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Explorez les légendes et les mythes de la Mort avec les Nécromanciennes.
Partie 1 - Une vie en échange
Quand elle se réveille un beau matin, Elizabeth Rosenbach a la désagréable impression qu’il lui manque un pan entier de sa vie. Pour tout dire, elle a signé un pacte un an plus tôt avec une nécromancienne, pacte qui doit non seulement changer sa propre existence, mais aussi permettre à un être cher de trouver enfin le repos.
Partie 2 - Les larmes de Perséphone
Dans la suite du premier épisode : une Parque confie à Perséphone Dimitrova la charge de former une nouvelle apprentie qu’elle connaît bien. Il s’agit d’Elizabeth Rosenbach. Mais la nécromancienne a d’autres préoccupations : son fils Samuel qui s’est renfermé sur lui-même depuis quelque temps. Elle lui a caché son futur, pour le protéger. Mais l’adolescent découvre, durant leur visite chez Elizabeth, qu’il est un nocher et que son destin est tout tracé.
Partie 3 - L’Enfant des limbes.
À travers le récit du jeune Samuel, nous retrouvons Elizabeth Rosenbach. Devenue à son tour nécromancienne, elle affronte l’un des plus redoutables maîtres des enfers, Ahriman, afin de sauver son amie d’enfance, Mélissa, qui n’a toujours pas pu rejoindre le paradis. Le père de Samuel, Hugo, lutte aux côtés de la jeune femme. C’est un nocher, responsable tout autant qu’Elizabeth du sort des vivants et des morts.
Partie 4 - La poupée maudite
Pour son dix-septième anniversaire, Mira souhaite s’offrir une poupée. Cadeau curieux pour son âge. Mais dès qu’elle l’a vu dans la vitrine d’un prêteur sur gages, elle a tout de suite voulu posséder ce beau dandy en porcelaine. Rien ne la préparait cependant aux conséquences de cet acte anodin. Ni à affronter l’un des dieux-lares les plus puissants de l’au-delà.
Partie 5 - La mort est mon cadeau.
Harfang le démon millénaire, est revenu des Enfers pour combattre le dieu-lare qui a jeté son dévolu sur Mira. Mais la divinité en question a plus d’un tour dans son sac et le démon repenti se retrouve pris au piège dans une autre dimension où il retrouve Mira, plus âgée et… enceinte. Avec l’aide de Dieu et de la Mort, la nécromancienne et Harfang vont toutefois réussir à rejoindre notre monde. Mais parviendront-ils à vaincre le dieu-lare ?
Ce roman nous plonge dans un voyage fantastique et captivant, dynamisé par l'alternance des narrateurs.
EXTRAIT
Ce matin-là, le réveil fut douloureux. Je n’arrivais pas à recoller les morceaux de la veille, comme la façon dont j’avais pu finir, à moitié dévêtue, sur mon lit. Une migraine atroce me martelait le crâne et j’avais envie de vomir.
Je titubai jusqu’à la salle de bain et mon reflet dans le miroir me fit carrément peur : j’avais une tête de déterrée. Et… qu’était-il arrivé à mes cheveux ? Je les portais plutôt longs d’habitude et là, ils m’arrivaient à peine jusqu’aux oreilles ! Je les ébouriffai, comme pour vérifier qu’ils n’allaient pas tomber, avant de me glisser sous la douche, très perturbée par cette vision.
L’eau chaudement bienfaisante me ramena peu à peu à la vie. Mais l’absence de familiarité me rattrapa lorsque je passai dans le couloir pour regagner la cuisine. Rien ne semblait à sa place. Je butai contre une valise et poussai un juron, avant de clopiner jusqu’à la cafetière en me demandant ce que ce satané bagage fichait devant ma porte d’entrée.
A PROPOS DE L’AUTEUR
Corinne Guitteaud est une auteure française née le 12 avril 1976 à Château-Thierry (Aisne). Elle est également éditrice et gérante des Éditions Voy'el.
Depuis la parution de sa première trilogie
Les Portes du temps en 1999, elle n'a cessé d'explorer plusieurs genres, la Fantasy, le Fantastique, puis le space opera.
Corinne Guitteaud s'inspire tour à tour de références comme Arthur C. Clarke, Dan Simmons, Ursula K. Le Guin.
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Corinne Guitteaud
Ce matin-là, le réveil fut douloureux. Je n’arrivais pas à recoller les morceaux de la veille, comme la façon dont j’avais pu finir, à moitié dévêtue, sur mon lit. Une migraine atroce me martelait le crâne et j’avais envie de vomir.
Je titubai jusqu’à la salle de bain et mon reflet dans le miroir me fit carrément peur : j’avais une tête de déterrée. Et… qu’était-il arrivé à mes cheveux ? Je les portais plutôt longs d’habitude et là, ils m’arrivaient à peine jusqu’aux oreilles ! Je les ébouriffai, comme pour vérifier qu’ils n’allaient pas tomber, avant de me glisser sous la douche, très perturbée par cette vision.
L’eau chaudement bienfaisante me ramena peu à peu à la vie. Mais l’absence de familiarité me rattrapa lorsque je passai dans le couloir pour regagner la cuisine. Rien ne semblait à sa place. Je butai contre une valise et poussai un juron, avant de clopiner jusqu’à la cafetière en me demandant ce que ce satané bagage fichait devant ma porte d’entrée.
Je m’installai à ma place favorite, près de la fenêtre, pour regarder dehors. Plusieurs détails me frappèrent tour à tour. Les bancs avaient été remplacés, un arbre qui ombrageait d’habitude mon balcon avait disparu. La veille, j’avais mis deux fois plus de temps à rentrer chez moi, à cause des travaux du tramway. Or, je vis passer une rame qui s’arrêta pour prendre plusieurs passagers au coin de la rue. Je crus tellement avoir la berlue que je me frottai les yeux plusieurs fois. C'était quoi, cette histoire de dingue !
Le téléphone me fit bondir jusqu’au plafond. Je me précipitai pour décrocher. Au bout du fil, ma meilleure amie, Sarah, m’interpella :
« Salut, ma vieille. Tu as fait bon voyage ?
— Qu’est-ce que tu racontes ? maugréai-je ? Quel voyage ?
— Oh ! très drôle, vraiment. Tu as abusé du champagne de la 1ère classe ou quoi ? Ton voyage en Italie. Tu es bien rentrée hier soir, non ? » Comme je restais muette de stupeur, Sarah s’inquiéta : « Eh ! Tu es toujours avec moi ?
— Oui, oui. Écoute, je suis un peu mal fichue ce matin. Un truc qui ne doit pas passer… » Je l’entendis s’esclaffer. « Non, rigole pas, j’ai une impression très bizarre. Je vais appeler le bureau….
— Tu ne me fais plus rire du tout, réagit mon amie d’un ton glacial. Tu ne travailles plus là-bas depuis six mois. C’est toi, ton propre patron.
— Que…
— Bouge pas, j’arrive. »
Elle raccrocha avant que j’aie pu protester. Je m’écroulai littéralement dans le fauteuil, près du guéridon sur lequel se trouvait le téléphone. La Terre se mit à tourner dans le mauvais sens.
Sarah, qui avait les clefs de mon appartement, me trouva dans cette position un quart d’heure plus tard, et se rua vers moi pour m’examiner sous toutes les coutures.
« Tu as une sale tête.
— Je deviens folle, c’est ça ? grognai-je avec une grimace. C’est Alzheimer ?
— Ne plaisante pas avec ça. Est-ce que tu as pris des médicaments, hier soir ? Parfois, ils provoquent des amnésies passagères.
— Depuis quand tu es infirmière ? » ricanai-je. Mais elle me fixait avec un tel sérieux que je finis par secouer la tête. Pendant l’heure qui suivit, nous jouâmes toutes les deux avec les hypothèses les plus folles, avant de nous rendre à l’évidence : mon trou de mémoire n’avait aucune explication logique. Pire, il semblait bien qu’il manquait toute une année de ma vie dans ma caboche.
Sarah décida de me conduire aux urgences. J’y passais le reste de la journée. On me fit passer une IRM qui ne révéla rien. Le médecin diagnostiqua une forme de stress et me mit en arrêt pour la semaine. Sarah exigea que je vienne dormir chez elle à notre sortie de l’hôpital, car elle refusait de me laisser « dans cet état-là. »
Son merveilleux mari, Loïc, nous accueillit et écouta mon étrange histoire d’une oreille patiente. Il ne fit aucun commentaire, accepta que je dorme dans la chambre d’ami et se mit aux fourneaux. Pendant ce temps, sa femme continuait de me cuisiner :
— Quel est le nom de ton entreprise ?
— J’en sais rien. Je ne travaille plus aux Assurances D… ?
— Non, tu as tout plaqué du jour au lendemain pour créer ta boîte. Un truc de dingue, je ne t’avais jamais vue aussi enthousiaste. Tu as remué ciel et terre pour trouver les financements. Bon sang, tu peux pas avoir oublié les heures qu’on a passées à remplir la paperasse. On s’est même engueulées plusieurs fois… »
Je secouai toujours la tête. Rien, rien, rien. Le vide, le néant total depuis la « veille au soir ». Elle me montra des photos de sa fête d’anniversaire. Je me tenais aux côtés d’un inconnu qui me serrait contre lui, un bras glissé tendrement autour de ma taille. Elle m’observa tandis que je détaillais ce grand gaillard séduisant. Lorsque je levai les yeux vers elle, elle se mordit les lèvres :
« Tu l’as oublié, lui aussi ? Remarque, c’est peut-être une bonne chose.
— De quoi tu parles ?
— Vous avez eu une aventure et… ça s’est mal terminé. Il est mort dans un accident de moto. Tu as été inconsolable pendant des semaines. Et j’ai bien cru que tu allais tout foutre en l’air. Ce voyage en Italie, c’était aussi pour te changer les idées. »
J’avais rencontré le grand amour et je ne m’en souvenais pas ? Mon cœur se serra dans ma poitrine.
« J’ai besoin de boire quelque chose de fort. » Sarah me dévisagea. Je ne buvais pas d’alcool. « S’il te plaît… »
Elle disparut dans la cuisine, je l’entendis échanger quelques mots avec Loïc qui poussa un juron. Quand elle revint, elle tenait un verre de whisky à la main. Je le vidai d’une traite. Une chaleur étrange se déversa dans tout mon être. Je respirai plusieurs fois profondément. À côté de moi, ma meilleure amie continuait de se creuser la cervelle.
« Il y a bien eu cette nana un peu bizarre…, marmonna-t-elle. Elle avait un nom pas possible… Per… Per… Perséphone !
— Hein ?
— J’ai eu la même réaction quand tu m’en as parlé la première fois. Je l’ai croisée, elle sortait de ton appartement. Deux jours plus tard, tu démissionnais. Une semaine après, tu rencontrais Guillaume (elle me montra le beau ténébreux sur la photo.) C’est curieux, d’ailleurs, à partir de ce moment-là, tu as commencé à agir… bizarrement.
— Et tu n’as rien dit ?
— Si, bien sûr. Ce fut l’objet d’une nouvelle engueulade, d’ailleurs.
— J’ai dû être pénible… »
Sarah grimaça.
« Différente… et en même temps toi. J’ai même essayé de te piéger en te posant des questions très personnelles. » Je la regardai de travers. « Ben ! oui, j’ai cru… je sais pas, moi, que t’étais une imposteuse…
— Je doute que ce mot existe, répliquai-je.
— Peu importe, balaya Sarah avec un geste de la main. Tu as toujours su me donner les bonnes réponses. » Elle démarra son ordinateur et commença à pianoter sur son clavier. « Qu’est-ce qu’il y a de plus efficace qu’une IRM ?
— Euh… rien… »
Ses recherches sur la Toile confirmèrent ma réponse.
« M…, jura-t-elle.
— Tu pensais à quoi ?
— Une tumeur, un choc sur la tête…
— L’IRM l’aurait détecté, c’est ce qu’a dit le médecin.
— À table ! » lança le mari de Sarah. Il fut stoppé net par le regard noir de son épouse. « Ça va refroidir, dit-il en manière d’excuse.
— Bon, très bien. De toute façon, on ne fait jamais rien de bon le ventre vide. »
Mais pendant tout le repas, l’esprit de ma meilleure amie continuait de tourner à toute vitesse. Elle détestait les énigmes, j’en savais quelque chose. Elle envisagea d’aller voir un spécialiste, pour vérifier si on ne m’avait pas fait un lavage de cerveau, comme dans les films. Loïc roula des yeux effarés.
« Le domaine dans lequel elle travaille n’a rien de sensible, lui rappela-t-il. Pourquoi quelqu’un irait lui faire un truc pareil ?
— On lui a peut-être jeté un sort.
— Pfff… », commenta son mari en haussant les épaules.
Il fallut se résoudre à aller dormir sans plus de réponse. Sarah et son mari travaillaient le lendemain et la perspective d’une journée à gamberger dans mon coin agita mes rêves par ailleurs singuliers. Je me voyais dans un bureau style Nouvel Empire, avec une femme à l’allure plus qu’étrange qui me montrait des vases aux formes insolites alignés sur une cheminée. Elle m’expliquait quelque chose qui semblait important, mais impossible de l’entendre.
Ce rêve me turlupina pendant toute la matinée. Je repassai à mon appartement récupérer des vêtements de rechange. L’endroit me paraissait sinistre. J’y découvrais des aménagements dont je ne me souvenais pas, comme l’achat d’une énorme lampe dont le pied ressemblait à un éléphant, une reproduction d’un tableau de Rossetti représentant une femme à l’air mystérieux, un jeu de tarots qui traînait sur ma commode. Je récupérai mon ordinateur et retournai chez Sarah avant d’oser l’allumer et découvrir de nouveaux pans manquants de ma vie.
Je passai un long moment sur la correspondance que j’avais échangée avec le fameux « Guillaume ». On s’était rencontré à mon ancien travail. Il venait pour une déclaration de sinistre. Petit à petit, je reconstituai notre histoire. À la lecture de nos courriels, je semblais très amoureuse. Ça me paraissait étrange, je me reconnaissais dans les mots échangés et en même temps… des réactions, des commentaires à ce que Guillaume disait résonnaient avec une sorte de décalage.
Mon portable vibra. En décrochant, je crus avoir affaire à Sarah, mais une voix rauque me demanda :
« Mademoiselle Rosenbach ?
— Euh… oui…, balbutiai-je.
— Bonjour. Perséphone Dimitrova à l’appareil.
Je bondis du canapé.
— Per… Perséphone… !
— Oui, Melle Rosenbach. Je suis navrée. J’aurais dû appeler plus tôt, mais une affaire urgente m’a retenue toute la journée d’hier. Accepteriez-vous de passer à mon bureau cet après-midi ? Je dois ABSOLUMENT vous parler.
— Il… me faut juste votre adresse.
— Vous avez de quoi noter ? »
Je tapotai fiévreusement les coordonnées qu’elle me dicta sur mon ordinateur. Quand elle raccrocha, j’appelai aussitôt Sarah pour la prévenir.
« Tu ne devrais pas y aller toute seule, objecta-t-elle quand je lui annonçai mes intentions.
— Que veux-tu qu’il m’arrive ?
— Je n’ai jamais pu sentir cette bonne femme.
— Elle sait peut-être des choses utiles pour comprendre ma… situation.
— Elle ressemble à une diseuse de bonne aventure. Tu risques de te retrouver dans une roulotte au fond d’un coupe-gorge.
— Tu ne crois pas que tu exagères, soupirai-je. Écoute, je te donne l’adresse, comme ça, si je ne suis pas rentrée ce soir, tu n’auras qu’à déclencher le plan ORSEC.
— Très drôle. Sois prudente », m’adjura-t-elle avant de couper la communication.
J’eus du mal à avaler quoi que ce soit à midi et bondis dans ma voiture récupérée lors de ma virée à mon appart’ pour me rendre au rendez-vous avec la mystérieuse Perséphone.
Sarah avait tout faux.
Je me garai devant un immeuble cossu, avec des fenêtres en vitrail, qui faisait penser au style art nouveau. En descendant de la voiture, je remarquai les plaques dorées sur la façade, près de la porte imposante peinte en rouge.
Je crus avoir la berlue en lisant « Perséphone Dimitrova – Nécromancienne. »
Nécromancienne ? L’image de la roulotte me traversa l’esprit. Je dus prendre mon courage à deux mains pour finalement presser le bouton de l’interphone correspondant à son cabinet. Une voix suave me répondit :
« Oui ? »
Je déglutis avec peine avant de bafouiller un bonjour et d’expliquer :
« Je suis Mademoiselle Rosenbach. J’ai… J’ai rendez-vous, je crois.
— Tout à fait, Mademoiselle, Montez, je vous en prie. Mme Dimitrova vous attend. »
La porte s’ouvrit devant moi et je pénétrai dans une cour pavée, où stationnait une belle Mercédès noire. Ça rapportait, nécromancienne ?
Arrivée sur le pallier du premier étage, une secrétaire m’indiqua une porte que je poussai avec une certaine appréhension.
Une femme splendide aux longs cheveux noirs, aux yeux clairs rehaussés par un trait de khôl, m’accueillit comme si nous étions de vieilles connaissances. Elle portait des vêtements noirs très chics et un parfum capiteux flottait autour d’elle.
Lorsque je m’assis à son bureau, mon regard fut attiré d’abord par le tableau qui trônait sur le mur du fond. Mon hôtesse s’y trouvait représentée, telle une déesse antique, tenant un crâne dans une main et un sablier dans l’autre. Puis, alors que je détournai les yeux, troublée par la sensualité de cette image, je blêmis en découvrant les drôles de vases alignés sur la cheminée.
« Je vois que vous avez quelques… réminiscences », susurra une voix trop proche. Je me retournai, Mme Dimitrova se tenait juste derrière moi et fixait la cheminée.
« Qu’est-ce que… c’est ?
— Des urnes mortuaires », me révéla-t-elle en s’installant derrière son bureau.
Elle attendait visiblement une réaction qui ne tarda pas à venir :
« C’est sinistre.
— La mort n’est pas sinistre, Melle Rosenbach. Elle est, voilà tout. Crainte par les hommes, elle n’en mérite pas moins leur respect.
— Vous êtes une… nécromancienne. En quoi ça consiste ? Et quel rapport avec moi ? Savez-vous pourquoi j’ai perdu la mémoire ? Je ne me souviens même pas de notre première rencontre ! »
Mon hôtesse leva la main pour stopper cette logorrhée.
« Chaque chose en son temps, Mademoiselle. Apprenez tout d’abord que les nécromanciens ont pour tâche de maintenir le lien entre le monde des morts et celui des vivants. Sans nous, il y aurait des… débordements. Nous préservons l’équilibre entre les deux forces primordiales. Parmi notre ordre, j’occupe une position toute particulière. Je suis chargée des Limbes.
— Des quoi ?
— Les Limbes sont un lieu où se retrouvent les âmes perdues, mortes avant d’avoir pu accomplir leur destin. Jusqu’à une époque récente, l’Église elle-même admettait tacitement leur existence. Mais suite à la décision d’une commission théologique, les limbes ont été, pour ainsi dire, rayées de la carte de l’au-delà par un bon milliard de croyants qui ont, du coup, cessé de prier pour ses occupants. Les cris de colère des âmes perdues ont fini par arriver jusqu’aux oreilles de qui de droit. Et l’on m’a demandé de trouver une solution, avant que la situation ne dégénère.
— Ne dégénère comment ?
— Avant que les âmes perdues ne trouvent dans leur colère l’énergie nécessaire pour retourner parmi les vivants. »
Je sursautai.
« C’est possible, un truc pareil ?
— Ça arrive plus souvent qu’on ne croit. »
Perséphone sortit d’un tiroir un énorme livre poussiéreux qu’elle ouvrit et parcourut d’un ongle sélectif.
« Vous êtes venue me voir voici un an pour réaliser un souhait. Vous souhaitiez que votre vie change enfin. Vous n’arriviez pas à prendre les bonnes décisions pour que cela arrive. Aussi avez-vous accepté de remettre votre destin entre mes mains. »
Je restai sans rien dire, estomaquée par cette révélation.
« Vous traversiez à l’époque une phase difficile. Rien ne marchait pour vous à votre travail. Votre vie sentimentale était un vrai désert. Vous n’arriviez plus à concevoir un avenir heureux. Je vous cite, Melle Rosenbach. Ce sont les mots que vous avez prononcés dans mon cabinet. J’ai compris la sincérité de votre mal-être et vous ai révélé mon art.
— Votre art ?
— La nécromancie. J’ai fait revenir quelqu’un d’entre les morts pour vous.
— Qui ? demandai-je d’une voix blanche.
— Mélissa. »
Un hoquet de stupeur s’échappa de ma poitrine. Mélissa… ma cousine. Nous étions très proches, passant tout un été ensemble à jouer dans le jardin de ma grand-mère. On inventait des recettes de soupe avec les herbes du potager et nous les faisions goûter à nos poupées. Un peu avant le Noël de mes six ans, Mélissa avait été kidnappée par un pédophile et on avait retrouvé son corps la veille du Jour de l’An au fond d’un trou d’eau. Je me souvenais encore du chagrin des adultes, de l’enterrement… À l’époque, trop jeune, je n’avais pas compris ce qui se passait. L’été suivant, j’avais demandé à ma grand-mère si Mélissa reviendrait jouer avec moi. Sous le coup de l’émotion, elle m’avait giflée, avant d’éclater en sanglots. Après cette histoire, elle avait d’ailleurs sombré dans la dépression et on avait dû l’hospitaliser et, pour payer les frais, vendre la maison où j’avais passé un été si heureux.
Des larmes glissaient sur mes joues et je les essuyai avec stupéfaction. Je croyais cette souffrance enfouie tout au fond de moi.
« Jamais je n’aurais pu la faire venir si votre douleur n’avait pas été si grande. Mélissa et vous avez accepté le pacte, m’expliqua Perséphone. Pendant un an, elle a vécu votre vie à votre place, pour tout y changer, pour vous apporter le bonheur qui vous manquait. Grâce à cela, elle a pu vivre l’existence qui aurait pu être la sienne sans ce terrible drame. »
Mélissa et moi nous ressemblions beaucoup. On nous avait surnommés « les Jumelles ». Elle semblait me connaître par cœur, aucune dispute n’était venue ternir cet été-là. Qui d’autre aurait pu aussi bien prendre ma place et réaliser mes rêves ?
« Elle a été heureuse ? m’enquis-je entre deux reniflements.
— Très. Elle a même rencontré le grand amour.
— Guillaume ! m’exclamai-je.
— Je dois vous le dire : cela n’aurait jamais dû se produire, mais le destin se joue parfois des hommes, même des nécromanciens. Leurs deux âmes sont devenues si complémentaires que Guillaume n’aurait pu survivre au départ de Mélissa. Certes, il aurait cru vous aimer, pendant un temps, mais rapidement, il se serait rendu compte… du changement. Or, jamais la nature du pacte ne doit être révélé… à quiconque.
— Alors, vous l’avez tué ? » m’écriai-je avec effroi, bondissant du fauteuil. La nécromancienne me fixa d’un air indéchiffrable.
— Asseyez-vous, Mademoiselle ! »
Je retombai sur mon siège.
« Peu après le drame, Mélissa est venue me voir pour demander à ce que vous regagniez plus tôt votre corps. J’ai refusé. Le pacte exigeait qu’elle reste sur Terre pendant une année entière. Durant les dernières semaines, elle a… erré comme une âme en peine dans ce monde et a bien failli compromettre tout ce qu’elle avait contribué à bâtir pour vous assurer une vie meilleure. En cela, elle a commis une faute impardonnable. Son sort se trouve désormais suspendu à votre décision. »
En prononçant ces paroles, Perséphone eut un geste vers un troisième fauteuil resté vide jusqu’à présent. Une forme s’y matérialisa. Je poussai un cri en reconnaissant Mélissa qui apparut sous les traits d’une petite fille d’environ cinq ans – l’âge auquel elle était morte – habillée d’une robe bleue, serrant dans ses bras sa poupée qu’elle appelait Lavie. Les yeux pétillants de la fillette croisèrent les miens. Sans y penser, je tendis la main vers elle, mais la nécromancienne m’intercepta.
« Personne ne peut toucher une âme perdue. »
Je restai donc à dévorer Mélissa des yeux, tandis que mon hôtesse poursuivait :
« À l’issue de cette année, Mélissa devait regagner les limbes. Sa négligence la maintient parmi nous… peut-être pour toujours.
— Que puis-je faire pour l’aider ? »
Perséphone plissa les yeux.
« Êtes-vous sûre de vouloir vous lancer dans une telle entreprise ? »
Je considérai Mélissa pendant un moment. Elle jouait avec sa poupée, comme si nous ne discutions pas de son destin. Je pris une grande inspiration avant de répondre :
« Je voudrais qu’elle retrouve Guillaume.
— Même si pour le coup, elle vous a peut-être empêché de rencontrer votre propre âme sœur ? »
Je haussai les épaules.
« Peut-être qu’elle n’existe pas. Mais ces deux-là se sont trouvés. Et ils méritent au moins d’être heureux ensemble. »
La nécromancienne mit un moment avant de répondre :
« Mélissa aurait pu rejoindre le Paradis à votre mort. Si elle avait réussi à changer votre vie de façon significative, le bonheur que vous auriez vécu aurait compté comme… des sortes de points de karma lui permettant de gagner le plan supérieur. Or son attitude de ces dernières semaines a, en quelque sorte, remis les compteurs à zéro.
— Ce n’est qu’une enfant. Comment aurait-elle pu réussir ainsi à tout arranger ?
— On n’est plus un enfant quand on erre dans les Limbes. Cet endroit n’est pas isolé de notre propre monde. Ceux qui attendent dans les limbes vivent à nos côtés, au point qu’il nous arrive parfois de ressentir leur présence. N’avez-vous jamais ressenti cette impression fugace qu’on vous observe à votre insue ? Peut-être s’agissait-il d’une âme perdue, peut-être s’agissait-il de Mélissa. Ils nous voient vivre mais ne peuvent en aucun cas interférer dans nos existences. Sauf… si je leur en donne le pouvoir, sauf… s’ils acceptent le pacte que je leur propose.
— N’y a-t-il pas un moyen pour la sauver ? Ne peut-elle reprendre ma place ? » m’insurgeai-je.
Perséphone secoua la tête.
« Impossible. Le transfert d’âmes ne peut opérer qu’une seule fois. Elle devra vous suivre, durant quelque temps, afin qu’elle puisse… arranger les choses.
— Euh… vous voulez que je me balade avec un fantôme sur les talons ?
— Précisément. Ne vous inquiétez pas, personne ne pourra la voir. Mais vous devrez faire en sorte… que personne ne puisse même deviner son existence. Autrement dit, agir comme si elle n’était pas là.
— Ça n’a pas l’air très compliqué.
— Détrompez-vous. Le dernier à tenter cette chance a échoué. Son histoire sert d’avertissements aux mortels. Vous avez sans doute entendu parler d’Orphée.
— Oh… ! ne pus-je que souffler.
— Oui… Le résultat ne fut guère brillant, vous l’admettrez.
— Si j’échoue ?
— Mélissa restera coincée parmi nous pour l’éternité. Elle risque même… de vous hanter. Et le remords vous dévorera pendant le peu qu’il vous restera à vivre… »
Je me souvenais qu’Orphée n’avait pas survécu à la disparition d’Eurydice.
« Com… Combien de temps devrais-je tenir ?
— Ce n’est hélas pas une question de durée, mais de… eh bien disons d’énergie positive que vous accumulerez à partir de maintenant, dans la vie que Mélissa aura réussi à vous offrir. Dès qu’un niveau… acceptable aura été atteint, elle rejoindra les limbes. Mais elle devra tout de même attendre votre mort pour rejoindre Guillaume.
— Et comment vous allez savoir si… enfin si tout se passe correctement ?
— Croyez-moi, nous savons. »
Cette affirmation suffit à me convaincre.
Je sortis du cabinet de Mme Dimitrova d’un pas rapide qui me conduisit jusqu’à ma voiture. Dès que je regardai dans mon rétroviseur, je vis Mélissa assise à l’arrière, qui caressait les cheveux de Lavie. Elle m’adressa un sourire si confiant que je sentis mon cœur battre plus vite. Du coup, moi qui n’avais pourtant jamais envisagé d’avoir d’enfant, je me sentis responsable d’elle.
Je rentrai à mon appartement, plutôt qu’à celui de Sarah que j’appelai dans la foulée, lui expliquant que tout allait bien, désormais et qu’une séance d’hypnose chez Perséphone m’avait remise de mon amnésie. J’avais fait un blocage, dû au stress, comme l’avait diagnostiqué le médecin. J’avais encore plusieurs séances de prévues avec Mme Dimitrova qui était en fait une psychothérapeute utilisant des méthodes inédites. Sarah se montra sceptique et me demanda plusieurs fois si elle n’était pas le gourou d’une secte ou quelque chose du genre. Je lui répondis par la négative mais lorsque je raccrochai, je m’en voulus de lui mentir ainsi.
D’ailleurs, je l’évitai pendant plusieurs jours. Je m’obligeai à quelques tests avec Mélissa, au supermarché, au cinéma, au parc… pour me mettre à l’épreuve. Je choisis des films qu’elle aurait aimés voir, me retrouvant parfois dans une salle pleine d’enfants. Les parents qui accompagnaient leurs progénitures me fixaient d’un air bizarre. J’allais aussi au parc, au zoo, dans les musées. Et j’adoptai un chien à la SPA. Ce petit bâtard qui tenait à la fois du chihuahua et du pitbull pour le caractère, s’appelait Baramine. Il avait une tête très expressive. Je l’avais choisi, car il avait peu de chance d’être adopté (aussi me disais-je, si je ratais mon coup, je ne ferais pas un malheureux qui aurait pu terminer dans une famille avec un jardin et gamins pour les caresses). Quand je le promenais dans la rue, j’entendais les gens murmurer dans mon dos : « Quel horrible petit chien ! » Je finis un jour par me retourner et leur raconter son histoire… tant et si bien que Baramine devint la coqueluche du quartier et des voisins qui ne m’adressaient pas la parole, discutaient avec moi pour prendre de ses nouvelles.
J’eus la conviction que ce chien arrivait à voir Mélissa un soir que je regardais la télévision. Mélissa fit tomber sa poupée et le chien bondit du canapé pour aller renifler à l’endroit exact où le jouet, pourtant invisible à n’importe qui d’autre que moi, se trouvait. Je téléphonai dans la foulée à Perséphone, qui m’avait assurée que je pouvais la contacter à toute heure. Elle parut assez contrariée et me reprocha d’avoir pris ce chien. Elle m’enjoignit de trouver une solution sans tarder, si je ne voulais pas compromettre le pacte.
Le fait est que Baramine ne s’intéressa plus au fantôme par la suite. Je finis par me dire que j’avais dû rêver.
Je retournai au travail avec appréhension. Mélissa avait réalisé mon rêve : publier des romans pour enfants. Je m’étais spécialisée dans la traduction et mon voyage en Italie correspondait à la mise en place d’un partenariat avec un éditeur romain qui s’intéressait au travail des auteurs francophones. De mon côté, je piochais surtout dans son catalogue d’illustrateurs et je lançais des projets grâce à la garantie que le succès de ses titres de l’autre côté des Alpes aurait un écho chez nous.
Plus d’une fois, lors de ma première journée de travail, je faillis lever les yeux et regarder Mélissa, assise près de la fenêtre du bureau, tant la reconnaissance me venait au cœur. Je me retins toutefois en me rappelant qu’en public, je devais l’ignorer.
Sarah déboula dans mon bureau à la pause du déjeuner. Elle semblait hors d’elle.
« C’est comme ça que tu me remercies ! Pas de nouvelles pendant une semaine ! Et tu reprends le travail sans rien me dire !
— Pardon, maman, je ne pensais pas avoir besoin de ton autorisation », rétorquai-je, vexée.
Elle se laissa tomber dans un siège près de la fenêtre. Je dus me mordre les lèvres pour ne pas lui dire de faire attention à Mélissa. La barbe ! ça s’annonçait vraiment difficile ! Sarah finit par m’avouer, après un long silence :
« J’ai l’impression… que tu t’éloignes. Depuis la mort de Guillaume, ce n’est plus du tout pareil entre nous. »
Je me laissai aller contre le dossier de ma chaise avant de lui répondre :
« Tu te fais des idées.
— Je te rappelle peut-être de mauvais souvenirs.
— Mais pas du tout, lui assurai-je en me levant pour la rejoindre. Je sais que je peux compter sur toi et je ne te tournerai jamais le dos. J’ai juste besoin… d’aller de l’avant et peut-être de me prouver à moi-même que je peux m’en sortir toute seule.
— Ne jette pas tes amis en dehors de ta vie, d’accord ? Tu es quelqu’un de formidable et même si entre nous, ça fait parfois des étincelles, je suis fière et heureuse de côtoyer une aussi belle personne.
— Euh… tu vas me faire rougir, là », rétorquai-je avec gêne, en détournant les yeux. Zut… ! Je regardais vers Mélissa. Je fis volte-face. « Tiens, allons au restaurant toutes les deux. Je te parlerai de Baramine.
— Baramine ? s’exclama mon amie.
— C’est mon chien, annonçai-je avec superbe.
— Tu as un chien ? réagit Sarah en m’emboîtant le pas.
— Oui, sans doute le plus laid du monde », assurai-je dans un éclat de rire. Et je commençai à lui décrire le “fauve.”
Notre conversation se poursuivit avec entrain jusqu’au restaurant que je lui laissai choisir. Elle commença à me parler de son projet de vacances à la Réunion avec Loïc et je décrochais un peu de la conversation. Mon regard parcourut distraitement la salle. Je sursautai en reconnaissant Perséphone Dimitrova à une table. Elle m’adressa un signe de la main. Sarah, qui remarqua que je ne l’écoutais plus se retourna et siffla :
« Qu’est-ce qu’elle fait là ?
— Je n’en sais rien, je t’assure. S’il te plaît, ne la dévisage pas comme ça.
— Tu crois qu’elle me jetterait un sort ? ricana Sarah.
— Mais pourquoi tu la détestes autant ?
— Elle me fiche la trouille. Elle ne te fait pas cet effet-là, à toi ?
— Elle est… très efficace dans son domaine.
— Ce n’est pas une réponse.
— Écoute, Sarah, j’étais venue ici pour qu’on se réconcilie, on ne va pas se disputer à propos de ma thérapeute. »
Les doigts de mon amie tambourinèrent la table un long moment avant qu’elle ne se lève. Lorsque je la vis se diriger vers Mme Dimitrova, je voulus la retenir, mais elle m’esquiva. Il se passa ensuite une chose étrange. Elle se pencha vers la nécromancienne, sans doute pour lui dire le fond de sa pensée, puis se redressa brusquement, regarda autour d’elle, comme si elle cherchait quelque chose, avant de se diriger vers les toilettes. Perséphone vint alors s’asseoir à ma table.
« Sarah risque de devenir un problème. »
Je me braquai aussitôt.
« Vous dites n’importe quoi. »
La nécromancienne me fusilla du regard.
« Croyez-en mon expérience. Elle vous tourne autour comme si vous étiez sa chose.
— C’est mon amie, elle s’inquiète pour moi.