’en retirer une tasse que je reposais plus bas après avoir refermé. L’eau commençait à bien se dandiner et à chanter. Je revenais vers elle avec ma tasse et le sachet à l’intérieur. J’éteignais mon moyen de chauffage. Je me redirigeais vite en sens inverse, en direction du séjour. Ma tasse commençait à bien me chauffer les mains. Je la posais et je m’asseyais tranquillement. Je déplaçais les clefs de ma boîte aux lettres pour aller les ranger sur le crochet où elles n’attendaient plus que mon bon vouloir (presque tous les jours de la semaine). Je reprenais la lettre dans mes mains, observant mon nom écrit à la punkplume. Ensuite, je la retournais. Je reconnaissais le nom. Je comprenais bien qu’il s’agissait évidemment de mon nouvel ami. À ce moment précis, j’eus un minuscule instant d’hésitation. Mais… Elle me semblait bien durer une éternité. Il m’écrivait.

(Son écriture était toute en rondeur et en dénivelés) C’était pour me demander de venir le retrouver. Que devais-je lui répondre ? Sur l’instant, je n’en savais strictement rien. Mais, le jour où je venais le voir, je n’étais ni trop en avance, ni trop en retard sur ce que je lui avais répondu. Je voyageais en aérotransport. C’était une petite ligne qui se dirigeait en direction de Guimbières. J’étais assis sur un petit siège qui était très confortable. Mais j’étais gêné par du bruit. Un homme blond, à la voix suave qui portait un modèle de lunettes qui m’était inconnu, discutait avec deux autres passagers. Le ton grave de sa voix rendait mon repos assez difficile. Ils n’étaient pas du tout d’accord sur ce que pouvait être la notion ou la définition du divin. L’exercice que je m’apprêtais à réaliser avait pour but de démontrer que (comme dans la taille d’une pierre, le travail d’une idée imagée pouvait varier selon l’angle d’attaque) d’une personne à l’autre ou bien d’une situation à l’autre nous ne voyions pas du tout les mêmes détails des mêmes évènements (c’était uniquement une question de point de vue. De plus… C’était aussi une question philosophique et non technique. Puisque nos fraternités sont avant tout des écoles de philosophie). À ce Cyberprep d’un âge incertain (qui était grand et très large d’épaules) dont les cheveux étaient longs et blancs, je répondais :

« Bonjour. Excusez-moi, mais je vais vous donner une réponse simple à votre questionnement, messieurs. Elle va se diviser en trois postulats de base.Voilà un postulat de base qui est bouddhiste : dans les échelles plus ou moins grandes de l’univers, il n’y a que les planètes, les étoiles et leurs variantes, quelques débris qui se baladent et ce qui ressemble pour nous à du vide (mais qui n’en est pas du tout…) À ces échelles, l’être humain n’existe pas. Dans l’infiniment petit, il n’y a que les protons, les neutrons et diverses autres sortes de particules toujours séparés par ce qui n’est pas réellement du vide. À ces échelles, l’humain n’existe pas non plus. En réalité, nous n’existons qu’à notre propre échelle de conscience et donc, tout n’est que le fruit de notre imagination.

Et si tout n’est que le fruit de notre imagination, alors rien n’existe et ce que les anciennes religions nommaient Dieu non plus.Dans un postulat de base qui est gnostique : Si on considère que Dieu est l’univers et que l’univers est l’ensemble de la matière, vu que nous sommes faits de la matière des étoiles, donc de l’univers… Alors, nous sommes en Dieu et Dieu est en nous. Et finalement tout est Dieu. Alors puisque nous existons, Dieu existe. Dans un postulat de base qui est fraternel, hermétique et alchimique :La naissance des prophètes (quels que soient les noms qui leur étaient donnés autrefois) n’est qu’une belle allégorie de la création de la pierre philosophale. Des matières éparses et présentes tout autour de nous dans la nature peuvent être assemblées par un travail qui permettra de créer :La Pierre philosophale au blanc (une matière qui n’estabsolument pas fixée), la Pierre philosophale au rouge (une matière transparente et brillante) qui est soluble dans l’alcool (elle constitue ce que les anciens appelaient l’élixir de vie éternelle). Là, elle est la matière dans lequelle porteur de lumière s’incarne. Donc, d’après ce postulat, Dieu existe bien en toute potentialité et peut être fabriqué ! »

Les trois Punks m’avaient écouté avec avidité.

« Eh bien dis-donc ! Vous en savez… »

« Ah oui, c’est vrai… »

Et ils repartaient très vite dans leur conversation et dans leurs tergiversations. Au lieu d’éteindre le foyer, je n’avais, hélas, fait que de le raviver. J’avais nourri toutes leurs spéculations. Je décidais de commander un grand verre d’eau à la première des Steamwarts qui passerait. Je prendrais une gélule de plantes pour dormir (un mélange de passiflore, escholzia, valériane et houblon BIO).

Je me retrouvais dans l’une des ruelles de Guimbières (dans l’intention de le revoir…) Je marchais tranquillement en repensant aux derniers moments de mon voyage dans le petit aérotransport. Les moteurs étaient arrêtés. La passerelle était descendue. Nous allions quitter l’aérostat en empruntant les marches.

La conversation des trois Punks (ceux avec qui j’avais parlé) s’était maintenant terminée. Ils s’occupaient de leurs bagages (et sûrement de la suite de leurs voyages). Un green-veggie était derrière moi. Un couple de daft-punkers était devant moi (leurs corps étaient entièrement recouverts d’une combinaison grise métallisée. Leur tête était placée dans un grand haut de casque. C’était bien à ce moment que j’avais découvert que j’avais voyagé avec cette célèbre chanteuse : Isabelle Alexandra. Quelle rencontre ! Je n’en revenais toujours pas. Je continuais mon chemin dans les rues pavées lorsque j’arrivais sur une place que je reconnaissais très bien. Pourtant, sa physionomie avait changé du tout au tout. Les tables avaient disparu. Les marchands aussi. Ainsi que les conversations et tous les gens qui mangeaient. Comme si la vie avait disparu elle-même. Je regardais tout autour de moi. Cette place me paraissait bien plus grande que la première fois. Mon regard se retrouvait tout à coup attiré par un ensemble statuaire. Piqué par ma curiosité, je m’avançais (oubliant quelques instants mon rendez-vous). Je me rapprochais découvrant une statue de Michel. Assurément, je le reconnaissais : il levait une épée flamboyante vers le ciel, un rosier poussait à ses pieds. Elle portait trois fleurs. Ces trois fleurs étaient à trois différents stades : le bourgeonnement, l’ouverture et la pleine floraison. Le mot de rose venait du sanscrit Vrad qui désignait ce qui était un adoucissement. Je comprenais tout de suite le lien évident qu’il y avait avec le mot éolique ωρηοδιον, wrodion qui désignait la seule couleur rose. Cette citation me revenait à l’esprit :

« Je ne puis me plaindre que les buissons de rose aient des épines ou me réjouir que les buissons d’épines portent des roses… »

(Mais, après tout… La métalalchimie n’était-elle pas une poésie de la nature ?) Je continuais ma route. J’arrivais devant un bâtiment en pierre. Une petite porte gothique était en face de moi. Elle m’attendait. Cette devise figurait au fronton de l’entrée (de ce qui était en réalité une franche caverne) :

« Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre ! »

Je me rappelais les avoir vus ces mots sur le fronton d’une école en Grèce (l’école de Platon). Dans les beaux jardins d’ακαδημoς, akadémos : Et la géométrie se pratiquait avec un compas et une équerre (qui associés entre eux forment un losange). J’étais presque pile à l’heure, même à la dernière minute près, au bon endroit, au bon moment. Mon nouvel ami discutait sur la place avec des proches. Il m’accueillit chaleureusement et me serrait la main et me présentait ses camarades, un crêteux et une métaverse. Il m’invitait à le suivre. À quarante-cinq ans, je pensais n’être encore pas trop mal. Du moins, en esprit. Mais toutes mes illusions s’égaraient rapidement devant l’intelligence des peintures qui transcendaient la crypte dans laquelle je me permettais de descendre (à sa suite) et qu’il avait aménagées toute sa vie en librairie. Ici, le symbolisme s’étalait partout. Il me montrait son tableau préféré, une toile d’Edgar Allen Poe.

« L’image peut engager celui qui la regarde dans une voie de garage. Elle peut être un leurre pour l’esprit, pour celui qui ne sait pas en décoder la signification et ce dernier peut passer sa vie dans un aveuglement le plus total et n’y voir bien que du feu, sans rien comprendre. Il peut, aussi, se perdre corps et âme dans un labyrinthe de terre. Parfois l’art peut vous noyer sous une avalanche de couleur ou de formes très aériennes.

Et pourtant, tout est tellement plus grand que cela ! Voyez-vous, le Grand Archipeintre n’est pas caché, c’est le Punk lambda qui est non-voyant. Et rendre la vue aux aveugles peut nous permettre de leur ouvrir les yeux sur les vérités et les beautés de notre monde. L’être humain, celui du monde commun, du monde profane, ne voit généralement pas plus loin que le bout de son nez ou de la rue et sa vision lointaine est absente en lui. C’est ainsi que je révèle un secret dans mon nouveau livre qui s’intitule : « L’art tend son miroir à la nature… » C’est une citation d’Oscar Wilde, vous l’aviez sûrement deviné, je suppose… »

Il ne me laissait pas le temps de lui donner une réponse qu’il reprenait sa prose :

« J’explique au néophyte, en préambule, que ce tableau est le premier d’une série de trois aux dominantes noires, blanches et rouges. Nous pourrions ainsi tous l’observer pendant des moments interminables, nous pourrions essayer d’en détailler son acrylique, voire même d’en résumer ladétrempe à ceci ou cela que nous perdrions notre précieux temps. Il y a fort longtemps de cela maintenant, parce que l’auteur de cette toile nous a quittés, il y a très exactement cinquante et un ans, Edgar Allen Poe écrivait, de façon codée dans son testament qu’un secret existait dans ces trois œuvres et que ce secret n’apparaissait que dans la réunion des trois tableaux, les uns au-dessus des autres éclairés par une forte lumière. Comme vous devez le savoir, le second tableau est au Métropolitain Museum et le troisième est censé avoir été perdu. Mais, je ne doute guère, qu’en réalité, quelqu’un l’ait bien, oublié dans un coffre, une réserve ou même qu’il ait été recouvert par une autre peinture plus récente, elle. C’est-ce qui se dit… Aussi. »

Je restais abasourdi par tant de connaissances sur l’art. Comment pouvais-je admirer une telle œuvre murale sans trop me poser de questions ? Et je constatais à mon grand désarroi que plus bas, les livres, tels des soldats, se positionnaient en rangs serrés sur les tables. Mon nouvel ami (que tout un chacun nommait Maître Mirah) me parlait d’une voix très chaleureuse, bien qu’enrayée par les bouffées de jovialité qui venaient nourrir ses réflexions.

Il guidait mes pas vers une autre œuvre.

« Voyez-vous, cher ami, ceci est un vernis Byzantin. Malgré que cela soit très ancien, certains pensent que ça n’a pas de valeur, mais moi, je dis au contraire que ça n’a pas de prix. C’est une de ces représentations de Saint-Luc peignant la vierge.

Regardez de plus près, à l’arrière-plan, vous y verrez un Grand Architecte maniant le compas à l’allure tout à fait mauresque. Et mieux, dans son arrière-plan à lui, qu’y voyons-nous ? Une rivière, un acacia et quelques épis de blé… L’un des promoteurs les plus importants de ces styles artistiques, différents, certes, mais unis par un même intérêt, fut le peintre et critique littéraire Joséphin Péladan, qui créa le salon de la Rose-Croix. Celui-ci accueillait alors, le temps de son existence, toute une série de présentations d’avant-garde artistiques… »

Il arrivait à se livrer, à être dans l’instant présent de l’émotion et son enseignement était constamment ponctué d’anecdotes toutes aussi croustillantes et intéressantes les unes que les autres.

« C’est lors d’un salon du livre, sur une petite place bordée d’un muret que je fis la connaissance de celui qui allait devenir mon maître à penser, mon mentor. Après mon arrivée, j’avais rencontré les organisateurs, pris un pot de bienvenue avec quelques croissants de lune et un Royal-café puis, je m’étais laissé guider par une dame charmante vers ma place. Mes deux livres étaient installés sur une table, en plusieurs exemplaires. Je discutais avec ma jeune voisine de gauche le temps de quelques instants. Puis, en milieu de matinée, mon voisin de droite m’interpellait de sa grosse voix éraillée par l’âge. C’était une voix du sud.

« Eh, petit ! Tu t’y prends mal. Très mal. Il te faut engager la conversation avec les Punk-people qui passent devant toi.N’as-tu pas observé comment je fais ? Dans la conversation, commence à écrire et à dédicacer et si le cyber-zonar ou la harpie-zombie ne te prend pas le livre, arrache la page. Mais prévois avec ton éditeur de faire des livres avec deux ou trois pages blanches ! »

Il s’agissait de faits du passé liés à son métier. Et au milieu de toutes ces œuvres anciennes, il y en avait de plus récentes de Man Ray, de Roberto Matta, d’Alberto Gironella, de Wifredo Lam, de Leonora Carrington, de Jean Degottex, de Gérard Schneider, de Serge Charchoune, d’Hervé Télémaque, de Hans Hartung…

Il me racontait ensuite une histoire qui était arrivée à sa mère dans les années dix-huit cent soixante, lorsqu’elle tenait, elle aussi, une galerie :

« L’un des tableaux que ma mère possédait était resté dix-sept ans à l’envers et personne ne s’en était jamais rendu compte. Un jour de septembre, une dame passait et reconnaissait les œuvres de son père parmi toutes les autres. Elle rejoignait alors la propriétaire, se présentait, discutait quelques instants avec elle et finissait par sortir de son sac en faux cuir, une image peinte, protégée sous un voile de papier transparent, de son père qui posait devant ledit objet qui était visiblement placé dans un autre sens. Et à sa grande stupéfaction, elle reconnaissait qu’elle s’était longtemps trompée. Elles s’aidèrent mutuellement, l’une l’autre, pour le renverser. Après une courte observation de satisfaction, elle s’aperçut de la présence d’une lettre R, ce qui faisait de son auteur un membre évident de l’Ancienne et Récente Confrérie de l’Airpunk (la fameuse A.R.C.A). Une confrérie invisible pour le monde commun des Steampunkers et des Steampulpeuses puisque c’était le groupe des aéronautes, avant que les vols modernes ne fussent inventés ».

Tout à coup, un bruit de sonnette retentissait. Maître Mirah me regardait en levant un doigt au ciel.

« Quelques instants. Je n’en ai pas pour longtemps ».

Il se dirigeait vers l’entrée pour aller accueillir le client. Je me retrouvais positionné en retrait, un peu à l’arrière de cette échoppe. Je n’entendais presque rien de leur conversation, mais je comprenais que l’homme qui venait de rentrer, demandait le livre d’un homme politique. Ils se dirigeaient tous les deux vers une petite table. Le vendeur regardait à droite et à gauche puis, finalement, trouvait l’exemplaire demandé. Il en prenait un et le plaçait dans les mains de l’acheteur. Ils se dirigeaient vite vers la caisse. Le premier sortit une bourse de l’une de ses poches et lui tendait un gros billet. Le second tapait sur quelques touches mécaniques de sa caisse enregistreuse qui s’ouvrait, encaissait le billet et lui rendait de la monnaie.

Il reconduisait le client vers la sortie, en le remerciant puis, d’un pas encore leste malgré le temps, il revenait vers moi. Cet après-midi-là, entre deux clients, il m’enseignait que, dans l’écriture d’un livre, le plus dur était de parler en plaçant un voile discret devant la réalité (c’était ce que je pensais avoir bien fait aujourd’hui…) Dans la conversation, il me proposait de venir avec lui à Rennes-le-Haut. Il y connaissait un ami, depuis de nombreuses années qui possédait pied-à-terre en campagne et un atelier discret dans la grange d’une propriété. J’allais enfin voir, après Gisors, le second lieu du plus grand mythe urbain de tous les temps, le mythe qui réunissait tous les mythes, si grand, si puissant, que tous les vingt ans, comme le phénix, il renaissait de ses cendres. Je revenais quelques semaines plus tard en compagnie de ma magnifique valise Vintage Olivers et de tout le nécessaire bien logé à l’intérieur. Le lendemain matin, nous partions. Il était habillé d’une vieille redingote tout usée de chez Steamer’s. Nous achetions donc chez le même couturier. Je m’en souviens, c’était un 14 janvier, trois jours avant la date fatidique du 17. Il faisait anormalement chaud à cette date. Il ne pleuvait pas ni ne neigeait. À vrai dire, il faisait beau ! À l’aérogare, nous montions dans l’Aquabus. Voilà, nous étions partis pour plusieurs heures. Il nous faudrait faire un changement et prendre une grande ligne volante entre Sainte-Agine et Veulx-la-Rouge puis, une seconde, plus petite pour débarquer dans la petite ville de Rennes-le-Bas quelque part au sein du district départemental des Laudes. Durant les trois vols, je me délectais de toutes ses anecdotes continuelles sur son métier.

Il me racontait que très vite, il s’était passionné pour tout ce qui touchait au mystère et au paranormal. Mon maître se lançait encore cette histoire :

« En mille cent soixante-dix ou peut-être un an plus tard, Reddae, comme on l’appelait à l’époque, tombait sous les coups de l’armée du roi d’Argonne et la ville basse fut rasée ».

D’un air souriant, il me disait :

« Imaginer donc : des centaines de cadavres et des ossuaires abandonnés un peu partout, cela en fait des morts à qui soustraire des bijoux. »

« Oui, en théorie… Mais où chercher ? »

« Eh bien, il suffit souvent de s’en remettre au hasard le plus pur et il arrive que sans chercher quoi que ce soit, des yuppies ou des demi-cocottes trouvent quelque chose. Différents auteurs du passé, tels que : Frédéric Lewis ou Louis-Charles Jeanteste ont écrit que :« Quelqu’un de Rennes-le-haut, en réalisant de courts travaux pour les fondations de base de l’un de ses bâtiments, découvrit un jour, un charnier dans une sorte de large piscine, de forme ovale et construite toute en pierre. C’était au lieu-dit : « Le chapeau », il y a presque un siècle de cela ! »

« Cela circonscrit à peu près l’ancienne ville de Reddae »

« Pensez-vous ! Une ville de trente mille habitants, au bas mot, avec de grandes villas agricoles… Notre moderne Rennes-le-Haut n’est bien (en réalité) que la partie émergée de l’iceberg. Parce que figurez-vous que différents tombeaux et d’autres charniers de l’époque Wisipuntique furent par la suite redécouverts à différents endroits des monts de notre district départemental ! Je pourrais en citer au moins… une demi-douzaine sur les communes de Bugarach, de Lavaldieu, de La Serpent, de Sougraigne, de Saint-Just-et-le-Bézu, de Fourtou, d’Arques, de Campagne-sur-Aude et un peu plus loin, de Périllos »

Notre discussion, très intéressante sous tous ces rapports, ne se terminait pas. C’est alors qu’au bout d’un moment, notre Aquabus entamait sa descente vers le point terminal de notre course. Il nous fallait bien effectuer trois rapides changements. Nous descendions, promenions nos valises en direction d’une autre aire d’envol dans l’aérogare bondée d’une grande ville, attendions et remontions nous asseoir. Le dernier tiers du voyage était tout aussi plaisant que les deux autres, car notre conversation reprit assez vite son cours. Nous commandions une petite bouteille en verre recyclé d’une petite eau minérale de régime : « Vichy ».

Comme nous n’avions pas faim, nous ne comptions pas manger à bord. Bientôt des collines nous environnèrent à l’est et de grandes montagnes apparaissaient en face (à l’Ouest). Enfin, notre dernier aéroporteur nous amenait à destination et entamait lui aussi sa descente. La machine ainsi posée, les deux moteurs à fusion froide ralentissaient, l’escalier se débloquait et descendait se positionner en direction du sol. En compagnie de cinq ou six autres voyageurs, nous venions débarquer à Rennes-le-Bas. Je n’aimais pas vraiment les grandes villes trop modernes. Tout autour des centres urbains, leurs longues cheminées pleines de crasse déversaient continuellement d’énormes panaches de fumée verdâtres dans l’atmosphère. Ces fumées contenaient de la vapeur d’eau et je ne savais quoi d’autre qui donnait cette couleur nauséabonde qui n’était pas celle de la nature. Et dans certaines cités industrielles, cette pollution rendait notre air quasiment irrespirable. Rennes-le-Bas… Ce n’était certes pas notre capitale Éllyon, ni Rouen-les-mines, ni Gisors, mais les quelques usines n’ajoutaient rien de bien au paysage olfactif de l’endroit. Ici (comme ailleurs), la révolution industrielle battait bien son plein. Mais à part cela… Rennes-le-Bas était une petite ville sympathique dont certaines maisons étaient accrochées à flanc d’une rivière, un affluent de l’Audèle qui se nomme La Sals. Nom évocateur, non sans rappeler le sel que cette eau contenait et qu’elle avait probablement récupéré en dissolvant des roches calcaires datant du crétacé. Un peu plus loin coulait la Blanque, elle-même petit affluent de la Sals. Sous le pont bleu, l’eau y ruisselait à torrents. Un long bâtiment rose se démarquait dans un village somme toute assez sympathique, mais pas plus étrange que cela. Tout à fait ordinaire, en fait, avec un hôtel de France : « Le Therminus », une épicerie : « La rennette », un salon de thé qui faisait chambre d’hôtes… Ainsi que diverses autres chambres d’hôtes de plus ou moins grand luxe.

Nos pas nous dirigeaient vers une taverne sise à côté d’un bâtiment aux volets verts et fermés. La devanture était d’une belle facture et de couleur orange et portait les mentions :

« Café, Bar, Restaurant. À L’Or Loge ».

Nom qui nous promettait une référence tout à fait intéressante à un bon roman de Maurice Lenoir : « Les douze coups de l’horloge ». J’avais dévoré ce livre lorsque j’étais bien plus jeune dans l’une des bibliothèques poussiéreuses que l’enseignement monarchique avait su préserver. Les sept premiers coups étaient liés aux sept métaux, le huitième était dédié au mercure et les quatre derniers à chacun des quatre éléments. C’était un recueil de nouvelles qui était publié à partir de 1822 dans un journal gauchiste : « L’Excelsior ». Depuis, soixante-trois ans s’étaient écoulés. Toutes les tendances de la mode se croisaient ici : Cybergomme pour les enfants, Drydehearts pour les fillettes ou Métalshott pour les scaphandriers. À l’une des tables était assise une des personnalités du coin habillé d’un célèbre modèle de chez Lord Byron : deux yeux dépareillés, une moustache et un chapeau de même couleur que l’ensemble nous saluèrent comme s’ils attendaient le retour du roi. Ou du messie. Ici, Maître Mirah était connu de tous. Chacun voulait lui serrer la main (même les mécaniciens) ou lui laissait un petit sourire amical en guise de bonjour. C’était vraiment le Grand Cophte, si l’on peut dire… Nous prenions soin de discuter un peu plus ou un peu moins avec tout le monde. C’était un passage obligé ! Lorsque nous parvenions enfin à l’intérieur, il nous fallait nous asseoir et commander à boire. À vrai dire, toutes nos longues tergiversations de la journée nous avaient donné soif. Je commandais un demi-bleu léger garni de glaçons (un bleu était une boisson qui se préparait dans le sud par macération d’écorces d’orange et de myrtilles, des extraits d’anis vert, d’anis étoilé et de fenouil, séparément, dans de l’eau-de-vie de vin. Ensuite, les macérâts sont intelligemment mélangés par des maîtres de chai. Tout comme l’alcool, leur proportion peut varier selon les maisons. Un demi-bleu est un verre composé d’une moitié de limonade). Il prit une menthe à l’eau. Nous trinquions et nous buvions durant tout le reste de l’après-midi au gré des personnes qui continuaient à venir nous parler. Assis autour de mon maître, les conversations allaient bon train :

« Je n’y suis jamais allé moi-même, bien entendu… Mais j’ai toujours entendu dire que cette montagne était truffée de grottes et d’avens. Plusieurs témoins ont disparus dans des trous, des cavités plus ou moins profondes et sont revenus pleins de délires »

« Des délires ? »

« Oui, des délires de terre creuse, de galeries, de longs tunnels, d’immenses lacs, de trésors et j’en passe… Tiens, connaissez-vous celle du berger Pâris ? »

Par habitude, il regardait sa montre.

« Oui, nous avons le temps ! Cette histoire venue du passé, sise au croisement de la mythologie universelle et de l’épopée locale, nous conte la mésaventure d’un jeune berger, Ignace Pâris, qui connut la tentation de Saint-Antoine. Ainsi, en l’an de grâce mille six cent quarante-cinq, par une belle journée de printemps, un jeune homme de Rennes-le-Haut cherchait une brebis qui s’était perdue. Il entendait l’animal bêler, mais ne la voyait pas. Elle avait chuté dans un gouffre, une énorme catin. L’apercevant d’en haut, le courageux berger décidait, tant bien que mal d’aller la sauver. Terminant une descente quelque peu difficile, il s’engageait dans la demi-pénombre d’un boyau souterrain. Il descendit retrouver sa belle. Ce fut une incroyable surprise : dans cet infâme sous-sol dormaient depuis longtemps des squelettes ainsi que des monceaux d’or. Il eut vite fait de ramener la brebis à la surface et de revenir remplir son béret du précieux métal. Il revenait ici s’amusant à tort de conter son exploit. « Il faut s’entraider, c’est la loi de la nature. Donne-nous de l’or… » Eurent-ils vite fait de lui dire. Mais comme il refusait de révéler l’emplacement du trésor, les villageois le firent lentement mourir sous les coups, les jets de pierres et la torture. Ils se partagèrent le peu qu’il avait ramené. Comme l’écrivait, plus tard, notre fabuliste national Jean Lefontanier : « Tel fut pris celui qui avait cru prendre… »

Il aurait dû savoir qu’il ne fallait jamais vendre la peau de l’APXO sans l’avoir jamais ramené de terre… Et je pense que cet homme avait tout à fait raison ».

Puis, le soir, un peu fatigués, nous quittions nos amis, laissions la patronne et ses serveuses pour retraverser la place garnie de petits platanes et finalement nous diriger vers une maison aux volets bleus, en contrebas, où l’on pouvait loger pour la nuit et qui se nommait : « À cœur de Rennes ». Se posant probablement des questions, Maître Mirah toquait à la porte avec un marteau décoré des quatre chevaux de l’apocalypse. Étrange endroit où placer de telles bêtes.

Une dame arrivait quelques minutes plus tard. Elle nous rassurait et elle ne nous avait en rien oubliés. Elle nous ouvrit la porte et nous guidait vers les hauteurs par un petit escalier en bois teinté par les décennies. Nous reprenions alors nos discussions autour d’un lord-sandwich et nous allions nous coucher. Le lendemain matin, mes yeux s’ouvraient sur une petite pièce vide. Ils peinaient à reprendre vie. Ma nuit avait été agitée par je ne savais quel cauchemar qui me semblait prémonitoire. Mais j’oubliais tout cela bien vite. J’étais toujours dans le salon, sur le canapé dépliable. Mon mentor dormait encore. Je me dépêchais de me lever et de m’habiller tant bien que mal. En bas, une porte s’ouvrait. Un petit : « Bonjour ! » parvint jusqu’à mes oreilles encore mal réveillées. La dame d’hier montait d’un pas léger en compagnie d’un déjeuner posé sur un plateau. À ces entrefaites, Maître Mirah ouvrait sa porte pour montrer le bout de son nez.

« Bonjour ! »

Nous lança-t-il le regard rieur. Nos réponses ne se firent pas attendre.

« Avez-vous bien dormi, Maître ? »

« Oui, oui, Paul… »

Mais, à vrai dire, son précédent sommeil, qu’il venait d’ailleurs de quitter définitivement, ne le préoccupait pas plus que cela. Et il enchaînait sur le programme du jour. La dame nous laissait en nous souhaitant une bonne promenade et une bonne journée.

« À vous aussi… »

Lui lançait-il nonchalamment en pensant à ce que nous allions faire.

J’étais claqué, tout à fait claqué de la veille et lui ne pensait qu’à recommencer. Il se portait parfaitement bien. Moi, moins. Nous terminions notre déjeuner pour refaire nos bagages après une douche. Nous descendîmes et fermions soigneusement la porte derrière nous. Tout repartit dans la voiture. Elle nous attendait toujours sous les vieux platanes. La place était déserte. « L’Or Loge » : ne sonnait pas. Tout était fermé. Il était trop tôt… Ou peut-être trop tard. J’avais moi-même connu les longs afters, lorsque j’étais plus jeune. Notre promenade nous menait de-ci de-là dans les rues de Rennes-le-Bas. Elle nous permettait de voir une longue façade jaune dans la rue de la mairie en face d’une maison qui portait de grands volets blancs usés et fermés. Puis, nous quittions l’endroit en nous inquiétant de savoir qui pouvait rouler bien trop près de nous. Une mécanomobile nous doublait d’un peu trop près. Il s’agissait d’une VW (une Verne and Wells). Cette machine rutilante (aux : « éléments de design élégant et fonctionnels ») était une grosse mécanique hippomotorisée. Mais fort heureusement, il n’y avait que les farfelus ou les riches pour piloter ce type de machines à moteur. Rendez-vous compte : pour les généraliser, il nous faudrait remplacer une portion gigantesque de nos champs par des circuits (ce que les amoureux de ces véhicules nommaient si étrangement : « Des routes goudronnées »). Fort, heureusement, parmi nos dirigeants, personne ne voulait en entendre parler. Ils pensaient tout d’abord à la protection de toutes les surfaces agricoles et de toute manière, rien ne pouvait remplacer l’idéal du vol en Aquabus. Le dernier modèle était un dirigeable plus gros que les précédents. Et de surcroît, bien plus rapide. La construction de ces circuits (même en ville) restait l’apanage de quelques particuliers. Pour nous rendre à Rennes-le-Haut, il n’y avait rien. Rien à part un chemin qui nous conduirait vers un nid de corbeaux construit en hauteur, en direction des Monts Pyrènes. Vers midi, en marchant sans nous presser, nous prenions soin de nous régaler d’un : « Lord sandwich » que nous avions préalablement acheté.

Il contenait des tranches de jambon et de fromages de pays. Le chemin était vraiment tortueux et plein de petits cailloux.

Nous enlevions quelquefois nos Hatflats pour nous essuyer le front. Finalement, nous parvenions au sommet de ce piton fortifié. Un magnifique petit village constitué de remparts s’offrait maintenant à nous. Un panneau intitulé : « Mon beau village » nous accueillait. Il était coulé dans une rocaille et plombé dans un trottoir au milieu de la végétation. Nous arrivions près d’un chemin, sur la droite. Il m’indiqua comment monter plus rapidement au village, sans repasser par la route : un escalier secret… Aurait dit Goldblum dans : « Le seigneur des Zannales », une œuvre éminente du franc-mécanicien J.R.R Tolbien qui gardait encore tout à fait sa place dans ma bibliothèque. J’adorais cette trilogie de romans. Je l’avais lue et relue plusieurs fois depuis mon enfance. Un jour, j’étais vivement intrigué par un article très intéressant paru dans : « Rénovations françaises » par Jean-Charles de Notre-Dame qui relatait des extraits de quelqu’un qui avait rédigé une étude mathématique sur le sujet des décryptages analytiques des romans et des comics-book dans le monde.

Je possédais également le troisième opus du roman : (« Le retour d’Érroi ») que j’avais acheté chez un bouquiniste, lorsque je m’étais rendu dans la célèbre petite cité du livre de Bécherel, lors de la fête nationale du livre. J’avais passé trois jours à chiner et à chercher un trésor que je convoitais depuis longtemps ; ce troisième volume, dans une édition ancienne qui était devenue rare au fil du temps. Je ne regardais évidemment pas sur le prix. Je payais plus de deux cents Tournois, mais j’étais heureux. Après plusieurs années de recherches dans différents villages du livre, à Redu, à Ambierle, à Cuisery, à Fontenoy-la-Joûte, aussi à La Charité-sur-Loire, à Montmorillon, à Montolieu, à Esquelbecq, à Sablons… Et enfin à Bécherel dans le duché de Bretagne. Et que cela soit en Bretagne ou en Belgique, cela n’avait pas d’importance. Pour l’un comme pour l’autre, ce n’était pas tout à fait notre si joli royaume, mais ce n’est pas non plus véritablement l’étranger puisque traditionnellement, la Bretagne était dirigée par une sœur de notre bon roi qui en était la duchesse et c’est un cousin né notre majesté qui est archiduc dans le Nord.

Bécherel est construit en hauteur. Pour y accéder, cela se gagne à la sueur de son front. Mais pour quelqu’un des Laudes, ce n’était rien ! Je m’étais amusé à me promener sur les remparts ou j’avais pu voir, là aussi, un très beau panorama sur la campagne environnante. Je m’étais baladé tout autour de l’étang de la teinture et j’étais allé m’asseoir au lavoir de la Couaille, en contrebas du village, sur le muret, entre deux pots de fleurs, à l’ombre d’un toit soutenu par toute une série de piliers anciens. J’avais sorti le livre de mon sac pour bien l’examiner. Tout était encore là : la pièce de titre en maroquin rouge, les nerfs, les fers, les dorures… C’était un in duodecimo en plein cuir de veau de blonde d’aquitaine. Je l’ouvrais pour constater que les nerfs simples du cousu étaient en parfait état. Les pages n’étaient pas moisies et les images n’étaient pas non plus défraîchies. Les images étaient importantes puisqu’elles n’étaient pas reproduites dans les éditions les plus récentes de ce qui n’était à mon sens, plus réellement un livre, mais qui avait été inventé pour démocratiser la lecture parmi les âmes du petit peuple. Les images contenaient de la stéganographie qu’il était tout à fait intéressant de décoder.

Je m’en souvenais comme si c’était hier, là, devant un second panneau qui nous présentait une carte du village, entouré de quelques images. L’une d’elles était une scène ou un personnage semblait tenir une lampe dans une bibliothèque interdite, au troisième étage. Avec sa lanterne, il ne faisait que suivre dans la nuit, les pas de mère Nature qui marchait au loin, devant lui. La scène dépeinte me ramenait à un arcane majeur du Tarot, l’ermite que je surnommais affectueusement Thierry ou Bernard. C’était selon les jours… Et je me souvenais aussi de ce quatrain de Michel de Nostredame :

« Quand l’escriture D. M. trouvée, et cave antique à lampe descouverte… »

Comme quoi, le règne de notre bon roi Clovis XIV n’avait pas totalement tout inventé et les images anciennes se recyclaient à perpétuité. Le texte du panneau nous racontait que :

« Perché sur sa colline à cinq cent soixante-deux coudées de hauteur, l’origine de ce village se perdait dans la nuit des temps. Rennes-le-Haut, sous le nom de Rhedae, était une cité importante au temps des Wisipunks. La cité connut son apogée à l’époque de notre bon roi Charles V le Grand Punk… »

Ensuite, le panneau montrait des images des cinq lieux les plus intéressants de ce village, le porche, la place, le temple, la villa Belthane et les pseudo-remparts. Nos pas nous ramenaient vers l’entrée du village ou une grosse roche portait encore le nom de : « RENNES-LE-HAUT » Puis, ils nous dirigeaient vers l’entrée du village. Nous passions sous un porche visiblement ancien. Je levais la tête vers les hauteurs et tout me semblait sans mesures. Il portait trois petites pierres bien énigmatiques. Sur notre gauche, un peu plus loin, un restaurant se nommait : « L’Escondida » ensuite, il y avait : « Aux trésors des saveurs » puis un gîte : « Au temps suspendu ». Je constatais, non sans quelque déception qu’il y avait des travaux partout dans ce petit village. Il s’y produisait des réparations, des modifications, des transformations…

« Des défigurations »

Vous diraient les nostalgiques du temps passé qui se souvenaient encore du village tel qu’il existait autrefois, trente ans en arrière. Nous marchions à grands pas, j’avais de la peine à le suivre. Ces grandes enjambées me rappelaient une fois de plus le personnage de mon roman.

Nous nous permettions de nous diriger vers l’entrée d’un bâtiment. L’endroit était décoré de pierres anciennes et des bordures marquaient ainsi la délimitation de différentes plates-bandes dans lesquelles poussaient des iris. Mais ceux-ci n’étaient pas encore en fleurs. Sur la gauche, un mur en vieilles pierres grises de la région surmonté d’une touffe de fleurs à son sommet était flanqué d’une arcade, elle-même fermée par un grand grillage entièrement peint en gris. Une plaque d’un gris métallique brillant portait la célèbre mention : « Terribilis est locus iste », la porte était à demi ouverte. Nous entrions. L’entrée était gardée par deux piliers qui étaient sculptés de deux geais blancs. Nous marchions sur un pavé mosaïque devant un beau chemin de croix posé à l’envers et fixé sur un mur légèrement peint en bleu. L’endroit était à mi-hauteur couvert de boiseries. Tout à coup, j’étais pris d’une grande frayeur. Nous étions accueillis par une sorte de monstruosité toute rouge qui attendait notre venue dans la position dite de la génuflexion. Il était vêtu d’une toge verte. Sa tête était recouverte d’une touffe de cheveux. Elle était garnie de trois boucles et portait deux cornes qu’il me semblait être de la même forme que celles des races caprines des Laudes. Il avait deux grandes oreilles elfiques qui lui permettaient sûrement de comprendre la langue des oiseaux, des pieds de bad-rockers, un visage d’homme et la taille d’un NNN. Comme beaucoup de monde, j’en connaissais assez sur toute la trilogie des livres intitulée : « Le seigneur des Zannales » pour pouvoir le décrypter. De plus, je savais que :

Ses deux gros yeux globuleux étaient chacun dotés d’une pupille bleue. Une gueule béante se détachait de son menton et lui donnait un air abominable. Son corps était tout à la fois musclé par certains endroits et presque squelettique en d’autres. Maître Mirah m’avait conduit dans cet antre dans le seul but de me le présenter.

« Son nom latin le désigne comme le souffle ardent du divin. Mais ne vous y fiez pas, le feu des enfers est un feu froid, un feu glacial. Diverses légendes courent sur lui. L’une d’elles raconte que le roi Salomon l’aurait chassé d’une sorte de pierre dans laquelle il se serait réfugié après avoir chuté du paradis. C’était une sorte de grosse pierre rouge dont le Grand Maître des Kabbalistes avait besoin pour l’installer au centre du naos, le saint des saints, dans le temple.

Elle était gardée dans une sorte de grosse boîte rectangulaire en bois d’acacia, recouverte d’or à l’extérieur comme à l’intérieur et dont le propitiatoire était décoré de chérubins, aux deux extrémités du couvercle, tous deux également recouverts d’or. Le couvercle était gravé du nom du Tétragramme. L’histoire nous raconte encore que, dans ses dimensions, cette boîte avait trois coudées, quatorze de longueur et une coudée et demie de largeur. Donc, aussitôt extirpés de la pierre, les soldats de la garde royale se jetèrent sur Asmodée et attachèrent au cou du monstre rouge, une chaîne portant le nom de notre G.A.D.L.U et qui avait été forgé par les trois meilleurs métalalchimistes. Lorsque le vil démon se réveillait et qu’il apercevait la chaîne posée à son cou, sa colère se déchaînait et il se révoltait, essayant de l’arracher, mais il ne pouvait pas y arriver : la chaîne était magique. Salomon lui serinait :

« Ne t’inquiète pas, ne t’irrite pas, puissant démon ! Ce n’est ni par ambition ni par avidité que je t’ai appelé devant mon trône, mais uniquement parce que je désire avoir ton conseil pour une œuvre que je veux entreprendre en l’honneur du divin. Mon père David, avant sa mort, m’a chargé de construire la maison du divin, qu’il ne pouvait pas édifier lui-même. Mais comme il m’est défendu par la Loi de me servir d’outils en fer pour tailler les pierres nécessaires, je me trouve dans un grand embarras. J’ai donc besoin que tu me crées des outils magiques en bois qui tailleront autant la belle pierre de taille que les jolies pierres précieuses, car il faut que sur ces pierres je construise mon temple à l’éternité ».

Je restais perplexe devant la statue. Ou du moins, je me posais des questions.

« Honnêtement, je ne vois pas l’intérêt d’une telle statue »