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Quels secrets poussent Louise à repousser Sékou ?
Louise a quarante ans, elle vit en Bretagne et son père vient de mourir. Son amie Manon lui a trouvé un travail dans la conserverie de poissons P & Fils. C'est un bouleversement pour Louise qui, pendant vingt ans, n'a pas quitté son père, atteint d'Alzheimer. Dès le premier jour, elle a un accrochage avec l'un de ses collègues, Sékou, qui s'attache pourtant à elle et en tombe amoureux. Mais Louise cache deux secrets qui l'empêchent de s'ouvrir aux autres et l'encouragent à repousser Sékou…
Plongez dans une mystérieuse romance et découvrez l'histoire de Louise dont la vie est bouleversée par la mort de son père... Finira-t-elle par s'ouvrir aux autres ?
EXTRAIT
— Pfff… Évidemment, tu me crois pas. Les gendarmes vont la garder et l’interroger. Elle avouera et vous verrez que j’ai raison.
Manon s’effondra sur un banc.
— C’est pas possible ! Pas possible ! Pas elle ! Elle adorait son père. Elle s’en occupait tous les jours. Jamais je l’ai vu avec une chemise sale ou une chaussette dépareillée. Elle lui donnait à manger à la becquée, comme à un gosse. Parfois, il lui renversait l’assiette de soupe brûlante sur les genoux et elle disait rien.
Sa voix manqua de la trahir à cause du chagrin.
— Elle partait jamais en vacances, pour pas le laisser à des étrangers. Elle refusait de l’envoyer dans une maison de repos. Déjà, ses frères disaient qu’ils avaient pas l’argent. Elle se pliait en quatre pour son paternel. Elle a pas eu de vie à elle.
Désirée tenta de la consoler :
— Ça a peut-être fini par devenir trop pesant. J’ai ma mère en maison de retraite. Elle pouvait plus rester toute seule chez elle. Elle oubliait d’éteindre le gaz, elle laissait couler l’eau. Je la découvrais parfois avec les mêmes vêtements que ceux que je lui avais passés la semaine d’avant. Et une fois, on l’a retrouvée dans un parc, où elle a passé la nuit, totalement perdue. C’est triste de voir ses parents tourner comme ça.
Elle se tut un moment.
— Et y avait personne pour l’aider ?
— Tu veux dire ses frères ? répondit rageusement Manon. Tu rigoles ! Des salauds qui ont jamais proposé de s’occuper de leur père pour la laisser souffler un peu. Ça les arrangeait d’avoir trouvé une bonne poire.
— Non, mais je rêve, vous allez pas la plaindre, quand même ! la coupa Charlène, excédée.
— Et t’aurais fait quoi à sa place ? Qui peut dire comment il réagirait dans la même situation ? C’est toujours facile de juger les autres quand on se trouve pas dans la même merde. On les connaît, les bien-pensants, les « on aurait dû ». Lydie, je prends ma journée, décréta soudain Manon. Je vais voir ce qu’il en est.
— Je ne peux pas me passer de deux filles aux postes ! s’affola la responsable.
— Et puis de toute façon, tu ne pourras pas la voir, affirma Désirée. Elle va être mise en garde à vue. Ils la laisseront parler à personne, à part…
— Faut lui trouver un avocat et un bon, la coupa Manon.
— Je peux vous conseiller celui qui m’a assistée pour mon divorce, proposa Lydie.
— Je sais pas s’il peut aussi s’occuper de ce genre de cas, nota Manon, hésitante.
— Appelons-le et on verra bien.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Corinne Guitteaud enseigne le français et l'histoire-géographie en lycée professionnel depuis une quinzaine d'années. Elle écrit depuis l'âge de 12 ans, essentiellement dans les genres de l'imaginaire. Publiée par Fleuve Noir, l'Atalante, elle a également des romans édités chez Voy'el. Il lui arrive en outre de faire des incursions dans d'autres genres comme la poésie, la romance et l'homoromance et, dans le cas présent, dans la romance contemporaine.
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Y a-t-il un endroit moins romantique que les vestiaires pour femmes d’une conserverie de poissons ? Pourtant, c’était là qu’allait naître une histoire d’amour des plus singulières entre deux âmes perdues, écorchées par les griffes de l’existence.
La première, Louise, à l’aube de la quarantaine, pensait que la vie n’était qu’une longue succession de sacrifices. La seconde, Sékou, était née dans un pays sans hiver, mais n’avait su trouver sa place ni parmi les siens ni dans cette terre d’accueil qui lui reprochait sa couleur de peau. Entre ces deux êtres, des amis, des collègues, vivant leur propre drame, complaisants ou jaloux, avaient aussi leur rôle à jouer.
Entrons à présent sur cette étrange scène pour découvrir comment Cupidon, poussé par un curieux caprice, comptait rapprocher Louise et Sékou.
Ce matin-là, il pleuvait sur le nord de la Bretagne — comme toujours, diront les mauvaises langues. Le crachin tombait finement sur le bâtiment tout en longueur qui accueillait une petite entreprise familiale affichant fièrement sur le fronton depuis plus de cent ans les lettres « P & Fils ». En y entrant, on découvrait un long couloir, menant à la chaîne de production et flanqué de portes sur lesquelles on trouvait inscrites les fonctions de chaque pièce. La porte des vestiaires pour femmes s’ouvrait sur un endroit qui n’avait rien de glamour. À droite, une rangée de casiers, perpendiculaires à celle qui se trouvait au fond et derrière laquelle on rangeait balais, serpillières et autres accessoires. Au mur, des portemanteaux et un peu plus haut, une horloge dont le tic-tac monotone rythmait la solitude de ces lieux. Au centre, une double rangée de bancs sur lesquels étaient abandonnés un sac et une paire de gants jetables.
Au début de notre histoire, la conserverie prenait vie avec le petit jour. On entendait au loin résonner le brouhaha habituel des conversations et des machines qui s’éveillaient, le roulement régulier d’un chariot qui passait en cliquetant, l’alarme lointaine d’un camion qui reculait pour décharger du matériel.
Les vestiaires s’éclairèrent soudain lorsqu’entrèrent deux femmes. La première, Louise, les cheveux bruns coiffés en queue de cheval, était jolie sans être belle dans son jean usé et son pull aux couleurs fades. Sa compagne, blonde, plus petite et toute en rondeurs, leva vers elle des yeux pétillants de promesses.
— Tu verras, jura-t-elle, c’est un peu usant les premiers jours, mais tu finiras par t’y faire.
Comme son amie restait silencieuse, elle poursuivit :
— Surtout, mets bien la charlotte et les sur-chaussures. Le dragon ne plaisante pas avec la tenue.
La plus grande obéit après un hochement de tête. Elle s’appliqua à s’habiller avec précaution.
— Encore merci de m’avoir trouvé ce boulot, Manon.
La plus petite s’interrompit dans ses gestes.
— C’est normal, Louise. Et puis je n’allais pas te laisser galérer après la mort de ton père. Tes frangins sont quand même gonflés de vouloir vendre la maison alors que tu habites toujours dedans. Ils auraient pu te laisser le temps de te retourner.
— Ils ne se sont jamais manifestés tout le temps que papa était malade et là, ils me sautent dessus pour qu’on liquide ses biens au plus vite, reconnut Louise. Jamais j’aurais pensé qu’ils étaient aussi mesquins.
— Tu plaisantes, j’espère ! s’emporta presque Manon. Ils t’ont abandonnée avec ton père dès que celui-ci est tombé malade. Tu pensais tout de même pas qu’ils allaient te remercier pour tout ce que tu as fait pour lui ! Ils t’ont volé ta jeunesse !
Les casiers se refermant à l’unisson ponctuèrent ce verdict. Les deux femmes étaient prêtes à commencer leur travail. Jusqu’à présent, Louise n’avait fait que des petits boulots à domicile : repassage, couture… Cela lui permettait de rester au maximum auprès de son père. Mais son prochain déménagement forcé l’obligeait à revoir ses plans. De toute manière, elle ne gagnait pas assez pour espérer rester dans la maison familiale, en rachetant leurs parts à ses frères.
— Quand faut y aller, faut y aller, l’encouragea Manon. On est déjà en retard, mais Lydie nous pardonnera, c’est ton premier jour.
Elle tendit un pince-nez à sa collègue.
— Crois-moi, tu vas en avoir besoin.
Les deux amies sortirent des vestiaires et rejoignirent la chaîne de travail.
Malgré le pince-nez, l’odeur assaillit immédiatement Louise qui fronça les sourcils. Un brusque découragement s’abattit sur ses épaules. Elle avait presque envie de reculer. Mais elle n’avait pas le choix. Privée de ressources, il lui fallait un boulot, très vite, et ses qualifications étaient limitées. Elle n’avait pas le temps ni le luxe de faire la fine bouche. Dans cette petite ville portuaire, les jobs ne couraient pas les rues. Et ici ou ailleurs, l’argent, lui, n’avait pas d’odeur.
Louise écoutait avec attention les explications de son amie. Manon avait toujours été là pour elle. Bien que ce fût réciproque, sa loyauté touchait Louise plus qu’elle ne pouvait l’admettre. Son amie prenait très au sérieux son rôle de guide, lui expliquant chaque poste. Elle devait étêter et vider les sardines, avant de les enfiler soigneusement sur une grille. Elles seraient ensuite lavées et sécheraient quelque temps avant d’être passées dans un premier bain de friture. Mais ça, Louise ne s’en occupait pas. Elle devait juste trancher les têtes, vider ces satanées bestioles qui glissaient entre ses doigts. Elle se coupa et la saumure attaqua méchamment la plaie, lui arrachant régulièrement une grimace. Ses gestes répétitifs l’agaçaient. Comment réussirait-elle à tenir ainsi des jours durant ?
Lorsque les vestiaires s’animèrent de nouveau, des rires se firent entendre. Au mur, l’énorme horloge indiquait 17 h 21.
Quatre femmes, dont Manon et Louise, s’éparpillèrent pour rejoindre leur casier respectif. Les conversations fusèrent avec bonne humeur.
— Le mieux, c’est encore de ne pas regarder où on met les mains, commenta une première femme qui libéra sa chevelure brune de la charlotte qu’elle portait.
— N’importe quoi, Charlène. C’est un coup à prendre un maquereau pour une sardine ou à se couper avec le rebord d’une boîte, rétorqua Manon.
— Pouah, ça pue vraiment ! pesta Louise en se débarrassant des parties jetables de sa tenue : gants et sur-chaussures rejoignirent la poubelle.
— Je t’avais prévenue, confirma son amie en la regardant faire. À force, on sent plus rien.
Une femme d’origine antillaise, plutôt menue, s’invita dans la conversation :
— Nos hommes, par contre… Le mien refuse de me faire un câlin tant que j’ai pas pris une bonne douche.
Sa compagne brune ricana :
— Ben, ça se comprend. C’est un tue-l’amour, c’fumet !
— Tous les ans, pour Noël, il m’offre du parfum, expliqua encore la Créole. J’ai bien compris le message, mais qu’est-ce qu’il veut que j’y fasse ? Faut bien ramener un salaire de plus à la maison et c’est pas juste le sien qui nous fera vivre, mes enfants et moi. Surtout en ce moment.
— Moi, je trouve qu’on devrait commercialiser notre « Eau de Saumure » pour ces dames qui ne veulent plus se faire harceler au lit par leur mari, s’esclaffa Manon.
La brunette s’empara d’une brosse.
— J’ai des écailles plein les cheveux, elle sert à rien cette fichue charlotte.
Elle se tourna ensuite vers Louise.
— En parlant de harceler, je ne sais pas ce qui a pris à Sékou de t’aborder comme ça. Il est plutôt du genre discret, d’habitude. Voire carrément renfermé.
Louise se renfrogna. Elle s’agita, visiblement sous le coup d’une forte émotion. L’incident s’était produit à l’heure du déjeuner. Elle avait encore du mal à y croire. La pause bienvenue avait permis à Louise de quitter quelques minutes son travail ingrat. Manon l’avait présentée aux autres et elle s’était assise pour partager le repas, avant qu’un grand échalas ne vienne l’importuner. Ses dents brillaient dans son visage noir et ses yeux pétillaient de malice. Au début, Louise avait cru qu’il venait juste dire bonjour…
— Il est pas bien, ce type ! Pourquoi il m’accoste comme ça ? dit-elle en laissant remonter sa colère à la surface.
Elle ne savait plus où se mettre. Il lui avait fichu la plus grande honte de sa vie. Elle se sentit encore rougir au souvenir de ce qu’il lui avait brutalement balancé à la figure.
Aucune ne répondit, mais ses trois compagnes échangèrent un regard plutôt perplexe. L’Antillaise osa une explication :
— Il a peut-être envie de se faire remarquer par les autres mâles de la bande. C’était lui le p’tit dernier et ça n’a rien eu d’évident pour lui. Tu parles, un Black ! Je te raconte pas les blagues débiles auxquelles il a eu droit. Ils ne m’ont pas épargnée moi-même quand je suis arrivée, mais je leur ai rapidement montré de quel bois je me chauffe. Un grand gaillard comme lui, il aurait dû leur coller une trempe. C’était franchement dégueulasse. Pourtant, il a supporté ça sans rien dire. Les coups bas ont cessé, n’empêche qu’il mange toujours tout seul à la cantine, releva-t-elle en enfilant son manteau.
En effet, Louise l’avait remarqué quand elle était entrée. Il se tenait à l’écart, plongé dans son assiette. Elle ne s’expliquait toujours pas son brusque changement d’attitude et les propos de l’Antillaise ne la convainquirent pas vraiment.
— Après, peut-être que tu lui plais et qu’il ne sait pas comment te le dire, renchérit Charlène avec un haussement d’épaules.
Cela ne convint pas du tout à Louise qui s’insurgea :
— Il s’y prend très mal, pour sûr ! Me sauter dessus en me demandant si j’ai déjà baisé un Noir !
— Ouais, pas très malin, faut le reconnaître, pouffa la brunette.
Manon se rapprocha de son amie et lui glissa :
— Même si tu lui plais, il avait pas à t’aborder comme ça. Parles-en à Lydie, s’il continue.
— À plus, les filles, moi je rentre, je suis crevée, lança la Créole avant de s’en aller.
— Pareil, approuva leur autre collègue. Et t’en fais pas, Louise, Sékou va se calmer. Tu l’as bien remis à sa place, il insistera pas.
— Comment elle s’appelle, déjà ? demanda Louise à Manon, une fois qu’elles sont parties.
— Le petit bout de femme ? C’est Désirée. Elle est sympa, non ?
Louise se laissa tomber sur un banc et contempla sa charlotte roulée en boule dans sa main. Puis elle la jeta à la poubelle.
— Ça commence mal, soupira-t-elle, découragée. J’ai aucune envie de me traîner un boulet au travail.
Travail qui ne lui plaisait déjà pas, songea-t-elle. Mais jamais elle ne le dirait à Manon. Elle ne voulait pas décevoir son amie.
— Sékou est un gars plutôt sympa d’ordinaire, plaida sa compagne. Il a bien compris que t’avais pas aimé ses manières. Charlène a raison, ça en restera là.
Louise avait bondi de sa chaise sans laisser au grand escogriffe le temps de terminer sa phrase.
— Pour qui tu te prends ? lui avait-elle reproché. Et pourquoi tu te crois en droit de me parler comme ça ? T’es malade ou quoi ?
L’autre avait reculé, surpris par sa virulence. Il avait balbutié un truc, avant de filer sans demander son reste.
— J’ai pas le cœur au flirt. Tu sais ce qu’il en est, murmura Louise, lugubre.
Manon s’assit près d’elle.
— Oui, je sais que t’es pas à l’aise avec ça… Mais t’inquiète pas, personne ne l’apprendra, je dirai rien !
— Et s’il remet ça ? s’inquiéta Louise. Je peux pas me permettre de perdre ce job. Si j’y arrive pas toute seule, je devrai retourner chez tante Odile.
Cette perspective horrifia sa compagne.
— Cette vieille peau ! Je ne te le souhaite pas. Elle a profité de toi quand t’étais gamine et quelque part, la maladie de ton père t’a sauvée de ses griffes.
Son emportement la fit bondir sur ses pieds.
— Allez, viens, je t’offre un verre pour fêter ton premier jour.
Comme Louise ne bougeait pas, toujours accablée, elle la tira par le bras.
— Viens, je te dis !
Son amie se leva avec réticence. Son expression était encore plus sombre que d’ordinaire. La perspective qu’elle venait d’évoquer — retourner chez sa tante — l’accablait et la décourageait. Elle s’arrêta au bout de quelques pas. Les larmes dans la voix, elle affirma :
— J’ai quarante ans et j’ai raté ma vie.
Manon, qui l’entraînait vers la sortie, stoppa son manège.
— Raconte pas n’importe quoi ! Faut juste te changer les idées. T’as rien à te reprocher. Tu t’es sacrifiée pour ton père pendant des années. J’en connais peu qu’aurait fait la même chose pour un parent. Quand on sortait en boîte, toi, tu lui donnais à manger. Quand on flirtait avec nos petits copains, tu le bordais dans son lit. T’es une sainte, Louise. Mais maintenant, il est temps de profiter de la vie. Et quand t’auras eu ta première paie, on ira faire un peu de shopping. Y a rien de tel pour se remonter le moral.
À force de cajoleries, Manon parvint à convaincre son amie de venir avec elle. Les lumières des vestiaires s’éteignirent sur cette première journée riche en émotions.
Le matin suivant, peu avant l’ouverture de la conserverie, un homme se glissa subrepticement dans les vestiaires. Le grand Noir dégingandé tenait à la main un petit bouquet de fleurs bleues. Il s’arrêta devant le casier de Louise et tenta de l’ouvrir, mais celui-ci était verrouillé. Soudain, un bruit de porte le fit sursauter. Il cacha le bouquet dans son dos.
Louise entra.
La veille, Manon et elle avaient un peu trop fait la fête au bar du coin et la pauvre Louise avait un mal de crâne à se taper la tête contre les murs. Elle abordait cette journée avec une certaine appréhension et une humeur de chien. Quand elle découvrit Sékou, elle se figea aussitôt. Ses poings se serrèrent, ses traits se crispèrent. Sa voix râpa dans sa gorge :
— Qu’est-ce que tu fiches ici, Sékou ? C’est les vestiaires des femmes !
— Je sais bien, bafouilla l’intrus. Je… je te cherchais.
L’agressivité de sa collègue se changea en perplexité.
Il me cherchait ?
— Suffisait de m’attendre à l’entrée ou de venir me voir sur la chaîne, rétorqua-t-elle.
Pourquoi ce gars s’acharnait-il à courir après elle ? C’était une sorte de détraqué ou quoi ?
Sékou lui tendit soudain les fleurs, la brusquerie de son geste la fit sursauter.
— Pour… pour me faire pardonner.
Au même moment arrivèrent Manon et Charlène. Le grand Noir sembla tout à coup pris de panique. Avec brusquerie, il s’avança vers Louise, lui colla le bouquet dans les mains et quitta les vestiaires comme un ouragan. Charlène le suivit des yeux, sidérée.
— Quelle mouche le pique ?
Manon remarqua aussitôt les fleurs dans les mains de son amie.
— Il t’a offert un bouquet ? s’étonna-t-elle.
Louise parut bien embarrassée.
— Il ne peut pas me foutre la paix ?
Elle chercha des yeux la poubelle et y balança le cadeau encombrant. La brunette se précipita aussitôt pour le récupérer.
— Eh ! Sois pas bête ! Elles sont jolies. T’as qu’à les donner aux collègues, si t’en veux pas. Elles sentent bon en plus, ajouta-t-elle en portant les fleurs à son nez. Faut un vase et de l’eau. Ça embellira un peu cet endroit sinistre.
Sur ces mots, elle sortit, le bouquet à la main, tandis que Louise, avec des gestes nerveux, entreprit de se changer. Elle claqua plusieurs fois le battant de son casier. Manon la rejoignit et tenta de la calmer.
— Te mets pas dans des états pareils. C’est plutôt gentil de la part de Sékou.
— Il est rentré dans le vestiaire des femmes, gronda son amie. Il se serait passé quoi s’il était arrivé pendant que je me changeais ?
— À ton avis ? s’amusa presque Manon. Il aurait fait demi-tour, tiens. On l’a bien mis en déroute en débarquant avec Charlène.
— C’est un pervers.
Sa compagne s’écarta en secouant la tête.
— Là, ma vieille, je te suis pas sur ce coup. C’est un chic type. Il a le cœur sur la main et rend service dès qu’il le peut. Qu’il ait fait une bourde hier, ça se discute pas, mais c’est pas le diable, non plus… Le connaissant, il lui a fallu bien du courage pour venir jusqu’ici.
On entendait chanter dans le couloir. Charlène était de retour, les fleurs avaient trouvé un vase. La jolie brune fredonnait :
— Un jour, mon prince viendra, un jour, il me dira…
Ces paroles suffirent à raviver la fureur de Louise qui sortit en trombe. Voyant qu’elle avait oublié sa charlotte, Manon se rua à sa suite en criant son nom.
— Elle a un grain, cette fille, commenta Charlène en cherchant une place pour le bouquet.
Les deux amies se dirigèrent vers la chaîne : Louise à grands pas nerveux, Manon sur ses talons.
— Je t’en prie, calme-toi, l’adjura cette dernière. Tu te mets dans des états pas possibles pour rien.
Louise serrait les dents et préféra ne pas répondre. Pour rien, vraiment ? À peine arrivée à son nouveau travail et elle se faisait harceler par un sale type qui s’introduisait en douce dans son vestiaire pour lui offrir… des fleurs ! Des fichues fleurs ! De quoi ça avait l’air, franchement ? D’une blague tordue ! Pourquoi on ne la laissait pas tranquille ? Juste tranquille, dans son coin ? Elle n’avait jamais fait de mal à personne, elle avait toujours été une bonne fille et, maintenant, le monde entier lui tombait dessus !