Lover Dose - France Dupriez - E-Book

Lover Dose E-Book

France Dupriez

0,0

Beschreibung

Jimmy, à peine âgé de quatorze ans, perd sa maman atteinte d’une maladie des poumons. Il découvre ensuite que son père, André, n’est pas son géniteur.

Un parcours de SDF amène le jeune homme à consommer de plus en plus de drogue, y compris des drogues dures. Au hasard d’une cure de désintoxication, il croise Louis, un alcoolique, qui s’avère être son demi-frère. Johanna, la demi-sœur de Jimmy, tente de maintenir un certain équilibre au sein de leur famille.

Avec le temps, Jimmy pourra-t-il surmonter toutes ces épreuves et vivre un avenir serein ?

Une fiction tellement proche d’une réalité méconnue, celle des toxicomanes.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Auteure montoise, France DUPRIEZ, est maman de deux enfants. Des études en fleuristerie, puis dans le domaine de l’Horeca ont agrémenté son parcours professionnel durant plusieurs années. France est passionnée de photographie et écrire lui permet de s’évader à travers des histoires purement fictives.

En 2020, France publie son premier roman, Double Vie à Paris, une romance, et fin 2023, "Lover Dose", un drame bouleversant abordant la toxicomanie.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 216

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



 

LOVER DOSE

De la même auteure

1 Jimmy

2 La révélation

3 Génie en herbe

4 Premier joint

5 Léa

6 La descente aux enfers

7 La poudre aux yeux

8 Amsterdam

9 Johanna

10 Mon héroïne

11 Première cure

12 La rechute

13 Louis

14 Retrouvailles

15 Dernière Dose

Double Vie àParis (couverture et résumé)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Toute reproduction, adaptation et traduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Ces représentations ou reproductions, par quelque procédé que ce soit, constitueraient donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

Tous droits réservés.

Autopublié avec l’aide de Colas-Créations asbl

© CC asbl – Liège/Belgique – 2023

www.colascreations.be

 

ISBN : 978-2-9602585-3-0

Couverture : Philippe Sombreval sur une idée originale de France Dupriez

 

 

France DUPRIEZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LOVER DOSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Roman

 

 

De la même auteure

 

 

DOUBLE VIE À PARIS, roman, autoédition avec l’aide de Colas-Créations asbl, 2020

 

LOVER DOSE, roman, autoédition avec l’aide de Colas-Créations asbl, 2023

 

 

 

 

1 Jimmy

 

Ce matin, lesobsèques de Pauline Delmas, 38 ans, ont lieu dans la très belle église Saint-Vincent de Paul. La famille proche et les amis sont déjà rassemblés sur le parvis. Nous arrivons et les saluons tout en accueillant leurs sincères condoléances. Le corbillard noir se gare devant la grille, au pied des marches. Quatre hommes en descendent, ouvrent le coffre et en sortent le cercueil. Ils entrent les premiers suivis par le reste de l’assemblée. Du haut de mes presque quinze ans, sous ma chevelure châtain foncé, des larmes coulent abondamment de mes yeux gris bleu. Je suis entre mon père André et ma sœur de quatre ans mon aînée. Durant la cérémonie, les cheveux mi-longs de Johanna, du même ton que les miens, peinent à cacher ses beaux yeux gris-vert. Elle me prend la main. L’office me paraît interminable.    Une heure plus tard, le corbillard se dirige vers le cimetière Saint-Charles situé dans le 3e arrondissement de Marseille. Malgré les gestes affectueux de mon père et de ma sœur, je déverse toutes les larmes de mon corps. Eux-mêmes d’ailleurs ne peuvent maîtriser leur peine lors de l’inhumation. Les quelques personnes encore présentes nous embrassent avant de partir en nous souhaitant beaucoup de courage. Au fond de moi, je sais déjà que ma vie va basculer et que plus rien ne sera comme avant.

André a pris quelques semaines de congés pour la circonstance. Il essaie, malgré son chagrin, de s’occuper l’esprit et rend plus fréquemment visite à ses parents, dans cette vieille demeure où il trouve toujours diverses réparations à entreprendre.

Je reste des heures devant la photo de ma mère posée sur le buffet et je l’admire, sans me lasser de sa beauté. Je me plonge dans les souvenirs : elle était toujours présente lorsque j’étais malade ou triste. Nos rires résonnaient dans toute la maison. Je me souviens encore de mon premier jour d’école en classe maternelle où malgré la gentillesse de l’institutrice, je me cachais derrière maman parce que, fidèle à mon habitude, je ne connaissais pas la personne. Le week-end, j’appréciais les longues balades en famille le long du Vieux-Port. Souvent, nous les terminions assis sur un banc pour admirer le coucher du soleil. Une fois rentrés, elle m’embrassait puis me racontait une histoire. Je finissais par m’endormir la tête dans les étoiles. Le petit rêveur au cœur tendre que j’étais revoyait tous ces bateaux, espérant un jour peut-être en posséder un. Quand je serai grand, je travaillerai et gagnerai beaucoup d’argent.

Je grandissais trop vite aux yeux de mes parents. En dépit de ses un mètre quatre-vingt-cinq, ma mère me voyait déjà dépassant papa de dix bons centimètres. J’espère ne pas dépasser les deux mètres afin de pouvoir encore passer sous les portes sans risquer de me cogner. Nous verrons !

Quand mon père ouvrait la porte d’entrée, sa semaine terminée, je lui sautais au cou et je criais partout dans la maison : « Papa, papa ! » Le pauvre arrivait à peine à faire un pas pour saluer le reste de la famille.

 

Mon entrée en classe de CE1 fut un jour mémorable. Je me sentais à la fois nerveux et curieux de connaître ma nouvelle école mais j’étais toujours aussi timide. Madame Martine, ma nouvelle institutrice, se montrait pourtant gentille et rassurante. Ma crainte passée, ma mère s’éloignait non sans verser quelques larmes. Ses sanglots lui provoquaient une quinte de toux qu’elle étouffait tant bien que mal dans son mouchoir. Elle s’était pourtant juré de ne pas pleurer, mais son côté émotif avait, bien malgré elle, pris le dessus sur sa détermination.

Les mois suivants se déroulaient au mieux.

J’étais un élève courageux, studieux, discipliné et sociable aux yeux de mes professeurs, toujours prévenant envers mes camarades de classe et ma scolarité se poursuivait sans difficulté. Mon assiduité me permit même un saut de classe, avec la pleine approbation de mon institutrice.

 

Je vivais ma vie d’étudiant, ballotté entre mes cours et mes différentes activités extrascolaires.

L’apprentissage du piano, mon instrument préféré, et la pratique du foot deux fois par semaine dans un club appelé « OM Ludiq Camp » me procuraient plaisir et délassement.

Quand l’occasion se présentait, mon père et moi nous rendions au stade pour assister aux matchs de l’Olympique de Marseille, supportant ainsi notre équipe favorite. Pendant ce temps, Johanna et maman partageaient un moment complicité mère-fille en passant une agréable soirée cinéma, suivie d’un bon restaurant.

Afin de réussir ma dernière année au collège, je dus m’abstenir de suivre les cours de solfège et délaissai mes entraînements sportifs, le temps d’obtenir mon certificat avec les félicitations de mes professeurs

 

Après l’effort le réconfort, mon père proposa de fêter mes résultats en famille dans une excellente brasserie située pas très loin de chez nous. J’étais bien installé, sur la terrasse offrant une vue magnifique sur le Vieux-Port et je ressentais la fierté qu’échangeaient ma sœur et mes parents durant le repas. Seules les quelques quintes de toux de ma génitrice entachaient ces bons moments. Papa, afin d’attirer notre attention, proposa :

– Quelques jours de vacances nous feront le plus grand bien !

 

À seulement deux heures et demie de route de Marseille, l’île de Porquerolles, notre lieu de villégiature pour ces quelques jours de repos bien mérités, était splendide et pleine de charme. Nous embarquions sur la navette pour un environnement préservé où s’étendaient de longues et belles plages de sable fin et des coins d’ombre gracieusement offerts par les pins parasols. Les journées chaudes et radieuses étaient des plus agréables. Outre les promenades en kayak en compagnie de mon père, nous nous prélassions sous les rayons d’un généreux soleil. De longues balades familiales agrémentaient nos débuts de soirée et nous savourions une glace tout en contemplant de magnifiques couchers de soleil. J’aimais ces belles journées en famille, j’aimais mon enfance et pourtant…

Notre retour de vacances mit tristement un terme à ces moments de bonheur. En quelques jours, l’état de santé de maman se dégrada rapidement, laissant place à l’angoisse et à la tristesse. Elle fut transportée d’urgence à l’hôpital le plus proche durant la nuit pour être admise aux soins palliatifs après trois semaines. Elle y décéda malheureusement quelques jours plus tard.

Nous nous sommes immédiatement rendus à son chevet, mais je refusais d’entrer dans la chambre, préférant attendre dans le couloir : je ne voulais garder d’elle que les plus belles images de son vivant.

 

Depuis ce triste jour, ma sœur s’est attribué la charge de nombreuses tâches ménagères ainsi que la préparation des repas, sans pour autant délaisser ses études en secrétariat.

Le soir venu, nous discutons beaucoup sans voir passer le temps. Seuls ces moments-là ont le pouvoir d’apaiser ma peine.

 

Mes quinze ans approchent et cet anniversaire promet d’être pourri. De toute façon, je ne compte pas le célébrer. Je resterai à jouer sur ma console de jeux vidéo, puis j’irai me promener seul dans le parc.   

 

 

 

2 La révélation

 

Encore une nuit cauchemardesque, une de plus ! depuis le décès de ma mère, mes cris réveillent Johanna qui, inlassablement, vient frapper à la porte de ma chambre :

– Jimmy, Jimmy, ça va ?

– Ouais ça va… j’ai encore fait un putain de cauchemar.

La jeune femme entrouvre puis referme doucement la porte. La sachant inquiète, je lui dis d'entrer.

Assise sur le bord du lit, elle me prend dans ses bras et je lui raconte, sans trop entrer dans les détails, la vision de ma mère dans le cercueil : elle ressemble à ces morts-vivants dans The Walking dead. Ma sœur me calme et puis décide de quitter ma chambre pour rejoindre la sienne.

 

Le lendemain au réveil, j’ai le moral dans les chaussettes. Je me force à me lever puis file me préparer dans la salle de bain. Ce n’est que vingt minutes plus tard que je rejoins mon père et ma sœur dans la cuisine. En passant devant la fenêtre du salon, mon attention est soudain attirée par un camion de déménagement garé devant l’immeuble. Ce sont nos nouveaux voisins. Ils viennent s’installer à l’étage juste au-dessus. Il s’agit d’un couple et de leurs deux enfants. Je les salue d'un signe de tête en me rendant au lycée. À mon retour, je croise un des fils. Il s'approche et me demande une cigarette.

– Je ne fume pas, désolé !

Sa démarche avait, à mon avis, juste pour but d'engager la conversation.

– Salut, je m'appelle Mathieu, le fils aîné de vos nouveaux voisins.

– Bonjour, moi c'est Jimmy, lui répondé-je en lui serrant la main.

Son look gothique me surprend un peu au premier abord. Vêtu de noir de la tête aux pieds, un piercing sur l’arcade sourcière, un petit anneau dans le nez et deux autres à chaque oreille, il semble tout droit sorti d’un manga.

L'un comme l'autre semblons mal à l’aise et ne savons pas trop quel sujet aborder.

 

Notre premier contact en reste là ! Il continue son chemin et moi le mien vers la maison où m’attend ma sœur. Assise dans le canapé, elle regarde une série policière à la télévision.

– Salut, tu as déjà vu nos nouveaux voisins ? L’un des fils a « le look ».

– Euh... oui ! Je les ai croisés tout à l'heure en sortant de l'immeuble. Quel look ! me répond-elle avec un léger sourire.

– Ouais ! Il s'est présenté. Il s'appelle Mathieu. Il a l'air sympa !

– Enfin l’air…

– L'habit ne fait pas le moine, comme on dit, ajoute Johanna.

 

En début de soirée, quelqu’un sonne à la porte. Ma sœur va ouvrir.

– Bonsoir, désolé de vous déranger. Je me présente, monsieur Morel, votre nouveau voisin. Nous venons d’emménager après avoir habité Lille durant quinze ans, nous sommes un peu perdus. Pourriez-vous me renseigner ? Je voudrais inscrire Mathieu, dans une nouvelle école.

– Entrez, je vous en prie, je vais appeler mon frère. Il vous donnera plus de renseignements sur le Lycée Saint-Charles, à deux pas d'ici.

Quelques secondes plus tard, j'entends les pas de Johanna dans l'escalier. Elle me demande de descendre.

J'arrive dans le salon et salue notre voisin. Il m'explique la raison de sa venue et je le renseigne sur le Lycée que je fréquente. Ce dernier prend note des coordonnées, ne s’attarde pas, nous remercie et nous souhaite une bonne soirée.

 

Le lendemain, j'aperçois Mathieu au loin. Ne connaissant personne, il regarde autour de lui. Il a l’air un peu perdu. Sans doute cherche-t-il un bon samaritain pour le guider.

– Salut Mathieu. Je peux t'aider ?

– Bonjour, oui merci ! Je suis en première ressources humaines et communication et je ne sais pas où se trouve ma classe.

– Suis-moi !

Je frappe à la dernière porte au fond du couloir et une voix féminine nous invite à entrer. La secrétaire nous salue et je lui explique la situation pendant que la sonnerie retentit, invitant ainsi tous les élèves à rejoindre leur classe respective.

 

De sortie sur le temps de midi, Mathieu m'accompagne jusqu'au snack où je me rends de temps en temps.

Tout en dégustant notre sandwich, nous discutons. Il me raconte son enfance, son parcours scolaire tumultueux, ponctué de nombreux jours d'absence et de réprimandes pour manque de discipline. Depuis son plus jeune âge, il a toujours été un élève perturbé.

Contrairement à son frère Alex, de deux ans son cadet, joli blondinet aux yeux bleus, jovial, bien dans sa peau et sûr de lui, Mathieu, petit, présentait un visage assez efféminé. Il subissait les moqueries des autres élèves. Ce calvaire le poursuivit durant toutes ses années primaires.

Le début de son adolescence n'arrangeant en rien son apparence physique, il prit un look gothique lui donnant alors une allure plus rebelle et l'illusion d'une certaine assurance.

Je regarde l'heure discrètement sur mon portable. Le temps passe vite et nous devons déjà retourner au Lycée. Je vide mon verre d'un trait, mon ami agit de même. Nous sortons et nous dirigeons sans traîner vers la cour pour rejoindre les rangs en compagnie de quelques autres retardataires.

De retour chez moi, l'histoire de Mathieu me trotte dans la tête. Je compatis face à son enfance difficile et ça me met un coup au moral. Comme d'habitude, je monte m'enfermer dans ma chambre, me couche sur mon lit et fixe le plafond. La déprime me pousse à penser une fois de plus à maman, ma pauvre mère ! Je reste à rêvasser durant plus d'une heure. Soudain je me lève, me dirige vers la chambre de mes parents et j’y ouvre un des tiroirs de la commode pour en sortir les albums de famille. Une à une, ces photos ravivent mes souvenirs et m’arrachent quelques larmes. Mon regard est ensuite attiré par une grande enveloppe brune au même emplacement. Curieux, je la prends, l'ouvre et en retire deux grandes feuilles. Je les lis, mais ne comprends pas de suite de quoi il s’agit. Alors je les relis, avec plus d’attention et je tombe de haut.

Je tiens dans mes mains crispées les lettres, probablement le dernier échange entre André et son frère. Je peine à croire ce qu'elles me révèlent. Je n’ai pourtant jamais connu d'autre papa que lui, le seul, l'unique. Il a toujours été le mari de ma mère. Pourtant, bien que portant le même nom de famille, le prénom de mon géniteur change. Cet oncle, dont j'ai vaguement entendu parler, serait donc mon véritable père ?

Un bruit me fait sursauter. Je range en vitesse les missives dans l’enveloppe et quitte la pièce. Johanna me regarde :

– Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi pleures-tu ?

– Tu étais au courant ?

– De quoi parles-tu ? Au courant de quoi ? Je ne comprends pas !

– Des lettres, dans le tiroir de la commode, dans la chambre de maman.

– Mais quelles lettres ? Montre-les-moi.

Je remonte chercher l'enveloppe. Ma sœur l'ouvre et lit attentivement les courriers.

– Ce n'est pas vrai, qu'est-ce que cela veut dire ? J'ai du mal à y croire, pourquoi nous l’avoir caché pendant tout ce temps ?

– Je parlerai et montrerai ces documents à papa ce soir quand il rentrera du travail.

Ma sœur dépose l'enveloppe sur le buffet afin de ne pas la perdre de vue.

La porte s’ouvre et André fait son apparition. En entrant dans la cuisine, il se sert une assiette de vol-au-vent qu’il réchauffe dans le micro-ondes. Nous l’observons en silence et notre air contrarié l’intrigue quelque peu.

– Alors, comment s’est passée la journée ? s’enquiert-il.

Nous nous échangeons un regard hésitant en nous demandant qui répondra en premier.

Johanna s'y risque :

– Euh... la journée s'est bien passée, jusqu’en début de soirée. Jimmy a découvert des documents pour le moins préoccupants.

– Ah ! s’interroge André. Quels documents ?

Je me lève, prends l'enveloppe et la lui tends. L’homme n’en a plus consulté le contenu depuis des années, mais il ne peut en nier l’existence.

Énervé, je m’élance :

   – Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlé ?

– C'est vrai ! J'aurais dû t'en parler depuis longtemps, mais je n’en ai pas trouvé ni le temps ni le courage. Je n'ai pas voulu briser la complicité qu'il y avait entre ta mère et toi en te révélant trop tôt une vérité difficile à admettre pour un enfant. Par la suite, mon travail a accaparé tout mon temps, les semaines, les mois et, finalement, les années ont passé, rendant le sujet de plus en plus difficile à aborder. Je suis désolé que tu l'aies appris de cette manière.

– Ah oui ! Comment aurais-je dû l'apprendre d'après toi ?

– ...

– Ce père, finalement, c’est mon oncle ? Ou plutôt non, en fait, c’est toi mon oncle ?

Le visage entre les mains en s'asseyant dans le fauteuil, l’individu ne semble pas savoir par où commencer.

Un calme pesant règne dans le salon. Agacé, la gorge sèche, je me lève et me dirige vers le réfrigérateur. J’y saisis une canette de soda que j’ouvre nerveusement. Le liquide mousse instantanément, j'en avale une gorgée puis ingurgite le reste d'une traite.

André reste impassible ! Son attitude attise ma colère et je crie en serrant les poings :

– Alors, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?

– Nous en reparlerons calmement demain, je tiens à tout te raconter de A à Z concernant ma paternité, mais j'ai besoin de m'y préparer. Ce n'est pas si simple.

– Pourquoi attendre demain ? Je dois le savoir, maintenant !    L’homme reste silencieux.

– Ok ! Je vais me coucher ! Je vais passer une très mauvaise nuit à ruminer et à me poser un tas de questions sur mon père.

Je grimpe les marches quatre à quatre pour me réfugier dans ma chambre en claquant la porte derrière moi. Johanna me suit, elle désire me parler. Elle frappe à la porte, mais l'ayant fermée à clé, je reste sourd à ses appels. Elle finit par abandonner en me laissant seul avec ma peine.

 

Le lendemain, la pluie tombe abondamment depuis des heures. Je n'ai pas fermé l'œil. Machinalement, je m’habille, descends, me verse un bol de chocolat, le fais chauffer au micro-ondes et me prépare une tartine. C’est le même petit déjeuner depuis ma plus tendre enfance et pourtant aujourd’hui, je ne l’apprécie pas, il me semble insipide. L’horloge affiche pratiquement 9 heures lorsque Johanna entre dans la cuisine :

– Tu n'as pas cours ce matin ? demande-t-elle étonnée de me voir encore attablé.

– Si. Mais j'ai très mal dormi, j'ai un mal de crâne épouvantable.

– Regarde dans l’armoire à pharmacie, il doit y avoir une boîte d'aspirines.

– J'ai déjà regardé. Il n'y en a plus. J'irai en acheter après mon petit déjeuner.

– Ok, répond-elle, comme tu veux ! Moi, j'y vais, à plus tard !

En ouvrant la porte, elle tombe nez à nez avec Mathieu, inquiet, car je ne réponds pas à ses messages.

Ayant entendu la conversation, j’invite mon ami à entrer. La jeune femme le laisse passer, puis continue son chemin pour se rendre au lycée.

Tout en discutant dans le salon, je lui confie, sans trop entrer dans les détails, la dispute de la veille faisant suite à la découverte des lettres. Il me regarde stupéfait et, sans poser de questions, me propose d'aller faire un tour le long du Vieux-Port. J'accepte, j'en profiterai pour me rendre à la pharmacie.

Nous passons finalement une partie de la journée à papoter tranquillement de tout et de rien, assis sur un banc. Tout comme nous, un peu plus loin, quelques pêcheurs bavardent derrière leurs étals. Des passants s’intéressent et s’attardent en comparant les marchandises ainsi que leurs prix.

Le soir venu, je n'en peux plus d'attendre qu'André daigne avoir une franche et sérieuse discussion en me dévoilant toute la vérité.

Je fais les cent pas dans le living-room en pensant déjà aux nombreuses questions à lui poser. Il faudra que je me maîtrise pour ne pas l'interrompre.

Enfin la porte s'ouvre. André apparaît, l'air serein et détendu. Il s'assied sur le canapé et m'invite à le suivre.

Il prend la parole en premier :

– Bon voilà ! Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je tiens à être franc cette fois, sans rien te cacher.

Il me raconte la liaison de ma mère avec son frère, René, de cinq ans son aîné. À l'époque, André était membre de l'organisation « Médecin sans frontière » et s’était envolé pour une mission de douze mois sur le continent africain. Mon oncle en avait alors profité pour séduire ma mère qui avait finalement cédé à ses avances.

Je l'écoute jusqu'à la fin sans l'interrompre, mais un sentiment de trahison grandit en moi : j’ai été trahi par une mère n'étant plus là pour s'expliquer, par un père étant en réalité mon oncle, et par un oncle s'avérant être mon véritable père. Mes nerfs sont à vif. Je sens les larmes me monter aux yeux. En dépit de ma retenue, je finis par éclater en sanglots, les poings serrés. Une boule au ventre et la gorge nouée, je ne peux plus prononcer un seul mot. J'avais pourtant des dizaines de questions à lui poser, mais elles se mêlent et s'embrouillent dans ma tête.

André me regarde, puis se lève calmement. Dans la cuisine, il nous sert un verre d’eau et revient s’asseoir sans dire un mot.

Un long silence s'ensuit.

Je bois mon eau en tremblant, puis me décide enfin à poser ma première question.

– Comment et après combien de temps as-tu découvert que maman te trompait ?

– Quand je suis rentré de mission, son comportement à mon égard avait changé. Elle était plus distante et me faisait souvent des reproches, à tort. Ses absences, ses mensonges, son portable sonnant plusieurs fois dans la journée. Elle répondait puis s'enfermait dans une autre pièce durant une demi-heure, quelquefois plus. Un jour, la voisine m'a révélé qu'elle voyait souvent une vieille Peugeot rouge garée devant l'immeuble. Le rapprochement fut vite fait.

– Vous en discutiez souvent ? Vous envisagiez le divorce ou pas ?

– Nous en avons souvent discuté, effectivement. Au début, elle niait les faits, jusqu'au jour où elle m'a tout avoué sur leur relation. Je n'en fus pas étonné, je me rendais bien compte de leur petit manège, à l'un comme à l'autre. La situation s'est ensuite vraiment dégradée. Ta mère était enceinte et il était impossible que je sois le père. De plus, mon frère n'a pas du tout assumé et a fui, n'osant même plus venir ici. Ta sœur réclamait sans cesse son parrain qu’elle aimait tant. Mais comment expliquer ça à une enfant si jeune ?

– Et maintenant, où habite-t-il ?

– Oh, je ne sais pas. Cela fait des années que je n'ai plus eu de ses nouvelles. Je ne sais même pas s'il habite encore dans sa belle résidence à Nice. Nous y allions régulièrement, notamment lors de son fabuleux carnaval. Un spectacle haut en couleur, nous ne voulions le manquer pour rien au monde, ta mère et moi. Avec le recul, je me demande si cette dernière y allait pour le carnaval ou pour mon frère.

– C'est bien beau tout ça, mais n'empêche, c'est un beau salaud. Finalement, vous l'avez envisagé, le divorce ?

– Non. Pour moi ce n’était pas la solution. Ta mère commençait déjà à avoir des problèmes de santé. Il était au-dessus de mes forces de l’abandonner avec deux enfants en bas âge. Nous avons décidé d'agir comme si tu étais mon propre fils. J'aurais dû détruire ces archives, tu n'en aurais probablement jamais rien su.

Soudain, l’homme se lève, se dirige vers le buffet, ouvre le premier tiroir et en sort quelques photos. Il me les montre, en désignant son frère sur l'une d'elles. Je la regarde attentivement : je constate qu’en effet la ressemblance est frappante. J’ai les mêmes yeux, les mêmes cheveux, ainsi que son sourire. Es-tu soulagé de connaître la vérité ? m’interroge André.

Je ne lui réponds pas et monte me coucher avec l'espoir de calmer ma colère.

 

Le lendemain, l'atmosphère est plutôt tendue. Mon oncle a sûrement ressenti mon angoisse car ni lui ni moi ne nous décidons à engager la conversation. Johanna constate évidemment que l’ambiance n’y est pas. Elle essaie bien de minimiser les choses, mais rien n'y fait. Au contraire, tout devient sujet à la dispute et je m'emporte à la moindre remarque. Je finis par sortir en claquant violemment la porte, à un point tel que la fresque représentant le Vieux-Port de Marseille tombe en se décrochant du mur. Ma sœur, en pleurs, la ramasse et la remet en place.

 

Les jours suivants ne sont guère plus réjouissants et je multiplie les absences au lycée. Même la visite de Mathieu n’est plus la bienvenue. Plus rien ne m’intéresse, je ne pense qu’à manger, boire et dormir.

Johanna ne sait plus quoi faire face à la situation, elle espère qu’un jour tout s’arrange. Mais quel jour ?

 

À l’approche des fêtes de fin d’année, mon moral est au plus bas. Je me plonge dans mes souvenirs d'enfance. Nous étions alors réunis autour d'une belle table de fête que maman avait pris soin de dresser et de décorer dans les moindres détails. Le soir venu, nos grands-parents maternels nous rejoignaient et c’est tous ensemble que nous dégustions sa cuisine raffinée.

Oui, mais ça, c’était avant... J'aimerais retourner dans le passé, à cette époque où j’ignorais mes origines.

Soudain, des pas derrière moi me surprennent. C'est Johanna qui me dit bonjour en m'embrassant sur le front :

– Alors ! Ça ne va pas ? Tu as l'air bien fatigué.

– Non, ça ne va pas. Ça n'ira plus jamais.

– Arrête d'être tout le temps négatif, avec le temps, tout s'arrangera, tu verras !