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Les "Pensées" de Blaise Pascal sont une collection de notes et de réflexions sur des sujets tels que la philosophie, la théologie, la morale et la science, écrites par le célèbre mathématicien et philosophe français au XVIIe siècle. Ce livre est considéré comme l'un des chefs-d'œuvre de la littérature française et une œuvre majeure de la pensée occidentale. Dans ses "Pensées", Pascal examine les questions les plus profondes de l'existence humaine, telles que la nature de l'homme, sa relation avec Dieu, et la signification de la vie. Il explore également des thèmes tels que la foi, le doute, la raison, l'amour, la souffrance et la mort. Les "Pensées" sont une lecture essentielle pour tous ceux qui s'intéressent à la philosophie, à la théologie et à la littérature française.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Blaise Pascal (1623-1662) est un mathématicien, physicien et philosophe français célèbre pour ses contributions à de nombreux domaines de la connaissance. Né à Clermont-Ferrand, il a commencé à faire des découvertes en mathématiques dès son plus jeune âge. En 1642, il invente la première machine à calculer, qui est considérée comme l'un des premiers ordinateurs. Il est également connu pour ses travaux en philosophie, notamment ses réflexions sur la condition humaine et la religion, qui ont été publiées sous forme de "Pensées" après sa mort. Pascal est mort en 1662 à l'âge de 39 ans, laissant derrière lui un héritage durable dans le monde de la science et de la philosophie.
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Pensées sur la religion et sur quelques autres sujets
Blaise Pascal
– 1670 –
La Folle journéeouLe Mariage de Figaro
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
– 1784 –
ORDRE
1 les psaumes chantés par toute la terre.
Qui rend témoignage de Mahomet ? Lui-même. J-C veut que son témoignage ne soit rien.
La qualité de témoins fait qu'il faut qu'ils soient toujours, et partout, et misérables. Il est seul.
2 ordre par dialogues.
Que dois-je faire. Je ne vois partout qu'obscurités. Croirai-je que je ne suis rien ? Croirai-je que je suis dieu ?
3 toutes choses changent et se succèdent.
Vous vous trompez, il y a...
et quoi ne dites-vous pas vous-même que le ciel et les oiseaux prouvent Dieu ? Non. Et votre religion ne le dit-elle pas ? Non. Car encore que cela est vrai en un sens pour quelques âmes à qui Dieu donna cette lumière, néanmoins cela est faux à l'égard de la plupart.
4 lettre pour porter à rechercher Dieu.
Et puis le faire chercher chez les philosophes, pyrrhoniens et dogmatistes qui travailleront celui qui le recherche.
5 ordre.
Une lettre d'exhortation à un ami pour le porter à chercher. Et il répondra : mais à quoi me servira de chercher, rien ne paraît. Et lui répondre : ne désespérez pas. Et il répondrait qu'il serait heureux de trouver quelque lumière. Mais que selon cette religion même quand il croirait ainsi cela ne lui servirait de rien. Et qu'ainsi il aime autant ne point chercher. Et à cela lui répondre : la machine.
6 1 partie. Misère de l'homme sans Dieu.
2 partie. Félicité de l'homme avec Dieu.
Autrement
Autrement
nature même.
2 partie. Qu'il y a un réparateur, par l'ecriture. 7 lettre qui marque l'utilité des preuves. Par la machine.
La foi est différente de la preuve. L'une est humaine et l'autre est un don de Dieu. justus ex fide vivit. c'est de cette foi que Dieu lui-même met dans le coeur, dont la preuve est souvent l'instrument, fides ex auditu, mais cette foi est dans le coeur et fait dire non scio mais credo .
8 ordre.
Voir ce qu'il y a de clair dans tout l'état des juifs et d'incontestable.
9 dans la lettre de l'injustice peut venir. La plaisanterie des aînés qui ont tout. Mon ami vous êtes né de ce côté de la montagne, il est donc juste que votre aîné ait tout.
Pourquoi me tuez-vous ?
10 les misères de la vie humaine ont fondé tout cela. Comme ils ont vu cela ils ont pris le divertissement.
11 ordre. Après la lettre qu'on doit chercher Dieu, faire la lettre d'ôter les obstacles qui est le discours de la machine, de préparer la machine, de chercher par raison.
12 ordre.
Les hommes ont mépris pour la religion. Ils en ont haine et peur qu'elle soit vraie. Pour guérir cela il faut commencer par montrer que la religion n'est point contraire à la raison. Vénérable, en donner respect.
La rendre ensuite aimable, faire souhaiter aux bons qu'elle fut vraie et puis montrer qu'elle est vraie. Vénérable parce qu'elle a bien connu l'homme. Aimable parce qu'elle promet le vrai bien.
VANITE
13 deux visages semblables, dont aucun ne fait rire en particulier font rire ensemble par leur ressemblance.
14 les vrais chrétiens obéissent aux folies néanmoins, non pas qu'ils respectent les folies, mais l'ordre de Dieu qui pour la punition des hommes les a asservis à ces folies. omnis creatura subjecta est vanitati liberabitur. ainsi Saint Thomas explique le lieu de Saint Jacques pour la préférence des riches, que s'ils ne le font dans la vue de Dieu ils sortent de l'ordre de la religion.
15 Persée, roi de Macédoine. Paul Emile.
On reprochait à Persée de ce qu'il ne se tuait pas. 16 vanité.
Qu'une chose aussi visible qu'est la vanité du monde soit si peu connue, que ce soit une chose étrange et surprenante de dire que c'est une sottise de chercher les grandeurs. Cela est admirable. 17 inconstance et bizarrerie.
Ne vivre que de son travail et régner sur le plus puissant état du monde sont choses très opposées. Elles sont unies dans la personne du grand seigneur des turcs.
18 751 un bout de capuchon arme 25000 moines. 19 il a quatre laquais.
20 il demeure au delà de l'eau.
21 si on est trop jeune on ne juge pas bien, trop vieil de même. Si on n'y songe pas assez, si on y songe trop on s'entête et on s'en coiffe. Si on considère son ouvrage incontinent après l'avoir fait on en est encore tout prévenu, si trop longtemps après on (n') y entre plus.
Ainsi les tableaux vus de trop loin et de trop près. Et il n'y a qu'un point indivisible qui soit le véritable lieu.
Les autres sont trop près, trop loin, trop haut ou trop bas. La perspective l'assigne dans l'art de la peinture, mais dans la vérité et dans la morale qui l'assignera ?
22 la puissance des mouches, elles gagnent des batailles, empêchent notre âme d'agir, mangent notre corps.
23 vanité des sciences.
La science des choses extérieures ne me consolera pas de l'ignorance de la morale au temps d'affliction, mais la science des moeurs me consolera toujours de l'ignorance des sciences extérieures. 24 condition de l'homme.
Inconstance, ennui, inquiétude.
25 la coutume de voir les rois accompagnés de gardes, de tambours, d'officiers et de toutes les choses qui ploient la machine vers le respect et la terreur fait que leur visage, quand il est quelquefois seul et sans ses accompagnements imprime dans leurs sujets le respect et la terreur parce qu'on ne sépare point dans la pensée leurs personnes d'avec leurs suites qu'on y voit d'ordinaire jointes. Et le monde qui ne sait pas que cet effet vient de cette coutume, croit qu'il vient d'une force naturelle. Et de là viennent ces mots : le caractère de la divinité est empreint sur son visage, etc...
26 la puissance des rois est fondée sur la raison et sur la folie du peuple, et bien plus sur la folie. La plus grande et importante chose du monde a pour fondement la faiblesse. Et ce fondement est admirablement sûr, car il n'y a rien de plus que cela, que le peuple sera faible. Ce qui est fondé sur la saine raison est bien mal fondé, comme l'estime de la sagesse.
27 la nature de l'homme n'est pas d'aller toujours ; elle a ses allées et venues.
La fièvre a ses frissons et ses ardeurs. Et le froid montre aussi bien la grandeur de l'ardeur de la fièvre que le chaud même.
Les inventions des hommes de siècle en siècle vont de même, la bonté et la malice du monde en général en est de même.
plerumque gratae principibus vices.
28 faiblesse.
Toutes les occupations des hommes sont à avoir du bien et ils ne sauraient avoir de titre pour montrer qu'ils le possèdent par justice, car ils n'ont que la fantaisie des hommes, ni force pour le posséder sûrement.
Il en est de même de la science. Car la maladie l'ôte. Nous sommes incapables et de vrai et de bien. 29 ferox gens nullam esse vitam sine armis rati. ils aiment mieux la mort que la paix, les autres aiment mieux la mort que la guerre.
Toute opinion peut être préférable à la vie, dont l'amour paraît si fort et si naturel.
30 on ne choisit pas pour gouverner un vaisseau celui des voyageurs qui est de la meilleure maison. 31 les villes par où on passe on ne se soucie pas d'y être estimé. Mais quand on y doit demeurer un peu de temps on s'en soucie. Combien de temps faut-il ? Un temps proportionné à notre durée vaine et chétive. 32 vanité.
Les respects signifient : incommodez-vous. 33 ce qui m'étonne le plus est de voir que tout le monde n'est pas étonné de sa faiblesse. On agit sérieusement et chacun suit sa condition, non pas parce qu'il est bon en effet de la suivre, puisque la mode en est, mais comme si chacun savait certainement où est la raison et la justice. On se trouve déçu à toute heure et par une plaisante humilité on croit que c'est sa faute et non pas celle de l'art qu'on se vante toujours d'avoir. Mais il est bon qu'il y ait tant de ces gens-là au monde qui ne soient pas pyrrhoniens pour la gloire du pyrrhonisme, afin de montrer que l'homme est bien capable des plus extravagantes opinions, puisqu'il est capable de croire qu'il n'est pas dans cette faiblesse naturelle et inévitable, et de croire, qu'il est au contraire dans la sagesse naturelle.
Rien ne fortifie plus le pyrrhonisme que ce qu'il y en a qui ne sont point pyrrhoniens. Si tous l'étaient ils auraient tort.
34 cette secte se fortifie par ses ennemis plus que par ses amis, car la faiblesse de l'homme paraît bien davantage en ceux qui ne la connaissent pas qu'en ceux qui la connaissent.
35 talon de soulier.
ô que cela est bien tourné ! Que voilà un habile ouvrier ! Que ce soldat est hardi ! Voilà la source de nos inclinations et du choix des conditions. Que celui-là boit bien, que celui-là boit peu : voilà ce qui fait les gens sobres et ivrognes, soldats, poltrons, etc.
36 qui ne voit pas la vanité du monde est bien vain lui-même. Aussi qui ne la voit, excepté de jeunes gens qui sont tous dans le bruit, dans le divertissement et dans la pensée de l'avenir.
Mais ôtez leur divertissement vous les verrez se sécher d'ennui. Ils sentent alors leur néant sans le connaître, car c'est bien être malheureux que d'être dans une tristesse insupportable, aussitôt qu'on est réduit à se considérer, et à n'en être point diverti. 37 métiers.
La douceur de la gloire est si grande qu'à quelque objet qu'on l'attache, même à la mort, on l'aime. 38 trop et trop peu de vin.
Ne lui en donnez pas : il ne peut trouver la vérité. Donnez-lui en trop : de même.
39 les hommes s'occupent à suivre une balle et un lièvre : c'est le plaisir même des rois. 40 quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des choses, dont on n'admire point les originaux !
41 deux infinis, milieu.
Quand on lit trop vite ou trop doucement on n'entend rien.
42 combien de royaumes nous ignorent ! 43 peu de chose nous console parce que peu de chose nous afflige.
44 imagination.
C'est cette partie dominante de l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours, car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l'était infaillible du mensonge. Encore.
Mais étant le plus souvent fausse elle ne donne aucune marque de sa qualité marquant du même caractère le vrai et le faux. Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages, et c'est parmi eux que l'imagination a le grand droit de persuader les hommes. La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses.
Cette superbe puissance ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l'homme une seconde nature. Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres. Elle fait croire, douter, nier la raison. Elle suspend les sens, elle les fait sentir. Elle a ses fous et ses sages. Et rien ne nous dépite davantage que de voir qu'elle remplit ses hôtes d'une satisfaction bien autrement pleine et entière que la raison. Les habiles par imagination se plaisent tout autrement à eux-mêmes que les prudents ne se peuvent raisonnablement plaire. Ils regardent les gens avec empire, ils disputent avec hardiesse et confiance les autres avec crainte et défiance et cette gaieté de visage leur donne souvent l'avantage dans l'opinion des écoutants, tant les sages imaginaires ont de faveur auprès des juges de même nature. Elle ne peut rendre sages les fous mais elle les rend heureux, à l'envi de la raison qui ne peut rendre ses amis que misérables, l'une les couvrant de gloire, l'autre de honte.
Qui dispense la réputation, qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante. Toutes les richesses de la terre insuffisantes sans son consentement. Ne diriez-vous pas que ce magistrat dont la vieillesse vénérable impose le respect à tout un peuple se gouverne par une raison pure et sublime, et qu'il juge des choses par leur nature sans s'arrêter à ces vaines circonstances qui ne blessent que l'imagination des faibles. Voyez le entrer dans un sermon, où il apporte un zèle tout dévot renforçant la solidité de sa raison par l'ardeur de sa charité ; le voilà prêt à l'ouïr avec un respect exemplaire. Que le prédicateur vienne à paraître, si la nature lui a donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l'ait mal rasé, si le hasard l'a encore barbouillé de surcroît, quelque grandes vérités qu'il annonce je parie la perte de la gravité de notre sénateur.
Le plus grand philosophe du monde sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n'en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer.
Je ne veux pas rapporter tous ses effets ; qui ne sait que la vue des chats, des rats, l'écrasement d'un charbon, etc. Emportent la raison hors des gonds. Le ton de voix impose aux plus sages et change un discours et un poème de force.
L'affection ou la haine, changent la justice de face, et combien un avocat bien payé par avance trouve-(t) -il plus juste la cause qu'il plaide. Combien son geste hardi la fait-il paraître meilleure aux juges dupés par cette apparence. Plaisante raison qu'un vent manie et à tous sens. Je rapporterais presque toutes les actions des hommes qui ne branlent presque que par ses secousses. Car la raison a été obligée de céder, et la plus sage prend pour ses principes ceux que l'imagination des hommes a témérairement introduits en chaque lieu.
Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines dont ils s'emmaillotent en chaffourés, les palais où ils jugent, les fleurs de lys, tout cet appareil auguste était fort nécessaire, et si les médecins n'avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs n'eussent des bonnets carrés et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n'auraient dupé le monde qui ne peut résister à cette montre si authentique. S'ils avaient la véritable justice, et si les médecins avaient le vrai art de guérir ils n'auraient que faire de bonnets carrés. La majesté de ces sciences serait assez vénérable d'elle-même, mais n'ayant que des sciences imaginaires il faut qu'ils prennent ces vains instruments qui frappent l'imagination à laquelle ils ont affaire et par là en effet ils s'attirent le respect.
Les seuls gens de guerre ne se sont pas déguisés de la sorte parce qu'en effet leur part est plus essentielle. Ils s'établissent par la force, les autres par grimace.
C'est ainsi que nos rois n'ont pas recherché ces déguisements. Ils ne se sont pas masqués d'habits extraordinaires pour paraître tels. Mais ils se sont accompagnés de gardes, de troupes , de balafrés. Ces troupes armées qui n'ont de mains et de force que pour eux, les trompettes et les tambours qui marchent au-devant et ces légions qui les environnent font trembler les plus fermes. Ils n'ont pas l'habit, seulement ils ont la force. Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un autre homme le grand seigneur environné dans son superbe sérail de quarante mille janissaires.
Nous ne pouvons pas seulement voir un avocat en soutane et le bonnet en tête sans une opinion avantageuse de sa suffisance.
L'imagination dispose de tout ; elle fait la beauté, la justice et le bonheur qui est le tout du monde. Je voudrais de bon coeur voir le livre italien dont je ne connais que le titre, qui vaut lui seul bien des livres, dell'opinone regina del mondo. J'y souscris sans le connaître, sauf le mal s'il y en a. Voilà à peu près les effets de cette faculté trompeuse qui semble nous être donnée exprès pour nous induire à une erreur nécessaire. Nous en avons bien d'autres principes.
Les impressions anciennes ne sont pas seules capables de nous abuser, les charmes de la nouveauté ont le même pouvoir. De là vient toute la dispute des hommes, qui se reprochent ou de suivre leurs fausses impressions de l'enfance, ou de courir témérairement après les nouvelles. Qui tient le juste milieu qu'il paraisse et qu'il le prouve. Il n'y a principe, quelque naturel qu'il puisse être, même depuis l'enfance, fasse passer pour une fausse impression soit de l'instruction, soit des sens.
Parce, dit-on, que vous avez cru dès l'enfance qu'un coffre était vide, lorsque vous n'y voyiez rien, vous avez cru le vide possible. C'est une illusion de vos sens, fortifiée par la coutume, qu'il faut que la science corrige. Et les autres disent, parce qu'on vous a dit dans l'école qu'il n'y a point de vide on a corrompu votre sens commun qui le comprenait si nettement avant cette mauvaise impression, qu'il faut corriger en recourant à votre première nature. Qui a donc trompé ? Les sens ou l'instruction. Nous avons un autre principe d'erreur : les maladies. Elles nous gâtent le jugement et le sens. Et si les grandes l'altèrent sensiblement, je ne doute pas que les petites n'y fassent impression à leur proportion. Notre propre intérêt est encore un merveilleux instrument pour nous crever les yeux agréablement. Il n'est pas permis au plus équitable homme du monde d'être juge en sa cause. J'en sais qui, pour ne pas tomber dans cet amour-propre, ont été les plus injustes du monde à contre-biais. Le moyen sûr de perdre une affaire toute juste était de la leur faire recommander par leurs proches parents. La justice et la vérité sont deux pointes si subtiles que nos instruments sont trop mousses pour y toucher exactement. S'ils y arrivent ils en écachent la pointe et appuient tout autour plus sur le faux que sur le vrai.
L'homme n'est qu'un sujet plein d'erreur naturelle, et ineffaçable sans la grâce. Rien ne lui montre la vérité. Tout l'abuse. Ces deux principes de vérité, la raison et les sens, outre qu'ils manquent chacun de sincérité, s'abusent réciproquement l'un l'autre ; les sens abusent la raison par de fausses apparences. Et cette même piperie qu'ils apportent à l'âme, ils la reçoivent d'elle à leur tour ; elle s'en revanche. Les passions de l'âme les troublent et leur font des impressions fausses. Ils mentent et se trompent à l'envi. Mais outre cette erreur qui vient par accident et par le manque d'intelligence entre ces facultés hétérogènes... (il faut commencer par là le chapitre des puissances trompeuses.)
trompeuses.)
La cause et les effets de l'amour. Cléopâtre. 47 nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous rappelons le passé ; nous anticipons l'avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l'arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans des temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C'est que le présent d'ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu'il nous afflige, et s'il nous est agréable nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver.
Que chacun examine ses pensées. Il les trouvera toutes occupées au passé ou à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent, et si nous y pensons ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin.