Les Sylvimaines - Jean-Noël Bertora - E-Book

Les Sylvimaines E-Book

Jean-Noël Bertora

0,0

Beschreibung

À la suite de la disparition de l’humanité, des arbres conscients, doués d’ubiquité et d’une intelligence prodigieuse, sont les maîtres du monde, le monde floroïde. Ces êtres végétaux éradiquent la moindre trace d’animalité afin d’empêcher le retour d’une chaîne alimentaire dont l’absence de maîtrise par les humains a provoqué le cataclysme. Or, des êtres hybrides mi-humains, mi-végétaux, "les Sylvimaines," créés selon les principes du monde floroïde, apparaissent. Cependant, le peu d’humain présent dans leur organisme est rédhibitoire pour les végétaux conscients. Ils devront donc, dans un premier temps, imposer par la force leur existence, puis partir au loin, pour explorer des espaces encore vierges de la présence des arbres conscients. Trouveront-ils un monde à leur mesure ou un monde encore plus hostile ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après des années de service dans l’aéronavale et l’administration territoriale, Jean-Noël Bertora a enfin trouvé le temps d’écrire. Son premier ouvrage, "Fraternité, Égalité, Liberté", explore la politique à travers une utopie centrée sur la fraternité. Son deuxième, "Un Eden pour conclure", est un roman de fiction dans lequel quelques survivants sont confrontés à un monde nouveau, celui des arbres conscients : le monde floroïde. Son dernier roman, "Les Sylvimaines", dépeint une nouvelle humanité issue d’une hybridation végétale et humaine, en quête de sa place dans le monde floroïde.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 423

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Jean-Noël Bertora

Les Sylvimaines

Une nouvelle humanité

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jean-Noël Bertora

ISBN : 979-10-422-3264-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Les Sylvimaines – Une nouvelle humanité constitue la suite de Un Eden pour conclure

Prologue

Les ultimes vestiges de l’humanité avaient disparu depuis plusieurs siècles. Les derniers humains enfermés dans un ghetto, cernés par des végétaux conscients, s’étaient éteints. Nulle trace de leur occupation de ce territoire n’était visible à la surface d’un continent, à présent entièrement occupé, peuplé, par un océan d’arbres, de végétation, d’une flore, celle du monde floroïde.

Trois champs-clans, celui de Gran Mère Sève, de Gran Sœur Sève et de Gran Frère Sève, chacun constitué de six entités conscientes de Grande Fille Sève à Petit Fils Sève, régnaient en maître absolu avec, pour chacune des entités, des centaines de millions d’arbres conscients. Mère Grande Fille Sève, par exemple, était présente à la fois, en même temps, dans les millions d’arbres ayant son identité, un fabuleux don d’ubiquité permis par un réseau racinien génétiquement modifié. (voir le tome précédent : Un Eden pour conclure)

Au nom du sacro-saint respect de l’harmonie de la biosphère, du rejet fondamental de la chaîne alimentaire, les végétaux conscients avaient éradiqué la moindre infime existence de vie animale. Le monde floroïde, peuplé uniquement d’arbres dotés d’une grande intelligence, dénué de toute violence et de toute velléité expansionniste, respectueux à l’extrême de l’équilibre environnemental, avait engendré un temps infini de paix sereine, végétale.

Mais, apprendre qu’ils furent créés par une humaine, Apolline, constitua un profond trouble qui menaça un temps leur sérénité. Tout comme, d’ailleurs, l’accueil des deux derniers survivants de l’espèce humaine, Octavia et Julius. (Voir le roman Un Eden pour conclure)

Le monde floroïde réussit à surmonter ces difficultés, les végétaux conscients trouvèrent le modus vivendi pour accepter leur origine et s’adapter à la présence des deux derniers humains.

Échappés du ghetto, Octavia et Julius, recueillis par Gran Mère Sève, réussirent à se faire admettre en tant qu’humains. Mais seulement après avoir eu leur nature considérablement modifiée afin de leur permettre : de communiquer par phéromone et surtout avec le langage racinien, de leur donner une frugalité compatible avec l’harmonie de la biosphère, des possibilités quasiment infinies de commander aux espèces végétales sans conscience.

Après maintes péripéties, une portion autonome de territoire leur fut accordée par les végétaux conscients, pour y vivre en paix dans ce nouvel Eden jusqu’à la fin de leur courte vie.

C’est ce qu’ils firent les dix premières années jusqu’à ce qu’Octavia, à l’instar d’Apolline, la Créatrice du monde floroïde, créa l’embryon d’une nouvelle humanité.

Première partie

De la naissance des Sylvimaines

à l’affrontement avec les champs-clans

Allongé dans l’abri végétal d’un jour, Julius se réveillait doucement. À ses côtés, Octavia déjà debout lui sourit et, dans le même temps, une phéromone chargée de douceurs sucrées sortit de son nez épaté.

— Bonjour mon Julius. J’ai ressenti un mouvement et un léger bruit en me réveillant provenant de notre fruit. On va voir ?

Ils utilisaient ce même mode de communication qui était devenu, au fil du temps passé dans leur paradis, le moyen d’échanges qu’ils privilégiaient dans les moments de proche intimité. Les sens du propos se sublimaient d’une perception olfactive.

— Tu crois vraiment que nous avons engendré un être vivant ? J’ai vraiment du mal à le croire, Octavia. Et même si c’est le cas, quel monstre allons-nous découvrir ? J’ai peur, Octavia. Saveur amère.

Octavia s’agenouilla, lui prit le visage dans ses mains aux longs doigts cornés et retrouvant le langage oral, chuchota à son oreille allongée, adaptée à la perception du plus infime mouvement d’air :

— Comment peux-tu penser que nos ADN, en osmose avec les plus pures cellules végétales, en pleine harmonie avec la biosphère, puissent générer une telle horreur ? Non Julius, l’être qui s’éveille sera une merveille de beauté, d’intelligence. Il sera nous et plus que nous. Il sera, il est déjà l’avenir du monde vivant. Apolline, la Créatrice, espérait qu’un jour, un humain et un être végétal puissent se parler, nous, nous les avons fusionnés en une seule créature.
— Oui, mais pas encore Octavia, nous n’en sommes pas encore sûrs.
— Eh bien, allons voir !

Cela faisait maintenant moult décades qu’ils avaient découvert, un matin, un embryon d’être accroché à une racine effleurant le sol. Une forme oblongue où se discernait confusément l’apparition de protubérances annonciatrices de membres.

À présent, se dressait devant Julius, une silhouette filiforme de moitié moins grande que lui. Des jambes noueuses, encore fixées à la racine maternelle, supportaient un corps mince recouvert d’une peau aux larges écailles semblables aux écorces des grands arbres. Deux bras très longs se terminaient par des mains dotées de huit doigts. Mais, c’est son visage qui fascinait le plus Julius, surtout comme en ce moment où il était tourné vers lui. Ses deux gros yeux globuleux, son grand nez aux narines évasées semblables aux siennes, étaient déjà pour Julius des sujets d’intenses émotions, mais c’était le bas du visage, dépourvu de mâchoire, d’un seul bloc, seulement percé d’une fine, très fine ouverture qui donnait la vraie personnalité à l’être qu’ils avaient engendré. Des cheveux épais en grand nombre surmontaient un crâne large et long d’une touffe toujours en mouvement comme les branches des jeunes arbres. Sous la chevelure se discernaient des oreilles, elles aussi pareilles aux siennes, modifiées. Pour l’instant, les capacités cognitives du jeune être n’étaient pas suffisamment développées pour lui permettre de communiquer précisément.

Mais Julius pouvait déjà, notamment en lui prenant la main, ressentir sa présence. Une douce chaleur parcourait alors son épiderme, pénétrait son système nerveux jusqu’à éclairer son cerveau d’une tendre affection. Et Julius, ému aux larmes, laissait jaillir une phéromone débordante de bonheur incrédule.

La période précédente, comparable à une gestation, fut dédiée à élaborer et finaliser la constitution de l’être hybride. Julius et Octavia passèrent de longues journées, connectés au réseau racinien pour, d’abord analyser et comprendre ce qu’ils avaient créé, puis apporter les dernières touches qui avaient donné le résultat final dressé à leurs côtés et qui imposait sa présence dans cette partie du monde floroïde octroyée par les végétaux conscients, maîtres actuels de la Planète.

Octavia avait sécurisé au maximum l’environnement proche. Le réseau racinien, dix pas autour de la position de l’être naissant, était hermétiquement fermé, une bulle olfactive et un plafond de feuilles en assuraient l’invisibilité aérienne. Tant que l’être était encore attaché à la racine maternelle, ce dispositif était suffisant, mais il faudrait ensuite envisager d’autres solutions quand, bientôt, il s’en détacherait. Les champs-clans ne devaient en aucun cas découvrir cette présence. C’était, pour Julius, une autre et principale source d’inquiétude.

Mais, les préoccupations d’Octavia étaient présentement bien loin de cela. Elle devait, avec Julius, créer de toutes pièces les éléments de langage, c’est-à-dire, en fait, ce qui allait caractériser, définir, la nouvelle espèce hybride dressée devant elle.

Que ce soit son aspect visuel ou sa morphologie interne, leur création avait plus de caractéristiques végétales qu’animales. Octavia l’avait voulu ainsi pour lui donner un espoir de vivre dans le monde floroïde. Des humains, l’être aura la faculté de se déplacer, des membres préhensibles et surtout un cerveau couplé à une masse cérébreuse végétale. Mais toutes ses fonctions, alimentaires, digestives, respiratoires, reproductives étaient végétales. Ce qui s’apparentait à des cheveux permettait son alimentation en oxygène, sa peau absorbait l’eau, les pollens, quatre doigts et orteils assuraient l’ingestion des nutriments contenus dans les sols et les plantes sans conscience, les champignons. Les quatre autres étaient dédiés au langage racinien pour ceux des pieds, aux échanges personnels pour ceux des mains. Les phéromones sortiraient de ce qui ressemblait à une bouche. Avec les narines comme réceptacles. Les déchets issus de la digestion étaient évacués par les larges écailles de la peau en se détachant. Ces écailles une fois tombées au sol seraient recyclées à l’instar des feuilles mortes. Ainsi l’équilibre de la biosphère serait maintenu avec l’apparition de la nouvelle espèce. De même, pas de sexe différencié, l’être nouveau était hermaphrodite avec deux organes, mâle et femelle.

Se remémorant tout cela, Octavia recherchait dans la mémoire superficielle de la biosphère ainsi que dans quelques buissons mémoires des éléments pour donner un nom à leur création. Elle perçut alors Julius qui venait de se connecter.

— Octavia, je l’ai senti en lui prenant sa main, c’était merveilleux, une onde de chaleur m’a envahi, nous nous sommes reconnus.
— Oui Julius, son développement cognitif s’accélère, il pourra bientôt communiquer avec nous. C’est pourquoi, il faut maintenant qu’on lui donne un nom, à lui, mais surtout à son espèce, il n’est que le premier.
— Je n’arrive pas encore à admettre ce que tu dis, je ne parviens pas à nous voir en créateur d’une nouvelle humanité, c’est à la fois réel, je le vois, le ressens, mais sans pouvoir me projeter au-delà de cette simple sensation.
— Donner un nom à notre création la fera entrer définitivement dans ta conscience. Il est hybride, le nom devra contenir les deux espèces, végétale prépondérante et humaine.
— Fais-le, toi. Moi, je n’y arriverai pas. C’est ton initiative, je n’ai apporté que ma semence. Octavia, tu es la Créatrice, la nouvelle Apolline, tu…
— Mon Julius, non, tu es aussi important que moi. Tu es aussi le créateur, ne te déconsidère pas, ne te désolidarise pas. Nous allons élever notre création, l’aimer à deux. Ce verbe aimer que nous avons découvert dans l’histoire anicienne des hommes, nous lui avons déjà redonné vie dans nos rapports, nous allons prolonger sa réalité avec lui.
— Bien sûr Octavia, je serai toujours là avec toi, mais pour le nom, je veux que ce soit toi qui le fasses. Tu es la seule légitime, tu es la Créatrice, cela te revient.
— Bien, Julius, mais tu devras approuver sincèrement mon choix.
— Oui, pendant tes recherches, je vais anticiper sa protection vis-à-vis des champs-clans lorsqu’il sera mobile.
— C’est impératif Julius, il faut faire vite, sa croissance accélérée se termine bientôt.
— Comment crois-tu qu’il se comportera ?
— Ça, c’est la chose que l’on ne maîtrise pas, on verra. Il sera différent de nous Julius, mais il nous ressemblera, alors tout ira bien.
— S’il a ton esprit Octavia, il sera formidable.
— Je t’aime, mon Julius.

Encore connectée à leur réseau racinien, Octavia ressentait, « était », tous ses arbres dans la même perception. Cela lui donnait une faculté décuplée de réflexion, d’intensité de pensée. Elle n’était certes pas au même niveau que les entités végétales conscientes et leurs plusieurs centaines de millions d’arbres, mais le dynamisme propre aux humains lui conférait un plus d’imagination, de création. L’évidence lui apparut en parcourant la lexicologie enfouie dans plusieurs buissons mémoires. L’origine latine de leurs noms lui donna la direction à prendre.

Sylva le nom latin pour la forêt serait la première partie du nom de la nouvelle espèce avec les dernières syllabes du mot humanité.

SYLVIMANITÉ

Oui, la Sylvimanité et l’être naissant sera le-la premier-ère Sylvimaine.

Octavia se connectait pour la toute dernière fois à son réseau racinien. Son corps, à présent usé par un nombre de lunaisons qu’elle n’arrivait pas à se remémorer, se pliait difficilement pour atteindre la masse cérébreuse de l’arbre, ses mains aux doigts raidis et douloureux perçaient laborieusement son écorce. C’était dur, mais elle voulait absolument sentir encore une fois le corps de Julius qui reposait à présent sous des racines. Les trois Sylvimaines, de la première génération, l’entouraient affectueusement, elles-mêmes présentes dans le réseau racinien.

— Voudrais-tu que nous soutenions ton corps, notre Créatrice, tu sembles bien faible ?
— Non, merci Une-Sève. Ce corps fragile a encore un peu d’endurance, mais mon esprit est intact et une fois connectée, je ne le sens plus. Mais… voilà mon Julius.

Une onde d’émotion parcourut les milliers d’arbres du territoire des Sylvimaines.

— Comme tu l’aimes ! Nous aussi il nous manque, c’était notre Géniteur !

Reprirent d’un même élan Une-Racine et Une-Feuille puis elles s’immergèrent avec Une-Sève et Octavia, leur Créatrice, au plus profond du souvenir de Julius.

L’instant où l’être créé émit sa première phéromone fut pour Julius un moment d’intenses émotions. Il prenait réellement vie en communiquant avec eux. Jusqu’alors, la période de gestation fut plus technique, en quelque sorte. Il s’agissait seulement de suivre son évolution, mais quand il perçut son odeur, la sienne qui allait le caractériser comme une entité consciente alors, ce fut un grand bonheur partagé avec Octavia.

— Ma Créatrice, mon Géniteur, je suis là. Je vous vois. Je vous sens. Donnez-moi vos mains !

Aussitôt, la perception manuelle les enveloppa d’une onde fusionnelle. Des nouvelles extrémités de l’être créé jaillissaient des flux que Julius ne parvenait pas à décoder, mais qui envahissaient son système nerveux en un prisme brillant, irisé.

L’être créé resta un moment comme interloqué, puis :

— Vous ne pouvez pas communiquer avec moi avec vos mains, pourquoi ?

Ce fut Octavia qui lui répondit :

— Nous ne possédons pas les mêmes organes que toi, tu es unique.
— Mais… je serai toujours seule ?
— Non, bien sûr que non, tu n’es que la première.

Elle avait immédiatement posé la question qui tournait sans arrêt, confusément, dans sa tête et Julius comprit, alors, réellement la portée de ce qu’ils avaient engendré avec leur obligation de poursuivre la création de l’espèce, sans qu’il puisse, à ce moment, en percevoir toutes les conséquences.

Après une période de découverte mutuelle, très rapidement, les modalités de création des prochaines Sylvimaines furent abordées avec l’être créé. Ce dernier démontrait tous les jours des capacités stupéfiantes d’adaptation et de compréhension du monde floroïde que lui apportaient le langage racinien, les perceptions olfactives et tactiles de ses organes. Son cerveau humain connecté à sa masse cérébreuse végétale lui conférait une capacité immédiate, immense, pratiquement sans limite, pour comprendre, analyser, maîtriser, mémoriser la moindre parcelle de son monde. C’est lui qui, guidé par Octavia, sous le regard émerveillé de Julius, apporta les éléments pour définir les modalités de sa propre reproduction. Il comprit immédiatement que le risque de se reproduire à l’identique était réel pour un hermaphrodite solitaire. Il convenait donc, rapidement, de créer d’autres Sylvimaines et d’appréhender une procédure afin de garantir la diversité génétique et donc la pérennisation de la nouvelle espèce.

Octavia, aussitôt, entreprit de créer deux autres fruits (le nombre de trois fut considéré comme suffisant pur une première génération ex nihilo) en choisissant diverses essences végétales couplées avec ses propres éléments d’ADN. Julius dut varier son alimentation et ingérer des oligoéléments qu’Octavia avait repérés, susceptibles d’altérer à la marge la composition de sa semence. Ainsi les trois êtres de la première génération seraient à la fois différents et semblables. Leur différence permettra de garantir la diversité biologique de la deuxième génération, leur point commun assurera la nature sylvimaine.

L’être créé, détaché de la racine maternelle, contemplait les deux fruits en gestation. Ses pieds connectés au réseau racinien lui donnaient une vision précise de l’évolution de leur anatomie. Il s’adressa à Julius, présent lui aussi dans le réseau.

— Ils sont beaux, ils me ressemblent et il émane de leur corps embryonnaire l’image de ma Créatrice et l’empreinte de mon Géniteur. Mais il me manque de les nommer, or je ne le suis toujours pas moi-même, mon Géniteur.
— C’est Octavia, je veux dire ta Créatrice qui y réfléchit. Elle m’a dit que vous deviez être identifiés en fonction de la périodicité des générations, maintenant que nous avons défini les modalités de reproduction.
— Bien. C’est ce que j’avais également envisagé. Puisque nous nous reproduirons, dans le plus grand respect de l’harmonie de la biosphère, par périodes bien séparées, au cours d’une séance collective de fusion de nos gènes assurant la diversité génétique de l’espèce Sylvimaine, c’est le repère de la période qui devra impérativement figurer dans notre nom. Ce sera le point commun à toutes les Sylvimaines d’une période. Nous trois, nous nous nommerons « Une » puis une deuxième partie nous identifiera personnellement.
— C’est logique.
— Évidemment que c’est logique mon Géniteur…
— Julius ! Eh oui, c’est logique. Comment cela pourrait ne pas l’être, venant de notre création… ?
— Oh, ma Créatrice, tu es là, permets que je m’immisce dans tes arbres.
— Non, Julius doit être avec nous. Je vous propose que la deuxième partie des noms soit à prendre exclusivement parmi les 20 noms suivants, relatifs au monde floroïde, ce qui de fait limitera la croissance des Sylvimaines afin de respecter l’équilibre de la biosphère :

« Sève, racine, tige, feuille, graine, fleur, suc, liane, bois, feuille, fruit, fibre, écorce, branche, arbre, herbe, nuage, eau, terre, vent ».

— Oui, ma Créatrice, cela me convient et si tu n’y vois pas d’objection, je pourrais être Une-Sève.
— Qu’en penses-tu Julius ?
— Une-Sève, c’est parfait.
— Merci, ma Créatrice, mon Géniteur ! Je suis Une-Sève la première Sylvimaine de la première génération !

— Je me souviens, Notre Créatrice, que notre Géniteur était un peu absent lors de ces échanges.
— Non Une Sève, il n’était pas absent, il a toujours été présent et proche de toi, mais je pense qu’il était mélancolique. Il pensait déjà au futur des Sylvimaines et donc à sa disparition qui impliquait notre séparation. Julius était mon Julius et j’étais son Octavia, nous étions les deux derniers humains sur cette Terre. Maintenant mon Julius a rejoint ses racines, son corps a disparu, mais je vais bientôt le retrouver sous cet arbre, mon corps s’épuise, il est à bout de souffle, et… vous êtes si jeunes et formidables.
— Notre Créatrice, nous voudrions que ton esprit soit encore parmi nous. C’est possible, comme voulait le faire Gran Mère Sève, tu peux laisser ton corps d’animal mortel et transférer ton esprit dans la masse cérébreuse de cet arbre. Tu serais ainsi toujours présente dans le monde floroïde, notre monde, celui des Sylvimaines.
— Un esprit immortel ! Comme cela est à la fois, si tentant et si impensable, aussi merveilleux, qu’horrible. Je ne sais pas Une Racine, je vais y réfléchir, mais ce que je ne veux pas c’est vivre sans percevoir encore Julius. Alors, laissez-moi, sortez du réseau ! Je vous rappellerai par phéromone lorsque j’aurai pris une décision.

Ce n’était pas seulement l’angoisse de la séparation qui avait rendu Julius en apparence songeur, c’était au-delà de cela. Octavia se rappela son attitude après avoir fécondé de sa semence les deux fruits matrices. Il s’était allongé, les yeux fermés, le souffle court.

— …
— 
— Ça va, mon Julius ?
— Oui. Enfin oui et non. A-t-on vraiment le droit de faire ça ? Octavia, pouvons-nous nous imposer en Dieux créateurs ? J’ai peur, une irrépressible peur me tenaille les entrailles lorsque j’envisage l’avenir de ce monde, que deviendra-t-il ? Qu’en feront les Sylvimaines ? Quand je vois la fulgurance de l’évolution d’Une-Sève, son intelligence prodigieuse et ses incroyables capacités de maîtrise de son environnement, une autre angoisse m’étreint, celle de son rapport avec les champs-clans. À terme, comment pourront-ils ne pas s’affronter ? Pourquoi Octavia ? Pourquoi la Sylvimanité ?

Cette dernière question de Julius l’avait, sur l’instant, considérablement troublée. Elle se souvint être restée sans voix un long moment, son regard figé sur celui de Julius. Elle s’était assise à ses côtés, lui avait pris la main et avait commencé à parler, au début pour ne rien dire de précis puis, au fur et à mesure, elle sut retrouver au plus profond de ses pensées, les raisons existentielles qui l’avaient amenée à créer le fruit originel.

— … Voir disparaître définitivement toutes traces de l’humanité m’est apparu, à un moment de notre si douce quiétude, comme une chose impossible. Nous étions là, vivants, certes en partie végétalement modifiés, mais deux humains vivants et puis après nous : plus rien. Je n’ai pas pu m’y résoudre. Alors j’ai réfléchi à ce que nous pouvions faire. J’ai longuement cherché, parcouru discrètement des milliers de buissons mémoires, plongé aussi loin que je pouvais dans la mémoire profonde de la biosphère. J’ai atteint des espaces de mémoire vierges de toutes connexions pour parvenir, à la fin de cet interminable processus, à formaliser précisément l’ensemble des données qui aboutirent à ce que nous avons sous les yeux : un être prolongeant l’humanité et parfaitement adapté au monde floroïde.

Non Julius, je n’ai pas aujourd’hui toutes les réponses sur ce que deviendra le monde peuplé des Sylvimaines, je ne sais pas non plus comment les champs-clans réagiront lorsqu’ils apprendront leur existence, car, Julius, ils les découvriront fatalement. Mais, vois-tu, tout cela dépendra des Sylvimaines elles-mêmes, de leurs capacités d’empathie envers les autres, quels qu’ils soient, de leur respect de l’harmonie de la biosphère. Mais de cela, Julius, cependant, j’en suis sûre. Comme Apolline, la Créatrice des végétaux conscients, j’ai intégré tous ces éléments dans leur métabolisme le plus intime.

Certes, les Sylvimaines évolueront, mais je suis persuadée que le respect de leur environnement et l’empathie commanderont toujours leurs actes. Alors, mon Julius, nous allons guider la croissance des trois Sylvimaines de la première génération afin de préciser les bases de leurs vies futures. Mais je te rassure, nous aurons encore le temps, beaucoup de temps pour nous, pour vivre nos vies humaines dans notre paradis. Je t’aime, mon Julius !

— Je t’aime, Octavia !

Ils s’enlacèrent, enveloppés d’un nuage de phéromones sucrées, parfumées de senteurs florales qui émanaient simultanément de leurs narines évasées.

Revenue de ses souvenirs, ses senseurs toujours enfouis au plus profond des émanations sous-terraines de Julius, Octavia ne parvenait pas à avoir une idée claire de la réponse qu’elle devait aux trois Sylvimaines. Perdue dans ses tergiversations, elle eut alors le souvenir de ce qu’elle avait réalisé, avec Julius, pour conserver le souvenir de Fausta, la médicina du ghetto, quand ils avaient intégré des fragments de son ADN dans les gènes d’une plante mémorielle. Elle commença aussitôt à prélever des cellules du corps de Julius pour les incorporer à la périphérie de la masse cérébreuse de l’arbre.

Occultant toute autre information du réseau racinien, concentrant uniquement son esprit dans cette masse cérébreuse à présent nimbée de la présence de Julius, elle sut, sans aucun doute, ce qu’elle allait faire.

Elle appela les Sylvimaines d’une phéromone fraîche et légère.

— Mes filles, j’ai décidé ! Je vais mettre mon esprit en hibernation dans cette masse cérébreuse à présent saturée du souvenir de mon Julius. En hibernation, cela veut dire que je n’aurai qu’une conscience limitée à ces perceptions. Mais je serais susceptible d’être éveillée, seulement dans des cas d’extrême urgence. Il est indispensable, à partir de maintenant, que vous soyez complètement autonomes dans les choix de vie que vous devrez faire à un moment ou à un autre. Mon éveil ne pourra être sollicité que par une phéromone très spéciale directement inhalée dans l’orifice que vous pouvez voir au milieu du tronc. Le voyez-vous ?
— Oui, notre Créatrice, nous le voyons.
— Bien, soyez attentives, percevez, mémorisez et gardez secret cette phéromone ! Vous serez les seules à pouvoir l’utiliser. Lorsque votre temps s’achèvera, vous transmettrez cette phéromone à trois autres Sylvimaines jugées aptes.

Et Octavia souffla le message porté par une vapeur glacée :

— O Creator insufficiens nostra te vocat.
— Nous l’avons perçu et mémorisé, mais pourrais-tu nous en donner la signification ?
— Oui, Une-Feuille, cela traduirait votre incapacité à agir seules, ce serait l’aveu d’un échec collectif des Sylvimaines.
— Devrons-nous informer les générations futures de cette possibilité ?
— Vous en jugerez seules l’opportunité.
— Mais nous ne serons plus jamais avec toi !
— En vous connectant aux seules racines de cet arbre, complètement isolées du réseau racinien, vous pourrez, Une-Racine, percevoir mes émanations et ressentir ma présence, mon amour pour vous et pour toutes les Sylvimaines à venir.
— Cet arbre sera sacré dès la disparition de ton corps d’humain, notre Créatrice.
— Ce qui va advenir très vite mes filles.

Un soleil naissant colorait la canopée d’une diaprée chatoyante, oscillant doucement sous le souffle d’une légère brise. Le territoire des Sylvimaines s’étendait à présent sur une longue bande de terrain jouxtant l’immensité océanique hostile et désertique pour ces êtres semi-végétaux. L’autre limite, à l’opposé, était celle des champs-clans. Une zone tampon assurait l’étanchéité du territoire à ces deux extrémités, pour ne pas subir les incommodités des senteurs océanes, mais surtout pour assurer leur invisibilité. Cela était devenu très prégnant, car, se dissimuler des végétaux conscients, pour les vingt et une Sylvimaines présentes à l’issue de la troisième génération, était chaque jour plus ardu.

Pourtant, à l’aune de l’atmosphère de ce matin paisible, rien en apparence ne dévoilait leur activité. Pas de mouvements au sein de la forêt d’arbres, baignée dans un profond silence, bercée par le bruissement des branches et feuilles animées par la brise : l’expression de la quiétude onirique du monde floroïde, celui des Sylvimaines.

Trois Fibre, sortant de sa léthargie réparatrice, encore couchée sous le feuillage nocturne qui se défaisait lentement, prit contact, d’un mouvement précis de ses pieds, avec le réseau racinien.

Aussitôt, la connexion simultanée de l’ensemble de ses plus de cent mille arbres nommés lui parvint. En un instant, elle prit connaissance de la totalité de sa partie de territoire. Elle entreprit aussitôt de régler les quelques petits dysfonctionnements qu’elle appréhendait de manière synchrone grâce au don d’ubiquité du réseau racinien et des capacités de son double cerveau. Un de ses arbres de la limite littorale, très éloigné de sa présence physique, souffrait d’un dépôt de sel sur ses feuilles les plus hautes. Trois Fibre mobilisa les ressources idoines pour s’en débarrasser et, simultanément, augmenta l’alimentation en nutriment pour pallier une faiblesse naissante d’un autre arbre. Elle n’avait pas encore, à l’instar de la première et de la deuxième génération, automatisé une partie de ses fonctions de régulation et d’entretien. C’était encore un peu compliqué pour elle comme pour toutes les Sylvimaines de la troisième génération. Mais elles s’y employaient et cela devrait aboutir bientôt.

Elle sortit du réseau racinien, respectant ainsi les conseils d’Une Feuille de ne pas rester trop longtemps connectée par précaution vis-à-vis des champs-clans. Pour sa génération, à présent pleinement mature, la question de la procréation de la quatrième génération commençait à poindre. C’était à leur tour de féconder pour donner naissance à douze Sylvimaines. Ce ne sera qu’à partir de la cinquième génération que le nombre maximum de 20 naissances pourra être atteint sans mettre en péril la diversité de l’espèce. Ainsi en avait décidé la Créatrice de la Sylvimanité dans l’harmonie de la biosphère.

Trois Fibre se mit en marche, enveloppée de sa phéromone de discrétion, pour rejoindre physiquement Deux Fleur avec qui elle devait se coordonner pour développer une partie commune de leur territoire. Elles avaient décidé de l’emploi du langage proche, non pas qu’il soit plus efficace que le langage racinien, au contraire d’ailleurs, mais parce que la proximité physique, le contact de leurs doigts les faisaient communier au plus profond des sentiments communs d’une même Sylvimanité. Trois Fibre éprouvait une affinité particulière pour Deux Fleur.

Elle marchait à grandes enjambées, sa longue chevelure flottant derrière elle, prélevait dans l’air, l’humidité, l’azote, l’oxygène nécessaires à son métabolisme. Tout en marchant, ses doigts nutritifs puisaient les sucs de fruits à proximité et dans le même temps, de larges écailles se détachaient de sa peau pour enrichir la terre de ses déchets corporels. Elle pouvait ainsi marcher toute une journée sans ressentir de fatigue, tous ses besoins, ou presque, étaient assouvis durant son parcours. Les temps de récupération n’intervenaient que toutes les décades, comme Trois Fibre venait de le faire durant la nuit précédente. Ses muscles avaient les caractéristiques des lianes, à la fois durs et souples, ce qui lui conférait une endurance à toute épreuve.

La marche, les déplacements n’étaient pas en soi nécessaires, car les facultés de connexion à leurs réseaux raciniens suffisaient complètement pour percevoir l’intégralité du territoire des Sylvimaines et même au-delà, mais, ce qu’elles avaient d’humain en elles devait se réaliser aussi dans l’exercice physique. Surtout après une pleine nuit de récupération, Trois Fibre éprouvait une réelle satisfaction à dérouler ses longues foulées qui l’emmenaient vers le territoire de Deux Fleur, son aînée de la deuxième génération.

Une partie de l’air que captait sa chevelure était stockée dans une cavité au plus près de ses larges narines afin de servir de support au langage par phéromones, actuellement principalement dédié aux émanations de camouflage. Trois Fibre avait choisi, ce jour, un arôme de chèvrefeuille, essence que l’on trouvait en abondance dans cette partie de territoire. Ainsi sa présence se confondait-elle avec son plus proche environnement et la dissimulait des perceptions olfactives des champs-clans. Mais pour elle, comme pour ses sœurs de la troisième génération, les végétaux conscients ne représentaient qu’une présence lointaine et diffuse. Les avertissements, les alarmes de leur Créatrice semblaient dater d’une époque révolue. Lors de leurs discussions, ce thème revenait parfois les interroger : pourquoi une telle méfiance vis-à-vis d’êtres très proches d’elles-mêmes ? Pourquoi des êtres végétaux voudraient l’éradication des Sylvimaines, êtres à plus de 90 % végétaux, scrupuleusement respectueux de l’harmonie de la biosphère ?

Trois Fibre partageait pleinement ces interrogations et, dans le même temps, son esprit se tendait vers cet inconnu, vers ces champs-clans, vers Gran Mère Sève. Elle ressentait de plus en plus fortement un désir d’approcher les êtres végétaux conscients qui avaient protégé et transformé Otavia et Julius et qui, pour Trois Fibre, étaient aussi à l’origine de la création des Sylvimaines. Alors pourquoi toutes ces précautions, cet isolement drastique ?

Certes, la première génération, qui fut en contact physique avec la Créatrice, rapportait comment, elle et leur Géniteur furent menacés d’extinction par Gran Mère Sève, mais également et plus violemment par une autre entité végétale. Cependant, finalement, ils furent bien sauvés tout en étant isolés des champs-clans. Cela parce que leur nature animale dominait encore pleinement leur métabolisme et rendait leur présence incompatible avec le rejet de toute animalité par les végétaux conscients. Ce qui n’était plus le cas des Sylvimaines. Alors pourquoi ?

C’était aussi la raison de son déplacement physique vers Deux Fleur, car son territoire jouxtait celui du champ-clan le plus proche. La conversation qu’elle voulait avoir avec elle à ce sujet ne pouvait se faire que discrètement et donc avec le langage de proximité.

En fin de journée, alors que le soleil disparaissait derrière la canopée, elle aperçut Deux Fleurs se tenant immobile, en partie masquée par les ombres naissantes d’un bosquet d’arbres dont les branches les plus hautes, reliées entre elles, formaient une voûte isolante. Sans se retourner, Deux Fleurs l’accueillit d’une phéromone sucrée.

— Viens Trois Fibre me rejoindre, ta présence est déjà un bonheur, cette nuit sera magnifique, joignons nos mains !

Les deux Sylvimaines se firent face, leurs longs bras se tendirent devant elles, les quatre mains dotées de huit doigts s’effleurèrent et les seuls quatre doigts communicants de chaque main s’entrelacèrent. Aussitôt, le flux de Deux Fleurs pénétra celui de Trois Fibre.

Dans l’obscurité du sous-bois se tenaient deux formes longilignes, noueuses, semblables, mais différentes par quelques détails, comme une chevelure plus épaisse pour l’une, une peau plus pâle pour l’autre. Leurs pieds, solidement ancrés au sol, puisaient des nutriments, tandis qu’une légère brise nocturne faisait faseiller leurs lourds cheveux, seuls mouvements perceptibles de cette scène emplie d’immobilisme et de silence alors que, à l’intérieur des deux Sylvimaines, les paroles échangées fusaient en flots continus.

— Quelle joie de te sentir en moi, Trois Fibre ! Cette communion me fait penser à la prochaine séance de procréation.
— J’ai hâte d’y participer, d’autant que je dois procréer, à mon tour, une Sylvimaine de la quatrième génération. Tu pourrais me faire part de ton expérience et…
— C’est pour cela que tu es venue ?
— Oui et non. Oui parce que tu as cette expérience et non parce que j’ai d’autres interrogations plus délicates.
— J’ai choisi cet endroit pour nous rencontrer, car j’anticipais ta demande concernant la prochaine séance de procréation et avant de t’en parler je voulais que tu te rappelles ta naissance et ta croissance. Nous sommes juste sur ta racine maternelle. Pour bien comprendre tout le processus de procréation, il importe que tu te remémores celui de ta propre procréation. Cela te conduira à envisager sereinement ce que tu devras accomplir une fois fécondée par l’ensemble de la communauté. Déplace tes pieds vers la gauche, là, encore, tu y es. Retourne dans ta racine maternelle, après nous reparlerons et tu me diras ce que sont tes autres préoccupations.

Sensations diffuses. Fourmillements. Chaleurs. Tiraillements… Et puis, une lueur, faible d’abord puis de plus en plus forte, conscience de percevoir, conscience de ressentir, conscience d’être. Trois Fibre, au contact de sa racine maternelle, percevait à nouveau ses premières impressions de Sylvimaine naissante. Ce n’était pas encore une conscience intelligente, mais une conscience purement végétale, celle d’une plante se gorgeant de soleil, d’eau et de nutriment. Une béatitude, une plénitude des sens, sans question, le bien être parfait. Peu à peu, des contours flous apparaissaient, un trouble venait percer le paisible écran végétal, apportait confusion et peur. Trois Fibre revivait l’angoisse de la prise de conscience humaine à la fin des trois saisons de gestation végétale, celle de se sentir soudain unique et seule et non plus enfouie, anonyme, bercée dans la quiétude murmurante de la biosphère. Puis, très vite, la présence de la communauté sylvimaine, toute proche avait fait disparaître son mal-être, et, pour la première fois, elle fut Trois Fibre, Sylvimaine de la troisième génération, sous la voûte protectrice de toute la communauté nimbant le réseau racinien.

Au cours de la période d’apprentissage, toujours fixée à la racine maternelle, elle avait découvert toutes les capacités et fonctions de son organisme hybride, pris connaissance de la Sylvimanité, de sa Créatrice et de son Géniteur, de toutes ses sœurs de la deuxième, première génération. Elle ressentait plus fortement encore ses sœurs de la troisième génération, reliées aux réseaux des racines maternelles, dont les identités prenaient tour à tour consistance. À la fin de cette phase d’apprentissage, la plus ancienne des Sylvimaines, Une-Sève, commanda la sortie des racines maternelles. Au même instant, d’un seul mouvement, les douze nouvelles Sylvimaines s’arrachèrent du sol et firent leurs premiers pas dans le monde, le leur, celui d’Octavia, leur Créatrice.

Deux Fleur sentit Trois Fibre sortir de sa racine maternelle apparemment empoignée d’une forte émotion.

— Je te perçois bouleversée, Trois Fibre.
— Non, pas exactement, mais plutôt songeuse. Le souvenir des premières sensations, lorsque je n’étais encore qu’un végétal m’ont grandement surprise et m’interrogent sur la réalité d’une Sylvimaine aujourd’hui.
— C’est bien, Trois Fibre, c’est aussi cela que je voulais te faire ressentir. Nous sommes, par la volonté de notre Créatrice, des êtres hybrides dans lesquels l’espèce humaine continue de vivre, enserrée au sein d’un organisme végétal adapté aux conditions de survie du monde floroïde. À chaque fois que nous procréons, nous devons définir cette dualité afin d’envisager la prochaine génération. L’ensemble de notre communauté doit le faire collectivement lors de la phase de fusion des flux procréateurs et chacune d’entre nous, individuellement quand nous fécondons intérieurement la matrice. Notre part d’humanité doit toujours rester en retrait dans l’expression quotidienne de notre vie où la végétalité domine, mais elle doit être en mesure de se manifester pour guider les relations entre nous. C’est de cet équilibre que dépend notre survie, tant que la Sylvimanité n’est encore que balbutiante, mais c’est aussi la base de notre évolution. La conception d’une nouvelle génération est, tu le comprends, à chaque fois une étape déterminante. Il nous appartient de la mener à bien, dans l’intérêt de la Sylvimanité, mais aussi et surtout, dans l’impérieux respect de l’harmonie de la biosphère si forte et si fragile en même temps, car, l’espèce humaine a fait preuve de son immense capacité de destruction. Bientôt, nous allons toutes nous réunir à ce propos. Il est bien que tu puisses déjà y réfléchir : future procréatrice d’une nouvelle sylvimaine.
— Merci Deux Fleurs de m’avoir sensibilisée sur notre rôle dans la conception de notre avenir. Mais pourrais-tu me faire part de ton ressenti dans l’acte même de la procréation. Que se passe-t-il lorsque les gènes de la communauté forgent la matrice interne ? Que ressent-on lors de la fécondation ?
— Tu me poses cette question alors que tu n’es, évidemment, pas sans ignorer, une des conditions premières de notre métabolisme : celle de la sensation du plaisir qui ne peut être vécue que collectivement. Seule la fusion de nos flux a la capacité de le générer. Alors, c’est un étourdissement de jouissance qui nous envahit lorsque nos sœurs nous transmettent le flux de leurs gênes, tous différents et tous semblables. Cette formidable jouissance se prolonge lorsque, chacune des fécondatrices les sélectionne, les choisit et les incorpore dans sa matrice. Puis nos sœurs se retirent, nos sens s’apaisent et font place à un grand calme, serein. Ensuite, la fécondation par nos propres gènes n’est qu’une opération interne absolument neutre et sans saveur. De même, l’expulsion de l’embryon et sa connexion à la racine maternelle n’apportent aucune sensation particulière si ce n’est une pointe de satisfaction végétale, comme celle que tu peux ressentir avec tes arbres lorsque tu es connectée au réseau racinien. Cependant, ensuite, lorsque l’embryon grandira et quand il commencera à avoir conscience de son existence et de son environnement, là, de voir une nouvelle Sylvimaine exister, cela renforcera grandement ta propre conscience collective. Tu grandiras en même temps qu’elle.

C’est une croissance intérieure qui te transporte encore plus dans l’harmonie de la biosphère, enfin de notre harmonie.

— Comment cela : notre harmonie, il y aurait plusieurs manières d’appréhender l’harmonie de la biosphère ?
— Je ne sais pas, Trois Fibre ! Mais je pense que notre existence et son développement interagissent au sein de la biosphère et donc il serait logique que ce que nous percevons de cette harmonie puisse être différent de celle des champs-clans ou de toutes autres espèces s’il s’avérait qu’il en eusse d’autres.
— Justement, Deux Fleur, je voulais aussi m’entretenir avec toi de tes rapports avec le champ-clan en bordure de ton territoire. Ce dont je me suis rappelé ma naissance et de sa période purement végétale renforce, encore plus, mes interrogations au regard de notre isolement vis-à-vis des champs-clans. Certes, nous ne sommes pas des purs végétaux comme les entités des champs-clans, mais nous avons tellement de points communs avec elles, notamment et surtout notre métabolisme qui ne génère aucun déchet non recyclable totalement dans la biomasse environnante. Alors pourquoi cette injonction formelle de notre Créatrice ? Deux Fleur, toi qui es la plus proche d’un champ-clan, qu’en penses-tu ? Que perçois-tu du champ-clan ?

La journée avançait, le soleil était presque au zénith. Une légère brise s’infiltrait parmi les arbres et venait rafraîchir quelque peu la chaleur méridienne dans laquelle baignait le territoire des Sylvimaines. À son extrémité septentrionale, bordant le champ-clan de Gran Sœur Sève, deux Sylvimaines, immobiles dans l’ombre d’un bosquet d’une dizaine de grands arbres, se tenaient face à face, leurs deux bras tendus devant elles, les mains accolées, leurs huit longs doigts communicants joints, dialoguaient depuis plus de quinze heures dans un total silence extérieur. Seuls mouvements à peine perceptibles : ceux de leurs doigts parcourus de légers tremblements, et plus marqués, ceux de leurs chevelures qui ondoyaient, portées par la brise diurne. Durant tout ce temps, leurs deux pieds solidement ancrés au sol puisaient lentement, à l’aide de leurs huit orteils nutritifs, les nutriments nécessaires à leur alimentation. Déconnectées du réseau racinien, elles étaient, pour un moment, seules au monde.

— Une Sève nous a rapporté les récits de notre Créatrice. Tu les connais aussi bien que moi et, en aucun cas, tu ne peux douter de leur véracité. Notre Créatrice et notre Géniteur ne furent sauvés de leur éradication que grâce à l’habileté et l’intelligence de notre Créatrice. Les végétaux conscients voulaient les tuer ou les faire disparaître au sein du réseau végétal. Bien sûr, nous sommes très différents du corps des humains qu’ils étaient encore. Mais nous sommes leur création en dehors de toute acceptation des champs clan. Or, ceux-ci sont férocement attachés à préserver le monde floroïde tel qu’ils le maîtrisent, tel qu’ils le dominent. En cela, notre existence ne peut être que rejetée. En effet, nous représentons une monstruosité à éliminer absolument.
— Je comprends tout cela, mais comment en être sûres ? Sans rapport avec les champs-clans, nous ne savons pas si cette conscience n’aurait pas évolué vers plus de tolérance ? Et puis, je me dis que si nous grandissons encore de génération en génération, notre présence ne pourra plus être dissimulée à leur perception du monde.

Deux Fleur resta silencieuse, embarrassée par les questions pertinentes de Trois Fibre. Elle réfléchit et se dit qu’elle allait peut-être devoir lui révéler ce qu’elle s’était promis de taire. Aussi, elle décida de réorienter les échanges.

— Notre croissance doit être limitée pour rester cachée, tu as raison. La quatrième génération sera sans doute la dernière avant longtemps. Nous devons aussi, par-delà nos rapports avec les champs-clans, nous interroger sur ce que nous voulons donner comme rôle à la Sylvimanité dans le monde floroïde. C’est après cela que nous pourrons peut-être commencer une approche auprès des champs-clans. Mais nous en sommes encore loin, très loin. Toi, Trois Fibre, que penses-tu de notre rôle dans ce monde ?
— Pour l’instant, seule notre survie est prise en compte. À la fois dans la connaissance de nos conditions de vie, et… dans les efforts de rester cachées. Pour ma part, je sors seulement de la période de perfectionnement de mes capacités à gérer mon domaine, à me familiariser aux relations avec mes sœurs. Mais cette question du sens de notre existence m’a déjà interpellée. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis préoccupée des relations avec les champs-clans. Pour moi, Deux Fleur, la question à se poser serait plutôt :

De quoi ce monde a-t-il le plus besoin, comment l’harmonie de la biosphère pourrait encore être améliorée ?

Notre Créatrice nous a conçues pour prolonger l’humanité en nous donnant un corps susceptible de survivre dans le monde floroïde, mais sans nous donner les codes pour orienter notre existence. C’est à nous, à présent de les trouver, j’en suis parfaitement consciente. Mais comment le faire en s’isolant du monde ? Et je reviens donc à ma question initiale, comment ignorer les champs-clans ?

Deux Fleur resta une nouvelle fois dans l’expectative. Trois Fibre était trop pertinente et sagace pour qu’elle élude encore plus longtemps les réponses à ses questions. Mais avant elle devait en parler avec Une Sève et les Sylvimaines de la première génération.

— Nous allons, si tu veux bien, interrompre un peu notre conversation. Je vais devoir me connecter à mon réseau. Tu peux rester à mes côtés, je te retrouve ensuite.

La perception du temps qui passe était, pour les Sylvimaines, assez comparable à celle des grands arbres et des entités des champs-clans. Le découpage des jours en fragment de temps n’avait absolument aucune utilité ni aucun sens d’ailleurs. Le don d’ubiquité donnait à leur longévité végétale, une quasi-éternité d’instantanéités. Pour Trois Fibre, l’impatience lui était, comme pour toutes ses sœurs, complètement inconnue. Aussi elle n’attendit pas le retour de Deux Fleur, elle s’occupa simplement à autre chose. Elle se connecta à son réseau.

Aussitôt, la perception des milliers d’arbres de son territoire envahit son esprit et l’immensité fut sienne. Son cerveau humain s’immergea complètement dans l’ensemble des masses cérébreuses de toutes ses espèces végétales. C’était lors de ces moments de pleine connexion avec ses arbres, alors qu’elle se percevait complètement végétale, que Trois Fibre se sentait le mieux. Elle n’était que racine et terre, que sève et humus. Sa part humaine dissoute dans la biosphère laissait une paisible éternité l’envahir.

Alors qu’elle était dans toutes les essences de son territoire, elle perçut comme un vague murmure à sa périphérie. En y portant une attention précise, elle parvint à distinguer Deux Fleur dialoguant avec une sœur qu’elle crut identifier comme Une Sève. C’était donc cela, Deux Fleur voulait se concerter avec Une Sève avant de reprendre leur conversation. Elle devait avoir quelque chose de très important à lui confier pour prendre l’attache d’une sœur de la première génération, celle qui fut en contact rapproché avec notre Créatrice et notre Géniteur. Trois Fibre s’immergea à nouveau complètement dans son biome pour retrouver sa pleine sérénité végétale.

— Sois prudente lorsque tu vas parler à Trois Fibre, son appétence à la vie végétale risquerait de la faire se rapprocher trop près des champs-clans. Tu le sais, nous devons impérativement garder nos distances et notre isolement pour l’instant. Notre approche des végétaux conscients n’est qu’approximative, il nous faut encore plus de réflexions.
— Bien sûr, Une Sève. Je serais la plus diserte possible tout en étant aussi suffisamment précise pour qu’elle ne se pose plus de question à ce propos. Dans tous les cas, j’exercerai, ensuite, une surveillance des réseaux.
— Bien. Moi aussi je porterai mon attention sur son réseau et j’en informe Une Feuille et Une Racine pour qu’elles le fassent également, mais laisse tes sœurs de la deuxième génération dans l’ignorance de tout cela. Elles ne sont pas encore suffisamment alertées, n’étant pas, à l’instar de toi, toute proches d’un champ-clan.

Trois Fibre cheminait lentement pour rejoindre son territoire. Quitter Deux Fleur lui laissait un gout amer dans ses narines. Non seulement ce qu’elle lui avait appris l’interrogeait fortement, mais ce qui la perturbait c’était d’avoir ressenti comme une absence quand Deux Fleur avait mis fin à leur dialogue. Sa présence à ses côtés, leurs doigts entrelacés, la fusion de leurs flux, et elles furent, non plus deux Sylvimaines, mais une seule, à deux. C’était la toute première fois que Trois Fibre vivait un tel moment, et Deux Fleur lui manquait déjà.

Au fur et à mesure qu’elle retrouvait ses arbres, ce sentiment s’estompa et elle revint sur ce qu’elle venait d’apprendre : les contacts avec les champs-clans. Dès son retour, Deux Fleurs lui avait abordé ce sujet très directement, mais sans grande précision. Seulement, que les sœurs de la première génération et elle-même, la plus proche d’un champ-clan, s’étaient avancées le plus discrètement possible des bords du territoire de Gran Sœur Sève, l’une des trois entités fondatrices des champs-clans, celles qui furent inséminées par l’Arbre Premier lui-même formaté par Apolline, la Créatrice des végétaux conscients. L’analogie entre leurs créations ne pouvait qu’être évidente pour toutes. Alors Trois Fibre restait encore dans son expectative sur cette prudence exacerbée. Deux Fleur fut relativement précise sur les informations tirées de leurs observations, mais sans rien dévoiler, ou presque des méthodes et des moyens utilisés pour y parvenir.

Chaque champs clan était composé de six entités conscientes qui se nommaient : Grande Fille Sève, Grande Fils Sève, Fille Sève, Fil Sève, Petite Fille Sève et enfin Petit Fils Sève. Les noms genrés n’avaient aucun sens réel, tous les végétaux étant, comme elle, hermaphrodites. Leur nom était précédé de Mère, Frère ou Sœur selon l’appartenance à un des trois champs clan. Mère Grande Fille et Mère Petite Fille Sève furent les plus proches de la Créatrice et du Géniteur. Au-delà des principes de vie qui étaient en tous points semblables aux leurs, une caractéristique des végétaux conscients les distinguait intrinsèquement. Les Sylvimaines n’étaient pas reliées en permanence à leurs arbres, alors que les végétaux conscients, eux l’étaient à l’évidence. Aussi, une entité était composée de tous ses arbres et elle ne faisait qu’une avec eux. Lorsqu’une entité s’exprimait, c’étaient ses millions d’arbres qui le faisaient. Mère Petite Sève, par exemple, n’était pas une, elle était quinze millions d’arbres. Trois Fibre le ressentait lorsqu’elle se connectait au réseau, mais seulement dans cette configuration, dès qu’elle s’en détachait, elle se retrouvait unique. En pensant à cela, elle s’aperçut qu’elle avait envie de dire : seule !

Et l’attirance vers les végétaux conscients se fit encore plus forte.

Trois Fibre dut faire preuve d’une redoutable insistance pour, qu’enfin, Deux Fleur accepta de lui révéler quelques éléments sur les moyens qu’elles avaient employés pour approcher les entités végétales des champs-clans.

— Il est nécessaire, voire indispensable, de ne s’approcher que lorsque le niveau de perception des végétaux conscients est au plus bas. Ce niveau est possible seulement dans deux conditions : lors des orages et des grosses pluies ou en s’infiltrant par les cours d’eau. Même dans ces conditions, il est très difficile de passer inaperçu et en même temps d’avoir suffisamment de possibilités d’écoute. Lors des averses, le niveau de bruit de fond est très important, il nous permet d’investiguer prudemment le réseau racinien des champs clan. Mais les informations collectées sont-elles même brouillées et imprécises. S’infiltrer par les cours d’eau nécessite de trouver les algues et fibres adéquates. Elles doivent être suffisamment ligneuses pour permettre de se projeter sur les berges et, par ce moyen, trouver des informations à la périphérie des zones liquides. C’est le plus discret, car notre présence est neutre dans ce milieu, mais c’est le moins efficace. Je te dis tout cela, mais, attention, Trois Fibre, je t’interdis, tu entends, je t’interdis de vouloir essayer. Tu mettrais en danger de mort la Sylvimanité tout entière. Les végétaux conscients sont implacables, sans aucune concession pour préserver leur monde vierge de toute trace d’animalité. Pour eux, nous sommes des monstruosités à éradiquer sans état d’âme. Ils savent que notre Créatrice et notre géniteur sont morts. Si certains ont eu des regrets de les voir disparaître, leur grande majorité est soulagée de ne plus devoir supporter, à la frange de leur territoire, des résidus d’animaux. Le monde floroïde est pur, nous découvrir serait la pire des choses pour eux.
— Mais, Deux Fleur, nous ne sommes plus des animaux, tout notre métabolisme est végétal.
— Des végétaux qui marchent, qui dorment. Non Trois Fibre, ne croit pas que nous pourrions être acceptés tels que nous sommes, des êtres hybrides, loin, très loin de la pureté végétale, dogme intangible des champs-clans. Je le répète, ne fais rien qui pourrait nous mettre en danger.
— Oui, je te l’assure, je ne ferai rien, mais pourrais-tu me tenir informée de ce que vous collecterez encore comme informations ?
— Bien sûr. Allez regagne ton territoire et reviens quand tu voudras me toucher les doigts à nouveau. Tu me manques déjà.