Un professeur impeccable - Philippe Savina - E-Book

Un professeur impeccable E-Book

Philippe Savina

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Beschreibung

L’objectif principal de cet ouvrage est de démontrer l’importance cruciale de notre école en expliquant les diverses missions concrètes confiées aux professeurs. En s’appuyant sur son expérience dans l’éducation nationale, que ce soit en tant qu’instituteur, professeur de collège et de lycée, inspecteur de l’éducation nationale ou formateur universitaire, l’auteur met en lumière les aléas d’une profession souvent entachée de préjugés. Il explore les difficultés auxquelles les enseignants sont confrontés depuis des décennies, exacerbées par des décisions politiques qui ont fragilisé l’école, tout en mettant en avant des moments inoubliables de reconnaissance et de plaisir. Quel sera l’avenir de notre système éducatif ? Les enseignants retrouveront-ils la reconnaissance qu’ils méritent ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ayant participé au mouvement La main à la pâte en publiant des classeurs thématiques et co-auteur dans le cadre des ouvrages de préparation au concours Objectif CRPE, Philippe Savina a consacré sa vie à l’amélioration des conditions de formation contemporaines. Un professeur impeccable est le prolongement de ses écrits, l’aboutissement d’un croisement théorique multidisciplinaire.

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Couverture

Page de titre

Philippe Savina

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un professeur impeccable

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Philippe Savina

ISBN : 979-10-422-3486-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Dédicace

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À ma petite Geneviève

 

 

 

 

 

L’intention de cet écritest d’évoquer des souvenirs, pas dedonner une leçon ou de mettre uniquement en évidence des constats. C’est une œuvre très modeste, qui a permis de marquer, de changer des êtres sans qu’ils vous appartiennent. Il ne s’agit pas de gonfler son ego, mais de mettre en évidence les points positifs et négatifs de son action. Une œuvre personnelle, invisible, mais utile et généraliste, discrète, mais sincère, sans prétention péremptoire, mais humble. Le regard commun porté sur les enseignants du premier degré a contribué à une perte de dignité qui a été accentuée par une multitude de tâches traitées inévitablement de façon insatisfaisante personnellement. L’école publique est légitime, indispensable pour lutter contre l’ignorance et sa valeur dépasse les lois du marché. Elle a ses défaillances, mais elle équilibre les rapports humains en construisant une société tournée vers les savoirs essentiels à la réflexion. Notre école est formidable, elle a résisté à des choix politiques divers, à des diagnostiques parfois alarmants, prévisibles occultant le gap immense entre sa mission première d’instruction et ses missions d’éducation qui ont explosé en quatre décennies. Ce récit ne reflète pas une bien-pensance, mais plutôt un essai de bienfaisance, basé sur des faits.

 

Les instants de découragement et les rentrées anxiogènes sont récurrents. Les moments de détresse sont cycliques, d’amplitudes variables, devant les tâches multiples à relever. L’école publique doit être préservée, car c’est le lieu rare de relations humaines, d’apprentissages de la vie. Le politique l’a malmenée par des missions de plus en plus chronophages, empilées et cadrées par une profusion excessive de textes officiels, la densification institutionnelle devient anxiogène. Les tâches sociétales ont été multipliées au détriment des apprentissages disciplinaires rigoureux. L’impression d’échecs est due à un management instable, parfois, peu expérimenté du milieu scolaire réel. J’ai toujours été étonné par la doxa avec son florilège d’opinions injustes concernant les enseignants et la gestion des classes. Les conceptions erronées sont vite dépassées par l’explicitation du fonctionnement d’une classe et la pratique permet de recadrer les lieux communs. Il est commun de voir des parents d’élèves comprendre la complexité d’une classe en se retrouvant eux-mêmes professeurs des écoles.

 

Les maladresses, voire les irresponsabilités des acteurs politiques ont su stigmatiser les enseignants, confondant des propositions pusillanimes, séduisantes électoralement, au détriment d’une communication courageuse mettant en évidence la vie d’une classe avec tous les défis et la réflexion intellectuelle quotidienne. Le politique a su laisser s’installer un mépris de l’enseignement public tant intellectuellement, qu’économiquement. L’ambition personnelle, promotionnelle est un leurre provisoire quand elle est déconnectée du bienfait social. La fausse compassion enterre l’avenir lorsqu’elle mine régulièrement l’école par une opinion publique intégrant des présuppositions admises collectivement, des préjugés sans fondement et quelquefois des mensonges. Les avis succincts, infondés, se sont substitués à l’objectivité de l’analyse. Les erreurs politiques arrivent, seuls les orientations et les résultats sont à analyser. L’interprétation des faits doit être objective, une manipulation de données mise en évidence par un responsable induit inévitablement une défiance.

 

La prolifération de discours diagnostiquant l’état de l’école est consternante. En observant attentivement, il est flagrant que des personnes qui fustigent le pédagogisme, qui préconisent la différenciation n’ont jamais mis les pieds dans une classe du premier degré. Le foisonnement d’avis livresques, le pullulement d’opinions fondées sur une doxa injustifiée fragilisent le monde de l’enseignement. Il existe une pléthore d’affirmations provenant d’individus qui n’ont jamais enseigné dans une classe de l’école primaire. Les personnes qui ont été confrontées à la gestion d’une classe maternelle ou élémentaire comprennent toutes les difficultés rencontrées. La recherche de solutions aux problèmes pratiques correspond à l’attente des enseignants et la reconnaissance des enseignants formés, les remerciements à la fin des cours sont gratifiants. L’invisibilité institutionnelle des professeurs est sidérante, vous pouvez passer des années à enseigner sans faire de vagues et vous fondre dans une masse indiscernable. L’effet stroboscopique masque la complexité de l’interprétation de la fonction d’enseigner qui se trouve affectée par une perception apparente.

Extrait de messages d’étudiants :

 

 

Les instants de mécontentements n’effacent pas le respect des institutions, pas question de dénigrer un représentant de l’état, toujours garder cette loyauté professionnelle, parfois envahissante. L’éducation nationale est devenue un lieu de décharge où des insatisfactions sociétales s’entremêlent avec des attentes intellectuelles utopiques.

 

La séduction des écoles de commerce supplante l’attrait pour les écoles du professorat, comme un révélateur du mépris de l’enseignement. Le traitement d’une école de sciences politiques, élitiste sur un même site que l’INSPE montre clairement l’orientation des priorités. La formation des professeurs des écoles, notamment en sciences, s’est détériorée comme le montre la restriction des salles de classe dédiées à cet enseignement. La maison des sciences qui était prévue s’est mutée en des salles indifférenciées, gaspillant les moyens alloués pour l’achat de matériel scientifique. Le futur de l’enseignement des sciences à l’école s’est obscurci en quelques années en niant l’avenir du monde des sciences et de la technologie, un de nos points forts. La profusion de théories complotistes, le manque de scientificité des discours méritent d’être traités dès la maternelle par une exploration du monde et des objets rigoureuse. L’investigation est un apprentissage indispensable pour comprendre le monde et sa minoration aura des conséquences immédiates sur les façons de penser des élèves.

 

La succession de ministres de l’Éducation nationale suscite l’espoir d’un renouveau, d’une renaissance de l’école, à chaque fois, la même désillusion. L’enseignant s’est retrouvé isolé et mis en valeur par nécessité. La responsabilité politique éducative fluctuante, voire inexistante, a conduit à l’effritement des conditions d’enseignement. Les prémisses d’une prise de conscience de l’état de l’école ont émergé en septembre 2023, avec la nomination d’un nouveau ministre de l’Éducation. Les premières mesures courageuses apparaissent avec la restauration de l’autorité des professeurs.

 

L’école publique avec tous ses maux est l’ossature de notre société et reste la colonne vertébrale de l’évolution de nos idées certes contradictoires, mais indispensables. Les professeurs des écoles sont les acteurs essentiels, dans l’ombre, souvent méprisés à tort. Ils représentaient les hussards noirs, ils sont devenus les boucs émissaires de directives fluctuantes quand elles existent et des fonctionnaires dévalorisés. Il est indispensable en tant que professeur des écoles de savoir prendre de la hauteur, dépasser souvent le regard méprisant d’autrui. L’essentiel est de construire un monde sans violence ni haine fondé sur une ouverture culturelle, tolérante. L’ambition est intérieure, humaniste, cognitive et elle dépasse l’obsession d’un pouvoir illusoire lorsque la finalité est uniquement promotionnelle. La tâche est devenue immense sans véritable reconnaissance sociétale. La vision utilitaire prédomine avec toutes les exigences consuméristes. L’échec n’est pas à assumer personnellement, mais devient un dysfonctionnement de l’institution.

 

Nous avons un enseignementde qualité d’un point de vue humain, certes il est toujours possibled’améliorer son efficacité. L’engagement est d’abord individuel, avec des convictions personnelles, sans attendre un remerciement de l’institution. Le réseau de communication est très riche, les chaînes interactives doivent être non seulement ouvertes, mais réfléchies, évolutives et humanistes.

 

Il est vrai que cela fait plaisir de recevoir un courrier vous remerciant de l’investissement mis au service de l’université et des étudiants, cependant cela reste une lettre collective, dans le fond et dans la forme.

 

Le monde de l’éducation est un ensemble de personnalités différentes, humanistes, opportunistes, ambitieuses, d’opinions divergentes, mais préservant une cohérence.

 

Le titrede cet essai, de ces souvenirsprovient des étudiants de master MEEF qui m’ont qualifié ainsi. C’est la meilleure récompense que je pouvais recevoir et la plus gratifiante. Cet écrit n’a aucune prétention intellectuelle, c’est un extrait d’une vie professionnelle passionnante.

Cependant, le discours récurrent, doutant des enseignants, est injuste. J’ai observé des parents d’élèves, ayant passé le concours de professeurs des écoles, changer d’avis à propos de l’enseignement dans le premier degré. La gestion d’une classe multiplie les difficultés liées à la construction des savoirs, à la différenciation adaptée aux élèves, à l’inquiétude légitime des parents…

Ce qui est questionnable, c’est l’exploitation des enseignants, comme responsable des maux de notre société. Il m’est arrivé d’intervenir dans différentes universités (UVSQ, Nanterre, Orsay…) dans l’intérêt des étudiants, sans naïveté concernant les demandes intéressées des universités.

 

En passant devant les écoles, j’ai toujours une pensée pour les élèves et les professeurs. Que de conceptions erronées à propos des enseignants persistent et entachent une fonction essentielle.

Il est primordial de garder une confiance vigilante aux enseignants et un regard positif sur leurs fonctions essentielles.

 

Il est vrai que nous vivons une période instable, avec des constats évidents de malaise social, mais peu de solutions adaptées en référence à notre histoire. Un être providentiel, jeune, seul ne peut réussir individuellement. Du sang neuf n’est pas une solution innée, ce sont des idées innovantes, réalisables qui doivent émerger. La reprise d’idées anciennes, recyclées, ne suffit plus. La complexité des rouages et des engrenages mérite un instant de réflexion. Il ne suffit pas de détruire sans idée de reconstruire. Le management doit être expérimenté avec une connaissance élargie de l’école.

 

L’école primaire vaut la peine de se battre pour elle, individuellement par conviction, pour donner du sens au travail. L’enseignant du premier degré doit résister à la bêtise des ignorants, à la suffisance de quelques pseudo-intellectuels qui le méprisent sournoisement.

 

La reconnaissance des étudiants et des élèves a été une source d’énergie régulière et renouvelable permettant de dépasser souvent les incompétences récurrentes d’une hiérarchie. C’est la réussite des professeurs des écoles, des étudiants et des élèves qui est l’indicateur à privilégier lors de sa pratique professionnelle. La confiance en un encadrement s’est estompée au cours des années. Si j’ai rencontré quelques inspecteurs et plus largement des personnels encadrants, des professeurs suscitant l’admiration, le souci reste de mettre en place des directives par des cadres motivés par l’intérêt des apprenants, non par leur promotion.

J’avais au début de ma carrière une confiance en la hiérarchie, puis, petit à petit j’ai glissé vers une attitude libertaire, en mettant à distance des directives opaques. Ma priorité était les élèves et les étudiants, pas mon avancement. J’ai toujours gardé une loyauté et un devoir de réserve, mais j’ai toujours pensé à l’avenir des élèves. Ces élèves vous prennent tout votre temps et il est possible de s’interroger sur l’accumulation de fonctions qui justifie une promotion.

 

C’est en septembre 1981 que j’ai effectué mes premiers tâtonnements dans l’enseignement, avec de grandes idées innovantes, voire naïves, beaucoup d’empathie et des certitudes corrosives. Ces envies d’apporter de nouveaux modèles pour résoudre les problèmes, cette force, fondée sur des qualités humaines, qui propulse loin. Cette indépendance réflexive qui agace les cheminements stéréotypés condescendants, les courants porteurs, unidirectionnels, sécurisants conduisant aux mêmes démarches paralysantes.

Il n’est pas question de démolir notre système scolaire en lequel je crois et qui est constitué d’acteurs passionnés. Cependant, il est indispensable de mettre en évidence quelques carences identifiées pour éviter la mise en cause d’enseignants en majorité compétents.

 

 

 

 

 

Une approche de la communauté éducative

 

 

 

La fonction de surveillant d’externat au lycée technique de Mantes-la-Jolie a été une première approche de l’éducation nationale. Cette activité est essentielle pour maintenir un équilibre relationnel avec les élèves. Il n’y a pas d’échelle de valeurs, mais une complémentarité des interventions. J’ai le souvenir d’un censeur qui était passionné par l’enseignement technique. Son évaluation approximative spontanée m’a laissé un questionnement quant à l’erreur d’appréciation des collègues. Certes, le temps a permis l’évolution d’une conception totalement erronée.

Concernant les élèves, il y avait une motivation pour apprendre, avec une approche responsable. La dérive, c’est-à-dire l’influence extérieure qui perturbe le fonctionnement d’un lycée, doit être traitée rapidement. Les attaques au mortier doivent être sanctionnées rapidement. Il n’est pas possible de faire semblant de ne pas voir la propagation de phénomènes intempestifs. Il semble plus facile de cadrer des étudiants lors d’une manifestation, que de cadrer des dérives territoriales. En fait, j’ai été surpris par la facilité qu’ont des individus à propager un climat d’insécurité, voire d’imposer leur pouvoir sur des personnes respectant des normes sociales.

 

Étant surveillant d’externat, du jour au lendemain, il m’est proposé par la Direction, de prendre en charge des classes de Terminale technique, la succession de remplaçants aboutissait à un abandon récurrent. À l’époque, le poste de surveillant d’externat permettait une aide au financement des études et il était impératif de ne pas se laisser leurrer par la facilité apparente de la rémunération. Il y avait le bac à la fin de l’année donc il fallait s’engager, construire les cours sans aucune expérience, sans aucun aide, sans aucune formation. Quelle idée d’accepter cette mission ! Pourtant je garde un bon souvenir de ces élèves de Terminale F3 compréhensifs, alors que c’était une tromperie pour eux, comme pour moi. Il y avait une confiance et un respect dans ce lycée technique Jean Rostand à Mantes-la-Jolie qui semble malmenée ces derniers jours. Les difficultés sociales ne justifient plus les atteintes à l’école. Il y a quarante ans les menaces contre l’institution étaient rares, cependant le seuil de tolérance a été sans cesse relevé par souci d’un apaisement illusoire. Je me souviens de cet élève qui m’avait menacé de revenir avec sa bande des Mureaux pour m’intimider. Je n’avais pas cédé, mais l’agression verbale surprend toujours. On n’est pas préparé à subir ces affronts et doit-on être formé à être confronté à ces violences verbales, voire physiques ? Il n’est pas possible de prendre l’habitude d’anticiper les éventuelles altercations aléatoires. L’amplitude des incidents récurrents au lycée technique de Mantes-la-Jolie est récente et la conséquence d’un manque de fermeté quant aux réponses apportées.

 

Le parcours d’enseignant est parsemé d’instants dichotomiques, mêlés d’optimisme et de doutes. Le potentiel indispensable permet de rebondir et de retrouver l’équilibre apaisant, régulièrement.

À l’époque, dans ce lycée technique de Mantes-la-Jolie, il y avait un conseiller d’éducation dynamique, plein d’humour, bien intégré depuis plusieurs années, peut être depuis un peu trop longtemps. Notre activité professionnelle peut s’ancrer dans un établissement, elle exige aussi d’appartenir à un réseau où interfère le milieu familial, les interactions avec les autres… Le monde de l’enseignement essaie de construire l’édification de notre société, il nécessite des qualités humaines et se démarque du monde des marchés. Ce conseiller m’avait surpris lors du décès d’un de ses cousins, en ne ressentant rien. La réussite matérielle est incluse dans un autre registre où l’individualisme et souvent la cupidité sont les moteurs. Il n’y a pas de comparaison à faire, c’est un choix de vie. Son addiction aux jeux de hasard l’a détruit en l’entraînant à une addiction à l’alcool. Il y a des instants d’égarement liés à ce désir d’argent. Cet instituteur, qui avait puisé dans une caisse de l’école, traînait cet écart au regard du collectif et de lui-même. Il était important de reprendre sa fonction en dépassant cet acte répréhensible lors d’un moment de fragilité. On a bien vu un homme prélever, voire piller des vestiges cambodgiens et devenir ministre de la Culture. L’être humain est plus ou moins cabossé par la vie, la résilience permet de continuer à vivre avec ses accidents de la vie, mais pas d’oublier. La fragilité d’enseignants est prégnante et j’ai le souvenir de ce collègue qui, un lundi matin, est venu dans sa classe, puis est parti dans le nord et s’est jeté d’une falaise. La désespérance peut envahir une personnalité, accentuée par la solitude. Une approche humaine sincère est sollicitée constamment, une ouverture tranquillisante, sécurisante.

 

 

 

 

Une expérience dans le premier degré :

 

Ce qui vous guide est un ensemble de convictions, de qualités humaines et peu de certitudes. Ma première expérience en élémentaire a été une classe de perfectionnement où se trouvait les élèves en difficultés de chaque niveau. Ce qui m’a toujours surpris, c’est d’être confronté, sans formation, à des apprenants multipliant des troubles comportementaux divers. À l’époque, le problème de l’école inclusive était déjà implicitement soulevé. Un enseignant spécialisé m’avait dit qu’il était préférable de mettre les élèves de perfectionnement, dans un établissement, à part, pour éviter le rejet de ces élèves par les autres et la prise de conscience de leur échec dans ce système scolaire.

Mon premier poste était cette classe de perfectionnement où étaient regroupés tous les élèves en difficultés du CP au CM2, avec une fragilité sociale évidente. L’échec scolaire, les profils psychologiques atypiques, déclinaient une série de questionnement mêlée d’empathie. De la petite fille en CP qui mimait régulièrement une séance de maquillage, comme pour aller en « boîte » à l’adolescente qui traitait sa mère de « pute » périodiquement, l’immensité de la mission entraînait irrémédiablement cette sensation d’incompétence et de perte de dignité. L’enseignement était sporadique, dévalorisant au niveau de l’efficacité et l’impuissance compensée par l’affect. Les visages de ces élèves restent intacts des dizaines d’années après, la tromperie institutionnelle était évidente, pourtant il fallait bien accepter de les prendre en charge. La gratitude authentique, cyclique des élèves, des étudiants, est l’inoubliable valorisation individuelle de la fonction.