Rencontrer l'inconnu - Collectif auteurs - E-Book

Rencontrer l'inconnu E-Book

Collectif auteurs

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Beschreibung

Dans le cadre d’un atelier de rédaction offert sur la plateforme zoom par l’Association pour le développement des aînées et aînées de l’UQAR (ADAUQAR) à l’automne 2021, huit personnes ont accepté d’écrire une nouvelle littéraire. Rien de moins!


Un thème a été proposé : « Rencontrer l’inconnu ». L’inconnu pouvant être un individu venu d’ailleurs, un endroit à explorer ou une situation inusitée… Les histoires se déroulent principalement dans le Bas-Saint-Laurent.


Voici réuni le résultat de cette besogne, que l’on présente ici avec beaucoup de fierté. Vous verrez, les thèmes abordés sont très variés. La qualité de l’écriture, la sensibilité et l’imagination représentent des valeurs qu’il fallait prendre en considération.

Voici un aperçu des histoires que nous avons brodées :
- Une femme qui, par hasard, se retrouve en contact avec un inconnu qui semble déjà la connaître…  ( Anne Bernier)
- Une femme qui, après avoir élevé sa famille, relance sa vie grâce à une surprise… ( Bertrand Dion)
- Des ados qui s'aventurent dans une grotte de la Matapédia... ( Nicole Fournier)
- Un nouveau virus qui s'étend de façon surprenante et inquiétante… ( Mario Bélanger)
- Une famille francophone qui accueille pour l'été de riches touristes anglophones, dans le Bas-Saint-Laurent des années 1930… ( Suzette de Rome)
- Un homme qui a vécu dans sa jeunesse un déracinement en Gaspésie et qui raconte son expérience personnelle… ( Rose-Marie Gallagher)
- Une femme qui est confrontée à une inconnue en elle-même, à cause d'un problème de santé… ( Claire Dubé)
- Un restaurateur apprécié qui meurt de façon mystérieuse dans un accident… ( Harold Michaud)
Nous espérons que vous éprouverez autant de plaisir à lire nos histoires que nous en avons eu à les écrire.

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Table des matières

Préface

Anne Bernier

Destins croisés

Bertrand Dion

Y’a pas d’âge pour…

Nicole Fournier

Dans les entrailles de la Terre

Mario Bélanger

Cauchemar viral

Suzette de Rome

Une rencontre surprenante

Rose-Marie Gallagher

Se retrouver, 50 ans plus tard…

Claire Dubé

Qui est cette inconnue dérangeante ?

Harold Michaud

L’Affaire Gédéon Paquette

Merci Mario !

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre: Rencontrer l'inconnu / Anne Bernier [et sept autres].

Noms: Bernier, Anne, 1956- auteur.

Description: Nouvelles.

Identifiants: Canadiana 20220006652 | ISBN 9782898091872

Vedettes-matière: RVM: Nouvelles québécoises—21e siècle. | RVM: Écrits de personnes âgées québécois.

Classification: LCC PS8329.5.Q4 R46 2022 | CDD C843/.010806—dc23

Auteur(e)s :Anne Bernier, Bertrand Dion, Nicole Fournier, Mario Bélanger, Suzette de Rome, Rose-Marie Gallagher, Claire Dubé et Harold Michaud.

Titre :Rencontrer l'Inconnu

Tous droits réservés.

Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement des Auteurs, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle.

©2022 Éditions du Tullinois

www.editionsdutullinois.ca

ISBN version papier: 978-2-89809-187-2

ISBN version E-Pub: 978-2-89809-188-9

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Bibliothèque et Archives du Canada

Dépôt légal version papier: 1er trimestre 2022

Dépôt légal version E-Pub: 1er trimestre 2022

Illustrations et croquis :Marianne BÉLANGER

Conception de la couverture :Mario ARSENAULT-Tendance EIM

Imprimé au Canada

Première impression : Avril 2022

Nous remercions la Société de Développement des Entreprises Culturelles du Québec (SODEC) du soutien accordé à notre programme de publication.

SODEC - QUÉBEC

Préface

Dans le cadre d’un atelier de rédaction offert sur la plateforme zoom par l’Association pour le développement des aînées et aînées de l’UQAR (ADAUQAR) à l’automne 2021, j’ai proposé aux sept personnes inscrites d’écrire une nouvelle littéraire. Il fallait concevoir une rédaction originale de dix à quinze pages pour chacun et chacune. Rien de moins!

Un thème a été proposé : « Rencontrer l’inconnu ». L’inconnu pouvant être autant un individu venu d’ailleurs, un endroit à explorer, une situation inusitée ou simplement un objet hors de l’ordinaire… Et en autant que possible, les histoires devaient se dérouler dans notre région, le Bas-Saint-Laurent. 

La répugnante covid a peut-être cadenassé notre envie de se réunir physiquement, mais, grâce à zoom, aux courriels et au téléphone, nous avons réussi à faire fleurir nos ambitions d’écriture. 

Tout ce beau monde s’est donc attelé à la tâche, courageusement. Et voici réuni dans ce bouquin le résultat de notre besogne, que l’on présente ici avec beaucoup de fierté. 

Vous verrez, les thèmes abordés sont très variés. Certaines de ces histoires peuvent être réelles ou fictives. Parfois, il s’agit d’un mélange surprenant de ces deux mondes. La qualité de l’écriture, la sensibilité, l’imagination et la vraisemblance représentent des valeurs qu’il fallait prendre en considération.

Brièvement résumé, voici un aperçu des histoires que nous avons brodées :

> Une femme qui, par hasard, se retrouve en contact avec un inconnu qui semble déjà la connaître…

> Une femme qui, après avoir élevé sa famille, relance sa vie grâce à une surprise…

> Des ados qui s'aventurent dans une grotte de la Matapédia...

> Un nouveau virus qui s'étend de façon surprenante et inquiétante…

> Une famille francophone qui accueille pour l'été de riches touristes anglophones, dans le Bas-Saint-Laurent des années 1930…

> Un homme qui a vécu dans sa jeunesse un déracinement en Gaspésie et qui raconte son expérience personnelle…

> Une femme qui est confrontée à une inconnue en elle-même, à cause d'un problème de santé…

> Un restaurateur apprécié qui meurt de façon mystérieuse dans un accident…

-o0o-

Une nouvelle littéraire, c’est un bref récit qui s’apparente au conte, en étant plus réaliste, et également au roman, en étant beaucoup plus condensé. Généralement, on retrouve dans chacune des histoires racontées quelques personnages seulement. L’action est concentrée sur un fil conducteur. Et l’intrigue, qui se déroule rondement, se termine souvent par une conclusion imprévue.  

Cette forme de littérature est très populaire dans plusieurs pays. En France, saviez-vous que Guy de Maupassant a écrit plus de 300 nouvelles dans la seconde partie du 19e siècle ? Aux États-Unis, des écrivains comme Herman Melville, Edgar Allan Poe ou Ernest Hemingway ont publié quantité de brefs récits dans divers journaux et revues, ce qui a soutenu leur réputation populaire. Souvent, dans les nouvelles américaines, il s’agissait d’histoires dans lesquelles on se moquait drôlement des gens fortunés ou des politiciens malhonnêtes. 

Au Québec, Jacques Ferron, Marie-Claire Blais, Yves Thériault, Rock Carrier, Lori Saint-Martin ou Gilles Archambault ont été des précurseurs dans la publication de nouvelles littéraires. Leurs écrits ont contribué à développer l’identité nationale, à faire connaître les tensions dans les divers rapports humains, à dénoncer les injustices, à soulever les questions interculturelles. Chaque année en moyenne, plus d’une vingtaine de recueils de nouvelles sont publiés au Québec. 

Et comme le signalait Gaëtan Brulotte, qui a publié un survol historique et critique de cette forme littéraire au Québec, la nouvelle est une formule « adaptée à la fragmentation de la vie moderne ».

-o0o-

Nous espérons que vous éprouverez autant de plaisir à lire nos histoires que nous en avons eu à les écrire.

Mario Bélanger

Anne Bernier

Le passé de Marie remonte doucement à la surface. Sa rencontre inattendue avec Tristan, un adolescent arrivé de nulle part, la trouble profondément. La voilà contrainte à revivre un épisode de sa vie qu’elle avait jusque-là occulté. Elle cherche des réponses dans les yeux noirs du jeune inconnu en tissant les fils de ses souvenirs.

Anne Bernier

Destins croisés

par Anne Bernier

Depuis l’aube, la route 132 et le fleuve se fondent en une seule étendue blanche pendant que le soleil tient résolument tête au vent glacial. Au théâtre du village, une répétition s’est déroulée un peu plus tôt dans l’après-midi, mais la représentation de ce soir a été annulée en raison du blizzard.

Sur la scène, Marie tente avec difficulté de retourner un corps inanimé, gisant face contre sol. Le jeune visage blafard qui s’offre finalement à elle lui donne le vertige. L’adolescent respire difficilement et a visiblement passé plusieurs heures dans ce froid sibérien. Ses mains sont glacées. Elle tente de les lui réchauffer avec son souffle, tout en cherchant désespérément de l’aide.

— Mais où êtes-vous tous partis ? Y avait le feu ou quoi ?lance-t-elle en regardant vers l’arrière-scène. Le silence qui suit lui est insupportable. Soudain, un bruit derrière elle.

— Eh, y a quelqu’un ? À l’aide !!!!

— Marie, mais qu’est-ce qui se passe ?

— Pierrot ! Viens vite ! Trouve une couverture, quelque chose… Il y a un gars ici. Je crois qu’il est en hypothermie.

— Qui c’est ?

— Aucune idée. Allez. Bouge!

— Ça serait peut-être mieux d’appeler une ambulance plutôt que de trouver une couverture, non ?

— Les deux, innocent ! Faut faire les deux !

Marie observe l’inconnu en silence. Elle est profondément troublée par ces joues saillantes, ce long nez aquilin, ces cheveux d’ébène...

-o0o-

Marie avait appris le décès d’Hubert, son ex, il y a quelques mois, de la bouche d’un ami commun rencontré au supermarché. Une leucémie fulgurante. Ses jambes avaient fléchi et ses yeux s’étaient brièvement embués, sans plus. De retour à la maison, en regardant sa chatte Prunelle, elle lui avait chuchoté :

— Enfin, je peux tourner la page.

Hubert l’avait quittée abruptement, sans aucun épanchement, et elle ne l’avait jamais revu. Elle pouvait maintenant cesser de compter les années. Sa blessure était bel et bien cicatrisée.Oui, elle avait été blessée par cette rupture, mais son existence avait pris d’autres chemins et elle ne s’était pas sentie malheureuse pour autant. L’absence d’Hubert avait fait beaucoup moins de vagues que ce qu’elle aurait pu croire. Au contraire, elle avait eu le sentiment de recouvrer une certaine forme de liberté dans ses choix de vie. Lorsque Hubert était devenu végane à la suite d’un atelier surLa cuisine vivante, il avait pris le contrôle de leur alimentation et décrété que les repas devaient être pris à heure fixe et sans bruits ambiants.

Évidemment, il détestait quand elle l’appelait tendrement sontoutou-tofu. Mais elle en remettait une couche en lui demandant à quel moment il se mettrait à réciter le Bénédicité avant le souper. Hubert n’esquissait même pas un sourire. Une autre de ses lubies avait été de ne plus cueillir de fleurs sauvages, prétextant qu’elles avaient, elles aussi, le droit de vivre. Bref, ces contraintes d’ascète ne manquaient pas à Marie. Tous les mois d’août, elle faisait maintenant d’immenses bouquets d’épilobes en pensant à lui.

-o0o-

Il y a 15 ans déjà… Marie était sortie d’une répétition plutôt mouvementée. Faisant volte-face à la fin de la journée, le metteur en scène avait pris la décision de lui attribuer un autre rôle que celui qu’elle avait passé tout l’hiver à s’approprier. Ayant eu de la difficulté à canaliser l’émotion qui l’avait alors traversée, elle s’était mise à crier comme une hyène en sautant à pieds joints sur son texte. Bref, elle avait fait une folle d’elle, devant la troupe au complet !

Du trajet entre le théâtre et son appartement, elle n’avait aucun souvenir.

— Hubert, t’es là ? Tu sais pas ce qu’il m’a fait, le crisse de con ?!? Hubert ?

La peine et la colère se disputaient une place dans sa poitrine. Une bière, vite ! C’est en refermant le frigo, avec un mouvement plus senti qu’à l’habitude, qu’elle marcha sur une enveloppe cachetée avec, sur le dessus, un cœur dessiné à la main.

— Tiens, tiens! Un mot de mon amoureux…,se dit-elle, en versant sa bière.

La délicate attention lui fit presque oublier sa journée désastreuse. Écrite à l’encre verte, la missive était brève, mais sans équivoque :

« Marie, je pars. Ne me demande pas de t’expliquer. La route qui se dessine devant moi est à la fois obscure et lumineuse. Ma quête de sens prend un tournant inattendu. Je dois être davantage à l’écoute de ce qui m’a façonné jusqu’à maintenant. Sache que le jour où je t’ai rencontrée, j’avais déjà l’impression de te connaître. Notre vie amoureuse aura été semblable à plusieurs symphonies. Sublime, mais inachevée… Mais si l’on croit qu’il puisse y avoir une rencontre ultérieure entre deux âmes jumelles, alors Marie, nous nous croiserons à nouveau, ailleurs, dans un autre monde et dans d’autres circonstances. Si c’est le cas, j’espère, avec toute l’espérance que je porte en moi, que je saurai te reconnaître.

Tendresses. Prends bien soin de toi. Et surtout, sois courageuse!

Hubert

P.S. : Ma sœur Lucie viendra chercher le restant de mes trucs perso dans quelques semaines. Je te laisse tout le mobilier. Ma quête demande un dépouillement absolu. »

Foudroyée, Marie lit et relit, jusqu’à ce qu’un puissant cri de rage la ramène à la réalité. Les mains tremblantes, elle ramasse le message tombé sur le sol.

— En plus, il a le culot de me « flusher » sur une feuille de bloc-notes du Parti conservateur ! L’écœurant! Dépouillement absolu ! Ta-bar-nak ! Alors que ça fait quatre ans que je paye le loyer, la bouffe, tout. Et lui, le quidam, il a besoin d’être à l’écoute de ce qui l’a façonné !

Une autre bière pour reprendre son souffle, c’est tout ce qu’elle peut envisager en ce moment. Tout se bouscule dans sa tête. Ils étaient en couple depuis huit ans. Leur quotidien, bien que banal, lui semblait pourtant agréable, acceptable. Ils partageaient une même passion pour l’horticulture et le cinéma, faisaient l’amour au moins deux fois par semaine et, ma foi, c’était plutôt satisfaisant. Du moins pour elle…

En fait, elle réalise que ce départ inattendu d’Hubert germait possiblement depuis longtemps. Peu de temps après le début de leur relation, il s’était inscrit à un séminaire de croissance personnelle, à Sherbrooke. Il s’absentait donc souvent pendant des fins de semaine complètes et il en revenait toujours chamboulé, et surtout, très silencieux. Puis, ce furent tour à tour des ateliers aux appellations plutôt évocatrices :cheminementinitiatique, méditation tibétaine,harmonie globale,chakra-thérapie,hypnose thérapeutique,etc. Au bout de quatre années de cette valse ésotérique, Hubert lui annonça qu’il quittait son emploi à la quincaillerie pour devenir coach de vie.

— Eh ben, c’est la meilleure, ça ! Une comédienne déchue avec un apprenti gourou. On la fait la paire. T’as des fils qui se touchent,Hubert ?marmonna-t-elle d’un ton sarcastique.

— Tu n’as jamais cru dans ma démarche de croissance personnelle, je le sais bien. Mais au moins, si tu m’aimes, respecte mes choix!Et il était sorti en claquant la porte.

Mais comment Hubert pensait-il que le couple arriverait à joindre les deux bouts ? Elle n’avait pas décroché de rôle au théâtre depuis plus de deux ans et bossait à temps partiel dans un service de garde, et au casse-croûte du coin, en haute saison. Marie entendait nettement son cerveau péter les plombs. Elle perdait un à un tous ses repères.

Paradoxalement, alors qu’Hubert ne parlait depuis plusieurs mois que de sa sempiternelle quête de sens, elle découvrait de son côté le plaisir d’errer confortablement dans le doute. Bien que sa situation professionnelle fut peu reluisante, cette posture d’abandon confiant la grisait de plus en plus. Un peu comme l’extase ressentie lors d’un saut en parachute.

Marie était elle-même en introspection depuis plusieurs années lorsqu’elle avait rencontré Hubert. Cependant, l’intensité grandissante des questionnements d’Hubert avait eu pour effet de l’éloigner, elle, de cette spirale existentielle. Au printemps suivant, Marie s’était mise à recevoir avec gratitude ce qui était simple-ment et naturellement à sa portée. Être sensible aux bruits du vent et du ruisseau. Sourire en entendant les cliquetis des cocottes du pin écossais qui éclatent au soleil. Humer les parfums entremêlés de la terre labourée et de l’herbe humide. Remercier la vie en regardant danser ses bobettes sur la corde à linge. Au gré des jours, elle apprit ainsi à être absente aux appels introspectifs, alors qu’Hubert s’y enlisait insidieusement. Ce fut possiblement le point de bascule de leur relation. Le début de la fin, comme on dit.

-o0o-

Les conditions routières ne s’améliorent pas. L’ambulance tarde à arriver au théâtre. Pierrot a dégoté un petit chauffage d’appoint dans le fond d’une loge. Au sol, le jeune inconnu semble émerger lentement de sa torpeur. Marie tente de le rassurer.

— Ça va aller. Les secours s’en viennent. Tu arrives d’où comme ça ?

— …

— T’es qui ? Tu t’appelles comment ?lance Pierrot d’une voix insistante, sous le regard réprobateur de Marie.

— Je… Je… Tristan. Je m’appelle Tristan Ferguson. Je cherche une amie de mon oncle.

— Et c’est qui ton oncle ?martèle Pierrot, excédé.

— Laisse-le ! Tu ne vois pas qu’il est à bout de force. Ah ! Tu entends ? C’est l’ambulance qui arrive !

Tristan referme les yeux pendant que Marie explique aux ambulanciers les circonstances de l’incident.

— Vous êtes sa mère ?demande l’un des deux hommes.

— Non, non. Je ne l’ai même jamais vu. Je viens de vous dire que je l’ai trouvé inconscient sur la scène. Il est parvenu à nous dire tout à l’heure qu’il cherchait quelqu’un dans la région. Une amie de son oncle.

— Alors, pourquoi il s’est retrouvé ici, dans un théâtre ?questionne le second ambulancier. Marie devient nerveuse. Sa respiration s’accélère.

— Ça ne vous apparaît pas plus important de le transporter à l’hôpital ?

— Ses signes vitaux sont normaux. Il n’a pas dû passer tant de temps que ça dehors à mon avis. Il a des papiers sur lui ?

Pierrot se penche au-dessus de Tristan, sort un portefeuille de la poche avant de son veston et le remet au paramédical. Puis, à tout hasard, il explore le reste de la veste et trouve une clé USB. Il la tend à Marie.

— Quoi ? Que veux-tu que je fasse avec ça ?

— Ben, faudrait regarder si ça peut donner des indices sur lafemme qu’il cherche !

— Tu veux que je mène une enquête ? T’es fou ou quoi ?

— Nous, on y va,déclare un ambulancier. Est-ce que l’un de vous deux peut se rendre tout de suite à l’hôpital ? Y aura sûrement des choses à éclaircir là-bas. Ses papiers nous disent qu’il habite à Sherbrooke. C’est pas à la porte, ça ! Et en plus, il est mineur. On doit faire un signalement à la police. Alors, qui de vous deux va nous accompagner ?

— Je dois aller chercher Max à la garderie,explique Pierrot à Marie en lui mettant fermement la clé USB dans la main.Désolé, Marie!

— D’accord! Je vais vous suivre en auto. Donnez-moi deux minutes. Je dois juste faire une tournée pour fermer boutique.

-o0o-

Sans surprise, l’urgence est pleine à craquer. Une fois remplies les formalités d’usage, Tristan est installé sur une civière, près de la réception. Ses cheveux noirs accentuent la pâleur de son visage. Marie se dit que la couleur beige des murs n’a rien pour lui améliorer le teint. Il s’est à peine réveillé lors de sa sortie de l’ambulance. Elle scrute ses traits, pensive, se rappelant un moment charnière de sa relation avec Hubert.