Roméo et Juliette - William Shakespeare - E-Book

Roméo et Juliette E-Book

William Shakespeare

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Beschreibung

"Roméo et Juliette, une œuvre intemporelle de William Shakespeare, est un chef-d'œuvre de la littérature qui a captivé les lecteurs depuis des siècles. Cette tragédie romantique, publiée pour la première fois en 1597, raconte l'histoire d'un amour interdit entre deux jeunes amants, Roméo Montaigu et Juliette Capulet.L'intrigue se déroule dans la ville de Vérone, en Italie, où les familles Montaigu et Capulet sont en conflit depuis des générations. Malgré cette rivalité, Roméo et Juliette tombent éperdument amoureux l'un de l'autre dès leur première rencontre lors d'un bal masqué. Leur amour est si puissant qu'ils décident de se marier en secret, espérant ainsi mettre fin à la haine qui divise leurs familles.Cependant, leur bonheur est de courte durée. Les circonstances tragiques et les malentendus s'accumulent, conduisant à une série d'événements dramatiques qui aboutissent à la mort tragique des deux amants. Leur amour passionné et leur destinée tragique ont fait de Roméo et Juliette un symbole universel de l'amour impossible et de la jeunesse éternelle.Shakespeare, avec sa plume magistrale, a créé des personnages inoubliables et des dialogues poétiques qui ont marqué l'histoire de la littérature. Roméo et Juliette est une œuvre qui explore les thèmes de l'amour, de la haine, du destin et du pouvoir destructeur des préjugés. Elle nous rappelle la fragilité de la vie et la force de l'amour, même dans les circonstances les plus tragiques.Ce livre est un incontournable pour tous les amateurs de littérature classique. Il nous transporte dans un monde de passion et de tragédie, où les émotions sont à leur paroxysme. Roméo et Juliette est une histoire intemporelle qui continue de toucher les cœurs et de captiver les esprits, faisant de Shakespeare l'un des plus grands dramaturges de tous les temps.
Extrait : ""JULIETTE : O Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m'aimer, et je ne serai plus une Capulet. ROMEO, à part : Dois-je l'écouter encore ou lui répondre ? JULIETTE : Ton nom seul est mon ennemi. Tu n'es pas un Montague, tu es toi-même. Qu'est-ce qu'un Montague ? Ce n'est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d'un homme…"""

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Seitenzahl: 151

Veröffentlichungsjahr: 2015

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Personnages

LE PRINCE de Vérone.

PÂRIS : jeune seigneur.

MONTAGUE : chef des deux maisons ennemies.

CAPULET : chef des deux maisons ennemies.

UN VIEILLARD : oncle de Capulet.

ROMÉO : fils de Montague.

MERCUTIO : parent du prince et ami de Roméo.

TYBALT : neveu de Capulet.

FRÈRE LAURENCE : moine franciscain.

FRÈRE JEAN : religieux du même ordre.

BALTHAZAR : page de Roméo.

SAMSON : valet de Capulet.

GRÉGOIRE : valet de Capulet.

ABRAHAM : valet de Montague.

PIERRE : valet de la nourrice.

UN APOTHICAIRE.

LE CLOWN.

TROIS MUSICIENS.

UN PAGE.

UN OFFICIER.

LADY MONTAGUE : femme de Montague.

LADY CAPULET : femme de Capulet.

JULIETTE : fille de Capulet.

LA NOURRICE.

 

CITOYENS DE VÉRONE ; SEIGNEURS ET DAMES, PARENTS DES DEUX FAMILLES ; MASQUES, GARDES, GUETTEURS DE NUIT, GENS DE SERVICE.

 

La scène est tantôt à Vérone, tantôt à Mantoue.

Chœur
Deux familles, égales en noblesse,
Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,
Sont entraînées par d’anciennes rancunes à des rixes nouvelles
Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.
Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies
A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d’amoureux
Dont la ruine néfaste et lamentable
Doit ensevelir dans leur tombe l’animosité de leurs parents.
Les terribles péripéties de leur fatal amour
Et les effets de la rage obstinée de ces familles
Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,
Vont en deux heures être exposés sur notre scène.
Si vous daignez nous écouter patiemment,
Notre zèle s’efforcera de corriger notre insuffisance.
Scène I

Vérone. Une place publique.

Entrent Samson et Grégoire, armés d’épées et de boucliers.

SAMSON

Grégoire, sur ma parole, nous ne supporterons pas leurs brocarts.

GRÉGOIRE

Non, nous ne sommes pas gens à porter le brocart.

SAMSON

Je veux dire que, s’ils nous mettent en colère, nous allongeons le couteau.

GRÉGOIRE

Oui, mais prends garde qu’on ne t’allonge le cou tôt ou tard.

SAMSON

Je frappe vite quand on m’émeut.

GRÉGOIRE

Mais tu es lent à t’émouvoir.

SAMSON

Un chien de la maison de Montague m’émeut.

GRÉGOIRE

Qui est ému, remue ; qui est vaillant, tient ferme ; conséquemment, si tu es ému, tu lâches pied.

SAMSON

Quand un chien de cette maison-là m’émeut, je tiens ferme. Je suis décidé à prendre le haut du pavé sur tous les Montagues, hommes ou femmes.

GRÉGOIRE

Cela prouve que tu n’es qu’un faible drôle ; les faibles s’appuient toujours au mur.

SAMSON

C’est vrai ; et voilà pourquoi les femmes, étant les vases les plus faibles, sont toujours adossées au mur ; aussi, quand j’aurai affaire aux Montagues, je repousserai les hommes du mur et j’y adosserai les femmes.

GRÉGOIRE

La querelle ne regarde que nos maîtres et nous, leurs hommes.

SAMSON

N’importe ! je veux agir en tyran. Quand je me serai battu avec les hommes, je serai cruel avec les femmes. Il n’y aura plus de vierges !

GRÉGOIRE

Tu feras donc sauter toutes leurs têtes ?

SAMSON

Ou tous leurs pucelages. Comprends la chose comme tu voudras.

GRÉGOIRE

Celles-là comprendront la chose, qui la sentiront.

SAMSON

Je la leur ferai sentir tant que je pourrai tenir ferme, et l’on sait que je suis un joli morceau de chair.

GRÉGOIRE

Il est fort heureux que tu ne sois pas poisson ; tu aurais fait un pauvre merlan. Tire ton instrument ; en voici venir deux de la maison de Montague.

Ils dégainent.

Entrent Abraham et Balthazar.

SAMSON

Voici mon épée nue ; cherche-leur querelle ; je serai derrière toi.

GRÉGOIRE

Oui, tu te tiendras derrière pour mieux déguerpir.

SAMSON

Ne crains rien de moi.

GRÉGOIRE

De toi ? Non, morbleu.

SAMSON

Mettons la loi de notre côté et laissons-les commencer.

GRÉGOIRE

Je vais froncer le sourcil en passant près d’eux, et qu’ils le prennent comme ils le voudront.

SAMSON

C’est-à-dire comme ils l’oseront. Je vais mordre mon pouce en les regardant, et ce sera une disgrâce pour eux, s’ils le supportent.

ABRAHAM, à Samson.

Est-ce à notre intention que vous mordez votre pouce, monsieur ?

SAMSON

Je mords mon pouce, monsieur.

ABRAHAM. 

Est-ce à notre intention que vous mordez votre pouce, monsieur ?

SAMSON, bas, à Grégoire.

La loi est-elle de notre côté, si je dis oui ?

GRÉGOIRE, bas, à Samson.

Non.

SAMSON, haut, à Abraham.

Non, monsieur, ce n’est pas à votre intention que je mords mon pouce, monsieur ; mais je mords mon pouce, monsieur.

GRÉGOIRE, à Abraham.

Cherchez-vous une querelle, monsieur ?

ABRAHAM. 

Une querelle, monsieur ? Non, monsieur !

SAMSON

Si vous en cherchez une, monsieur, je suis votre homme. Je sers un maître aussi bon que le vôtre.

ABRAHAM. 

Mais pas meilleur.

SAMSON

Soit, monsieur.

Entre au fond du théâtre Benvolio, puis, à distance, derrière lui, Tybalt.

GRÉGOIRE, à Samson.

Dis meilleur ! Voici un parent de notre maître.

SAMSON, à Abraham.

Si fait, monsieur, meilleur !

ABRAHAM. 

Vous en avez menti.

SAMSON

Dégainez, si vous êtes hommes !

Tous se mettent en garde.

Grégoire, souviens-toi de ta maîtresse botte !

BENVOLIO, s’avançant, la rapière au poing.

Séparez-vous, imbéciles ! rengainez vos épées ; vous ne savez pas ce que vous faites.

Il rabat les armes des valets.

TYBALT, s’élançant, l’épée nue, derrière Benvolio.

Quoi ! l’épée à la main, parmi ces marauds sans cœur ! Tourne-toi, Benvolio, et fais face à ta mort.

BENVOLIO, à Tybalt.

Je ne veux ici que maintenir la paix ; rengaine ton épée, ou emploie-la, comme moi, à séparer ces hommes.

TYBALT

Quoi, l’épée à la main, tu parles de paix ! Ce mot, je le hais, comme je hais l’enfer, tous les Montagues et toi. À toi, lâche !

Tous se battent. D’autres partisans des deux maisons arrivent et se joignent à la mêlée. Alors arrivent des citoyens armés de bâtons.

PREMIER CITOYEN

À l’œuvre les bâtons, les piques, les pertuisanes ! Frappez ! Écrasez-les ! À bas les Montagues ! à bas les Capulets !

Entrent Capulet, en robe de chambre, et Lady Capulet.

CAPULET

Quel est ce bruit ?… Holà ! qu’on me donne ma grande épée.

LADY CAPULET

Non ! une béquille ! une béquille !… Pourquoi demander une épée ?

CAPULET

Mon épée, dis-je ! le vieux Montague arrive et brandit sa rapière en me narguant !

Entrent Montague, l’épée à la main, et Lady Montague.

MONTAGUE

À toi, misérable Capulet !… Ne me retenez pas ! lâchez-moi.

LADY MONTAGUE, le retenant.

Tu ne feras pas un seul pas vers ton ennemi.

Entre le Prince, avec sa suite.

LE PRINCE

Sujets rebelles, ennemis de la paix ! profanateurs qui souillez cet acier par un fratricide !… Est-ce qu’on ne m’entend pas ?… Holà ! vous tous, hommes ou brutes, qui éteignez la flamme de votre rage pernicieuse dans les flots de pourpre échappés de vos veines, sous peine de torture, obéissez ! Que vos mains sanglantes jettent à terre ces épées trempées dans le crime, et écoutez la sentence de votre prince irrité !

Tous les combattants s’arrêtent.

Trois querelles civiles, nées d’une parole en l’air, ont déjà troublé le repos de nos rues, par ta faute, vieux Capulet, et par la tienne, Montague ; trois fois les anciens de Vérone, dépouillant le vêtement grave qui leur sied, ont dû saisir de leurs vieilles mains leurs vieilles pertuisanes, gangrenées par la rouille, pour séparer vos haines gangrenées. Si jamais vous troublez encore nos rues, votre vie payera le dommage fait à la paix. Pour cette fois, que tous se retirent. Vous, Capulet, venez avec moi ; et vous, Montague, vous vous rendrez cette après-midi, pour connaître notre décision ultérieure sur cette affaire, au vieux château de Villafranca, siège ordinaire de notre justice. Encore une fois, sous peine de mort, que tous se séparent !

Tous sortent, excepté Montague, lady Montague et Benvolio.

MONTAGUE

Qui donc a réveillé cette ancienne querelle ? Parlez, neveu, étiez-vous là quand les choses ont commencé ?

BENVOLIO

Les gens de votre adversaire et les vôtres se battaient ici à outrance quand je suis arrivé ; j’ai dégainé pour les séparer ; à l’instant même est survenu le fougueux Tybalt, l’épée haute, vociférant ses défis à mon oreille, en même temps qu’il agitait sa lame autour de sa tête et pourfendait l’air qui narguait son impuissance par un sifflement. Tandis que nous échangions les coups et les estocades, sont arrivés des deux côtés de nouveaux partisans qui ont combattu jusqu’à ce que le prince soit venu les séparer.

LADY MONTAGUE

Oh ! où est donc Roméo ? l’avez-vous vu aujourd’hui ? Je suis bien aise qu’il n’ait pas été dans cette bagarre.

BENVOLIO

Madame, une heure avant que le soleil sacré perçât la vitre d’or de l’Orient, mon esprit agité m’a entraîné à sortir ; tout en marchant dans le bois de sycomores qui s’étend à l’ouest de la ville, j’ai vu votre fils qui s’y promenait déjà ; je me suis dirigé vers lui, mais, à mon aspect, il s’est dérobé dans les profondeurs du bois. Pour moi, jugeant de ses émotions par les miennes, qui ne sont jamais aussi absorbantes que quand elles sont solitaires, j’ai suivi ma fantaisie sans poursuivre la sienne, et j’ai évité volontiers qui me fuyait si volontiers.

MONTAGUE

Voilà bien des matinées qu’on l’a vu là augmenter de ses larmes la fraîche rosée du matin et à force de soupirs ajouter des nuages aux nuages. Mais aussitôt que le vivifiant soleil commence, dans le plus lointain orient, à tirer les rideaux ombreux du lit de l’Aurore, vite mon fils accablé fuit la lumière, il rentre, s’emprisonne dans sa chambre, ferme ses fenêtres, tire le verrou sur le beau jour, et se fait une nuit artificielle. Ah ! cette humeur sombre lui sera fatale, si de bons conseils n’en dissipent la cause.

BENVOLIO

Cette cause, la connaissez-vous, mon noble oncle ?

MONTAGUE

Je ne la connais pas et je n’ai pu l’apprendre de lui.

BENVOLIO

Avez-vous insisté près de lui suffisamment ?

MONTAGUE

J’ai insisté moi-même, ainsi que beaucoup de mes amis ; mais il est le seul conseiller de ses passions ; il est l’unique confident de lui-même, confident peu sage peut-être, mais aussi secret, aussi impénétrable, aussi fermé à la recherche et à l’examen que le bouton qui est rongé par un ver jaloux avant de pouvoir épanouir à l’air ses pétales embaumées et offrir sa beauté au soleil ! Si seulement nous pouvions savoir d’où lui viennent ces douleurs, nous serions aussi empressés pour les guérir que pour les connaître.

Roméo paraît à distance.

BENVOLIO

Tenez, le voici qui vient. Éloignez-vous, je vous prie, ou je connaîtrai ses peines, ou je serai bien des fois refusé.

MONTAGUE

Puisses-tu, en restant, être assez heureux pour entendre une confession complète !… Allons, madame, partons !

Sortent Montague et lady Montague.

BENVOLIO

Bonne matinée, cousin !

ROMÉO

Le jour est-il si jeune encore ?

BENVOLIO

Neuf heures viennent de sonner.

ROMÉO

Oh ! que les heures tristes semblent longues ! N’est-ce pas mon père qui vient de partir si vite ?

BENVOLIO

C’est lui-même. Quelle est donc la tristesse qui allonge les heures de Roméo ?

ROMÉO

La tristesse de ne pas avoir ce qui les abrègerait.

BENVOLIO

Tu es amoureux ?

ROMÉO

Je suis éperdu…

BENVOLIO

D’amour !

ROMÉO

Des dédains de celle que j’aime.

BENVOLIO

Hélas ! faut-il que l’amour, si doux en apparence, soit si tyrannique et si cruel à l’épreuve ?

ROMÉO

Hélas ! faut-il que l’amour, malgré le bandeau qui l’aveugle, trouve toujours, sans y voir, un chemin vers son but !… Où dînerons-nous !… Ô mon Dieu !… Quel était ce tapage ?… Mais non, ne me le dis pas, car je sais tout ! Ici on a beaucoup à faire avec la haine, mais plus encore avec l’amour… Amour ! ô tumultueux amour ! Ô amoureuse haine ! Ô tout, créé de rien ! Ô lourde légèreté ! vanité sérieuse ! Informe chaos de ravissantes visions ! Plume de plomb, lumineuse fumée, feu glacé, santé maladive ! Sommeil toujours éveillé qui n’est pas ce qu’il est ! Voilà l’amour que je sens, et je n’y sens pas d’amour… Tu ris, n’est-ce pas ?

BENVOLIO

Non, cousin : je pleurerais plutôt.

ROMÉO

Bonne âme !… et de quoi !

BENVOLIO

De voir ta bonne âme si accablée.

ROMÉO

Oui, tel est l’effet de la sympathie. La douleur ne pesait qu’à mon cœur, et tu veux l’étendre sous la pression de la tienne : cette affection que tu me montres ajoute une peine de plus à l’excès de mes peines. L’amour est une fumée de soupirs ; dégagé, c’est une flamme qui étincelle aux yeux des amants ; comprimé, c’est une mer qu’alimentent leurs larmes. Qu’est-ce encore ? la folie la plus raisonnable, une suffocante amertume, une vivifiante douceur !… Au revoir, mon cousin.

Il va pour sortir.

BENVOLIO

Doucement, je vais vous accompagner : vous me faites injure en me quittant ainsi.

ROMÉO

Bah ! je me suis perdu moi-même ; je ne suis plus ici ; ce n’est pas Roméo que tu vois, il est ailleurs.

BENVOLIO

Dites-moi sérieusement qui vous aimez.

ROMÉO

Sérieusement ? Roméo ne peut le dire qu’avec des sanglots.

BENVOLIO

. Avec des sanglots ? non ! Dites-le-moi sérieusement.

ROMÉO

Dis donc à un malade de faire sérieusement son testament ! Ah ! ta demande s’adresse mal à qui est si mal ! Sérieusement, cousin, j’aime une femme.

BENVOLIO

En le devinant, j’avais touché juste.

ROMÉO

Excellent tireur !… j’ajoute qu’elle est d’une éclatante beauté.

BENVOLIO

Plus le but est éclatant, beau cousin, plus il est facile à atteindre.

ROMÉO

Ce trait-là frappe à côté ; car elle est hors d’atteinte des flèches de Cupidon ; elle a le caractère de Diane ; armée d’une chasteté à toute épreuve, elle vit à l’abri de l’arc enfantin de l’Amour ; elle ne se laisse pas assiéger en termes amoureux, elle se dérobe au choc des regards provocants et ferme son giron à l’or qui séduirait une sainte. Oh ! elle est riche en beauté, misérable seulement en ce que ses beaux trésors doivent mourir avec elle !

BENVOLIO

Elle a donc juré de vivre toujours chaste ?

ROMÉO

Elle l’a juré, et cette réserve produit une perte immense. En affamant une telle beauté par ses rigueurs, elle en déshérite toute la postérité. Elle est trop belle, trop sage, trop sagement belle, car elle mérite le ciel en faisant mon désespoir. Elle a juré de n’aimer jamais, et ce serment me tue en me laissant vivre, puisque c’est un vivant qui te parle.

BENVOLIO

Suis mon conseil ; cesse de penser à elle.

ROMÉO

Oh ! apprends-moi comment je puis cesser de penser.

BENVOLIO

En rendant la liberté à tes yeux : examine d’autres beautés.

ROMÉO

Ce serait le moyen de rehausser encore ses grâces exquises. Les bienheureux masques qui baisent le front des belles, ne servent, par leur noirceur, qu’à nous rappeler la blancheur qu’ils cachent. L’homme frappé de cécité ne saurait oublier le précieux trésor qu’il a perdu avec la vue. Montre-moi la plus charmante maîtresse : que sera pour moi sa beauté, sinon une page ou je pourrai lire le nom d’une beauté plus charmante encore ? Adieu : tu ne saurais apprendre à oublier.

BENVOLIO

J’achèterai ce secret-là, dussé-je mourir insolvable !

Ils sortent.

Scène II

Devant la maison de Capulet.

Entrent Capulet, Pâris et le clown.

CAPULET

Montague est lié comme moi, et sous une égale caution. Il n’est pas bien difficile, je pense, à des vieillards comme nous de garder la paix.

PÂRIS

Vous avez tous deux la plus honorable réputation ; et c’est pitié que vous ayez vécu si longtemps en querelle… Mais maintenant, monseigneur, que répondez-vous à ma requête ?

CAPULET

Je ne puis que redire ce que j’ai déjà dit. Mon enfant est encore étrangère au monde ; elle n’a pas encore vu la fin de ses quatorze ans ; laissons deux étés encore se flétrir dans leur orgueil, avant de la juger mûre pour le mariage.

PÂRIS

De plus jeunes qu’elles sont déjà d’heureuses mères.

CAPULET

Trop vite étiolées sont ces mères trop précoces… La terre a englouti toutes mes espérances ; Juliette seule, Juliette est la reine espérée de ma terre. Courtisez-la, gentil Pâris, obtenez son cœur ; mon bon vouloir n’est que la conséquence de son assentiment ; si vous lui agréez, c’est de son choix que dépendent mon approbation et mon plein consentement… Je donne ce soir une fête, consacrée par un vieil usage, à laquelle j’invite ceux que j’aime ; vous serez le très bienvenu, si vous voulez être du nombre. Ce soir, dans ma pauvre demeure, attendez-vous à contempler des étoiles qui, tout en foulant la terre, éclipseront la clarté des cieux. Les délicieux transports qu’éprouvent les jeunes galants alors qu’Avril tout pimpant arrive sur les talons de l’imposant hiver, vous les ressentirez ce soir chez moi, au milieu de ces fraîches beautés en bouton. Écoutez-les toutes, voyez-les toutes, et donnez la préférence à celle qui la méritera. Ma fille sera une de celles que vous verrez, et, si elle ne se fait pas compter, elle peut du moins faire nombre, Allons, venez avec moi…

Au clown.

Holà, maraud ! tu vas te démener à travers notre belle Vérone ; tu iras trouver les personnes dont les noms sont écrits ici, et tu leur diras que ma maison et mon hospitalité sont mises à leur disposition.

Il remet un papier au clown et sort avec Pâris.

LE CLOWN, seul, les yeux fixés sur le papier.

Trouver les gens dont les noms sont écrits ici ? Il est écrit… que le cordonnier doit se servir de sa verge, le tailleur de son alêne, le pêcheur de ses pinceaux et le peintre de ses filets ; mais moi, on veut que j’aille trouver les personnes dont les noms sont écrits ici, quand je ne peux même pas trouver quels noms a écrits ici l’écrivain ! Il faut que je m’adresse aux savants… Heureuse rencontre !

Entrent Benvolio et Roméo.

BENVOLIO